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mardi 16 avril 2019

Privatisation d’Aéroports de Paris : enfin, ça réagit au Parlement !


Un aéroport n’est pas un centre commercial, c’est un aéroport !

Discussion avec un collègue : mais enfin, pourquoi tu es contre la privatisation d’ADP . Un aéroport c’est juste un centre commercial ! J’avoue, j’en suis resté un peu quoi ! Manque d’habitude sans doute, manque d’intérêt, manque de foi certainement dans le discours libéral dans sa plus grande finesse !

Pourtant, je n’aurais pas dû être surpris tant, mais j’avais du mal à le croire, l‘argument figure comme l’élément de langage préférentiel répété en boucle par les macronistes qui ont décidé la privatisation d’ADP : « gérer un centre commercial n’entre pas dans les missions de l’Etat.

Cet aveuglement libéral est assez révélateur, qui consiste à confondre mission et rendement, ce qui doit être fait et ce qui rapporte, intérêt social et intérêt financier et au fond, à nier la notion même de service public ou d’activité stratégique.

Donc, un aéroport ça sert d’abord à faire décoller et atterrir des avions ! Punkt ! C’est son objet social si l’on veut, sa mission.

Les Chinois, lorsqu’à travers le programme des Nouvelles Routes de la Soie (One Belt, one Road, OBOR), ils prennent le contrôle de ports, d’aéroports, de voies ferrés… ce ne sont pas des centres commerciaux qu’ils achètent. Pas très libéraux, ils ont eux encore une pensée stratégique, géostratégique, industrielle. Une stratégie, un plan ! Pas simplement le maximum de bénéfices dans le plus court laps de temps…

Pour mémoire, Aéroports de Paris, ce sont  les plus gros aéroports français : Roissy-Charles-de-Gaulle (72,2 millions de passagers), Orly (33,1 millions de passagers), Le Bourget et une dizaine d’aérodromes ;

C’est le premier propriétaire foncier d’Ile-de-France, grâce aux 6 686 hectares des aéroports, dont 411 hectares sont disponibles. Il détient aussi plus d’un million de mètres carrés de bâtiments, hangars, hôtels, bureaux, etc. ;

C’est encore une filiale dans la téléphonie (Hub One) ; des participations dans le capital de nombreux aéroports internationaux, soit directement (Zagreb, Santiago, Amman, Maurice, etc.), soit par le groupe TAV Airport (Istanbul Atatürk, Antalya, Izmir, etc.) 

 C’est surtout la voie d’entrée majeure sur le territoire français : les aéroports de Paris reçoivent un peu plus de 100 millions de touristes par an - le deuxième aéroport, Nice, est très loin derrière avec 14 millions. C’est la frontière la plus fréquentée de France, avec ce que cela entraine en termes d’enjeux de sécurité, de terrorisme, de surveillance douanière et des trafics (drogues, humains..), d’immigration.

C’est enfin le hub central de la compagnie nationale Air France, qui risque de voir menacés les avantages en termes de créneaux, de coûts, de services et autres  dont elle bénéficie…

Et enfin, ce sont aussi des centres commerciaux importants, avec 386 boutiques et services, qui ont rapporté, à eux seuls, 1 milliard d’euros en 2018. Cette activité est déjà largement privée- les magasins de ces centres commerciaux ne sont pas des boutiques d’Etat proposant la production des sovkhozes de la Brie.  Soulignons d’ailleurs que cette activité mise en avant par les partisans de la privatisation n’est même pas économiquement l’activité dominante puisque  ADP génère un chiffre d’affaires de près de 4,5 milliards d’euros – la plus grande part provenant des activités aéronautiques en France (1,89 milliard). Par ailleurs, le fait de rapporter de l’argent à l’Etat fait partie des missions de l’Agence des participations de l’Etat : avec des bénéfices de plusieurs centaines de millions d’euros par an (610 en 2018), ADP répond à l’objectif de « la valorisation dans la durée du patrimoine des Français ».

Alors pourquoi  privatiser ADP ? L’escroquerie à l’innovation !

Ben, à part l’idéologie ou le besoin de faire plaisir à des amis (Il va falloir dédommager Vinci pour l‘abandon de Notre Dame des Landes), ou la politique à très courte vue, on ne voit pas bien.
Surtout que le prétexte affiché, récupérer de l’argent pour créer un fonds de 10 milliards d’euros afin de financer l’innovation, ne tient pas un seul instant.  « Ce fonds doit notamment permettre à la France de se muscler dans l’intelligence artificielle et de « garder sa souveraineté technologique » face aux Chinois et aux Américains, souligne le ministre de l’Économie Bruno Le Maire ». Innovation, Intelligence artificielle, les mots magiques…

Sauf que ça ne tient pas debout et que la manip était déjà dénoncée dans le rapport de la mission parlementaire d’information sur Alstom et la stratégie industrielle du pays (Mission Bourquin, octobre 2018). Citations :

« Le Président de la République a annoncé la création prochaine d’un fonds pour l’industrie et l’innovation qui serait doté de 10 Md€, constitué grâce à la cession de participations de l’État dont les caractéristiques restent à déterminer précisément (Aéroports de Paris, Française des Jeux, Engie, etc.) et dont la gestion serait assurée par Bpifrance. Or, les objectifs de ce fonds et ses modalités de fonctionnement sont encore flous. Quand le Gouvernement a annoncé sa création, on a d’abord pu croire qu’il s’agissait de céder 10 Md€ de titres et d’investir cette somme considérable dans l’innovation. Puis, il a finalement été expliqué que cette somme ne serait pas investie dans l’innovation mais placée. Au final, seuls les revenus générés par ce placement seraient donc effectivement investis dans l’innovation, soit environ 200 M€ par an.

Votre mission est dubitative face au montage proposé. Si elle est extrêmement favorable à une initiative forte pour financer l’innovation de rupture, elle ne comprend pas l’intérêt financier de céder des titres dont le rendement est de 3,5 % l’an, voire 4,1 % (si l’on considère le portefeuille de l’État, hors énergie) pour les placer à un taux de 2 à 3 %. Il serait plus judicieux financièrement, et plus simple en pratique, d’affecter directement une partie des dividendes générés par le portefeuille de l’État au financement de l’innovation.

Les montants en jeu interrogent également. S’il s’agit effectivement de financer l’innovation de rupture, ce ne sont pas les 200 M€ annuels issus du nouveau fonds qui vont permettre de changer d’échelle. La mission a également du mal à saisir ce qu’apportera réellement ce nouveau fonds dans le paysage institutionnel morcelé du soutien public à l’innovation.

Alors quoi, pourquoi ? C’est sans doute ce que commencent à se demander un certain nombre de parlementiares, de toutes les oppositions ( Républicains, Socialistes, et, cas unique France Insoumise et Rassemblemet National !) : Deux cent dix-huit parlementaires ont signé un texte contre la privatisation du Groupe ADP, anciennement Aéroports de Paris, première étape pour l’organisation d’un référendum d’initiative partagée, mardi 9 avril.

Gageons que cela ne fera que mettre en évidence l’extrême difficulté à organiser les Referendum d’Initiative Partagée (demande signée par un cinquième des parlementaires et 10% du corps électoral (soit 4,5 millions de citoyens). Le recueil des soutiens est réalisé pendant neuf mois par le Ministère de l’intérieur via le site referendum.interieur.gouv.fr.) 

Et que la seule solution, c’est la mise en place d’un Referendum d’Initiative Citoyenne.

Tiens, et puis, ça serait pas mal qu’il se passe la même réaction à propos de ce scandale et ce danger que constitue ma privatisation des barrages hydrauliques.


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