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dimanche 5 mai 2019

EDF : le projet Hercule ne nous rendra pas plus fort. Mille bras pour le combattre !


EDF : « Nous sommes dans une opération classique de démantèlement du service public » 

Que va devenir EDF ? Un projet Hercule circule, souvent présenté comme de renationalisation. Dans une remarqueble trinune sur Polony.tv (https://polony.tv/rencontres/aurelien-bernier), l’essayiste Aurélien Bernier, auteur en 2018 de « Les voleurs d'énergie. Accaparement et privatisation de l'électricité, du gaz, du pétrole, (Utopia) affirme au contraire : « Nous sommes dans une opération classique de démantèlement du service public »/ Principaux arguments :

« Nous sommes dans une opération classique de démantèlement du service public, dans laquelle intervient une donnée particulière : l'importance du parc nucléaire français. Or, l'activité nucléaire en France n'intéresse pas (en l'état) le secteur privé, car elle n'est pas assez rentable. Avec plus de 60 milliards d'euros de dettes et 100 milliards d'investissements à réaliser d'ici 2030 selon la Cour des comptes, on comprend que le privé se montre timide alors qu'à l'inverse il veut faire main basse sur l'hydroélectricité, les centrales thermiques ou les énergies renouvelables ». En clair, le nucléaire est un frein à la privatisation d'EDF. :

(NB : Ce n‘est pas la rentabilité du nucléaire qui est en question- il est extrêmement rentable, les pseudo-concurrents d’EDF ne cessent de parler de rente nucléaire, mais le niveau d’investissement nécessaire – ben oui, le privé veut exploiter au maximum et investir au minimum, et les exigences légitimes de sécurité- il n’est pas très raisonnable de confier le nucléaire au secteur privé et l’opinion y est justement hostile)

« L'idée est donc de garder publique l'activité nucléaire d'EDF et même de la renationaliser, puisque aujourd'hui, environ 16 % d'EDF sont détenus par des investisseurs privés. On « isole le risque nucléaire », comme on le fait dans la finance lorsqu'on crée une « structure de défaisance » pour y héberger des actifs dont plus personne ne veut. Mais « en même temps », on filialise les autres activités : la distribution, la commercialisation, les services énergétiques, les énergies renouvelables. Et ces filiales, on peut ensuite les brader en Bourse comme on l'a fait à l'époque (2008) pour Gaz de France. Cela prouve bien que les libéraux savent se montrer inventifs lorsqu'il s'agit de dépecer un service public.

Et n'oublions pas que le Royaume-Uni de Margaret Thatcher a lui aussi commencé à privatiser l'électricité en gardant le nucléaire sous contrôle public. Le démantèlement du secteur électrique débute en 1984 et à l'époque, les conservateurs jurent que le nucléaire doit rester propriété de l’État. Il sera vendu (à EDF) en 1996.

Ce qui est formidable, c'est que le schéma de « réorganisation » d'EDF dont nous parlons aujourd'hui est mis au point par un groupe de grandes banques (dont JP Morgan, la Société générale…) et d'établissements financiers. Parmi eux, on trouve notamment le groupe financier franco-allemand Oddo, qui fut l'un des premiers concurrents privés d'EDF via sa filiale Oddo Power qui achetait de l'électricité en Bourse et la revendait aux entreprises françaises. »

La concurrence « libre et non faussée » ne marche pas. Il faut donc démanteler le service public et favoriser artificiellement le privé

« En Europe, et surtout en France, les prix de l'électricité sont encore trop bas pour attirer massivement les investissements privés. EDF est encore très majoritaire : elle détient plus de 80 % des contrats de fourniture d'électricité. Pour les libéraux, c'est un échec. La concurrence « libre et non faussée » ne marche pas. Il faut donc démanteler le service public et favoriser artificiellement le privé. C'est l'objectif du plan Hercule, mais aussi de l'augmentation des tarifs.

Le grand bradage des concessions hydrauliques

Il est également prévu que la France privatise des barrages hydroélectriques en grand nombre. En France, la plupart des installations hydro-électriques sont concédées par l’État à des opérateurs. Jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, ce sont principalement des compagnies privées. Après la nationalisation de 1946, il ne reste que trois concessionnaires: EDF, pour environ 80 % des sites, la Compagnie nationale du Rhône (CNR) et la Société hydroélectrique du Midi (Shem). Engie a déjà racheté la Shem et détient 49,97 % du capital de la CNR. Mais EDF contrôle toujours l'essentiel de la production, ce qui est intolérable pour les ultralibéraux et pour l'Union européenne en particulier.
Bruxelles réclame donc qu'il y ait une mise en concurrence pour le renouvellement des concessions. Macron et Philippe négocient dans l'opacité la plus totale, mais nous avons quelques fuites. Et nous savons là encore que la concurrence ne sera pas « libre et non faussée » : le gouvernement et Bruxelles veulent réserver un partie des concessions au privé. Concrètement, ils veulent interdire à EDF de postuler sur une partie des sites. Les candidats déclarés à la reprise sont de grands énergéticiens étrangers (le Suédois Vattenfall, le Suisse Alpiq...) ou français (Total, encore elle).

Quand on sait que le coût de la production hydroélectrique est le plus faible qui soit, bien inférieur à celui du nucléaire, on comprend qu'il s'agit d'une grande braderie. Les gens qui organisent cela sont de purs idéologues. Des rapaces ou des traîtres, selon qu'ils se situent dans la sphère économique ou dans la sphère politique.

Y échapper est impossible, sauf à rompre avec l'Union européenne. Le droit européen, donc les directives sur l'énergie, priment sur le droit national. Si l'on s'y tient, l'ouverture à la concurrence est juridiquement inévitable.

Remarque  : le sujet des concessions hydrauliques a été traité plusieurs fois sur ce blog (cf notamment https://vivrelarecherche.blogspot.com/2018/02/politique-energetique-la-trajectoire-du.html) C’est un scandale très inquiétant, car une concession hydraulique, c’est tout d’abord une énergie pilotable compensant (très partiellement en France) le caractère discontinu des renouvelables- que se passe-t-il si un exploitant retient l(eau pour attendre un tarif spot plus élevé). C’est aussi tout un service public de l(eau pour les agriculteurs, les riverains, etc. Et c’est aussi une énergie dangereuse – les ruptures de barrages ont fait plus de victimes que le nucléaire)

C'est un suicide écologique, industriel et démocratique

« Cette histoire de la privatisation de l'énergie par l'Union européenne est totalement ubuesque. Et le résultat est extrêmement grave. Non seulement on brade le patrimoine public, non seulement on prend le risque de renforcer les inégalités sociales et territoriales, mais on accepte surtout de transférer au privé la définition des stratégies énergétiques. Alors qu'on nous parle tous les jours de transition énergétique, on en confie la responsabilité à des groupes comme Total, qui agiront en fonction des cours de Bourse et des dividendes qu'ils pourront en retirer. C'est un suicide écologique, industriel et démocratique. »

Tirs croisés : Hercule fait aussi l’objet de sévères critiques du libéral Elie Cohen, qui sur Telos (https://www.telos-eu.com/fr/nationaliser-edf.html ) dénonce une situation absurde.  Extraits

« L’Etat privatise pour se désendetter et nationalise en s’endettant … Comme bien souvent lorsque de tels projets fuitent, on a du mal à trouver une rationalité lisible aux projets étatiques. »

Remarque : En, Effet ! mais cette absurdité n’est que la conséquence rationnelle d’une absurdité plus grande encore, celle de la politique de libéralisation de l’énergie !

« La solution qui semble s’esquisser consiste à renationaliser EDF pour un coût minime, puis à constituer une société filiale autour des services, des réseaux de distribution et du renouvelable et de privatiser partiellement cette filiale….L’intérêt de cette formule serait double : cantonner les actifs et les dettes du nucléaire et de l’hydraulique dans une structure contrôlée à 100% par l’État ce qui permet de renvoyer à l’État le risque de la dette et des investissements futurs, autonomiser les activités de marché et de renouvelables dans une entité partiellement privatisée et qui pourrait fusionner avec une société sœur en Allemagne ou ailleurs. »
Mais il faut aller au fond des choses. Si la nationalisation est la solution, quels problèmes entend-on vraiment régler ? Ceux d’une entreprise soumise à des injonctions contradictoires ! L’entreprise est prise dans un nœud de contradictions qui ne cessent de s’aggraver et qui tiennent en partie contradictoires de l’État. »

« La France a fait dans le cadre européen le choix de la libéralisation du marché de l’énergie. »

  (Remarque : ah bon, qui a donc a décidé de de ce choix ? Il a été en réalité imposé par la secte libérale au pouvoir à Bruxelles !)

« Avec un mix électrique à 75% en nucléaire amorti, il ne peut y avoir de nouveaux entrants et donc de concurrence faite à EDF. La solution a donc consisté à donner aux concurrents d’EDF l’option d’acheter le quart de sa production nucléaire à 42€ le MW/H (ARENH). Lorsque les prix de gros sont supérieurs à l’ARENH les concurrents d’EDF exercent leur option, lorsque les prix sont plus bas ils se fournissent sur le marché. Ainsi EDF subventionne ses concurrents pour qu’ils lui prennent des parts de marché, elle renonce à une partie de sa rente sans compensation quand les prix de gros faiblissent alors qu’elle doit assurer seule les coûts des exigences grandissantes de sûreté. »

Remarque : Bravo, pour cette critique tout à fait claire et pertinente de l’absurdité de la politique de libéralisation de l’électricité !

« La France n’a pas renoncé aux tarifs réglementés malgré les engagements pris en matière de libéralisation »

Remarque (Hou là, c’est pas gagné ! ça c’est joué de très peu avec une magnifique et inhabituelle résistance du Conseil d’Etat face aux injonctions de Bruxelles)

« Chaque révision tarifaire est l’occasion d’un bras de fer entre l’État qui tire les prix vers le bas, le régulateur qui tient compte de l’évolution des charges et EDF qui essaie de desserrer l’étau des contraintes. En refusant pour des raisons politiques les hausses légitimes de tarifs, l’État multiplie les contentieux et affaiblit l’entreprise qu’il contrôle très majoritairement pas ailleurs. »
De plus dans le cadre des engagements pris pour la libéralisation du secteur, l’État a décidé de remettre sur le marché les concessions de barrages hydrauliques, privant ainsi EDF d’une source de revenus récurrents. »

 Remarque : Non, l’Etat n’a pas décidé, il a simplement une fois de plus cédé aux une injonction de la secte ultra libérale de Bruxelles

« Enfin la France a fait le choix de la libéralisation des entreprises de réseau contrôlées par l’État tout en préservant les acquis historiques des salariés du service public. C’est ainsi que l’ouverture du capital d’EDF s’est faite avec maintien pour l’essentiel du modèle social d’une entreprise publique alors même que les nouveaux entrants pouvaient concurrencer l’exploitant historique en construisant d’emblée une entreprise adaptée à la nouvelle donne. »

Remarque : Ben oui, à service public de l’électricité- car compte-tenu de ses contraintes de production et d’utilisation – qui aujourd’hui peut s’en passer ?), l’électricité ne peut être qu’un service public ;  à service public et à ses contraintes ( de sureté d’approvisionnement par tous temps, de sécurité, sociales, environnementales, économiques), une forme de statut public ! Qu’est-ce que ça a de choquant ?

« Ainsi EDF additionne les contraintes et subit des injonctions contradictoires : offrir son nucléaire amorti à ses concurrents et investir à grands frais dans le nouveau nucléaire, préserver les avantages sociaux et la cogestion avec la CGT tout en subissant la concurrence d’entreprises plus agiles, maintenir des tarifs bas et subir le coût des réglementations nouvelles… Le résultat prévisible de ces injonctions contradictoires est l’alourdissement de la dette, les pertes de parts de marché, le mur d’investissements »

M. Elie Cohen, vous qui êtes un libéral, merci de cette critique, l’une des plus pertinentes, complète et ravageuses contre la politique de libéralisation de l’électricité !

Le projet Hercule de démantèlement d’EDF n’en est qu’une conséquence absurde, une de plus, de cette plus grande absurdité par la secte libérale. Il constitue une « désintégration verticale » consistant à découper une activité auparavant « intégrée ». La production de gaz et d'électricité sont à l'origine des activités intégrées : c'est la même entreprise qui produit (ou importe), qui transporte et qui commercialise. D'un point de vue économique, c'est pourtant  le schéma le plus efficace, qui permet des économies d'échelle et une cohérence entre la production, les réseaux, le service aux consommateurs, les responsabilités sociales et environnementales !

Ajourons qu’en Angleterre, la même politique menée il y a déjà bien longtemps par Mme Thatcher a résulté en la mise au ghetto du nucléaire et la perte totale des compétences anglaises en ce domaine. Souhaitant aujourd’hui relancer une production nucléaire ( et on ne peut, d’un point de vue climatique que s’en féliciter, contrairement à l’Allemagne, l’Angleterre a elle rempli ses engagement climatiques en éliminant la quasi-totalité de ces centrales au charbon en moins de dix ans !), l’Angleterre dépend… de la France et de la Chine.

Réactions syndicales : Les fédérations syndicales de l'énergie (CGT, CFE-CGC, CFDT, FO) avaient déjà réaffirmé début juillet "leur attachement au caractère intégré" d'EDF. Vendredi, la CFE Énergies a mis en garde contre les "apprentis sorciers", plaidant pour "une régulation refondée" de l'entreprise, "avant tout confrontée à un problème de modèle économique". Les syndicats unanimes « considèrent que l'entreprise est viable en restant intégrée" et qu’une scission "accentuerait l'exposition" d'EDF aux prix de marché ; qu’ "isoler le nucléaire" pourrait signifier "la fin de la filière" (220.000 emplois),. ..

Donc, ll faut combattre Hercule ! avec mille bras ( sociaux, environnementaux, économique, de sécurité, de sureté, d’indépendance énergétique…)

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