EDF : « Nous sommes dans une opération classique de démantèlement
du service public »
Que
va devenir EDF ? Un projet Hercule circule, souvent présenté comme de
renationalisation. Dans une remarqueble trinune sur Polony.tv (https://polony.tv/rencontres/aurelien-bernier), l’essayiste
Aurélien Bernier, auteur en 2018 de « Les voleurs d'énergie. Accaparement et privatisation de l'électricité, du
gaz, du pétrole, (Utopia) affirme au contraire : « Nous sommes
dans une opération classique de démantèlement du service public »/
Principaux arguments :
« Nous
sommes dans une opération classique de démantèlement du service public, dans
laquelle intervient une donnée particulière : l'importance du parc nucléaire
français. Or, l'activité nucléaire en France n'intéresse pas (en l'état) le secteur
privé, car elle n'est pas assez rentable. Avec plus de 60 milliards d'euros de
dettes et 100 milliards d'investissements à réaliser d'ici 2030 selon la Cour
des comptes, on comprend que le privé se montre timide alors qu'à l'inverse il
veut faire main basse sur l'hydroélectricité, les centrales thermiques ou les
énergies renouvelables ». En clair,
le nucléaire est un frein à la privatisation d'EDF. :
(NB :
Ce n‘est pas la rentabilité du nucléaire qui est en question- il est
extrêmement rentable, les pseudo-concurrents d’EDF ne cessent de parler de
rente nucléaire, mais le niveau d’investissement nécessaire – ben oui, le privé
veut exploiter au maximum et investir au minimum, et les exigences légitimes de
sécurité- il n’est pas très raisonnable de confier le nucléaire au secteur
privé et l’opinion y est justement hostile)
« L'idée
est donc de garder publique l'activité nucléaire d'EDF et même de la
renationaliser, puisque aujourd'hui, environ 16 % d'EDF sont détenus par des
investisseurs privés. On « isole le risque nucléaire », comme on le fait dans
la finance lorsqu'on crée une « structure de défaisance » pour y héberger des
actifs dont plus personne ne veut. Mais « en même temps », on filialise les
autres activités : la distribution, la commercialisation, les services
énergétiques, les énergies renouvelables. Et ces filiales, on peut ensuite les
brader en Bourse comme on l'a fait à l'époque (2008) pour Gaz de France. Cela prouve
bien que les libéraux savent se montrer inventifs lorsqu'il s'agit de dépecer
un service public.
Et
n'oublions pas que le Royaume-Uni de Margaret Thatcher a lui aussi commencé à privatiser l'électricité en gardant le nucléaire
sous contrôle public. Le démantèlement du secteur électrique débute en 1984
et à l'époque, les conservateurs jurent que le nucléaire doit rester propriété
de l’État. Il sera vendu (à EDF) en 1996.
Ce
qui est formidable, c'est que le schéma de « réorganisation » d'EDF dont nous parlons
aujourd'hui est mis au point par un groupe de grandes banques (dont JP Morgan,
la Société générale…) et d'établissements financiers. Parmi eux, on trouve
notamment le groupe financier franco-allemand Oddo, qui fut l'un des premiers
concurrents privés d'EDF via sa filiale Oddo Power qui achetait de
l'électricité en Bourse et la revendait aux entreprises françaises. »
La concurrence « libre et non faussée »
ne marche pas. Il faut donc démanteler le service public et favoriser
artificiellement le privé
« En Europe, et surtout en France, les prix de l'électricité sont encore trop bas pour
attirer massivement les investissements privés. EDF est encore très majoritaire
: elle détient plus de 80 % des contrats de fourniture d'électricité. Pour les libéraux, c'est un échec. La concurrence « libre et non faussée » ne
marche pas. Il faut donc démanteler le service public et favoriser
artificiellement le privé. C'est l'objectif du plan Hercule, mais aussi de
l'augmentation des tarifs.
Le grand bradage des concessions
hydrauliques
Il est également prévu que la France
privatise des barrages hydroélectriques en grand nombre. En France, la plupart des installations
hydro-électriques sont concédées par l’État à des opérateurs. Jusqu'à la fin de
la Seconde Guerre mondiale, ce sont principalement des compagnies privées.
Après la nationalisation de 1946, il ne reste que trois concessionnaires: EDF,
pour environ 80 % des sites, la Compagnie nationale du Rhône (CNR) et la
Société hydroélectrique du Midi (Shem). Engie a déjà racheté la Shem et détient
49,97 % du capital de la CNR. Mais EDF contrôle toujours l'essentiel de la production,
ce qui est intolérable pour les ultralibéraux et pour l'Union européenne en
particulier.
Bruxelles réclame donc qu'il y ait une
mise en concurrence pour le renouvellement des concessions. Macron et Philippe négocient dans
l'opacité la plus totale, mais nous avons quelques fuites. Et nous savons là
encore que la concurrence ne sera pas « libre et non faussée » : le gouvernement et Bruxelles veulent
réserver un partie des concessions au privé. Concrètement, ils veulent
interdire à EDF de postuler sur une partie des sites. Les candidats
déclarés à la reprise sont de grands énergéticiens étrangers (le Suédois
Vattenfall, le Suisse Alpiq...) ou français (Total, encore elle).
Quand on sait que le coût de la production hydroélectrique est le plus
faible qui soit, bien inférieur à celui du nucléaire, on comprend qu'il s'agit d'une grande braderie. Les gens qui
organisent cela sont de purs idéologues. Des rapaces ou des traîtres, selon
qu'ils se situent dans la sphère économique ou dans la sphère politique.
Y échapper est impossible, sauf à rompre avec l'Union européenne. Le droit
européen, donc les directives sur l'énergie, priment sur le droit national. Si
l'on s'y tient, l'ouverture à la concurrence est juridiquement inévitable.
Remarque : le sujet des concessions hydrauliques a été traité
plusieurs fois sur ce blog (cf notamment https://vivrelarecherche.blogspot.com/2018/02/politique-energetique-la-trajectoire-du.html)
C’est un scandale très inquiétant, car une concession hydraulique, c’est tout d’abord
une énergie pilotable compensant (très partiellement en France) le caractère
discontinu des renouvelables- que se passe-t-il si un exploitant retient l(eau
pour attendre un tarif spot plus élevé). C’est aussi tout un service public de
l(eau pour les agriculteurs, les riverains, etc. Et c’est aussi une énergie
dangereuse – les ruptures de barrages ont fait plus de victimes que le
nucléaire)
C'est un suicide écologique, industriel
et démocratique
« Cette histoire de la
privatisation de l'énergie par l'Union européenne est totalement ubuesque. Et
le résultat est extrêmement grave. Non seulement on brade le patrimoine public,
non seulement on prend le risque de renforcer les inégalités sociales et
territoriales, mais on accepte surtout de transférer au privé la définition des
stratégies énergétiques. Alors qu'on nous parle tous les jours de
transition énergétique, on en confie la responsabilité à des groupes comme
Total, qui agiront en fonction des cours de Bourse et des dividendes qu'ils
pourront en retirer. C'est un suicide
écologique, industriel et démocratique. »
Tirs croisés : Hercule fait aussi l’objet
de sévères critiques du libéral Elie Cohen, qui sur Telos (https://www.telos-eu.com/fr/nationaliser-edf.html ) dénonce une situation absurde. Extraits
« L’Etat privatise pour se désendetter et nationalise en
s’endettant … Comme bien souvent lorsque de tels projets fuitent, on a du mal à trouver
une rationalité lisible aux projets étatiques. »
Remarque : En, Effet ! mais
cette absurdité n’est que la conséquence rationnelle d’une absurdité plus
grande encore, celle de la politique de libéralisation de l’énergie !
« La solution qui semble s’esquisser consiste à renationaliser EDF
pour un coût minime, puis à constituer une société filiale autour des services,
des réseaux de distribution et du renouvelable et de privatiser partiellement
cette filiale….L’intérêt de cette formule serait double : cantonner les actifs
et les dettes du nucléaire et de l’hydraulique dans une structure contrôlée à
100% par l’État ce qui permet de renvoyer à l’État le risque de la dette et des
investissements futurs, autonomiser les activités de marché et de renouvelables
dans une entité partiellement privatisée et qui pourrait fusionner avec une
société sœur en Allemagne ou ailleurs. »
Mais il faut aller au fond des choses. Si la nationalisation est la
solution, quels problèmes entend-on vraiment régler ? Ceux d’une entreprise
soumise à des injonctions contradictoires ! L’entreprise est prise dans un
nœud de contradictions qui ne cessent de s’aggraver et qui tiennent en partie contradictoires
de l’État. »
« La France a fait dans le cadre
européen le choix de la libéralisation du marché de l’énergie. »
(Remarque : ah bon, qui a donc a décidé
de de ce choix ? Il a été en réalité imposé par la secte libérale au pouvoir à Bruxelles !)
« Avec un mix électrique à 75% en nucléaire amorti, il ne peut y avoir
de nouveaux entrants et donc de concurrence faite à EDF. La solution a donc
consisté à donner aux concurrents d’EDF l’option d’acheter le quart de sa
production nucléaire à 42€ le MW/H (ARENH). Lorsque les prix de gros sont
supérieurs à l’ARENH les concurrents d’EDF exercent leur option, lorsque les
prix sont plus bas ils se fournissent sur le marché. Ainsi EDF subventionne ses concurrents pour qu’ils lui prennent des parts de
marché, elle renonce à une partie de sa rente sans compensation quand les prix
de gros faiblissent alors qu’elle doit assurer seule les coûts des exigences
grandissantes de sûreté. »
Remarque : Bravo, pour cette critique tout
à fait claire et pertinente de l’absurdité de la politique de libéralisation de
l’électricité !
« La France n’a pas renoncé aux
tarifs réglementés malgré les engagements pris en matière de libéralisation »
Remarque (Hou là, c’est pas gagné !
ça c’est joué de très
peu avec une magnifique et inhabituelle résistance du Conseil d’Etat face aux injonctions
de Bruxelles)
« Chaque révision tarifaire est l’occasion d’un bras de fer entre
l’État qui tire les prix vers le bas, le régulateur qui tient compte de
l’évolution des charges et EDF qui essaie de desserrer l’étau des contraintes.
En refusant pour des raisons politiques les hausses légitimes de tarifs, l’État
multiplie les contentieux et affaiblit l’entreprise qu’il contrôle très
majoritairement pas ailleurs. »
De plus dans le cadre des engagements
pris pour la libéralisation du secteur, l’État a décidé de remettre sur le
marché les concessions de barrages hydrauliques, privant
ainsi EDF d’une source de revenus récurrents. »
Remarque :
Non, l’Etat n’a pas décidé, il a simplement une fois de plus cédé aux une
injonction de la secte ultra libérale de Bruxelles
« Enfin la France a fait le choix de la libéralisation des entreprises
de réseau contrôlées par l’État tout en préservant les acquis historiques des
salariés du service public. C’est ainsi que l’ouverture du capital d’EDF s’est
faite avec maintien pour l’essentiel du modèle social d’une entreprise publique
alors même que les nouveaux entrants pouvaient concurrencer l’exploitant
historique en construisant d’emblée une entreprise adaptée à la nouvelle donne. »
Remarque : Ben oui, à service public de l’électricité- car compte-tenu de ses
contraintes de production et d’utilisation – qui aujourd’hui peut s’en passer ?),
l’électricité ne peut être qu’un service public ; à service public et à ses contraintes ( de
sureté d’approvisionnement par tous temps, de sécurité, sociales,
environnementales, économiques), une
forme de statut public ! Qu’est-ce que ça a de choquant ?
« Ainsi EDF additionne les contraintes et subit des injonctions
contradictoires : offrir son nucléaire amorti à ses concurrents et investir à
grands frais dans le nouveau nucléaire, préserver les avantages sociaux et la
cogestion avec la CGT tout en subissant la concurrence d’entreprises plus
agiles, maintenir des tarifs bas et subir le coût des réglementations
nouvelles… Le résultat prévisible de ces injonctions contradictoires est
l’alourdissement de la dette, les pertes de parts de marché, le mur
d’investissements »
M. Elie Cohen, vous qui êtes un libéral,
merci de cette critique, l’une des plus pertinentes, complète et ravageuses
contre la politique de libéralisation de l’électricité !
Le projet Hercule de démantèlement d’EDF n’en est qu’une conséquence
absurde, une de plus, de cette plus grande absurdité par la secte libérale. Il constitue
une « désintégration verticale
» consistant à découper une activité auparavant « intégrée ». La production de
gaz et d'électricité sont à l'origine des activités intégrées : c'est la même
entreprise qui produit (ou importe), qui transporte et qui commercialise. D'un
point de vue économique, c'est pourtant le schéma le plus efficace, qui permet des
économies d'échelle et une cohérence entre la production, les réseaux, le
service aux consommateurs, les responsabilités sociales et environnementales !
Ajourons qu’en Angleterre, la même politique menée il
y a déjà bien longtemps par Mme Thatcher a résulté en la mise au ghetto du
nucléaire et la perte totale des compétences anglaises en ce domaine. Souhaitant aujourd’hui relancer une production
nucléaire ( et on ne peut, d’un point de vue climatique que s’en féliciter,
contrairement à l’Allemagne, l’Angleterre a elle rempli ses engagement climatiques
en éliminant la quasi-totalité de ces centrales au charbon en moins de dix ans !),
l’Angleterre dépend… de la France et de la Chine.
Réactions syndicales : Les fédérations syndicales de l'énergie
(CGT, CFE-CGC, CFDT, FO)
avaient déjà réaffirmé début juillet "leur
attachement au caractère intégré" d'EDF. Vendredi, la CFE Énergies a mis en garde contre les
"apprentis sorciers", plaidant pour "une régulation
refondée" de l'entreprise, "avant tout confrontée à un problème de
modèle économique". Les syndicats unanimes « considèrent que l'entreprise est viable en restant intégrée"
et qu’une scission "accentuerait
l'exposition" d'EDF aux prix de marché ; qu’ "isoler le
nucléaire" pourrait signifier "la fin de la filière" (220.000
emplois),. ..
Donc, ll faut combattre Hercule !
avec mille bras ( sociaux, environnementaux, économique, de sécurité, de
sureté, d’indépendance énergétique…)
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