Blanquer, le destructeur, l’Attila des lycées
Décidément, cette présidence aura tout détruit,
tout scarifié (tiens, c’est marrant, j’étais plutôt parti pour sacrifié, mais
bon) de ce qui restait des atouts de la France ; et en l’occurrence, son
enseignement secondaire, au moins celui des classes d’élite des lycées. Et le
grand destructeur ici, l’infâme complice de
Macron, c’est Jean-Michel Blanquer, dont je n’ai jamais compris pourquoi
il bénéficiait d’une telle indulgence de la droite et des conservateurs, si ce n‘
est pour avoir terrassé une hydre pédagogiste
bien flappie défendant une lecture
globale et une histoire dépourvue de chronologie que personne ne pratiquait plus.
Reconnaissons une avancée sérieuse : l’importance accordée aux premières
années d’apprentissage et le dédoublement des classes. Mais pour le reste, et
notamment pour la réforme des lycées, c’est une catastrophe annoncée et un
déclin accéléré irrémédiable. D’éminents esprits trop peu nombreux, comme Laurent Wetzel, normalien, ancien
Inspecteur de l’Education Nationale, avaient bien saisi et dénoncé la nocivité
du personnage ( Jean-Michel Blanquer, une imposture ou Revue
des Deux Mondes, novembre 2017 pour l’ensemble de l’œuvre du mirobolant
JMB). Lorsque François-Xavier Bellamy aura fini de s’amuser dans des parties de
campagne pour lesquelles il est assez peu fait et pourra de nouveau se
consacrer à ses domaines de compétence, peut-être aura-t-il des choses à dire.
Mais il va falloir faire vite car l’effondrement menace.
Détruire la filière S
De la part de ministres de l’éducation (on en a
connu) qui se vantent de ne pas comprendre la règle de trois, un objectif
obsessionnel toujours renouvelé : détruire la filière S et la domination abjecte
des mathématiques. Peu importe que cette filière soit devenue la filière de
formation des élites intellectuelles, que s’y retrouvent des jeunes gens
passionnés par les lettres, l’histoire, la géographie, l’économie, voire
diverses matières artistiques (pourvu qu’ils comprennent a minima les maths),
que les mathématiques aient ainsi supplanté le latin comme moyen de sélection (
et c’est bien normal, dans notre civilisation scientifique et technicienne,
elles sont un outil universel), que cette filière S nous ait permis d’avoir
ainsi de jeunes scientifiques pas totalement dépourvus de connaissances
littéraires, historiques, biologiques, géographiques… et de jeunes littéraires
connaissant au moins les principaux résultats et méthodes des sciences exactes,
que des jeunes gens qui ne savaient trop vers quels métiers s’orienter ( et
c’est bien normal) aient pu utiliser la filière S pour préserver au mieux leurs
possibilités de choix futurs, eh bien tant pis, ou plutôt, raison de
plus : il fallait détruire la filière S.
Ce rêve, cette revanche de ceux qui se sentent
exclus des sciences, Jean-Michel
Blanquer l’a accompli avec sa réforme
des lycées.
.
Oui, mais pas si facile !
Oui, mais pas si facile !
Le Monde du 24 avril 2019 : Réforme des lycées, les maths
restent plébiscitées à l’heure des choix de spécialités pour la première, 70% des élèves de seconde ont choisi cette
matière ! S’agit-il vraiment d’une
passion effrénée du peuple français pour
les maths ? Non simplement de réalisme ; verbatim : « du
lourd, pour assurer mon avenir » ; « Arrêtez les maths à la fin
de la seconde, même si on n’est pas un matheux, ça fait un peu peur ; on a
le sentiment de se fermer des portes » ; « Les
maths, c’est presque pas un choix, c’est un prérequis pour poursuivre des
études » ; « Quand on a un projet professionnel peu défini,
comme c’est le cas de beaucoup de jeunes à15-16 ans, , on essaie de rester dans
une grille d’orientation la plus large possible ».
Ces jeunes ont décidément davantage de bon sens
que leur ministre ; oui, une connaissance élémentaire des mathématiques,
et plus généralement des sciences est
nécessaire dans toute carrière un peu intellectuelle, et arrêter les maths en
seconde, c’est se fermer de nombreuses portes très prématurément, gravement
obérer son avenir, et pour commencer se fermer de nombreuses filières de l’enseignement
supérieur.
Du simple point de vue de l’enseignement des maths, la
situation est donc pire qu’avant, et intenable… alors que l’on peine à recruter
des professeurs. Comment l’Education Nationale va-t-elle gérer
ce…, enfin ça ?
Mais il y a encore plus grave car l’on ne
reconstitue pas aussi facilement ce que l’on détruit. Ceux qui choisissent « spé
maths » auront un programme de maths aux ambitions affichées plus élevées,
orienté réellement vers des professions scientifiques, qui risque d’en
décourager beaucoup ; et, en même temps, ils se verront restreint dans d’autres
choix (langues, physique biologie, histoire-géographie, lettres classiques,
économie) à un moment de leur vie où leur choix n’est pas assuré. Double peine.
Quant à ceux qui n’auront pas choisi la « spé maths »., eh bien ils
restreignent fortement leurs choix futurs de carrière et ils perdent tout
contact avec le mouvement scientifique général, devenant en quelque sorte
intellectuellement diminués et peu capables de comprendre les enjeux de nos
sociétés.
On aura ainsi des scientifiques dépourvus de
connaissances dans les matières littéraires, et des littéraires
scientifiquement ineptes ; loin de réaliser les croisements, de faciliter les
synthèses de plus en plus nécessaires entre des connaissances de plus en plus
morcelés, on aura fait exactement l’inverse.
On aura abandonné l’un des rares avantages de notre système
secondaire en comparaison du système anglo-saxon, cette spécialisation tardive
dans les sections d’élites qui permettait aux
littéraires comme aux scientifiques d’acquérir une bonne culture générale.
En s’acharnant sur la section C, c’est l’élite intellectuelle
de la France qu’on aura détruite. Quand Cédric
Villani aura renoncé à sa campagne municipale parisienne quelque peu incongrue,
pour rester gentil, il aura peut-être du temps pour réagir à ce saccage, d’un
enjeu eu fond autrement plus important. Est-ce avec des scientifiques et des
littéraires hémiplégiques que l’on pourra répondre aux défis de l’intelligence
artificielle, auxquels il a consacré un
travail parlementaire important ?
Oui, Blanquer aura, comme cete présidence
beaucoup détruit et obéré les chances et atouts de la France
Tiens en passant, si l’on veut la plus bénéfique, la plus
urgente, la plus nécessaire des réformes de l’ENA, ce serait-celle-ci :
que nul n’entre ici s’il n’a pas au moins un niveau licence dans une discipline
scientifique !
Pour compléter, une remarquable tribune libre
de Karina Gerdau, docteure en
anthropologie biologique (Université de Bordeaux 1), chercheuse indépendante en
archéoanthropologie parue dans Libération
(https://www.liberation.fr/debats/2019/04/19/l-indispensable-enseignement-des-mathematiques_1722397)
qui dénonce aussi ce que nous allons perdre à cette anglicisation de notre
enseignement secondaire,
L'indispensable enseignement des mathématiques
Une enseignante chercheuse s'inquiète de la réforme du baccalauréat en France. Pendant huit ans, elle en a expérimenté l'équivalent auprès de ses élèves britanniques et a constaté l'augmentation des échecs universitaires due au manque d’éducation scientifique et mathématique.
Tribune. J’aimerais, aujourd’hui, faire part de mes inquiétudes après la réforme du baccalauréat qui prendra effet à la rentrée 2019. Cette réforme envisage, entre autres, le choix des spécialités en section générale et technologique à partir de la classe de première. Les élèves pourront, s’ils le souhaitent, ne plus suivre d’enseignements en mathématiques et en sciences. Cette mesure est similaire à celle qui est déjà mise en place au Royaume-Uni (excepté l’Ecosse) pour le General Certificate of Education Advanced level (GCE A-Level), équivalent britannique du baccalauréat, où les élèves peuvent ne plus suivre d’enseignements en mathématiques et en sciences, et même en langue et littérature anglaise.
J’ai été enseignante-chercheuse pendant huit ans au Royaume-Uni (Bournemouth University, 2009-2017). J’ai, par conséquent, pu suivre l’évolution des bacheliers admis à l’université. De par mon expérience, le manque d’éducation scientifique et mathématique nuisait à leur réussite universitaire, même dans les sciences humaines et sociales. Les étudiants britanniques n’ayant pas étudié les mathématiques et les sciences au lycée (6th Form ou College) avaient un taux d’échec plus élevé et de moins bons résultats globaux que les étudiants ayant suivi ces spécialités pour obtenir le GCE A-Level.
Par ailleurs, selon les études supérieures envisagées, les universités britanniques requièrent certaines spécialités du GCE A-Level pour l’admission des bacheliers. A quelques exceptions près, les mathématiques et au moins une science sont majoritairement requises au moment de l’admission, ce qui renforce l’importance de ces compétences pour le monde du travail et la réussite des études dans l’enseignement supérieur.
Dans notre société, quel que soit le métier, il est nécessaire d’avoir des compétences en mathématiques et en sciences. Par exemple, des compétences en calcul (y compris les statistiques et les probabilités) sont nécessaires pour gérer un prêt bancaire, comprendre ses impôts ou l’augmentation des taxes, et même certaines informations que diffusent les médias.
Des compétences scientifiques, notamment sur la biologie humaine, la méthode scientifique et la théorie de l’évolution, permettent par exemple de mieux comprendre les soins dispensés en cas de maladie et de développer l’esprit critique afin de mieux lutter contre la désinformation et le réchauffement climatique et d’enrayer la vague antivaccination.
Je ne saurais trop conseiller de reprendre cette réforme pour inclure les mathématiques et au moins une science au choix dans les enseignements du tronc commun jusqu’en classe de terminale.
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