Europe et Eurokom
Dans un de mes précédents blogs, je
m’enflammais sur les propos de Macron à Epinal sur « l’Europe qui nous a donné
la Paix ». Face aux politiciens truqueurs qui sciemment mélangent l’Europe,
réalité géographique, historique, culturelle et la Communauté européenne et ses
institutions (notamment la Commission européenne), vouées uniquement à
construire un grand marché selon le dogme d’une véritable secte libérale, je
propose donc de différencier l’Europe réelle des peuples et des nations et
l’Eurokom, les institutions de la Communauté Européenne
La Grèce était née
divisée
« Suivant
l’heureuse expression de De Maistre, on peut dire en quelque sorte que la Grèce
était née divisée… La constitution géographique de la Grèce explique en partie
cette division radicale, par l’excessive dissémination qui caractérise un tel
territoire, non seulement dans l’Archipel, mais même sur le Continent,
naturellement décomposé en un grand nombre de portions indépendantes, en vertu
des golfes, des isthmes, des chaînes, etc. dont il est tant traversé. A cette
considération extérieure, il faut joindre, pour compléter suffisamment une
telle explication, une cause sociale non moins essentielle, consistant dans
l’identité remarquable de ces diverses populations, civilisées presque simultanément,
sous l’influence d’une langue à peu près commune, par des colonies dont
l’origine était semblable, et la sociabilité fort analogue. De ce double
caractère fondamental, il est résulté que chacun de ces peuples, d’abord sans
doute aussi disposé que le peuple romain à poursuivre graduellement la conquête
universelle, n’ jamais pu, malgré des efforts toujours renouvelés, subjuguer
ses plus proches voisins…
Ainsi,
pendant que l’Humanité s’y trouvait préservé de cette torpeur intellectuelle et
morale que tend nécessairement à produire la prolongation démesurée du régime
théocratique, la vie guerrière ne pouvait cependant y acquérir habituellement
assez de prépondérance pour absorber, comme à Rome, les principales facultés
des hommes éminents… Telle est la grande cause qui a rejeté en quelque sorte
dans la vie intellectuelle une énergie cérébrale continuellement excitée, et
que la destination politique ne pouvait suffisamment satisfaire ; la même
influence agissant aussi sur les masses, quoiqu’à un degré beaucoup moindre,
les disposait également à goûter cette nouvelle culture… Voilà donc par quel
concours de conditions essentielles il a enfin surgi, dans la Grèce, une classe
libre entièrement nouvelle, qui devait alors servir d’inappréciable organe au
principal essor de l’élite de l’Humanité, comme étant à la fois éminemment
spéculative sans avoir le caractère sacerdotal, et essentiellement active, sans
être absorbée par la guerre… Ce petit noyau de libres penseurs alors chargés,
en quelque sorte, des destinées intellectuelles de notre espèce, qui peut-être,
sans les sublimes journées des Thermopyles, de Marathon ou de Salamine,
ultérieurement complétés par l’immortelle expédition du grand Alexandre,
resterait encore, même aujourd’hui, plongée partout dans l’avilissement
théocratique. »
Auguste
Comte, Cours de Philosophe Positive,
Physique Sociale.
Ainsi
donc, la Grèce était née politiquement divisée, mais culturellement unie. Et
c’est ainsi que nous lui devons l’art glorification de l’homme, non des seuls
dieux, la science, la philosophie, la démocratie. C’est ainsi qu’elle fut
grande, capable de résister aux empires théocratiques comme la Perse, et
lorsque le temps fut venu, conquérant sont rude vainqueur et nous transmettant
un trésor intellectuel, social politique sur lequel nous vivons encore.
La
Grèce, politiquement, divisée, culturellement unie.
Pourquoi L’occident
chrétien inventa la circumnavigation, et pas l’empire chinois
C’est
un point crucial de l’histoire des sciences et des civilisations que
d’expliquer pourquoi l’Europe et non la Chine a découvert la circumnavigation. Entre 1405
et 1433, une série de sept grosses expédions navales (plusieurs dizaines de
très grandes jonques, plus de vingt mille hommes), sous l’autorité de l’amiral
Zheng He, quittent la Chine
et atteignent les côtes de l’Afrique australe, descendant progressivement vers
le Cap de Bonne-Espérance. Mais cet effort s’arrêtera rapidement. La Chine , empire alors unifié,
se considérant comme le Centre du Monde, manifestait beaucoup de dédain et peu
de curiosité pour le monde extérieur, elle estimait n’en avoir nul besoin, et
les expéditions de Zheng He apparurent vite comme une fantaisie mégalomaniaque
et coûteuse, sans aucun intérêt commercial. La mort d’un Empereur peu populaire
et la fin de la faveur de Zheng He suffirent à provoquer l’arrêt immédiat des
expéditions chinoises et entraînèrent même une réaction étonnante : en
1500, l’Empire Ming interdit la construction de jonques de plus de deux mâts.
Au contraire, l’effort occidental d’exploration fut soutenu durant une longue
période par la demande sociale et économique, et les rivalités des différents
royaumes européens entre eux favorisèrent les entreprises des
explorateurs ; c’est ainsi que Christophe Colomb, se voyant refuser le
financement de son expédition par le Portugal, put se tourner vers l’Espagne.
L’organisation
politique, compétition de divers gouvernements temporels sous un même pouvoir
spirituel, une même civilisation, était idéale .L’avantage de divisions
politiques stables à l’intérieur d’une même ère de civilisation, par rapport à
un empire unifié ou à une instabilité chronique, est bien mise en évidence dans
le livre de David Cosandey, Le secret de
l’Occident, Arléa, 1997, Paris.
(Eric
Sartori, Le socialisme d'Auguste Comte :
aimer, penser, agir au XXIe siècle, L’Harmattan, 2012)
Une division
politique, une unité culturelle !
L’Europe
a-t-elle donc vraiment intérêt à une unité politique et économique plus
importante ? Dans l’automobile,
nous avons des alliances Renault-Nissan-Mitsubishi, Dongfeng Peugeot,
Volvo Geely, Fiat General Motor ; que se serait-il passé s’il n’y avait
qu’un seul groupe européen, Volkswagen ? Est-ce qu’une Europe divisée ne
s’avère (ne s’avérerait pas) pas finalement plus résistante, plus résiliente
face à l’ agressivité économique chinoise, lui compliquant la tâche plutôt que
de lui offrir une plate forme unifiée de débarquement ? Est-ce qu’une
Europe divisée ne permet pas de résister davantage aux pressions américains,
par exemple par des décisions contradictoires concernant les relations avec
l’opérateur chinois Huawei ? Quelle pression s’exercerait sur une Europe
dite unie !
Regardons
par ailleurs ce que fait la Chine. Elle a visiblement appris des erreurs de son
passé et veille à maintenir une certaine concurrences entre ses grandes villes
et régions, chacune ayant, dans bien des domaines, leurs champions locaux,
l’Etat intervenant parfois pour faire le ménage et chasser les indésirables,
trop polluants, ou qui ne savent pas évoluer, ou aux pratiques financières
douteuses.
Tout
ingénieur, tout logicien sait que dans une construction en chaine, c’est la
valeur du chainon le plus faible qui donne la résistance globale, alors qu’une
construction en parallèle est beaucoup plus résistante. La constitution
actuelle de l’Union Européenne, de l’Eurokom est de ce point de vue
pathologique, tant et si bien que dans ces conditions, une Europe désunie est
une Europe plus forte.
Diversité
politique, temporelle, union culturelle, spirituelle ; c’est l’un des
secrets des réussites des civilisations. Et c’est exactement l’inverse que nous
faisons : nous tentons une union temporelle et monétaire, pendant que nous
nous interdisons l’unité culturelle et spirituelle, que nous la mettons même en
danger en ouvrant l’Europe à tous vents, ceux de l’immigration, ceux de
l’extension indéfinie, ceux de la mondialisation culturelle et de la domination
des idées et représentations américaines alors que nous négligeons notre
patrimoine.
Il
faut sortir de cet Eurokom.
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