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vendredi 21 février 2020

Consultation Publique sur le nouveau mécanisme de l’ARENH- ou l’aggravation de la politique ultra libérale et un vrai risque de démantèlement d’EDF.


Le gouvernement ayant décidé de lancer une consultation publique sur ce sujet en apparence très technique mais tout à fait fondamental qu’est l’ARENH, un petit rappel et quelques explications s’imposent….

La consultation sur le nouveau projet est ouverte jusqu’au 17 mars 2020, à l’adresse suivante : consultation-regulation-nucleaire-existant@developpement-durable.gouv.fr. Tout le monde peut participer.

Rappel : l’ARENH ques aco ? Et comment ça n’a pas marché !


Donc l’ARENH (Accès régulé au nucléaire historique) est un système qui a été mis en place avec la loi NOME et l’adaptation de la directive européenne contraignant les pays membres à l’ouverture à la concurrence du « marché de l’électricité –la libéralisation du marché de l’électricité  avatar électrique de la politique ultra libérale de la Commission Européenne.

Une conception qui fait l’impasse  sur le fait que l’électricité n’est pas tout à fait un marché comme les autres, pour des raison fondamentales (nécessité d’équilibre instantané, de stabilité du réseau, intensité capitalistique, monopoles naturels de réseau et de certaines installations, fortes contraintes de sécurité- hydraulique et nucléaire) et pour des raisons de service public (continuité du service, égalité des usagers, péréquation tarifaire,  géographique).

Il a été alors considéré qu’EDF, en tant qu’opérateur historique, bénéficiait d’un privilège qui rtisquait fort d’étouffer ses éventuels concurrents. L’ ARENH permet aux concurrents d’EDF de se procurer du courant nucléaire à un prix censé ne pas léser EDF tout en leur donnant, à efficacité égale, la possibilité de concurrencer l’opérateur historique (42 euros/MWh depuis plusieurs années). La part de la production nucléaire EDF susceptible d’être mise à disposition des fournisseurs alternatifs était plafonnée à un peu moins du quart de la production totale du parc nucléaire (100TWh). Le recours à l’ARENH est bien sûr optionnel. Les fournisseurs alternatifs n’ont intérêt à l’utiliser que lorsque les prix de marché sont plus élevés que 42 € MWh.

Donc l’ ARENH est un système qui oblige EDF à subventionner ses concurrents en leur vendant à prix cassé du courant nucléaire lorsque ça les arrange (lorsque le prix de gros est élevé) – et ceci au détriment d’EDF, donc du patrimoine historique des Français. C’est un mécanisme que le PDG historique d’EDF, Marcel Boiteux, avait ainsi résumé : « on ne crée pas de la concurrence pour faire baisser les prix, on augmente les prix pour favoriser la concurrence ». Et dont l’actuel PDG d’EDF, Jean-Bernard Levy (EDF) a ainsi constaté les effets parfaitement prévisibles : « Des concurrents, j’en ai, mais des concurrents qui produisent, j’en cherche ».

En effet, les fameux concurrents, dopés à l’ARENH qui leur assurait des électrons nucléaires peu chers et sans risques financier n’ont évidemment pas pris la peine (ou très peu) d’investir et de construire de nouvelles installations de production. Ils se sont goinfrés sur le patrimoine historique d’EDF et des Français, au point que le fameux plafond de 100 TWh ne leur a bientôt plus suffi et qu’ils en ont réclamé l’extension, ce que le gouvernement était prêt à leur accorder…sauf que  la Commission Européenne risquait de tousser. De plus, ce dispositif devait être temporaire, le temps que la concurrence libre et non faussé !!!! accomplisse les miracles que ses doctrinaires attendaient : la Loi NOME stipulait que le dispositif ARENH doit s’arrêter en 2025.

Or de miracle, il n’y eût point (comme vu plus haut et comme on devait s’y attendre au vu des expériences désastreuses de libéralisation de l’électricité (Californie 1996 avec effets désatsreux jusqu’en 2019 !).

Donc grand danger pour la libéralisation de l’électricité et les fameux concurrents parasitaires d’EDF.

Que faire ? Eh bien, c’est là qu’intervient la réforme de l’ARENH, soumise à consultation.

Le principe c’est quoi ? Eh bien, c’est celui de tous les fanatiques et doctrinaires lorsqu’ils commencent à se rendre compte  de l’absurdité de leurs théories. Puisque l’ARENH  et la libéralisation du marché de l’électricité ne fonctionnent pas, c’est la preuve qu’il faut plus d’ARENH et plus de libéralisation.

Et c’est ainsi que l’ARENH devint serpent…

Quand l’ARENH devient « serpent »…La réforme de l’AREH expliquée par Jacques Percebois
Ces premières considérations sont extraites d’un remarquable article de Jacques Percebois ;

Les objectifs de la réforme :  1) permettre au consommateur français de continuer à bénéficier de l’avantage compétitif du nucléaire amorti, et du même coup d’une électricité décarbonée ; 2) garantir la rentabilité du parc nucléaire existant qui devient une « essential facility », une sorte de « bien commun » ou service public d’intérêt général dont les coûts complets doivent être couverts ; de ce point de vue, le nucléaire existant est « sanctuarisé » ; éviter que cet actif nucléaire ne procure une rente de rareté excessive à l’opérateur historique (EDF), dans un contexte où la fermeture des centrales à charbon en Europe (notamment en Allemagne) et la hausse prévisible du prix du pétrole pourraient se traduire par une envolée de prix sur le marché de gros européen de l’électricité. L’opérateur historique comme ses concurrents seront à « armes égales » sur le marché final.

Commentaire : il s’agit bel et bien de protéger non les consommateurs, mais les concurrents non producteurs d’EDF face à l’envolée prévisible des coûts de l’électricité – eh non, les renouvelables non pilotables ne sont pas du tout compétitif face au nucléaire. Et pour cela, de  renforcer et généraliser le pillage du patrimoine public d’EDF au profit d’intérêts privés.

Le nouveau mécanisme : « Dans le cadre du nouveau mécanisme, la quasi-totalité de la production nucléaire (l’EPR de Flamanville est concerné) est écoulée sur le marché de gros (on parle d’un « ruban » qui exclut les contrats à long terme signés par EDF, lesquels ne représentent guère plus de 10 à 20 TWh par an sur un total annuel de l’ordre de 380 TWh) »

Ce volume d'électricité est « ouvert » aux différents fournisseurs d'électricité qui peuvent en bénéficier, au prorata de leurs portefeuilles de clients. Le prix réellement payé par chaque fournisseur (donc ses clients) doit, in fine, fluctuer entre un prix plafond et un prix plancher, les deux bornes étant distantes de 6 euros par MWh au maximum.
Avec ce système, EDF devient un acheteur de droit commun du nucléaire français lorsqu’il vend de l’électricité à ses clients et l’entreprise devra respecter une séparation stricte entre ses activités de producteur nucléaire et celles de fournisseur d’électricité (c’est la dualité « bleu-vert » du projet de restructuration). »

Commentaire : le lien avec le projet de démantèlement d’EDF Hercule est alors évident, au point que l’on se dit que c’est l’ARENH et la nécessité idéologique de persévérer (sed diabolicum) dans la libéralisation de l’électricité qui justifie Hercule, et aucune autre considération.

 Les points à préciser : « Plusieurs questions sont ouvertes et devront donc être débattues dans les prochains mois. Les prix « plancher » et « plafond » seront fixés par la CRE en euros constants par MWh sur une période pluriannuelle ; il faudra préciser les mécanismes de révision de ces prix pour tenir compte notamment des investissements nouveaux liés aux recommandations de l’ASN ou à la prolongation de la durée de fonctionnement des réacteurs.

La marge de 6 euros par MWh entre le plafond et le plancher du corridor paraît faible quand on connait la forte volatilité des prix de gros de l’électricité et la forte variabilité des coûts dans cette industrie. Notons que rien ne semble dit sur l’hydraulique dans ce projet ; le même mécanisme va-t-il s’appliquer ? »

Commentaire : En effet, avec cette marge de 6 euros, EDF ne peut bénéficier des prix de gros élevés que justifie le caractère pilotable du nucléaire, qui fournit de l’électricité quand on en a besoin et pas seulement quand le vent soufle.  Avec ce nouveau système de l’ARENH, les concurrents ( toujours non producteurs, pourquoi le deviendraient-ils ?) pèseront de tout leur poids pour un serpent faible et ameuteront l’opinion contre l’augmentation du prix de l’électricité ( qu’ils auront eux-mêmes provoqué en n’investissant pas dans des capacités pilotables). Dans ces conditions, le financement du renouvèlement du nucléaire historique et l’investissement nécessaire dans un nouveau nucléaire risquent de devenir difficile, transformant Hercule en mourir du nucléaire et non en secteur préservé.

Conclusion : « Ainsi la dimension « régulation » du marché de l’électricité se renforce avec ce système puisque cela revient à créer 100% d’ARENH… Cela prouve qu’il est difficile de s’appuyer sur des mécanismes de marché de court terme pour financer des investissements de très long terme. La part régulée du prix du kWh TTC payé par le consommateur final va encore croître puisque les péages d’accès aux réseaux de transport et de distribution et les taxes échappent déjà à une stricte logique de marché.

Encore un effort et on s’apercevra que les monopoles (publics) intégrés et régulés ont des vertus »

Commentaire : Ah ben là, pas mieux ! M. Percebois est un très digne universitaire, Professeur émérite à l’Université de Montpellier (CREDEN). Si c’est lui qui le dit !

La réforme de l’ARENH expliquée par François Dos Santos, ex-responsable (CGT) du comité central d’entreprise. : « cette libéralisation est un simulacre car elle repose pour l’essentiel sur un détournement de la rente liée aux capacités de production d’EDF »

Tout aussi remarquable et claire interview de François Dos Santos, dans Bastamag


Avec ses propres capacités de production, EDF dispose d’un avantage compétitif. Pour qu’il existe une concurrence dans le marché de détail, on a inventé en 2010 le système « Arenh » [Accès régulé à l’électricité nucléaire historique, mis en place sous le mandat de Sarkozy, ndlr] : EDF doit céder à bas prix un quart de sa production nucléaire à ses concurrents pour que ceux-ci puissent la vendre au détail et lui piquer des clients. C’est donc EDF qui, de fait, subventionne ses concurrents en attendant qu’ils se dotent de leurs propres moyens de production.
Le système « Arenh » doit prendre fin 2025. A cette date, les fournisseurs privés doivent s’être dotés de leur propre capacité de production. La « concurrence libre et non faussée » sera donc censée exister. Problème : pas grand-chose n’a été construit. Total dispose de quelques centrales au gaz, mais il n’est pas dans son intérêt économique ni climatique de les faire fonctionner si leur coût d’exploitation est supérieur au prix du marché. Mieux vaut alors acheter l’électricité sur le marché de gros que de faire tourner une centrale à énergie fossile. Seul Engie [Ex GDF, privatisé, ndlr] dispose d’un vrai avantage avec ses barrages hydroélectriques, qui ont un faible coût de fonctionnement.

Donc, pour eux, le projet Hercule, c’est formidable : EDF en tant que fournisseur d’énergie – la holding « vert » – sera dans la même position que ses concurrents, puisqu’elle devra acheter la majeure partie de son électricité à EDF « bleu ». Hercule est donc un artifice pour permettre aux fournisseurs privés de se développer.
Cela signifie-t-il que les nouveaux fournisseurs privés vont, de fait, profiter des masses considérables d’argent public engagés par le passé, en particulier dans les centrales nucléaires ?

Oui, cette libéralisation est un simulacre car elle repose pour l’essentiel sur un détournement de la rente liée aux capacités de production d’EDF. On permet également à des actionnaires de rentrer au capital des activités qui ont les profits les plus rapides. On demande à la puissance publique de supporter les investissements de long terme et de privatiser le fruit de ce risque financier, qui bénéficiera à tous les fournisseurs d’énergie, et plus seulement à EDF en tant que service public.

Précisons qu’il n’est pas très compliqué de devenir un fournisseur d’électricité « alternatif ». Vous installez quatre traders dans une pièce qui achètent de l’électricité en gros en fonction des fluctuations du marché, et un chef dans une autre pièce qui gère un contrat de sous-traitance avec un centre d’appel délocalisé à l’étranger, qui va démarcher des clients.

Le projet Hercule représente-t-il une menace pour les salariés ?

Le modèle économique et social des activités commerciales d’EDF n’aura plus d’avenir. Aujourd’hui, tous ses conseillers clientèles sont basés en France. Le projet Hercule signifie un plan social dans les années qui viennent et une précarité de l’emploi. C’est déjà le cas avec la fermeture d’agences commerciales de proximité. De plus en plus d’activités téléphoniques sont sous-traitées. »

Commentaire : quand l’universitaire plutôt libéral et le syndicaliste CGT expliquent la même chose et arrivent à la même conclusion…

Ben cette réforme de l’ARENH, il ne faut peut-être pas la faire, tenir compte de l’échec de la libéralisation de l’électricité et revenir au service public….

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