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lundi 17 février 2020

Requiem pour Fessenheim 2


Un léger sentiment d’écœurement et de colère


Bon, je vais pas reprendre tout ce blog, juste quelques éléments, comme ça : La fermeture de Fessenheim entraînera  un surcroît d’émission de GES entre 6 et 12 millions de tonnes équivalent CO2 / an, du fait du recours aux centrales à gaz et charbon que sa prolongation aurait permis d’éviter. Fermer Fessenheim =équivaut à relâcher autant de CO2 dans l'atmosphère que de faire voler chaque jour 24 à 48 Airbus supplémentaires entre Paris et New York (en AR).

Cela correspond aussi à une fourchette comprise entre 30 et 60 % des émissions de CO2 de la totalité de la production électrique nationale !!! (20,4 millions de tonnes de CO2 en 2018 selon le Bilan électrique 2018 du Réseau de transport d'électricité (RTE)

Fermer Fessenheim, c’est aussi la nécessité de garder en activité au moins deux centrales à charbon , Gardanne et Cordemais pour couvrir les pointes.

Fermer Fessenheim, ce sont des risques sérieux de black out pour l’Alsace, 1.800 MW d’électricité bas carbone qui vont quitter le territoire alsacien. Le député Raphaël Schellenberger (LR, Haut Rhin) n’a cesser d’alerter à ce sujet, en vain.

Fermer Fessenheim, c’est encore la perte de 2000 emplois de haut niveau directement générés par la centrale,

Fessenheim, en éoliennes, c’est ça ! En fin pardon, ça c’est un quart (850 éoliennes sur 4500), réalisés grâce à l’infinie patience de Laydgeur , qui s’acharne à nos concocter des trucs un peu visuels sur tweeter. Parce que c’est bien, même essentiel, de pouvoir se rendre compte des ordres de grandeurs !



Donc, quand le gouvernement le même jour, annonce un plan anti-gaspillage bannissant les touillettes en plastique et 140 autres mesures du même acabit, et la programmation de la fermeture de 14 centrales nucléaires, il y a de quoi effectivement pêter un plomb. Elisabeth Borne, Emmanuelle Wargon, à dégager !


Et quand Macron va faire tout un cirque médiatique autour de la Mer de Glace, c’est indécent. Fermer Fessenheim, et 14 autres centrales nucléaires, c’est transformer la Mer de Glace en soupe neigeuse, et bien pire encore…. Alors, c’est juste un peu écœurant !

Un qui commence aussi visiblement à s’énerver        , c’est le très digne et universitaire, et professoral Jacques Percebois, pilier du site Connaissance des Energies. Citations :

Sa fermeture ne doit rien à des conditions de sûreté…et elle coûte très cher.

« La décision de fermer les deux réacteurs nucléaires de Fessenheim est encore contestée mais elle est aujourd’hui actée : EDF confirme avoir déposé auprès de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) la demande d’abrogation de l’autorisation d’exploiter la centrale et prévoit d’arrêter les deux réacteurs de 900 MW chacun en 2020, le premier le 22 février et le second le 30 juin… Le site alsacien est la doyenne des centrales françaises mais sa fermeture ne doit rien à des considérations de sûreté (l’ASN avait autorisé la poursuite de l’exploitation du réacteur n°1 pour dix ans en juillet 2011 et avait fait de même pour le réacteur n°2 en avril 2013). Cette décision est la conséquence d’un choix politique. Cela peut paraître d’autant plus surprenant que le Conseil de l’Union européenne a décidé en septembre 2019 de maintenir éligible l’énergie nucléaire dans le label des investissements « verts », en justifiant cette position par le fait que le nucléaire est une énergie « décarbonée »…

Le coût « technique » de la régression comptabilise les coûts que l’opérateur EDF et les autres actionnaires vont supporter du fait d’une fermeture anticipée de ces deux réacteurs… EDF indique avoir signé en septembre 2019 avec l’État un protocole d’indemnisation au titre de la fermeture anticipée de la centrale. Ce protocole prévoit les versements échelonnés sur 4 ans d’environ 400 millions d’euros correspondant à l’anticipation des dépenses liées à la fermeture (dépenses de post-exploitation, taxes diverses, coûts de démantèlement et de reconversion du personnel). Il faut dans ce cadre tenir compte de l’actualisation : ces dépenses auraient dû être engagées dans vingt ans et le fait de devoir les engager plus tôt a un coût financier pour l’entreprise.

D’autres indemnités sont évoquées au titre du manque à gagner pour les kWh qui ne seront pas produits pendant les 20 ans à venir. Ces indemnités éventuelles seront calculées ex post sur la base des prix observés sur le marché de gros et en faisant des hypothèses sur le taux d’utilisation de la centrale. Sur la base d’un prix de gros de l’ordre de 45 €/MWh (chiffre proche des prix observés aujourd’hui et aussi du niveau de l’ARENH, encore fixé à 42 €/MWh actuellement) et en prenant un taux d’utilisation de l’ordre de 75%, cela donnerait un manque à gagner de l’ordre de 4 à 5 milliards d’euros pour l’opérateur sur les 20 ans (sur la base d’une production de 12 TWh par an, avec un chiffre d’affaires de l’ordre de 10,8 milliards d’euros sur la période)… Notons qu’EDF ne sera pas le seul opérateur à indemniser puisque la centrale est pour partie propriété d’autres électriciens européens (un consortium suisse et une entreprise allemande)…

Le coût « social » de la régression évalue les impacts macroéconomiques liés à la fermeture du site, c’est-à-dire les effets que cette fermeture engendre sur l’économie locale, voire l’économie nationale. Il y a d’abord les coûts liés aux pertes d’emplois. En plus des emplois directs (agents de la centrale) et des emplois indirects (employés des sous-traitants) perdus, il faut estimer les pertes d’emplois induits c’est-à-dire des emplois au sein des entreprises, commerces et services qui profitaient de l’activité de la centrale (certains parlent de 1 000 emplois menacés)…

Une politique illisible

La fermeture confirmée de la centrale de Fessenheim intervient dans un contexte particulier, tant les signaux envoyés par les pouvoirs publics sont contradictoires et difficiles à interpréter. Selon la PPE, la part du nucléaire dans la production française d’électricité doit progressivement baisser mais dans le même temps le gouvernement vient de demander à EDF d’explorer une voie consistant à relancer la construction de 6 EPR d’ici une quinzaine d’années.
La feuille de route est précise : la construction de chaque paire de réacteurs sera espacée de 4 ans et les tranches au sein d’une même paire de 18 mois. C’est une bonne décision si l’on veut maintenir les compétences et le savoir-faire de l’industrie française des réacteurs. Ces EPR2 seront sans doute moins complexes à construire que celui de Flamanville et, grâce aux économies d’échelle, leur coût devrait être plus faible.
Ces nouveaux réacteurs, si la décision de les construire est bien confirmée, vont-ils se substituer à des fermetures programmées ou vont-ils accélérer la fermeture d’autres réacteurs ? Faut-il s’attendre à un report de l’échéance 2035 concernant le plafond de 50% de nucléaire dans le mix électrique? Il est difficile de répondre d’autant que l’avenir de l’EPR va aussi dépendre de la façon dont les choses vont se passer à Hinkley Point au Royaume-Uni.

Le gouvernement a le projet de restructurer EDF en scindant l’entreprise en deux entités (le plan « Hercule »), dont l’une, 100% publique, se chargerait du nucléaire et de l’hydraulique. Faut-il y voir une façon de « sanctuariser » le nucléaire ou au contraire la volonté de créer une société en charge de gérer des actifs considérés comme « échoués » à terme, à l’instar de ce que l’Allemagne a fait pour ses actifs charbonniers ? Cette entité (qualifiée de « bleue » dans le plan proposé) serait alors considérée comme une société de « defeasance » visant à organiser la sortie du nucléaire.

La mise en veilleuse en septembre 2019 du projet de surgénérateur Astrid est une décision majeure, passée un peu inaperçue, dans la mesure où l’on retarde (certains disent abandonne) le choix d’un réacteur de nouvelle génération à neutrons rapides qui permet de mieux utiliser l’uranium, d’en accroître fortement les réserves, et dans le même temps de réduire le volume et la nature des déchets nucléaires à stocker puisque certains déchets deviennent des combustibles (cas du plutonium) tandis que d’autres peuvent être transmutés (cas de certains actinides mineurs).
C’est certes déjà le cas avec le MOX, qui permet de recycler du plutonium, mais pas à la même échelle. Pendant ce temps, les Russes et les Chinois, mais aussi les Américains, continuent de développer cette voie des surgénérateurs, dans laquelle la France était pourtant leader (grâce aux réacteurs Rapsodie, Phénix et Superphénix tous aujourd’hui à l’arrêt).
Certes, les recherches pour la Génération IV continuent « sur le papier » mais dans le nucléaire, les retards sont parfois irréversibles et rien ne remplace la construction d’un prototype. Les retards de Flamanville, en comparaison avec les performances des deux EPR de Taishan construits en Chine avec l’aide d’EDF, montrent combien la pratique et le maintien des compétences sont des atouts importants.


Et après Fessenheim ? Les fausses promesses du technocentre ne seront pas tenues.

Une politique absurde qui nous coûte un pognon de dingue, une politique illisible, mais aussi d’énormes mensonges et des promesses non tenues. L’inquiétude est notamment et justement soulevée par le député de la région Raphaël Schellenberger dans une tribune de l’Energeek. Extraits :

 « La construction d’un techno-centre installant à Fessenheim une filière de pointe et d’excellence dans le démantèlement nucléaire devait être le projet phare de la reconversion économique du territoire, clairement identifié comme tel par le Ministre François de Rugy en février 2019 lors de son passage en Alsace. Et pourtant, le gouvernement affiche aujourd’hui son profond scepticisme quant à cette réalisation alors même qu’il avait toutes les cartes en main pour la rendre possible.

Envisagée très tôt, cette idée, venant des écologistes eux-mêmes, était censée rassurer une région vivement préoccupée par les conséquences économiques néfastes de l’arrêt des deux réacteurs. La promesse de centaines d’emplois découlant de ces activités de démantèlement, inscrites à une échelle européenne, constituait la parade des partisans de la fermeture face à l’impact social de leur combat. Bien que surévaluée, la portée économique de cette installation devait être considérée avec responsabilité après la victoire des opposants à l’énergie nucléaire et l’annonce définitive de la fermeture de la centrale de Fessenheim.
Le techno-centre constitue effectivement l’occasion de créer des emplois. Certes, avec un zéro en moins, les projections d’activité permettant d’espérer 150 emplois plutôt que les 1 500 souvent communiqués, mais tout de même…

Mais voilà, depuis le début, deux conditions bien identifiées sont posées pour réaliser ce projet : la capacité à constituer une stratégie franco-allemande et la nécessité de faire évoluer la réglementation sur les déchets nucléaires.
Ces deux conditions, EDF, qui a étudié le sujet avec sérieux, les pose depuis deux ans et le début des travaux du comité de pilotage installé par le gouvernement. Jean-Bernard Levy, PDG d’EDF, les a rappelées explicitement en réponse à l’une de mes questions lors de son audition devant la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale en décembre dernier. Seule l’action et l’engagement de l’Etat permettraient de les satisfaire…

Malgré les annonces fièrement brandies, le gouvernement n’a pas avancé d’un centimètre sur ces points. Nos deux obstacles demeurent donc et le Ministère en charge semble avoir maintenant tourné la page du techno-centre alsacien comme l’attestent les mots sur le sujet d’Elisabeth Borne, Ministre de la Transition écologique et solidaire, à l’Assemblée nationale le 8 janvier 2020. Circulez, il n’y a rien à voir, le sujet n’est pas porteur….

Tout dans ce dossier est incohérent. Si la France ne fait pas évoluer sa règlementation sur les déchets nucléaires, l’une des deux conditions pour réaliser le projet, nous continuerons à considérer tous les matériaux issus du démantèlement comme des déchets nucléaires, même s’ils ne sont ni radioactifs ni contaminés. Il faudra alors les traiter comme tel et les enfouir ou les stocker de façon définitive. Par contre, nos voisins européens, qui disposent d’une réglementation adaptée, pourront quant à eux les recycler et les remettre sur le marché européen des matières. Nous les verrons donc arriver dans nos biens de consommation. Encore une fois, notre échec serait double.

« L’exemplarité promise au territoire de Fessenheim par le gouvernement dans l’accompagnement de la fermeture de la centrale n’est pas au rendez-vous »


Le technocentre enterré par Elisabeth Borne

Raphael Schellenberger et les syndicats, et EDF, et les Français qui voient leur patrimoine bradé auraient sans doute mieux fait de s’opposer plus fermement à la fermeture de Fessenheim quand il en était temps plutôt que de croire aux promesses mêmes maigrelettes, du Technocentre. Car celui-ci semble bel et bien enterré par Elisabeth Borne. Déclarations (9 janvier 2020, devant la Commission du développement durable :

 « «J’ai eu des échanges avec mes homologues allemands (…). Je ne peux pas vous dire qu’il y ait des grands signes d’ouverture de la part de nos voisins sur l’utilisation d’un technocentre qui supposerait pour eux de déplacer des déchets nucléaires au-delà de la frontière», a indiqué la ministre. «Et très franchement, ça ne me paraît pas forcément une piste facilement concrétisable», a-t-elle conclu.

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