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jeudi 27 février 2020

L’Éolien off Shore : Avis de tempête ?


À fin 2019, l’Europe disposait de 5 047 éoliennes offshore connectées aux réseaux électriques de 12 pays. Le Royaume-Uni et l’Allemagne comptent respectivement pour 44% et 34% de l’ensemble des éoliennes offshores implantées en Europe ; derrière suivent le Danemark (45 éoliennes, 374 MW), la Belgique (44 éoliennes, 370 MW) et le Portugal (1 éolienne de 8 MW).  La France dispose à l'heure actuelle d'une seule installation connectée au réseau électrique (démonstrateur de Floatgen de 2 MW). Siemens Gamesa et MHI Vestas ont fourni 90% des nouvelles éoliennes connectées au réseau électrique en Europe en 2019. Le groupe danois Ørsted est quant à lui le premier exploitant de parcs éoliens offshore en Europe (16% du total à fin 2019), devant RWE (12%), Vattenfall et Macquarie Capital (7% chacun)
.
Tout cet effort  pour 2% de toute l’électricité consommée en Europe. Et encore, rappelons qu’il s’agit d’une énergie intermittente qui produit quand le vent souffle, et pas forcément quand vous avez besoin d’électricité.
Et qu’il s’agit d’une énergie chère, très chère et hautement subventionnée (voir la suite)

Jancovici : S’il y a un truc qu’il faut arrêter tout de suite, c’est bien ça !

Alors, la France doit-elle se lancer dans un programme éolien off-shore ? Ben la réponse de Jean-Marc Jancovici est claire : « L’éolien offshore aujourd’hui, c’est 25 milliards d’euros qui vont partir dans ce dispositif qui a encore moins d’intérêt que l’éolien terrestre. S’il y a un truc qu’il faut arrêter tout de suite, c’est bien ça ! Avec ces 25 milliards d’euros vous avez de quoi payer 6000 euros de prime de conversion du fuel en pompe à chaleur aux quatre millions de ménages français qui sont chauffés au fuel, qui sont souvent des ruraux, souvent précaires. Qu’on augmente mon taux d’imposition pour ça, moi je veux bien ! Mais qu’on me prélève un centime de plus pour payer l’éolien offshore, ce truc de Shadock »….J’aurais fourni la totalité de la pompe à 10 à 15 millions de ménages français. J’aurais sorti la totalité du fioul et les deux tiers du gaz et gagné une partie de ma course contre la montre. J’aurais évité 15 % des importations de pétrole, donc, selon les années, de 3 à 6 milliards d’euros, voire 9 milliards d’euros. J’aurais évité la moitié des importations de gaz, créées macroéconomiquement de l’emploi et évité du CO2 »

Les conditions de l’éolien en mer expliquent des coûts particulièrement élevés. Une éolienne en mer doit résister non seulement au vent (ça il vaut mieux !) mais aussi aux vagues, à la corrosion du sel, et donc il faut utiliser plus de matériaux et plus de traitements à puissance installée égale, sans parler du support immergé.
A cause de ces raisons, et aussi de la zone d’implantation, la construction en mer augmente la dépense en carburant par rapport à la construction à terre, et augmente aussi la dépense en carburant pour la maintenance.

Il résulte de ces « surcoûts » à la construction que l’éolien off-shore, malgré un taux de charge augmenté (Vesta annonce de 30% à 50%, ce qui soit dit en passant correspond peut-être au cas du Danemark mais pas au cas de la France, où les meilleurs sites dépassent tout juste 35% de facteur de charge), fournit certes une énergie plus importante par éolienne installée, mais avec un « contenu en carbone par kWh » qui reste à peu près identique. Les éoliennes soient off-shore ou à terre, elles produisent toujours de l’électricité intermittente. De ce fait, dès qu’il y a 1 MW d’éolien installé quelque part, il faut obligatoirement, pour assurer la continuité de la fourniture d’électricité, installer un peu moins de 1 MW « d’autre chose » ailleurs. Installer 24 GW d’éolien suppose donc d’avoir « ailleurs » pas loin de 20 GW de puissance de pointe provenant d’une autre source pour pallier les variations du vent, et au surplus cette « autre source » devra fonctionner 70% à 80% du temps pendant que l’éolien assurera sur 20% à 30% du temps.

Éolien en mer : le tour de passe-passe de Macron – la charge du raccordement au réseau

La Cour des Comptes estimait en 2018 (Rapport sur le coût des ENR)  que les six parcs d'ores et déjà attribués au large des côtes françaises devraient coûter 2 milliards d'euros par an sur 20 ans, soit un montant total de 40,7 milliards, pour une part de 2% du mix énergétique !!!

Donc, on était parti pour 40 milliards d’euros (Md€) ce qui élevait le coût de production de l’électricité à 22 c€/kWh, alors que cette électricité est vendue… 4 à 6 c€/kWh sur le marché.Ca faisait quand même un peu cher ( d’où Jancovici : il faut arrêter tout cela), alors, miracle macronien et roulement de tambour : le président Macron a annoncé le 20 juin 2018 que, après négociations avec les promoteurs, leur coût a été ramené de 40 Md€ à 25 Md€ par miracle, sans qu’aucun des opérateurs ne se plaignent ou ne se retirent des projets. On nous fait même savoir qu’on les a menacé de relancer les appels d’offres.

Un miracle, on vous dit…Sauf que, changement : les raccordements des éoliennes off-shore au réseau d’électricité seront à la charge de RTE, alors que ces opérations coûteuses destinées à ramener l’électricité à terre vers le réseau RTE par câbles « ensouillés » sont normalement à la charge du producteur.

Donc, le miracle n’est en fait qu’un vrai tour de passe passe qui en fait arrange bien les producteurs. Ces coûts de raccordements sont assez peu prédictibles, d’autant que  la France a des systèmes côtiers plus compliqués que les sites peu profonds et souvent sableux de la Mer du Nord et de la Baltique. . En particulier, les producteurs veulent installer des éoliennes flottantes ancrées sur des fonds de grande profondeur au large de l’Aude et des Pyrénées Orientales (la meilleure région française pour le vent), mais l’opération se révélait onéreuse et risque. Eh bien, risque et coût seront pris en charge par le réseau et donc le contribuable, selon la bonne recettte des affairistes et des margoulins de l’éoline : risque publics, profits privés. C’est pas beau !

Et voilà comment, par un tour de passe-passe, Macron a faussement réduit la facture de 40 Md€ à 25 Md€ ! La méthode est détestable car elle camoufle le véritable coût de l’éolien off-shore. Cette dépense considérable va augmenter le coût du TURPE payé par tous les consommateurs d’électricité pour subventionner les énergies renouvelables, en plus de la célèbre taxe « CSPE » toujours en vigueur sur les factures d’électricité de tous les Français.


Mais la Commission Européenne,  d’habitude si sourcilleuse, considérant qu’il n’y a pas (trop) « distorsion de concurrence » vient de valider les aides très substantielles que la France (donc ses contribuables) accorde aux promoteurs de ses six premiers champs éoliens offshore : 22,3 milliards d’euros pour 3GWe installés ! Le document bruxellois contient d’ailleurs une phrase foncièrement révélatrice indiquant que la Commission donne finalement son accord, car le total de la contribution de ces six champs (estimée à 2% de la production électrique nationale) restera marginal, en se gardant bien de mettre ce chiffre en regard des montants extravagants des aides accordées.

Si l’éolien terrestre coûte cher, l’éolien en mer coûte un pognon de dingue. Beaucoup plus que l’EPR !

Et comme d’habitude, les comptes fantatisques de l’Ademe !

« L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) vient d’actualiser son étude sur les coûts des technologies renouvelables, nous annonce-t-on. Pour les six parcs attribués lors des deux premiers appels d’offre (2011 et 2013), les tarifs moyens pondérés sont après la renégociation de 2018, 148 €/MWh et 134 €/MWh respectivement, sur 20 ans d’exploitation. »

Commentaire : ben oui, on a vu ci-dessus le tour de passe- passe. Le raccordement à la chatrge du réseau. L’électricité la plus chère de toutes, pour 2ù, at pas quand on en a besoin, quand le vent veut bien…
« L’étude indique qu’en se basant sur la littérature existante, le coût complet de production d‘un megawatt-heure, plus connu sous l’appellation de LCOE (Levelized Cost Of Energy) d’un parc en exploitation pourrait être de 56 à 88 €/MWh, en 2030, et descendre entre 35 et 54 €/MWh en 2050 ».

Commentaire ; on dit on répète ; pour l’électricité, le LCOE n’est pas pertinent, et ne peut en aucun cas servir de base à quelque comparaison que ce soit. Parce que l'unité vraiment pertinente n'est pas le MWh produit, mais le MWh livré en un lieu donné à une date donnée… Parce que, quelle que soit la solution adoptée pour pallier l'intermittence, elle a un coût. Or celui-ci n'est pas inclus dans le calcul du LCOE (cf. https://vivrelarecherche.blogspot.com/2019/11/nucleaire-parlons-finances-2-la-grande.html ; https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/les-couts-lisses-de-l-electricite-774441.html)

Et surtout, vous ne pouvez comparer ainsi une énergie intermittente  qui vous fournit de l’électricité quand ça veut bien (20% du tps) et pas quand vous en avez besoin (au point qu il faut parfois payer pour que quelqu’un la prenne) et une énergie pilotable comme le nucléaire.

« En revanche, le tarif d’achat pour le projet de Dunkerque accordé l’an dernier à EDF Renouvelables /Innogy / Enbridge est de 44 €/MWh sur 20 ans, devant huit candidats. »

Commentaire : alors, là, c’est vraiment louche ! Incroyable ! Ah oui, c’est EDF qui a répondu ? Donc quand même, ce petit soupçon : est-ce qu’une fois de plus EDF n’aurait pas été un peu racketté , juste pour faire plaisir à l’Ademe ?

Eolien off shore : si j’étais investisseur…eh bien, je me méfierais ! Un eldorado pas si doré et les malheurs de Dong.

Dans un article intitulé Eolien en mer, le nouvel eldorado ? ( avec un point d’interrogation, notez !) Forbes pose quelques questions sur l’éolien maritime aux USA. Revenant sur un précédent rapport très optimiste, le Ministère de l’Energie américain (DOE) a réduit l’estimation du potentiel de développement de l’éolien offshore de 2,000 GW à 54 GW, du fait des contraintes géologiques, océanographiques et légales.

C’est qu’il existe de  nombreux freins au développement de l’éolien en mer. Les permis de construire des projets off-shore sont tout aussi difficiles à obtenir que pour les projets on-shore. Le bureau de l’énergie océanique américain (BOEM) a déjà retardé de plusieurs mois le lancement des projets Empire State et Vineyard. L’organisation fédérale se fait également le porte-voix de nombreuses activités marines telles que le transport ou la pêche, qui s’inquiètent du bouleversement de leur cadre de travail. Ainsi, en Nouvelle Angleterre, navigateurs et marins s’élèvent contre l’édification de 84 turbines au milieu de leurs routes et zones de pêches.

Au-delà des mécontentements des riverains, l’éolien en mer nécessite de nombreux investissements dans les infrastructures portuaires et électriques. Autre frein : plus de la moitié de la côte californienne – là où le vent souffle le plus fort – est en zone militaire protégée.

Cela vaut aussi peut-être la peine de s’intéresser aux malheurs du leader de l’éolien maritime Ørsted (anciennement DONG Energy). Autrefois propriétaire de l’Etat Danois, la firme n’est plus nationalisée qu’à 51%. En 2014, le gouvernement danois a autorisé Goldman Sachs à prendre une participation de 18 % dans le capital de la société, décision qui a provoqué un mécontentement populaire et la démission de plusieurs ministres du Parti populaire socialiste (écosocialiste) opposés au projet. (En mars la presse danoise révèle que le prix de la participation aurait été largement sous-évalué, faisant perdre le pouvoir aux sociaux-démocrates).

Fin 2019, les cours du géant danois Orsted, pionnier de l’éolien offshore ont plongé en fin d’année en raison de la réévaluation de la production de son parc éolien en mer. Ce dernier aurait sous-évalué les pannes à répétition entraînées par les vents violents du large. Les marchés s’interrogent donc sur la viabilité de ce business model dont la robustesse financière reste encore à démontrer. Selon l’agence environnementale américaine, le coût actualisé de l’énergie éolien en mer reste 2,7 fois plus élevé que l’éolien conventionnel. 
Très confraternel, Orstedt  qu ’il baissait son taux de rendement interne prévu pour plusieurs projets en Europe et à Taïwan. La question sous-jacente est une sous-estimation des effets de sillage et de blocage. Son porte-parole a  insisté sur le fait que le problème n’est pas propre à l’entreprise, mais plutôt à l’ensemble de l’industrie, ajoutant que ses prévisions sont généralement plus prudentes que celles de ses concurrents.

« Notre tâche principale est de nous assurer que nous ne prenons que des projets où nous créons effectivement de la valeur. Il n’est dans l’intérêt d’aucun actionnaire, ni de notre organisation d’opérer avec des prévisions de production gonflées et de gagner des projets sur cette base »

Bon ben voilà, les investisseurs sont prévenus.

Impossible de terminer ce  billet sur les éoliennes off shore  sans rappeler tout de même leurs nuisances.

(« un port comme Le Tréport, c’est 200 marins, il est fréquenté par 75 navires de pêche sur l’année et représente un chiffre d’affaires de 11 millions d’euros. Lorsqu’on nous a présenté le projet, nous avons tout de suite compris que s’ils mettaient les éoliennes là, nous signions notre arrêt de mort. Uniquement avec le chantier nous serions obligés d’arrêter de travailler pendant 2 ou 3 ans…

Katherine Poujol de « Gardez les Caps » conclut en se référant au rapport du député Aubert : « pas d’éoliennes dans les zones de pêches artisanales et une distance d’éloignement minimale de 50 km en mer. » Une distance qui, au demeurant, en ferait de vrais projets offshores.

Nous avons organisé un voyage dans un parc éolien en activité bénéficiant de conditions similaires aux nôtres, avec une courantologie et des fonds marins comparables. En mars 2017, nous avons ainsi visité le parc de Thannet sur proposition de l’Institut maritime de prévention (IMP) et nous étions une dizaine de pêcheurs. Nous sommes revenus en pleurant : le port de pêche s’est vidé, il n’y a plus que du fileyeur, nous n’avons vu aucun bateau de pêche en activité. »




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