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vendredi 9 juillet 2021

Comité de prospective de la CRE_ Le vecteur hydrogène

Rapport rédigé par d’Olivier APPERT, Membre de l’Académie des technologies, et Patrice GEOFFRON, Professeur d’économie à l’Université Paris, Dauphine-PSL

Rapport complet : https://www.eclairerlavenir.fr/wp-content/uploads/2021/06/GT4-Rapport-final-Hydrog%C3%A8ne.pdf

A) Contexte :

On pourra se reporter à deux billets précédents résumant un rapport de l’Académie des Technologies : https://vivrelarecherche.blogspot.com/2020/09/les-enjeux-de-lhydrogene-le-rapport-de.html

https://vivrelarecherche.blogspot.com/2020/09/les-enjeux-de-lhydrogene-le-rapport-de_9.html

Et à une conclusion importante  :

« L’utilisation massive d’hydrogène comme stockage intermédiaire d’énergie électrique intermittente (éolien et solaire) dans la chaîne Power-to-Gas-to-Power se heurte à des obstacles rédhibitoires tenant aux volumes considérables des stockages d’hydrogène requis et au faible facteur de charge des électrolyseurs et piles à combustible de la chaîne « conversion-stockage-conversion » qui obère considérablement les coûts… »

« Dans tous les cas, le stockage d’une électricité renouvelable variable sous forme d’hydrogène entraine des pertes de conversion de 70 %, à terme peut-être seulement 40 ou 50 %. Dans un environnement disposant de larges réseaux de gaz ou d’électricité les perspectives de rentabilité pour ces solutions semblent très lointaines, à des niveaux de coût carbone bien supérieurs à ce qu’ils sont actuellement. »

Bon, l’hydrogène c’est pas nouveau ( un molécule prometteuse destinée à le rester ?)

« Élément chimique le plus abondant de l’univers, l’hydrogène est source d’espoirs depuis deux siècles. Mais l’ère post-carbone, où l’hydrogène aura contribué à évincer les énergies fossiles, n’est pas encore advenue. Pour l’heure, ses usages sont certes très concentrés dans l’industrie chimique (ammoniac pour la fabrication des engrais) ou la pétrochimie (pour le raffinage), mais cet hydrogène est très « gris », produit à 95 % à partir de gaz et de charbon (la molécule H2 n’étant pas disponible à l’état naturel). Dans le cadre de la lutte contre le changement climatique, encore loin des espoirs, l’hydrogène fait donc partie pour l’heure du problème, induisant l’émission de près d’un milliard de tonnes de CO2 par an au niveau mondial. Mais l’Union européenne, qui vise la neutralité carbone d’ici 2050, ravive un espoir d’émergence d’une économie de l’hydrogène propre dans son Green Deal : ce à quoi l’Allemagne, la France et l’Italie font écho en prévoyant des milliards d’euros pour construire une filière dans ce domaine. L’objectif est de produire en masse un hydrogène par électrolyse de l’eau, grâce à une électricité décarbonée (éolien, photovoltaïque, hydraulique, nucléaire, etc.) ou dont les émissions seraient captées et stockées »

Le moins qu’on puisse dire est que le rapport rappelle à la raison quant à l’enthousiasme  un peu démesuré et sonnant et trébuchant de certains politiques

B) Les procédés de production de l’hydrogène : de l’hydrogène de toutes les couleurs

Hydrogène gris : Le vaporeformage d’énergie fossile consiste à exposer du gaz ou du charbon à une vapeur très chaude, afin de libérer le dihydrogène. L’ hydrogène « gris » est particulièrement émetteur de gaz à effet de serre Les milliards de tonnes de CO2 émises par la production d’hydrogène représentent 2,5 % du total des émissions mondiales.

Toutefois couplé à une chaîne de captage, de transport puis de stockage du carbone (CCS) : cet hydrogène est alors qualifié de « bleu » .

Hydrogène vert, rose  ou jaune : obtenu par  décomposition de la molécule d’eau, par électrolyse ou par cycles thermochimiques – la molécule se dissocie sous l’effet de températures de l’ordre de 800 à 1 000 °C. L’hydrogène produit est désigné par plusieurs couleurs selon la source d’électricité utilisée. Il est qualifié de « vert » lorsque la source d’électricité est composée exclusivement d’énergies renouvelables ou de « rose » lorsqu’il est produit avec de l’énergie nucléaire. Toutefois, en France, l’hydrogène produit à partir du réseau électrique – parfois caractérisé en « jaune » – dégage peu de CO2 compte tenu de la faible teneur en carbone du mix français largement composé de l’électricité des centrales nucléaires et de l’hydroélectricité des barrages.

Le vaporeformage dégage en moyenne 11 kg de CO2 par kg d’hydrogène (auquel il convient d’ajouter 1 kg pour 100 km de transport), tandis que l’hydrogène vert n’en émet que 1,9 kg et l’hydrogène jaune 3 kg. Comparativement, l’hydrogène produit à partir du réseau d’électricité européen produit quant à lui plus de 20 kg de CO2.

Production à partir du réseau français et taxonomie « verte » européenne :

L’Europe met en place une taxonomie de l’investissement durable pour orienter les flux vers les technologies décarbonées. Cette taxonomie vise à définir un seuil d’émissions de CO2 en-deçà duquel telle technologie ou activité sera considérée comme contribuant à l’évolution positive du climat. L’acte délégué présenté le 23 avril 2021 par la Commission définit comme éligible à la taxonomie verte la production qui dégage moins de 3 kg de CO2 par kg d’hydrogène, un seuil qui rend éligible le recours au mix électrique français

Commentaire : cela me semble très très optimiste lorsqu’on considère l’acharnement des Allemands à combattre l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie. Si le nucléaire n’est pas inclus dans la taxonomie, cela rendra probablement l’hydrogène produit à partir du réseau électrique français inéligible à tout financement vert…. De même que tout hydrogène produit à partir de SMR (Small Modular Reactor, pourtant une technologie très prometteuse)

1) Les coûts de production :

Le coût de l’hydrogène produit par vaporeformage dépend de celui du gaz naturel, à partir duquel il est produit, et de celui du CO2. Il s’élève aujourd’hui en France entre 1,5 et 2 €/kg environ, sous l’hypothèse d’un prix du gaz de 20 €/MWh et d’un prix de la tonne de CO2 de 40 €/t sur le marché ETS.

La production de l’hydrogène par vaporeformage avec CCS représente, quant à elle, un surcoût situé entre 1 et 2,5 €/kg par rapport au vaporeformage simple. Le coût d’un kilo d’hydrogène produit par vaporeformage et CCS s’élève aujourd’hui entre 2,5 et 4,5 €/kg. Total estime que le coût de la chaîne de captage, transport et stockage de son projet Northern Light en Norvège pourrait diminuer d’un coût de 150 à 75 € la tonne de CO2 grâce aux effets d’échelle, soit un surcoût de 0,75 € par kilo d’hydrogène produit par rapport au vaporeformage et donc le prix devrait diminuer dans une fourchette entre 2 et 2,5 €/kg à l’horizon 2030.

Compte-tenu de ces évolutions favorables des coûts, le rapport considère que à titre transitoire, et dans une optique de stimuler la demande d’hydrogène décarboné dans l’industrie et la mobilité, il pourrait être envisagé de recourir de manière complémentaire à l’hydrogène bleu produit après CCS.

Le coût de production de l’hydrogène électrolytique dépend des dépenses d’investissement de l’électrolyseur (Capital expenditure, ou CAPEX), du prix de l’électricité et du taux de charge, c’est-à-dire du taux d’utilisation de l’électrolyseur. Les CAPEX s’élèvent aujourd’hui autour de 1 000 €/kW pour les électrolyseurs alcalins et 1 500 €/kW pour les PEM.

Au total, les coûts actuels de production de l’hydrogène électrolytique (4,5 à 6 €/kg) sont encore très élevés par rapport au vaporeformage (1,5 €/kg) et même par rapport à l’hydrogène bleu (2,5 à 4,5 €/kg). Le développement d’une demande pour l’hydrogène produit par électrolyse dans les prochaines années nécessitera donc une baisse significative des prix de production et un soutien public pour couvrir la différence de coût.

Un kilo d’hydrogène produit par electrolyse  sera produit dans une fourchette comprise entre 2 et 4 €/kg à l’horizon 2030. Il ne deviendrait compétitif avec l’hydrogène fossile (2,5 €/kg avec un prix du CO2 à 100 € sur l’ETS) que dans les scénarios les plus optimistes.


2) Modalités de production par électrolyse

Il existe trois configurations possibles pour la production par électrolyse.

La première consiste à relier directement les électrolyseurs à une source d’énergie renouvelable et de n’utiliser que les surplus de production d’électricité pour produire de l’hydrogène, afin de bénéficier des prix les plus bas. Ce fonctionnement s’avère être le plus onéreux, car le taux de charge des électrolyseurs est particulièrement faible compte tenu de l’intermittence des renouvelables… cette configuration oblige à surdimensionner l’électrolyseur pour qu’il puisse recevoir le plus possible d’électricité produite par la centrale. Aucun espoir de rentabilité même à moyen terme avant 2030

Commentaire : en fait, comme l’Académie des technologies avant elle, le groupe de la insiste sur  une absence de modèle économique à horizon 2030 pour le stockage des excédents d’électricité :

L’hydrogène constitue un vecteur d’énergie. À ce titre, il peut servir à stocker l’électricité produite en recourant à l’électrolyse pour la restituer par la suite, par exemple grâce à une pile à combustible. Cet usage, désigné sous le nom de Power-to-gas-to-power, offre la possibilité d’équilibrer l’offre d’électricité à la demande. Il permet ainsi de pallier le problème de l’intermittence des énergies renouvelables, en stockant par exemple l’énergie solaire excédentaire produite en été pour la restituer en hiver. Il offre également la possibilité de résoudre des problématiques de congestion du réseau électrique en évitant d’investir dans de nouvelles lignes. RTE considère néanmoins qu’il n’existe pas de modèle économique à horizon 2035 pour ces deux services.

L’hydrogène apparaît peu compétitif face à aux modes  de stockage existants , compte tenu notamment du faible rendement énergétique (30 % environ actuellement) et du surcoût que représente la production d’hydrogène par un électrolyseur ne captant que les surplus d’électricité (le faible taux de charge augmente la durée d’amortissement des CAPEX, cf. supra). L’Académie des technologies estime ainsi que le coût du MWh produit par une pile à combustible s’établit entre 500 et 800 €/MWh et peut diminuer en dessous de 400 €/MWh en utilisant le même dispositif comme électrolyseur et comme pile à combustible. Par rapport aux solutions thermiques qui pallient aujourd’hui la variabilité des énergies renouvelables, RTE estime que le coût de la tonne de carbone évitée par le Powerto-gas-to-power s’élève à environ 400 €/t de CO2 pour un hydrogène à 3 €/k

Le deuxième mode consiste à relier les électrolyseurs directement au réseau, afin qu’ils fonctionnent toute l’année, sauf pendant certaines périodes de tension où les prix de l’électricité sont élevés. Ce fonctionnement est aujourd’hui le mode le plus économique, car il nécessite moins de capacité d’électrolyse pour un même volume d’électricité et permet ainsi d’amortir plus rapidement le coût d’investissement.

Le dernier mode repose sur l’installation d’électrolyseurs sur un site de production d’électricité renouvelable dédié à la production d’hydrogène, l’électricité pouvant être revendue lorsque les prix sont élevés sur le marché…. l’hydrogène ainsi produit ne deviendrait moins cher que le raccordement direct au réseau qu’en cas de baisse plus forte qu’anticipée du prix des panneaux solaires de l’ordre de 30 % ou de très fortes hausses des prix de l’électricité sur le marché.

Seuls les deux derniers modes – connexion au réseau raccordement à un site d’énergie renouvelable dédié – permettent donc d’optimiser le coût de production d’hydrogène à horizon 2030. Si la première de ces deux configurations est à l’heure actuelle la moins onéreuse, le choix entre ces deux configurations dans les prochaines années dépendra des hypothèses d’évolution des prix de l’électricité renouvelable et des prix de l’électricité sur le marché de gros, et dans une moindre mesure des CAPEX

3) Des modes prometteurs de productions – 1) le Carbon storage

« Pour que l’hydrogène bleu devienne une possibilité sur le plan industriel, les capacités de stockage devront être développées. En 2020, seules 35 millions de tonnes de capacités de stockage sont en projet, principalement aux États-Unis (25 Mt), alors qu’il faudrait 800 millions de tonnes pour seulement stocker le carbone issu de la seule production d’hydrogène, qui ne représente elle-même que 1 % du total des émissions de CO2. Les pays européens les plus avancés sur le CCS, la Norvège, les Pays-Bas ou encore le Royaume-Uni, cherchent à développer cette filière par la mise en place de mécanismes mélangeant incitation et sanction, en couplant des taxes croissantes sur le CO2 et de subventions couvrant le différentiel de coût entre le prix du CCS et celui de la tonne de carbone. Les Pays-Bas ont ainsi instauré une taxe carbone de 30 € en 2020 qui augmentera jusqu’à 125 € en 2030, tandis que la mise en place de contrat pour différence (CfD) sur la valeur du CO2 permet le financement de 100 % de l’écart entre les coûts du projet et le prix du CO2 (dans une limite de 156 €/t pour le CCS). Il convient de noter l’existence de discussions germano-russes destinées à explorer la possibilité d’exporter de l’hydrogène produit en Russie à partir de méthane avec CCS. 

Le développement du CCS en France nécessiterait de déployer des capacités de stockage de CO2 ou transporter ce dernier vers les zones de stockage en Mer du Nord. Des études dans le Nord de la France ont permis d’identifier des petites structures de stockage. D’autres se situeraient probablement en off-shore sur la côte atlantique. Le potentiel est estimé à quelques centaines de millions de tonnes de CO2. Leur exploitation nécessiterait néanmoins des campagnes d’exploration (forages de puits, campagne sismique) longues (8 ans entre le début du projet et sa mise en service) et coûteuses (creuser un puits en mer du nord coûte environ 100 M$). Le choix de recourir à cette technique en France ne peut donc concerner uniquement la production d’hydrogène. L’exportation de CO2 capté en France, plus immédiate, nécessiterait, sur le plan juridique, un accord bilatéral avec le pays d’importation. Le coût de transport d’une tonne de CO2 par navire vers les Pays-Bas est estimé par Total autour de 20 €. Elle serait limitée à l’hydrogène produit à proximité d’un port pour des raisons logistiques.

Commentaire : le stockage du carbone ne pose pas de barrières techniques insurmontables, il suffit de lancer des campagnes d’exploration. En Europe, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni , des mélanges de taxes sur le CO2 et de subventions permettent d’inviter au développement de cette technique identifiée par l’AIE comme un moyen très prometteur de combattre le réchauffement climatique (cf par exemple https://www.connaissancedesenergies.org/la-capture-du-co2-essentielle-dans-le-cadre-de-la-transition-energetique-selon-laie-200930). Si effectivement il n’y a que peu d’intérêt à développer ces techniques pour la seule production d’hydrogène, elle peuvent devenir un atout majeur dans la transition énergétique. Et pour l’hydrogène

Des modes prometteurs de productions 2)– SMR et électrolyse à haute température

 Le CEA travaille actuellement à un couplage entre un électrolyseur SOEC (solid oxide electrolysis cell) à haute température pouvant fonctionner en mode électrolyse ou PAC et des petits réacteurs nucléaires modulables, dits « SMR » (Small Modular Reactors). Le premier avantage du modèle est d’utiliser la chaleur de la centrale pour augmenter le rendement de l’électrolyse à haute température de 10 points, soit un rendement total de 85 % contre 65 à 70 % maximum pour les électrolyseurs PEM et Alcalins. Un apport de chaleur à 150 degrés sous forme de vapeur surchauffée est suffisant pour entretenir le système. Le modèle permet également d’optimiser la production d’hydrogène en fonction des prix de marché de l’électricité. Lorsque les prix sont élevés, l’électrolyseur serait à l’arrêt ou fonctionnerait en mode réversible (PAC) pour soutenir le réseau. En cas de prix bas, le réacteur nucléaire serait modulé à la baisse pour capter les prix du réseau et produire l’hydrogène à moindre coût. Ce couplage permettrait enfin de produire un hydrogène localement, au plus près des usages, pour éviter les coûts de logistique avale. Le prix cible à long terme est de 2 à 3 € le kilo d’hydrogène. Le Royaume-Uni, l’Allemagne (avec Sunfire), les États-Unis (avec Fuel Cell Energy)expérimentent également cette technique, avec des démonstrateurs jusqu’à 2 MW. Le développement du SMR soulève néanmoins la question de l’acceptabilité sociétale d’une dissémination de réacteurs nucléaires en France, chacun ayant malgré tout une puissance de l’ordre de 250 MW.

Des modes prometteurs de productions –  3) la torche à plasma

Le rapport constate que « la technologie plasma, qui permet de produire de l’hydrogène à partir de méthane sans dégager de CO2, mais seulement du carbone solide, est prometteuse en raison de la faible quantité d’énergie requise et de l’utilisation du carbone produit, bien que les débouchés soient réduits. Elle souffre néanmoins, selon l’Académie des technologies, d’un manque d’intérêt à ce stade de la part des industriels et des pouvoirs publics français »

Commentaire : il s’agit de la décomposition thermique du méthane par torche à plasma qui produit du carbone (valorisable) et non du CO2. Le procédé est généralement considéré encore comme expérimental, mais la Russie y croit beaucoup, avec un programme extrêmement ambitieux. La Russie, premier fournisseur de gaz naturel de l’Allemagne et de l’Europe se prépare à la décarbonisation de l’Union européenne.

Dans son rapport cité précédemment, l’Académie des technologies regrettait  : « Malheureusement, les technologies plus disruptives comme la technologie plasma de production d’hydrogène à partir de méthane sans générer de CO2, les travaux sur la génération microbienne d’hydrogène ou l’exploration de l’hydrogène natif restent des niches délaissées en France par les pouvoirs publics qui financent la recherche. Les TRL plus bas de ces technologies devraient pourtant justifier un plus grand soutien public »

https://vivrelarecherche.blogspot.com/2020/09/les-enjeux-de-lhydrogene-le-rapport-de.html

Propositions du groupe de travail concernant la production

- adopter une approche de neutralité technologique quant aux différentes formes d’hydrogène décarboné (« vert », « jaune », voire « bleu ») pour atteindre rapidement les coûts de production les plus bas et minimiser le coût du soutien public ;

- dans le cas d’une production de l’hydrogène à partir d’électricité, favoriser la configuration d’électrolyse la plus économique, compte tenu du mix-électrique français :

- connecter en priorité les électrolyseurs au réseau d’électricité compte tenu de la variabilité des énergies renouvelables qui diminue leur taux de charge. En cas de baisse plus forte qu’anticipée des coûts du photovoltaïque et de l’éolien, favoriser le raccordement à un site d’énergie renouvelable dédié ;

- favoriser le raccordement indirect au réseau public de transport ou la mise en place d’électrolyseurs de plus de 40 MW dans une logique de hubs pour 7 bénéficier de moindres coûts d’accès au réseau ou de synergies dans l’emploi et la logistique de l’hydrogène ;

- recourir à des contrats de long terme entre les producteurs d’électrolyse et les producteurs d’électricité décarbonée pour éviter l’impact de la hausse du prix du CO2 sur le système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne (EU ETS) sur le prix de l’électricité, et maîtriser le risque-marché.

 - poursuivre les soutiens à la recherche et au développement sur les technologies de production de rupture (électrolyse à haute température et SMR, torche à plasma)

Propositions du groupe de travail  concernant les usages les plus pertinents sur le plan économique de l’hydrogène à l’échéance 2030

- concentrer les aides publiques sur les usages les plus mûrs : la substitution à l’hydrogène « gris » actuellement consommé dans l’industrie, puis les transports lourds, dans une perspective de création d’une filière industrielle ;

- créer un comité indépendant sous l’égide de la Commission de régulation de l’énergie pour suivre le développement des usages de l’hydrogène et identifier l’évolution des besoins de construction d’infrastructures ;

- adapter le cadre régulatoire et de soutien en fonction du développement du marché, notamment afin d’éviter les coûts échoués dans des infrastructures de transport d’hydrogène surdimensionnées, sans préjudice de la poursuite des études sur la faisabilité technique de la conversion des réseaux de gaz naturel.

- Commentaires :

Un espace économique potentiel pour le ferroviaire, les poids lourds voire le transport maritime

Trains : oui, mais effet faible :  La moitié du réseau français est actuellement électrifiée : mais si les trains électriques représentent 80 % du trafic, les autres utilisent des moteurs thermiques, lesquels émettent 3 millions de tonnes de CO2 par an.

Poids lourds peu convaincant :  Un camion hydrogène coûte aujourd’hui 450 000 € contre 90 000 € pour un camion diesel et 120 000 € pour le gaz naturel, un surcoût qui s’explique notamment par le prix de la pile à combustible. Les économies d’échelle entraînées par une hausse de la production seront donc indispensables. Le coût des infrastructures demeure également très élevé, autour de 1 M€ pour une station à 350 bars et une capacité d’avitaillement de 200 kg par jour. Afin d’économiser les ressources publiques, les stations devront donc être déployées à proximité des principaux corridors routiers et des principales flottes captives. L’’utilisation de l’hydrogène dans les transports lourds à horizon 2030 conservera donc un surcoût important par rapport au diesel, qui sera délicat à répartir. Le secteur du transport routier ne dégage par exemple que de faibles marges, de sorte que la capacité des acteurs à payer un premium restera limitée

Transport maritime : limité  Il est vraisemblable que le transport maritime ne constituera pas un secteur d’application pour l’hydrogène à l’horizon 2030. Le transport maritime émet chaque année 900 millions de tonnes de CO2, soit 2,6 % des émissions mondiales, susceptibles de croître jusqu’à 1,7 milliards de tonnes à horizon 2050 selon l’Organisation Maritime Internationale. Si l’hydrogène peut être utilisé pour des navires de faible puissance – tels que des ferries ou des navettes fluviales grâce à des piles à combustible – l’hydrogène liquide ou ses dérivés (ammoniac, méthanol) seront néanmoins encore très chers à horizon 2030 pour le transport maritime de longue distance.

Transport léger : non  Une absence très probable de modèle économique pour les véhicules légers à horizon 2030. Le coût du véhicule hydrogène est aujourd’hui quatre fois plus élevé que celui des véhicules thermiques et deux fois plus que celui les véhicules électriques, impactant fortement le coût complet d’usage. Les perspectives de réduction des coûts de motorisation demeurent incertaines »

Avion : non. À l’horizon 2030, l’avion à hydrogène ne devrait pas apparaître. Un Airbus A320 contient 23 tonnes de kérosène, soit l’équivalent énergétique de 9 tonnes d’hydrogène. Toutefois, cet hydrogène occuperait, sous forme comprimée, un volume huit fois plus important que le kérosène, et un volume encore quatre fois plus important sous forme liquéfiée – impliquant de repenser fondamentalement l’architecture des avions

L’utilisation d’hydrogène dans les aéroports implique de résoudre toute une série de difficultés logistiques en termes d’acheminement et de remplissage des avions…tout accident étant susceptible de remettre en cause ce type de technologie (Remember Zeppelin !)


Propositions concernant les enjeux de développement d’une filière industrielle française.

- soutenir les fabricants français et européens de composants essentiels (électrolyseurs, piles à combustible, réservoirs) et élémentaires (plaques bipolaires, assemblage d’électrode à membrane) en favorisant leur collaboration avec les grands groupes et via les appels à projets et les marchés publics

 - accentuer les efforts en recherche et développement sur les matériaux critiques (nickel des électrolyseurs alcalins, iridium des électrolyseurs à membrane polymère échangeuse de protons, platine des piles à combustible) pour optimiser leur usage et favoriser leur substituabilité et les possibilités de recyclage

Propositions concernant la sécurité

- conduire un travail de fond sur la règlementation et l’usage de l’hydrogène, aussi bien dans le domaine du transport que dans celui de l’habitat

- intensifier la participation française dans les activités de normalisation et de coopération internationale sur les enjeux de sécurité.

Commentaires : les problèmes de sécurité ne sont pas à prendre à la légère et peuvent entrainer des revieremenrs rapides de l’opinion , Remember Hindenburg !

« L’hydrogène présente plusieurs caractéristiques qui induisent des risques en termes de sécurité :

 - sa plage d’explosivité se situe entre 4 et 75 % d’hydrogène dans l’air, un intervalle beaucoup plus large que pour le gaz naturel et qui peut être facilement atteint lors d’une fuite dans un milieu confiné.

 À l’air libre, la grande légèreté et la grande diffusion de l’hydrogène limitent ce risque, même s’il persiste une zone inflammable autour du point de fuite, qui peut s’étendre sur plusieurs dizaines de mètres et occasionner une explosion, comme en témoigne l’accident dans une station-service en Norvège en 2019 (accident qui a conduit à la suspension provisoire de la vente de véhicules à hydrogène par Toyota et Hyundai et la fermeture provisoire des autres stations.)

 - son énergie minimale d’inflammation est faible, ce qui, combiné à la plage d’explosivité large, facilite un risque d’inflammation ou d’explosion d’une fuite d’hydrogène ;

- l’hydrogène est une petite molécule qui se diffuse facilement et qui d’autre part présente une problématique de compatibilité avec certains matériaux, comme l’acier, ce qui peut augmenter les risques de fuite d’un tuyau ou d’un réservoir de véhicule

- la combustion de l’hydrogène crée une flamme très chaude, plus de 2 000 °C, mais celle-ci est peu visible, ce qui crée un risque lors des opérations de secours.

L’hydrogène présente néanmoins aussi des caractéristiques favorables en termes de sécurité, comme le souligne l’Académie des technologies. Le faible rayonnement de sa flamme limite fortement le risque de propagation en cas d’incendie ; il n’est pas toxique et, dans des zones convenablement ventilées, il se dilue quatre fois plus vite dans l’air que le gaz naturel et douze fois plus vite que les vapeurs d’essence, ce qui réduit les risques d’accumulations explosives.

Il ressort néanmoins que le développement de la filière hydrogène, notamment pour les nouveaux usages, doit systématiquement passer par un travail de prise en compte de ces risques, afin de prévenir des accidents qui pourraient mettre en danger des vies humaines et réduire fortement l’acceptation sociale de ce gaz. En mai 2019, l’explosion d’un réservoir de stockage à hydrogène d’un centre de recherche gouvernemental en Corée du Sud a causé la mort de deux personnes et blessé six autres, détruisant un complexe de la taille de la moitié d’un terrain de football. Cet accident a entraîné dans le pays des mouvements de protestation de résidents contre les usines d’hydrogène. L’explosion en juin 2019 d’une station-service en Norvège a conduit à la suspension provisoire de la vente de véhicules à hydrogène par Toyota et Hyundai et la fermeture provisoire des autres stations. »

Conclusion

« Au total, si les Européens disposent déjà d’atouts industriels, la construction d’une filière de l’hydrogène impliquera un effort sur le très long terme, avec des effets limités sur les objectifs environnementaux de l’Union européenne en 2030. Notre conviction est que l’hydrogène tiendra lieu de test, de la capacité d’une Union en quête de souveraineté industrielle, à s’inscrire avec constance dans le temps long.

Commentaire : une vision réaliste loin des enthousiasmes délirants, un rappel que l’économie de l’hydrogène est un projet de long terme qui n’apportera pas de solutions aux objectifs environnementaux dans un avenir proche, un rappel  aussi que les utilisations seront peut-être pas si nombreuses

Données complémentaires sur le transport et le stockage de l’hydrogène :

L’hydrogène doit d’abord être comprimé ou liquéfié pour répondre aux usages envisagés. Les réservoirs des véhicules nécessitent ainsi une compression de 350 à 700 bars, quand l’hydrogène produit par électrolyse se situe entre 10 et 50 bars. La compression d’hydrogène jusqu’à 700 bars coûte environ 0,1 €/kg selon l’Académie des technologies. La liquéfaction, qui nécessite plus d’énergie, car la température descend à - 253 °C, coûte environ 0,4 €/kg. Le coût du transport dépend quant à lui du mode qui varie selon la distance. Le transport de longue distance, supérieure à 3 000 km, nécessite un transport par navire, l’hydrogène étant liquéfié ou transformé en ammoniac. La stratégie allemande reposant largement sur l’importation d’hydrogène issu de pays ensoleillés, l’EWI de Cologne a estimé, dans une étude de décembre 2020, que les coûts de transport par bateau (liquéfaction, chargement, transport, regazéification) s’élèvent à 3,2 $/kg aujourd’hui et pourraient diminuer jusqu’à 1,2 $/kg en 2050. Un tel niveau, auquel il convient d’ajouter les coûts de production, rend l’importation d’hydrogène par navire plus chère à moyen terme que la production locale par électrolyse

Le transport sur des moyennes distances peut être réalisé par hydrogénoduc. En effet, le transport direct d’hydrogène par tuyau s’avère beaucoup moins onéreux que le transport par le réseau électrique de l’électricité produite dans une zone à bas prix vers les lieux de production d’hydrogène. Selon GRTgaz et Teréga, dans la configuration d’un besoin d’hydrogène à Lyon et une électricité renouvelable produite moins chère à Marseille, la solution consistant à transporter de l’hydrogène produit par électrolyse à Marseille par les infrastructures de gaz coûte deux à quatre fois moins cher que celle consistant à transporter l’électricité de Marseille vers Lyon et de réaliser l’électrolyse dans cette dernière ville.

Le coût d’une infrastructure de stockage en cavité saline, qui dépend de la taille de cette dernière, de la quantité à stocker et de la fréquence de cyclage de l’hydrogène, s’élève entre 0,2 0,6 €/kg selon Storengy. La technique de stockage d'hydrogène en cavité saline est mûre et est déjà utilisée au Royaume-Uni (site de Teeside) et aux États-Unis. Il convient d'adapter les pratiques pour un cyclage plus fréquent, en réponse aux besoins du marché. Des zones de stockage se situent en France au niveau d’Etrez, dans la région AURA, ou dans le Sud-Est du pays. Enfin, il importe d’ajouter les coûts de distribution en station-service pour les usages de mobilité. »








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