Biodiversité/migration des
oiseaux : il y a sans doute un problème, mais on verra après !
La Camargue
est un haut lieu à la fois de l’hivernage, de la reproduction et de la
migration des oiseaux » (Audition d’experts) : y a-t-il un risque de perte
d’habitat et de mortalité accrue ?
Eh ben, on sait pas ! « Conscient de la
fragilité des données à sa disposition, l’État a initié en 2021 un programme de
recherche baptisé MIGRALION, dont l’objectif est la « caractérisation de
l’utilisation du golfe du Lion par les migrateurs terrestres et l’avifaune
marine ». Ce programme, porté par l’Office Français de la Biodiversité et
dix partenaires scientifiques et industriels, permettrait « de savoir ce qui va
se passer en mer » (Audition d’experts).
Mais les résultats étant attendus en 2024-2025, le
public se demande comment ceux-ci peuvent être pris en compte quand on veut
aujourd’hui décider d’une localisation.
En effet !
Des éoliennes dans des aires
marines protégées ? Eh oui, c’ est possible !
Une grande partie du plateau continental du golfe
du Lion est concernée par diverses mesures de protection (sites Natura 2000,
réserves, parc naturel marin…). « La zone A est un parc marin, je ne
comprends même pas pourquoi cette zone a été proposée, ça n’a pas de sens ! »
(Débat mobile, Sète).
La contradiction a été également relevée lors du
Congrès mondial de la nature de l’Union internationale pour la conservation de
la nature (UICN) à Marseille début septembre 2021 : « la France, pays hôte,
s’est engagée à (...) parvenir à 30%
d’aires protégées au niveau national d’ici 2022, et protéger fortement 5% de ses aires maritimes méditerranéennes d’ici
2027, soit une augmentation de 25 fois par rapport à aujourd’hui. »
(Manifeste de Marseille).
Le Conseil
national pour la protection de la Nature a estimé « incompatible » cet
engagement avec le programme de développement éolien en mer de l’État : « L’adéquation
des objectifs éoliens offshore avec l’objectif de zéro perte nette de
biodiversité inscrit aux articles L. 110- 1 et L. 163-1 du code de
l’environnement paraît difficile voire impossible à atteindre au regard de la
connaissance actuelle des incidences et surtout des moyens techniques
d’expertise et de pilotage permettant d’y remédier efficacement, ainsi que
l’objectif de préservation du paysage marin. »
A cela le ministère répond : « Toutes
les aires protégées ne sont pas pour autant sanctuarisées : la réglementation
vise la régulation des usages, non pas leurs strictes exclusions »
Cohabitation des usages : gros
problème pour les pêcheurs :
On voit tout de suite
pourquoi :
Donc, les pêcheurs réclament :
- une implantation hors des
macro-zones B et C et au-delà de la limite des 20 milles nautiques, étant donné
le caractère indispensable de ces zones dans l'économie de la pêche. Ces zones
représentent des secteurs de forte dépendance pour les pêcheurs de la Sa.Tho.An.
Une implantation dans un de ces secteurs de forte dépendance serait donc très
préjudiciable pour eux.
-
Aucune
suppression de zones de pêche sans récupération équivalente dans un autre
secteur ;
- L'élaboration d'un retour
d'expérience complet des fermes pilotes avant le lancement d'un projet de plus
grande envergure dans un milieu fragile
;
En fait, « le secteur de la pêche et ses représentants souscrivent largement à la
proposition d’un report » et veulent attendre le retour d’expérience
des parcs pilotes
L’impact potentiel sur la ressource halieutique
est trop crucial pour leur activité : « La profession attend beaucoup
de ces projets pilotes. En effet, ces derniers devaient apporter des réponses
aux nombreuses interrogations concernant de potentiels impacts, tant sur
l’environnement que sur les ressources halieutiques, (...). Or, les projets pilotes ont pris du retard
(...) et le débat public relatif à l’installation d’importants parcs éoliens
commerciaux en Méditerranée se fait sans que les acteurs puissent obtenir les
réponses à ces nombreuses interrogations. Plusieurs craintes ont été exprimées par la profession, et le manque de
retour d’expérience ne permet pas d’apporter de réponses concrètes sur les
effets potentiels »
Au-delà de la pêche, la Commission rappelle que la
« grande bleue » n’est vide et libre qu’en apparence et que les parcs éoliens s’implanteraient dans un
golfe du Lion « surexploité », investi par une multiplicité d’acteurs : cargos,
tankers, porte-conteneurs, filets de pêche, câbles sous-marins, bâtiments de la
marine nationale, yachts, navires de croisière, jet skis …
Les conflits d’usage sont donc latents et
nombreux :le développement de l’éolien se traduira immanquablement par
plus de réglementations, moins de liberté de circulation, et donc moins de
zones à pêcher.
Quant aux représentants de la SNSM (les Sauveteurs
en mer), ils posent la question de la sécurité dont les contours restent flous.
Quelles seront les conditions de navigation dans les parcs et aux abords ? Qui
assurera la surveillance ? La marine
nationale ? La gendarmerie maritime ? L’exploitant ?
Le raccordement terrestre :
un point négligé
Le raccordement terrestre a soulevé peu de
questions bien que l’on ait parlé de l’installation d’un poste de compensation
pouvant occuper jusqu’à 3 ou 4 hectares
de terres à proximité du littoral, ou de travaux terrestres pouvant
impacter des terres agricoles. Seule FNE Languedoc-Roussillon a alerté dans son
cahier d’acteurs sur la nécessaire préservation de la « stricte intégrité des
hauts de plage, des cordons dunaires et des lidos qui ne peuvent être coupés ou
remaniés même momentanément » et sur la limitation au maximum de « l’artificialisation
d’espaces à forte valeur patrimoniale et paysagère ».
Le grand large,
faisable techniquement et supportable économiquement.
« La
faisabilité technique d’une implantation au grand large a été confirmée par
plusieurs industriels. Ils estiment transposable à l’éolien l’expérience
des plateformes pétrolières, par exemple le recours à des chaînes d’ancrage en
polyester permettant d’atteindre de grandes profondeurs. Pour eux, c’est de
toute façon la logique de l’éolien flottant que d’ouvrir des zones beaucoup
plus éloignées des côtes, et donc beaucoup plus vastes à leur implantation. Et
la profondeur de la plaine abyssale, qui oscille entre 2 000 et 2 500 m de
fond, est comparable aux profondeurs d’ancrage des plateformes pétrolières les
plus récentes.
Ce choix aurait bien sûr un coût, notamment dû au
raccordement.. Pour le raccordement en particulier, l’éloignement au grand
large nécessiterait d’installer le poste de transformation sur flotteur, et des
évolutions techniques des câbles dynamiques. RTE alerte sur ces verrous
technologiques, sur lesquels il a engagé plusieurs projets de recherche et
développement.
Ce coût pourrait être atténué, voire compensé, par
un accroissement du facteur de charge des turbines grâce à des vents plus forts
et plus constants au large ; en outre il pourrait être complètement compensé si
des puissances plus importantes étaient installées (nombre de parcs, nombre de
mâts par parc...). Les coûts de maintenance sont supposés être proportionnels à
la distance à la côte (plus de carburant pour les bateaux, plus de
temps/homme…) mais les progrès technologiques attendus permettent de penser
qu’en 2030, année prévue d’installation des parcs si le projet se réalisait,
des solutions de maintenance locale (automatisée) pourraient réduire les
déplacements humains au strict minimum.
« On a les techniques pour relever le défi
de la profondeur, il ne faut donc pas s’interdire d’aller chercher les
opportunités qu’offre l’éloignement de la côte, en particulier une moindre
interaction avec les nombreuses activités maritimes davantage concentrées sur
la frange littorale » (Technip Energies - audition d’experts). Nous avons au
Mexique installé les fondations d’une ligne d’ancrage à plus de 2 900 mètres…
L’enjeu est avant tout la maîtrise de coûts et l’impact sur la densité des
fermes que l’on met en avant plus que la
faisabilité technique elle-même que nous considérons comme acquise » (Technip
Energies) »
La question
de l’emploi : comme d’hab, du non dit sur les emplois perdus et des
illusions sur les emplois gagnés
« Les acteurs du tourisme se sont peu
exprimés directement dans le débat, notamment du fait de la période estivale où
ils ont indiqué être très peu disponibles. Ce sont donc les élus locaux qui ont
relayé leurs inquiétudes. Par le biais des cahiers d’acteurs et des avis
publiés, et aussi de manière plus informelle pendant les réunions de proximité,
les collectivités ont rappelé le poids du tourisme dans l’économie locale,
notamment sur le littoral occitan, où l’économie touristique est très
dominante, et ont exprimé de fortes inquiétudes quant à l’impact des projets à
l’impact des projets sur l’image touristique et l’activité hôtelière. »
NB : c’était quand même
bien pratique de faire cette concertation l’été
Mais, alerte une étude de la Direction régionale
de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités Occitanie, les
métiers les plus représentés tels que technicien de maintenance, marins-pilote,
coffreur béton, soudeur chaudronnier, « sont aujourd’hui déjà en tension dans
les territoires. Le développement de fermes éoliennes risque de renforcer ces
tensions ».
Donc, en fait, peu d’emploi local Et aussi ces remarques
pleines de bon sens de certains intervenants
« La maintenance sera effectuée par une main d’œuvre étrangère qui habitera
sur le bateau, comme pour tous les autres travaux d’installation d’éoliennes en
mer. Comment justifiez-vous les 100 ou 125 emplois locaux pour une usine de 500
MW ? »
NB : c’est effectivement ce qui se passe en Ecosse !
« Maintenant il ne faut pas rêver. La filière a
démarré il y a une dizaine d’années sur la côte Atlantique et la Manche. Des
usines ont été construites, il n’y en aura pas d’autres chez nous. »
« L’éolien en mer en France est dominé par
des consortiums majoritairement étrangers, comme en baie de Saint-Brieuc. Ces
opérations accentuent la dérégulation du service public de l’électricité, en
cassant le monopole dont EDF a longtemps bénéficié, qui était la garantie de
l’égalité d’accès des citoyens à ce service public »
NB : effectivement, c’est un autre problème à
considérer !
Bilan : un moratoire sur l’éolien
flottant !
Que ce soient les questions techniques qui restent
à régler pour une technologie non mature et très coûteuse, les incertitudes
profondes sur l’équations économiques, les effets non documentés sur la
biodiversité, les oiseaux, la pêche, les
zone Natura 20000, le manque de données fiables sur les emplois gagnés et
perdus, l’incertitude même sur l’intérêt
climatique, les évolutions techniques qui pourraient permettre d’aller plus au
large, etc. tout pousse à un moratoire sur l’éolien flottant et à des
expériences pilotes.
C’est d’ailleurs bien l’avis de la CNDP, cf. commentaire
de Mme Jouanno :
L’accélération
du calendrier de déploiement des parcs éoliens en mer Méditerranée a questionné
la fiabilité de la parole de l’État. Les projets de fermes pilotes –au large de
Leucate, Gruissan et du Golfe de Fos – avaient tous été présentés par l’État
comme les préalables nécessaires à l’éventuel déploiement de parcs industriels.
L’étude de
contexte menée par la commission a révélé que ces projets de parcs éoliens en
mer n’étaient pas connus localement par le grand public.
L’absence
d’informations environnementales suffisantes et le refus de demander un cadrage préalable à l’Autorité
environnementale n’ont pas permis à l’État de répondre à une question
récurrente: ces projets sont-ils compatibles avec l’exigence affichée de
préservation de la biodiversité? Tous les débats publics sur des projets de
parcs éoliens en mer se confrontent à cette même question et à cette même
difficulté.
« Un
nombre important d’expressions dans le débat demandent de reporter la décision
en opportunité et/ou le choix des zones préférentielles. Loin d’être une
opposition de principe, cette position considère que les conditions d’une
meilleure décision seront réunies dans un délai finalement assez court au regard
de la vie d’un projeté
Et même les
associations habituellement les plus
pro-éoliennes demandent un report !
Ainsi, la FNE locale: « À France Nature
Environnement, on pense qu’il faut vraiment accepter de retarder d’environ
trois ou quatre ans la décision du site que l’on va choisir. Ce qui est
important dans la séquence ERC, c’est le E, c’est-à-dire Éviter. À 80 %, cela
dépend du site où l’on va mettre les éoliennes. Quel que soit ce que l’on fera
après, si on choisit le site dans les six mois qui viennent, dans la phase
d’incertitude complète… »
En conclusion, une dernière remarque sur le site :
« Nous nous apprêtons à défigurer 200 km de côte, avec des éoliennes
visibles à 50 km, pour gagner l’équivalent de deux cinquièmes d’une centrale
nucléaire. Cela vaut-il la peine ? »