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dimanche 19 avril 2020

Après les margoulins de l’éolien, les arnaqueurs des méthaniseurs (5): Verbatim de la Commission Aubert


Lors de son remarquable travail d’évaluation sur les énergies renouvelables, Julien Aubert a consacré une séance à la méthanisation et à ses problèmes


Intervenants : M. Daniel Chateigner, professeur des Universités, Mme Liliane Reveillac, membres du Collectif scientifique national méthanisation raisonnée (CSNM), de MM. Freddy Garcia, Sebastien Almagro et Mme Anne Danjou, membres du Collectif national vigilance méthanisation (CNVM).

« Plusieurs interrogations sur l’impact environnemental de la méthanisation sont apparues au fil de ces auditions, notamment celles portant sur la qualité des intrants, leur disponibilité, la concurrence éventuelle au détriment par exemple des surfaces destinées aux cultures alimentaires ou encore celles portant sur la prévention des nuisances qu’il s’agisse de la qualité de l’air, de l’eau ou des sols. »

1) Des installations dangereuses et non surveillées par l’administration.

Mme Anne Danjou : “Il y a deux raisons aux dérives de la méthanisation que nous voyons partout en France. D’une part, les unités de méthanisation sont en autosurveillance et peuvent ne faire l’objet d’aucun contrôle pendant des années. D’autre part, les services de l’État – directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), directions départementales de la protection des populations (DDPP) et autres – ferment les yeux au prétexte que – selon ce que nous a dit un ancien sous-préfet – « la méthanisation, c’est la politique de la France, il va falloir vous habituer ».

« À Soudan, en Loire-Atlantique, vingt-trois veaux sont morts dans les 48 heures suivant leur naissance. Le forage d’eau potable, à 47 mètres de profondeur, est contaminé par des coliformes, bactéries d’origine fécale qui passent dans le lait. En cause, un méthaniseur, ses jus et ses fosses. Les analyses de 2018, suite à la mort des veaux, présentaient un taux de coliformes inférieure à un. Un an après, en juin 2019, il y a quelques jours, malgré tous les travaux effectués en surface pour mettre fin à la pollution, les coliformes sont à huit. La nappe profonde est contaminée. »

M. Freddy Garcia : “Comment parler d’acceptation sociale quand le monde agricole lui-même est divisé sur l’avenir de la profession et de ses inégalités, lorsque les projets sont de plus en plus cachés et imposés contre l’avis de la population, parfois contre l’avis des maires, et des communautés de communes, lorsque ces usines s’installent à 50 mètres des habitations et des édifices publics comme les écoles, sur des zones karstiques et aquifères comme les nappes phréatiques, à 35 mètres des zones de captage d’eau potable et des cours d’eau allant jusqu’à 100 tonnes de déchets par jour avant que les enquêtes publiques et les études d’impact de sol ne surviennent ? Il est encore plus difficile de comprendre par exemple l’implantation de trois méthaniseurs au kilomètre carré, comme cela se passe dans certaines régions, sous couvert des lois et décrets »

« À ce sujet la base de données « Analyse, recherche et information sur les accidents » (ARIA) du Bureau d’analyse des risques et pollutions industriels (BARPI), bien qu’incomplète, recense de plus en plus d’accidents d’explosion et de pollution dues à la méthanisation et ce dans des proportions inquiétantes, avec un pic plus soutenu ces deux dernières années. En Lot-et-Garonne, un cordon de protection d’un rayon de deux kilomètres contre le risque d’explosion et le risque d’intoxication par les émanations de gaz a été mis en place pendant une semaine »

Mme Liliane Reveillac. « Je suis médecin, j’habite dans le Lot et je m’occupe deméthanisation depuis que je me suis rendu compte, il y a deux ans et demi, que celle-ci était néfaste à l’eau potable. Notre département est alimenté en eau potable uniquement par de l’eau souterraine. Ce sont des zones à préserver pour le futur mais qui sont déjà polluées par les lisiers et donc les digestats liquides vont venir augmenter les possibilités de pollution. Toutà l’heure, vous disiez que les coliformes étaient à 8 par milligramme chez vous : indépendamment du digestat, chez nous, ils sont au-dessus de 100. Toutes les eaux sont contaminées, y compris par des parasites, des bactéries et des virus….Les risques sanitaires sont majeurs pour les habitants et pour les animaux…

Je pense que ce risque sanitaire existe ailleurs qu’en milieu karstique. Il existe dans toute la France, car il est lié à la méthanisation et parce que les sols peuvent épurer mais pas n’importe comment. Il existe des méthaniseurs vertueux, comme celui d’Évian qui filtre même l’eau de pluie afin d’assurer une non-pollution complète de la source. Mais la goutte d’eau qui tombe sur le pluviome d’Évian met quinze ans pour arriver à la source, alors que chez nous elle met deux heures. C’est-à-dire que la pollution met deux heures pour arriver au captage. Donc la pollution est globale et on multiplie les surfaces avec les digestats. »

M. Daniel Chateigner. On ne peut pas confier à quatre ou dix agriculteurs qui vont avoir suivi une formation de quinze jours une usine de procédés industriels chimiques. Ce n’est pas possible ! Nous n’avons absolument pas peur des grosses usines : elles sont « blindées » d’un point de vue sécurité et cela marche très bien. Mettre entre les mains de personnes non expertes des usines de type Seveso, cela n’a pas de sens et c’est cela qui est le plus dangereux. Cette tranche intermédiaire de dimensionnement de méthaniseur qui est évoquée dans la PPE n’est donc pas une solution.

Commentaire : En tant que mélange potentiellement explosif, le biogaz nécessite des précautions mais peu d’accidents relatifs à son stockage sont survenus en France, précise l’Ademe. De 1992 à 2017, 18 cas d’incendie et 15 cas d’explosion ont été recensés en France par le ministère en charge de l’environnement, avec peu de conséquences pour les populations riveraines et pour l’environnement. Oui, mais jusqu’à présent, il n’ y avait que de petits méthaniseurs.

Oui, mais en Allemagne : des accidents chaque semaine en Allemagne, de grands risques en France (http://www.lafranceagricole.fr/actualites/methanisation-des-accidents-chaque-semaine-en-allemagne-de-grands-risques-en-france-1,0,14658554.html)

« Alors que la filière française de la méthanisation attend les nouveaux tarifs de soutien, l'Office franco-allemand pour les énergies renouvelables a fait le point, le mercredi 21 octobre 2015, sur la sécurité des installations dans les deux pays. Si la France reste relativement exempte d'accidents graves, selon Roland Fendler, de l'Office fédéral de l'environnement, l'Allemagne en connaît chaque semaine : « La filière manque de conscience et de responsabilité par rapport à la matière », déclare-t-il. Ecoulements, pollutions de ruisseaux, accidents du travail, incendies et explosions s'y succèdent ».

2) Des nuisances importantes et l’administration ne fait rien !

Mme Anne Danjou : « A Valdis à Issé en Loire-Atlantique : monsieur le maire fait part de sa déception concernant la méthanisation qui, lui, avait-on dit, ne devait pas engendrer de nuisances olfactives. Devant l’absence d’installation du biofiltre prévue dans l’arrêté, Mme Fadda, inspectrice des installations classées, rappelle que ces prescriptions incombent en priorité à l’exploitant, notamment au titre de l’autosurveillance. Le sous-préfet indique que l’autosurveillance est la règle générale en matière d’installation classée et qu’elle n’a pas à être assurée par les services de l’État. »

« Méta-Bio-Énergie pollue l’air de Combrée, Maine-et-Loire, depuis neuf ans. Qui le supporterait ? Le maire et la DREAL sont aux abonnés absents. Énième courriel de la présidente de l’Association des riverains de la forêt d’Ombrée et de ses environs (ARFOE) ce
week-end de la Pentecôte, qui signale, une fois de plus, des nuisances olfactives et sonores récurrentes, une odeur d’oeuf pourri, sulfure d’hydrogène (H2S), mais aussi des odeurs de gaz qui irritent les voies respiratoires.

Commentaire : le H2S, non seulement ça pue très fort, mais c’est aussi très dangereux. Cest lui qui lors du pourrissement des algues a causé la mort sur les plages bretonnes d’un joggeur, d’un employé municipal et d’un troupeau de sanglier

Mme Anne Danjou : « Les riverains des unités de méthanisation ne sont plus libres de partir vivre ailleurs simplement parce qu’ils ne peuvent plus vendre leur maison. Pour faire cesser ces situations, il faut imposer de grandes distances d’éloignement des habitations riveraines et des sanctions financières exemplaires à tous ceux qui enfreignent leur arrêté d’autorisation et ne respectent pas le code de l’environnement. Pollution de l’eau, de l’air, des terres nourricières : lorsque ces situations sont récurrentes, des fermetures de sites s’imposeraient. Des lois ou des décrets doivent aller dans ce sens pour permettre au gouvernement de prendre des mesures et d’exiger des préfets leur application. »

M. Daniel Chateigner: « Nous avons recensé aujourd’hui environ 50 000 signatures de pétitions sur le territoire français. Cela nous fait un réservoir d’environ 100 000 personnes mécontentes qui sont impactées directement par les méthaniseurs… 
Je pense qu’il faut aller vers un système où l’on aura naturellement beaucoup plus de contrôles – des contrôles indépendants et non pas des autocontrôles puisqu’aujourd’hui la plupart des incidents découverts le sont par les riverains et non par les instances qui nous surveillent ».

Concernant les odeurs, les nuisances et les pollutions, les riverains, représentés par le CNVM, sont souvent contredits. Or, il y a beaucoup de riverains qui sont capables de comprendre que lorsqu’on commence à sentir des odeurs d’oeuf pourri c’est qu’il y a du H2S et que c’est dangereux. Donc, légitimement, l’ensemble des populations s’inquiète.



3) La folle ronde des intrants

Mme Anne Danjou « Concernant les intrants, il y a toutes sortes d’abus. Entre ceux qui viennent de l’Allier ou du Haut-Rhin – 1 700 kilomètres aller-retour – de Rungis – 600 kilomètres aller-retour – ou les hectares de maïs irrigués qui finissent dans un méthaniseur en pleine période de sécheresse. »

M. Sébastien Almagro : « Un méthaniseur agricole génère le passage de 13 000 camions par an »

M. Freddy Garcia. Les termes « agricole » ou « à la ferme » sont trompeurs. Aujourd’hui, une méthanisation agricole, c’est ramener 50% d’intrants des élevages ou des cultures. Les autres 50 % viennent d’où on veut. Chez nous, par exemple, à Gouy-sous- Bellonne, on va chercher des fientes de volailles en Belgique. Cela n’a aucun intérêt. On voit donc arriver des produits très odorants, ou bourrés de métaux ou d’antibiotiques, avec des législations qui ne sont pas celle de la France… ». Quand on parle de méthanisation agricole on ne parle pas de méthanisation à la ferme. À la ferme, on parle effectivement des déchets qui sont sur place… »

« Dans le Pas-de-Calais, la chambre d’agriculture, vient d’annoncer que dans quatre à cinq ans, cela serait la guerre des intrants. Aujourd’hui déjà, la Belgique et l’Allemagne achètent des intrants en France. Cette guerre d’intrants va être catastrophique pour l’agriculture française parce qu’il y aura des dérives.. . ».

« Concernant les distances, je pense qu’il faut prendre en compte la capacité du méthaniseur et celle des infrastructures routières. Dans le village de la Marne où j’habite, un poids lourd passe toutes les une minute treize. La nuit ou le dimanche soir, c’est un toutes les deux minutes dix. Il faut absolument réfléchir en termes d’infrastructures routières, de présence de la population et de tonnage. Plus les méthaniseurs sont gros plus il faudra les éloigner, réfléchir à l’application de la norme IED (directive sur les émissions industrielles). Il existe des possibilités de se rapprocher mais elles coûtent très cher. Il faudra mettre en balance le bien-être des citoyens et la rentabilité de ces structures. »

M. le président Julien Aubert. Généralement, plus vous faites quelque chose de gros, plus vous avez besoin d’espace, plus vous vous éloignez des habitations. Expliquez-moi pourquoi à partir du moment où on a fait des structures plus grosses, on a décidé de les rapprocher des habitations ?
M. Freddy Garcia. Plus vous avez de gros méthaniseurs, plus vous devez faire venir des intrants, qui sont généralement stockés à l’air libre. …La bouche des raccordements est à 50 ou 100 mètres. C’est purement économique et c’est ce qui explique la proximité des installations et des habitations. Aujourd’hui, on ne se déplace plus sur le terrain : on regarde cela sur papier, cela colle avec la loi et alors les méthaniseurs s’installent à 50 mètres des populations. » M. Sébastien Almagro. La distance légale est de 50 mètres. Il y a des préfets qui commencent depuis peu à refuser des méthaniseurs à 60 mètres. Pourquoi met-on des méthaniseurs près des villages ? Quand on se promène dans nos campagnes, on constate que, souvent, les villages sont au niveau des noeuds routiers. Donc, si vous voulez être proche de plusieurs sources d’intrants qui viennent de loin, vous vous installez près des noeuds routiers….

4) Manger ou produire du biogaz, il va falloir choisir ! Les scénarios fous de l’Ademe

M. Daniel Chateigner : « Le jour où nous commencerons à utiliser le carbone organique du sol comme carburant nous appauvrirons les sols et c’est ce qui est en train d’être fait lorsque l’on pousse la méthanisation. Appauvrir le sol, c’est enrichir son infertilité, c’est le rendre infertile. Et rendre infertile un sol, c’est perdre la souveraineté alimentaire d’un territoire. Et aujourd’hui, nous allons dans ce sens. En plus de l’agriculture intensive qui est néfaste pour les sols, on rajoute de la méthanisation qui continue de pomper du carbone organique au sol. C’est ce qui est le plus dérangeant car nous allons tout droit vers un appauvrissement catastrophique du sol. Nous ne pourrons pas respecter la limitation à 4‰ de la dimiution de la matière organique dans le sol, qui avait pourtant été signée par le ministère sous M. Le Foll…

Si nous allons à l’encontre de cela, nous perdrons notre souveraineté alimentaire pour un gain énergétique modeste. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) nous indique que la méthanisation a réalisé 25 % de l’objectif d’il y a cinq ans. C’est-à-dire qu’on annonçait il y a cinq ans une efficacité quatre fois supérieure à ce que l’on constate sur le terrain avec les meilleurs méthaniseur. Appauvrir l’alimentation du territoire pour gagner en énergie de manière très modeste est donc quelque chose qui doit nous interpeller tous et qui doit nous refaire voir la nouvelle PPE. »

« On peut assez facilement imaginer que l’ensemble des méthanisations, telle qu’elle est prévue dans les scénarii de la PPE, va conduire à l’occupation d’environ six départements français couverts d’agriculture uniquement pour méthaniser. Tout cela pour 7 % à 10 % de remplacement du gaz naturel fossile ! Si vous voulez remplacer totalement le gaz naturel fossile en 2050, il va vous falloir 60 départements ! C’est impossible. Ce constat réalisé il y a huit mois par les scientifiques du CSNM n’a pas été contredit pour l’instant…

Vous avez une surface qui est allouée et que l’on peut cultiver : elle fait 290 000 kilomètres carrés. Dans les scénarios de l’ADEME, ou dans ce qui est repris dans la PPE, on imagine 1000 ou 2 000 méthaniseurs à l’horizon 2023. Avec 1 000 méthaniseurs pour 290 000 km2 on tombe à un méthaniseur tous les 5 kilomètres…

La biodiversité des sols va aussi être impactée par la méthanisation et aucune mesure de cette biodiversité n’apparaît dans les 670 projets que nous avons pu analyser.

Commentaire : Cette concurrence des productions alimentaires est déjà une réalité forte en Allemagne. Il faut à tout prix à éviter le modèle allemand, insiste Daniel Chateigner. Le pays a fortement développé la méthanisation au point d’avoir 10.000 unités aujourd’hui. Mais ils sont alimentés avec des cultures dédiées. Du maïs essentiellement. » L’effet pervers est le même que pour les biocarburants : l’accaparement des terres agricoles pour la production d’énergie plutôt que l’alimentation. Près de 7 % de la surface agricole allemande était dédiée à la méthanisation en 2014, indiquait Alternatives économiques en décembre 2017. La situation est devenue tellement critique que l’Allemagne a mis un frein brutal au développement des méthaniseurs lorsqu’elle s’est aperçue qu’elle avait perdu son autosuffisance alimentaire en matière de céréales.

Mais, même, en France, la question commence à se poser ! « En décembre dernier, la Confédération paysanne, syndicat agricole qui milite pour une agriculture paysanne, manifestait dans la Sarthe devant ce qu’elle considère comme un premier signe d’un accaparement des terres pour la méthanisation. « Un silo de maïs à ciel ouvert, entassé là dans l’attente de l’arrivée prochaine d’un méthaniseur dans la région, détaille Laurent Leray, porte-parole du syndicat. Cela représentait l’équivalent de deux années de récolte de maïs sur environ 80 hectares. C’est autant de maïs qui ne seront pas vendus aux éleveurs pour nourrir leurs animaux. Une insulte au monde paysan après les sécheresses de cet été. »

5) Oui à la méthanisation à la ferme, non à la méthanisation agricole !

M. Daniel Chateigner. « La méthanisation à la ferme ne pose pas de problème. Et il y en a des méthaniseurs à la ferme, il y en a beaucoup d’ailleurs ! Mais à partir du moment où vous créez une usine en réunissant 10, 20 ou 120 agriculteurs au même endroit pour pouvoir injecter du méthane, vous allez avoir des pertes. Et cela, c’est le type d’usine qui n’est pas acceptable. Non seulement l’agriculteur perd son caractère d’agriculteur – il devient énergiculteur, il a les mains dans l’engrenage – mais en plus vous générez de nombreuses
pertes. En station d’épuration ou en industrie agroalimentaire, il y a des gens compétents qui savent faire de la chimie et il n’y a aucun problème. Cela se fait depuis longtemps, cela marche et il n’y a pas d’accident, ou très peu. Mais si on ne met pas un personnel compétent dans un contexte où beaucoup de gens vont ramener n’importe quoi, on prend des risques. Or,
c’est ce qui est promu dans la PPE. »

Mme Anne Danjou. « J’habite à côté de deux méthaniseurs agricole. Un qui existe depuis déjà cinq ans : l’agriculteur fait son « business » avec ses propres intrants. Il alimente une chaufferie pour sécher du bois et il n’y a aucun souci. Lorsqu’un agriculteur travaille correctement et fait attention il n’y a pas de problème.
Cela devient dangereux lorsque l’agriculteur veut faire plus de « business » pour payer de gros emprunts, parce que sa culture de l’année est insuffisante ou parce que les cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) sont moins nombreuses et qu’il doit chercher un autre gisement. L’autre jour, alors que je participais à un séminaire de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), un agriculteur nous expliquait qu’il avait investi, avec quatre autres agriculteurs, dans un méthaniseur. Dès lors, il a dû embaucher quelqu’un pour s’occuper de sa ferme et sa principale préoccupation est de capter des intrants pour son méthaniseur. Ce n’est plus un agriculteur. »

Mme Liliane Reveillac. « Une vache pollue autant que dix habitants. Cela veut dire que 800 vaches, cela fait 8 000 « équivalents habitants ». Donc, pour cette ferme, il faudrait une station d’épuration pour 8 000 équivalents habitants. Malheureusement, dans des villages de 100 habitants, il n’y a pas de station d’épuration. »

Commentaire : ce qui est visé ici, c’est que la méthanisation agricole, en fait industrielle, provoque une industrialisation de l’agriculture qui engendre des nuisances extrêmement concentrées et non plus dispersées)

M. Freddy Garcia. Je défends la vraie méthanisation à la ferme. Là, on aide véritablement l’agriculteur à utiliser son énergie et à éliminer ses déchets. Je dis bien « à la ferme ». Je ne dis pas «agricole ».

6) le problème des digestats

Mme Anne Danjou « Autre exemple de dérive, les digestats, dont les agences de l’État et les sociétés de conseil disent et écrivent qu’ils ne sentent rien, qu’ils sont inertes et stables, sans gaz, alors que partout en France du nord au sud, de l’est à l’ouest, les populations voisines de méthaniseur, zones de stockage, zones d’épandage s’en plaignent fortement mais ne sont jamais entendus. Dans certaines unités, les déchets ne restent que trente à quarante jours dans le méthaniseur quand d’autres unités les laissent jusqu’à 14 jours. Le digestat n’est pas mature à 50 jours : il est encore chargé en gaz. Si l’on veut protéger les populations et l’environnement, il faut imposer une durée de séjour des déchets longue et obligatoire pour tous les méthaniseurs. C’est une mesure de santé publique. »

M. Daniel Chateigner. « À la sortie du méthaniseur vous avez le digestat. Cela représente 90% de la masse entrante. Les 10 % restant sont effectivement du gaz qui contient à peu près 60 % de méthane. Finalement, le système est très peu efficace. Donc si vous avez 10 000 tonnes d’intrants, vous avez 1 000 tonnes de gaz et 600 kilogrammes de méthane.
C’est une moyenne qui dépend des intrants. Les 90 % restants, c’est le digestat. Cela représente 9 000 tonnes de digestats. C’est énorme et il faut savoir quoi en faire. Dans ces 9000 tonnes de digestat, vous avez à peu près 1 000 tonnes de digestat solide et qui est aujourd’hui ce qu’on nous vend comme un très bon fertilisant.

Le digestat qui reste, les 8 000 tonnes, c’est du digestat liquide, principalement de l’eau ammoniacale à faible concentration, mais avec un pH de 8,5 ou 9, trop élevé pour que n’importe quel micro-organisme puisse y vivre correctement. Et ce digestat liquide, on va l’épandre. Cette eau ammoniacale est constituée d’ions à base d’azote que l’on nous vend comme un bon substituant aux engrais chimiques.

Ce n’est pas vrai, pour deux raisons : d’abord c’est un engrais chimique, ce n’est donc pas un substitut. Ensuite, c’est un mauvais engrais parce qu’il est – Sandrine Le Feur le disait bien – très lixiviable. En réalité, si vous voulez « booster » le métabolisme de la croissance des plantes il faut amener à la fois des ions ammonium, que l’on trouve dans le digestat liquide, et des ions nitrates. Là, la plante en profite. N’importe quel bouquin de première année d’université peut vous le montrer. Dans le digestat liquide, il n’y a que l’ammonium et il a tendance d’une part à s’évaporer fortement et d’autre part à filer dans les nappes. Il est très peu retenu par les plantes s’il est tout seul.

Et en même temps, il a participé à tuer une certaine partie de la faune du sol qui aurait pu permettre une décomposition et une absorption par les plantes : ce sont des bactéries ou des champignons. Donc le digestat liquide, si on l’épand, il tue la faune, la microfaune du sol même la macrofaune et il s’infiltre. S’il s’infiltre, il va s’oxyder à terme dans les nappes phréatiques et il créera des nitrates comme on le voit en Bretagne maintenant de plus en plussouvent et de plus en plus tôt dans la saison.

Le reste va s’évaporer en créant des particules fines, des NOx – celles émises par les diesels et que l’on souhaite éviter – et il va aussi créer du N2O par oxydation dans l’air. Ce N2O a un pouvoir de réchauffement global qui est 300 fois plus fort que celui du CO2. Donc une partie infime d’évaporation de ce digestat liquide que l’on a épandu rend la balance très négative d’un point de vue environnemental.

7)  Un bénéfice climatique qui va de l’incertain au catastrophique

M. Sébastien Almagro :  « Le taux de méthane dans notre atmosphère bat un record vieux de 800 000 ans, et cela au cours de la dernière décennie… il faut bien comprendre que le méthane est un gaz à fort effet de serre, environ vingt-cinq fois plus impactant que le dioxyde de carbone. À une époque où le taux de méthane ne fait que s’accroître dans l’atmosphère, est-il bien raisonnable d’aller produire du méthane…à des échelles encore jamais atteintes sur le territoire ?...
Quand on produit du méthane, il peut y avoir des fuites sur le méthaniseur, et la présence d’hydrogène sulfuré dévore l’inox. Un méthaniseur s’use très vite. S’il y a 1 % de fuite dans un méthaniseur, cela équivaut à 25 % du dioxyde de carbone qui aurait été produit. À 4 % de fuite, vous perdez tout le bénéfice environnemental du méthaniseur. D’autre part, l’apport, notamment au niveau des digestats, d’un grand nombre de bactéries méthanogènes va peut-être contaminer les sols avec des bactéries qui vont produire encore plus de méthane qui augmentera dans l’atmosphère. Enfin, des véhicules qui circuleraient au biogaz, vont produire du méthane en le brûlant. »

Et n’oubliant pas les digestats épandus qui génèrent des oxydes d’azotes d’effet de serre 300 fois plus fort que celui du CO2

« Les projets sont fortement subventionnés par l’État et des collectivités territoriales, à hauteur de 15 % à 20 %, et sans contrepartie du type actionnariat par exemple. Par ailleurs, les collectivités locales, le plus souvent, ont des portefeuilles relativement minces et doivent s’occuper par exemple de l’entretien des voiries.
Un méthaniseur agricole génère le passage de 13 000 camions par an. Pour les subventions, c’est 1,7 million d’euros de subvention pour 2,5 emplois créés. Quelle est la retombée locale d’une telle industrie sachant que la plupart des communes ne sont pas connectées au réseau de gaz car trop petites ? »

8) Beaucoup de promesses et une équation économique très incertaine

M. Daniel Chateigner  Il faut investir 1,2 million d’euros pour créer deux emplois directs. Sur ces 670 méthaniseurs, nous avons estimé entre 500 000 et 1 million d’euros la dépense par emploi direct créé. Ce n’est pas avec cela que l’on va résorber le chômage !

Mme Anne Danjou. Nous avons deux inquiétudes concernant la méthanisation. On propose aujourd’hui aux agriculteurs un modèle qui n’est pas fiable : on les encourage à faire de très gros emprunts qu’ils auront du mal à rembourser. Il y a, j’en ai discuté avec un président de chambre d’agriculture, 94 % d’aléas dans les business plans prévisionnels pour un méthaniseur. Cela conduit 70% des agriculteurs à avoir de grosses pertes financières. »

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