Pages

mardi 29 mai 2012

La science et l’économie : la spirale de la décadence

La science et l’économie : la spirale de la décadence

Comment l’économie fait la science

Julie Bouchard, maître de conférences à Paris XIII,  rend compte dans La Recherche de mai 2012 d’un livre de Paula Stephan, How economics shapes science, extrêmement intéressant, bien que quasi-exclusivement centré sur la situation américaine (Julie Bouchard a elle-même publié Comment le retard vient aux Français, chez Septentrion, sur la recherche scientifique en France)
Ce livre à l‘immense mérite de battre en brèche l’idée du chercheur scientifique dans sa tour d’ivoire, à l’écart de la société. L’économie influence la recherche, tout d’abord parce que certaines recherches consomment beaucoup d’argent (les accélérateurs de particules, la conquête spatiale…) et que le financement de ces recherches dépend de l’état économique général de la société et des intuitions ou inclinaisons des investisseurs. L’économie décide aussi de qui fait de la recherche : comment s’étonner du manque d’appétence des jeunes américains pour les études scientifiques lorsqu’un étudiant diplomé d’un MBA gagne rapidement trois fois plus en moyenne- 560.000 dollars _qu’un chercheur au sommet de sa carrière. Et encore, nous sommes loin des rétributions françaises-300.000 dollars pour un universitaire de haut niveau contre un peu plus de 60.000 euros en France.
Aux Etats-Unis, 48 % des étudiants en thèse scientifique viennent de l’étranger (Inde, Chine sont beaucoup représentés), et 60 % des post-doctorants (PhD), sur qui repose l’essentiel des travaux de recherche dans les laboratoires américains. Grâce à cette capacité d’attraction, la recherche américaine se maintient, mais sachant que les postes permanents sont de moins en moins nombreux dans les Universités et organismes de recherche américains, et que chinois, indiens et autres nations asiatiques accueillent à bras ouverts leurs PhD…on parie sur l’avenir ?

La spirale de la décadence

Pour un économiste, la connaissance, et donc la recherche, a les caractéristiques d’un bien public, par exemple le phare : une fois construit, tout le monde peut l’utiliser, et le fait que quelqu’un l’utilise ne nuit pas à un autre utilisateur. Or, pour la plupart des économistes, le marché laissé à lui-même est incapable de produire durablement ce type de biens, et, au contraire, encourage le comportement de « passager clandestin », qui profite des investissements faits par d’autres.
Or, c’est le chemin qu’ont pris les universités américaines, dans lesquelles le « publish or perish » ( publier ou périr) a été remplacé par « funding or famine » ( trouver de l’argent ou mourir de faim). Dans ce nouveau système, les universités sont en fait incitées à refuser tout risque, à pratiquer l’ « aversion au risque ». Les recherches fondamentales, celles qui ne mènent pas à des inventions prévisibles et exploitables, ne sont plus financées - or, ce n’est pas en perfectionnant la bougie que l’on invente la lampe à incandescence. Ce nouveau système ne permet pas le financement des recherches destinées à prouver ou falsifier au sens popperien une théorie, mettant en péril la qualité de la recherche elle-même. Ce nouveau système décourage la coopération entre scientifiques et organismes différents- lorsqu’on se pose la question de la répartition des bénéfices avant même de commence toute recherche. Les universités investissent dans la construction de laboratoires (ça, c’est du solide, du bâtiment), mais ces laboratoires sont vides, parce qu’elles n’investissent pas dans des postes permanents de professeurs ou de chercheurs… ce qui serait tout de même leur vocation principales. Ou plutôt – mais pour combien de temps encore, il les remplissent de travailleurs qualifiés, temporaires et mal payés, dont elles ont financé la formation et qui ne tarderont pas à partir ailleurs ;


Eviter la spirale américaine

Cette route américaine, -et c’est l’objet principal du livre de Paula Stephan-, c’est l’autoroute vers la décadence, la voie la plus sûre pour la perte du leadership scientifique et technologique aux US. Or, c’est cette même politique qui a été menée avec une obstination stupéfiante en France pendant ces dernières années. Avec l’autonomie des Universités, dont les modalités plus que le principe sont en cause, le « funding or famine » est déjà en train de s’imposer. Avec la priorité donnée à la recherche finalisée et son financement par l’ANR, la déqualification et la montée ahurissante de la précarité des jeunes chercheurs sont déjà en place, ainsi que leurs conséquences : les étudiants se détournent en masse des carrières scientifiques. L’affaiblissement et la perte d’autonomie des grands organismes de recherche (CNRS, CEA, Inserm…), ces atouts essentiels, formidables et enviés de la recherche française va dans le même sens.
Lorsqu’on sait ce qu’il ne faut pas faire, et « How economics shapes science » y contribue bien, alors il suffit de ne pas le faire.

lundi 21 mai 2012

L’industrie pharmaceutique en France ; le massacre continue

Astra Zeneca après Fournier,  Novexel, Endotis

Après les biotech Endotis et Novexel (fermé après le rachat de son projet phare par Abbot) sur le site de Romainville, après Fournier à Dijon (300 personnes concernées), c’est le groupe Astrazeneca qui poursuit la litanie des centres de recherches pharmaceutiques sacrifiés en fermant son centre de Reims (40 personnes).
Selon Astra Zeneca, ce centre créé en 1975 et d’abord spécialisé dans les maladies infectieuses et inflammatoires se consacre depuis 1995 à la recherche contre le cancer et compte à son actif plus de 180 brevets originaux déposés et plusieurs molécules en cours de développement pré-clinique et clinique.
C’est morceau par morceau l’industrie pharmaceutique française, des emplois hautement qualifiés et d’immenses possibilités de progrès et de croissance  qui disparaissent ; disparus UPSA, Jouveinal, Laffont et leurs recherches, pendant que leurs découvertes sont exploitées par des laboratoires étrangers.
En cinquante ans ont été inventés les beta-bloqueurs, les anti-ulcères, l’insuline et l’interféron recombinants, les anti-hypertenseur, d’abord inhibiteur de l’enzyme de conversion puis antagonistes de l’angiotensine, les anti-rejets qui ont permis l’extraordinaire développement des greffes, les nouveaux inhibiteurs de cyclooxygènase plus sûrs que l’aspirine et les AINS classiques,  les différentes classes d’antiviraux contre le sida, les anticorps contre l’artgrite rhumatoïde et maintenant les anti-cancéreux ciblant les mécanismes de cancérogénèse ( inhibiteurs de kinase) ont représenté d’immense progrès thérapeutiques.
Et il reste beaucoup à faire dans de nombreux domaines : maladies neurodégénératives, diabète, asthme, maladies infectieuses réémergentes…

Des rapports, et pas de politique du médicament

Les difficultés de la recherche pharmaceutiques en France étaient parfaitement prévisibles et avaient fait l’objet notamment du rapport Marmot (2004) et de plusieurs rapports de l’institut Rexecode (2005). Or la plupart des atouts et pistes recensés ont été systématiquement ignorés ou sabotés : l’Agence pour l’Innovation Industrielle, qui devait  favoriser le financement des innovations fondamentales et éviter le saupoudrage caractéristique d’Oseo a été… des(intégrée) dans Oseo ; le champion français Sanofi, qui doit tant à l’action des pouvoirs publics ne joue pas son rôle de moteur ; l’abandon des baisses de prix et déremboursements brutaux et leur remplacement pas des accords prix-volumes permettant une meilleure visibilité et favorisant le bon usage du médicament n’est toujours pas d’actualité ; la réforme du fonctionnement des agences sanitaires pour obtenir  un environnement réglementaire de qualité reste entièrement à faire ; enfin, l’Etat français a fait preuve d’une naïveté et d’une démission coupables en acceptant sans contrepartie la reprise de laboratoires français et de leurs découvertes et tolère dans l’indifférence que les entreprises étrangères réalisent en France 63 % des ventes, mais seulement 31 % de la R&D. Le financement pathologique du capital-risque ne permet toujours pas le développement d’une industrie française des biotechs et des start-up (jeunes pousses)
L’industrie pharmaceutique représente environ 52 milliards de chiffre d’affaires, plus de cent mille emplois directs, souvent qualifiés, et quatre fois plus d’emplois induits, cinq milliards  en recherche (12,5% du chiffre d’affaire, le secteur qui investit le plus en recherche). Elle représente aussi un fort potentiel de croissance : dans les pays riches en raison du vieillissement de la population, dans les pays émergents par le développement des classes moyennes. Et elle est source d’économie en évitant des hospitalisations coûteuses.
Si l’industrie pharmaceutique disparaît de France, il faudra soit se passer des nouveaux médicaments, soit les payer très chers à des firmes étrangères. D’importantes mutations sont en cours ; partout les firmes pharmaceutiques tendent à abandonner et externaliser la recherche préclinique, plus risquée ; partout, sauf en France, naissent des entreprises de service qui prennent cette recherche en charge, en bénéficiant de contrats favorisés avec les entreprises pharmaceutiques.
Parce qu’en France, il n’y a pas de politique du médicament, à part celle qui consiste à baisser les remboursements des prestations de santé… Un grand et noble défi pour le ministère du redressement productif !

samedi 12 mai 2012

Propositions pour la recherche



Propositions pour la recherche

Le pouvoir précédent  n’a cessé d’opposer les organismes de recherches aux universités, et s’est efforcé de priver les premiers de leur rôle historique. La première tâche du nouveau gouvernement sera de rétablir un paysage institutionnel harmonieux.

1) Redonner leur autonomie et leur responsabilité aux grands organismes de recherche

L’ancien commissaire européen à la recherche Philippe Busquin (1999-2004) le constatait : «  la grande spécificité française, c’est la force de ses organismes de recherche… Le CNRS, le CEA, l’INRA, le CNES ou l’Inserm ont un réel rayonnement européen… Il sera important de préserver la liberté de recherche et la possibilité de travailler dans la durée qui existe dans ces organismes ».
Il faudra donc revenir résolument sur la volonté du précédent gouvernement de priver les organismes de recherche de leur autonomie pour les transformer en simple agence de moyens ;

2) Réaffirmer et conforter le rôle primordial  des Universités dans l’animation du tissu local d’innovation

Les Universités, par le souci qu’elles ont de l’avenir de leurs étudiant jouent un rôle primordial dans le tissu local d’innovation, et c’est un atout considérable pour le développement absolument nécessaire de l’innovation dans les PME et la formation sur tout le territoire de jeunes entreprises innovantes.

3) Débureaucratiser et revoir  les rôles de l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) et de l’AERES (Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur) pour les concentrer sur leurs missions essentielles

Le financement de la recherche finalisée a été augmentée de manière inconsidérée (900 M euros, multiplié par 3 en 4 ans) tandis que les crédits de recherche non finalisées ont été parfois réduits de 30%. Outre que l’on ne découvre pas la lampe à incandescence en perfectionnant la bougie, certaines recherches appliquées non applicables ne sont pas toujours  très utiles. L’ANR, très bureaucratique, pas toujours transparente, consomme de plus beaucoup d’énergie et de temps des chercheurs, et est responsable d’une montée inadmissible et néfaste de la précarité des chercheurs.
L’équilibre entre recherche finalisée et non finalisée sera revu en faveur de cette dernière, mission essentielle de la recherche publique. L’ANR se concentrera sur les grands problèmes d’intérêt public (Alzheimer, nanotechnologies, énergies nouvelles, toxicité environnementale), et ses procédures d’évaluation seront plus transparentes et plus simples.
L’AERES, autre monstre bureaucratique, organe suprême de la folie de l’évaluation, verra sa mission limitée à l’évaluation globale de la recherche française, notamment en faisant appel à des experts étrangers ; elle cessera de doublonner les organismes de tutelle pour l’évaluation individuelle des chercheurs et des laboratoires.

4) Le doctorat doit être reconnu dans les conventions collectives du privé et la grille de la fonction publique

 Le doctorat ne forme quasi exclusivement qu’aux carrières de recherche et d’enseignement et les docteurs formés par la recherche n’irriguent pas suffisamment les secteurs privés et public, contrairement à ce qui se passe chez la plupart de nos voisins (Allemagne, Angleterre).. C’est une des causes les plus certaines du déficit d’innovation en France. Par ailleurs, comment s’étonner que des étudiants et ingénieurs hésitent à s’engager dans des études aussi longues s’ils ne trouvent à la fin, que post doc après post doc et précarité ?
A titre d’exemple et pour diffuser la culture de l’innovation dans le publiet dans le privé, l’ENA devra recruter entre un tiers de ses promotions parmi les titulaires d’une thèse.

5) Améliorer les carrières des chercheurs

5a) Mettre fin à la précarité au début de la carrière des chercheurs

Selon les propres chiffres du ministère publie ( alors Mme Pécresse), un estimation : 37.000, soit un salarié sur 5 sont des précaires ! Cela touche principalement les jeunes, les thésards condamnés à enchaîner post doc sur post doc, dans des conditions quasi esclavagistes, souvent jusqu’à bien plus de trente ans, avant de trouver un poste hypothétique et est en partie dû à l’accroissement des financements ANR de recherche finalisée sur contrats courts
Un plan pluriannuel de recrutement dans les Grands Instituts sera mis en place, d’autant plus nécessaire qu’arrive le remplacement des générations recrutées lors de la montée en puissance de ces instituts.
Le recrutement devra être encouragée immédiatement après la thèse, au plus moins de deux ans en cas de post doc  formateur et correctement rémunéré

5b) augmentation des salaires

Les chercheurs allemands sont  mieux rémunérés, avec un salaire moyen annuel de près de 30 % supérieur aux salaires de leurs collègues français (35000 euros annuels en moyenne contre 45000). C’est également le cas en Angleterre, aux USA, en Hollande…
Les salaires des chercheurs dans le secteur public seront dans un premier temps alignés sur ceux de l’organisme le plus favorisé, ce qui de plus, permettra une plus grande mobilité.

5c) gestion des carrières

Il existe – et heureusement- une extrême diversité des tâches et des profils des enseignants chercheurs, entre ceux qui se consacrent entièrement à l’enseignement, la pédagogie, à l’insertion professionnelle de leurs étudiants, et ceux qui privilégient la recherche et ne donnent que quelques cours très spécialisés. Et un chercheur n’a pas forcément vocation à rester chercheur toute sa vie. Dans certaines périodes, les missions d’enseignement, de formation à haut niveau, de valorisation peuvent supplanter la recherche proprement dite ; De même.
Il faut donc encourager, entre l’enseignement et la recherche, une très grande flexibilité des parcours et une véritable gestion des carrières.  
Certains chercheurs peuvent souhaiter quitter la recherche, temporairement ou définitivement. L’expérience de la recherche, par la culture scientifique, par le goût et l’habitude de l’innovation, constitue un atout considérable dans beaucoup d’autres fonctions. L’Etat pourrait donner l’exemple en donnant  priorité d’accès à tout emploi de la fonction publique à tout chercheur souhaitant se reconvertir et ayant l’envie et les capacités d’occuper l‘emploi en question.


6) Financement de la recherche et redressement industriel

En France, le pourcentage des dépenses de recherche et de développement dans le PIB est de 2.2% (plutôt en diminution -2.33% en 1997- et très loin de l’objectif des 3% de l’agenda de Lisbonne…).
Cette faiblesse de l’investissement en recherche et développement est essentiellement dû  à l’anémie de la recherche privée. La part du public (0.76% du PIB) est dans la moyenne de l’OCDE, celle du privé est plus basse (1.3% contre 1.9 aux USA et 1.7 en Allemagne, 2.5 en Suède et au Japon). Par ailleurs, la recherche industrielle est concentrée dans des champions nationaux, et la France manque cruellement de grosses PME innovantes et exportatrices.
 6a) L’effort entrepris avec le crédit d’impôt recherche (CIR ,environ 5 milliards) doit être poursuivi ; il devrait être éventuellement recentré vers les PME et favoriser les interactions et projets collaboratifs entre PME et grands groupes.
6b) Le CIR doit être réservé aux firmes françaises ou européennes dans les pays où existent un dispositif analogues (NB la communauté européenne a imposé son extension à toute firme de la zone euro).
6c) les missions de valorisations de la recherche publique doivent être menées de manières plus professionnelles ; efforts, expériences, expertises doivent être mutualisées entre universités et organismes de recherche…plutôt que mis en concurrence
La France peine encore à valoriser les résultats de sa recherche publique, ce qui la prive de recettes importantes ;
6d) Pour favoriser la croissance de PME innovantes, un small business act à la française ( et si possible à l’européenne) doit être mis en place, favorisant l’accès des commandes publiques aux PME ou, à des collaborations PME - grands groupes, obligation pour la recherche externalisée des agences publiques d’en confier une partie aux PME… etc

7) Financement du développement et des innovations de rupture

 Le manque de grandes PME innovantes est aussi dû à de graves défauts de notre système de financement. Le capital risque est insuffisant, ainsi que  surtout les fonds d’amorçage permettant le développement des entreprises. En France, soit les entreprises innovantes échouent et ferment, soit elles réussissent… et ferment car vendues par des actionnaires soucieux de rentrer au plus vite dans leurs fonds et non de développer l’entreprise. Le financement public de l’innovation (OSEO principalement) pratique trop souvent un saupoudrage peu risqué et peu efficace, en tous cas insuffisant et rarement fondé sur des caractéristiques scientifiques. La prospective publique pour financer les innovations de rupture est quasiment absente- et la banque publique d’investissement pas pus qu’Oseo ne pourront hjouer ce rôle, qui est en dehors du rôle traditionnel des banques.
7a) Une fiscalité favorable à l’innovation, à l’amorçage et au développement des entreprises innovantes sera mise en place.
7b) Il faut recréer l’AII (Agence de l’Innovation Industrielle) préconisée par le rapport Beffa et qui a fonctionné de 2005 à 2008 pour favoriser les innovations de rupture c’est-à-dire comportant une rupture technologique qui a toutes chances de modifier les conditions de vie de demain, un risque technologique important et une  longue durée de développement (cinq-quinze ans) et nécessitant des partenariats entre grandes entreprises, laboratoires publics, et jeunes entreprises innovantes.


8) Sauver l’industrie du médicament

L’industrie du médicament représente 35 milliards d’euros de CA et emploie environ 100.000 salariés. Pour combien de temps encore ? Le rapport Marmot (Attractivité du Territoire pour les industries de santé, 2004) a mis en évidence une dégradation rapide qui s’est amplifiée, car aucune des mesures correctives n’a été prise

8a) Donner une visibilité économique aux entreprises du secteur
Le médicament est toujours le premier sacrifié des plans de santé, pour des raisons bassement électorales ; mais si les médicaments de l’avenir ne sont pas inventés et produits en partie en France, alors les patients français devront s’en passer ou les payer très chers à l’étranger pour ceux qui le pourront. Des déremboursements comme celui du traitement de l’hypertension artérielle grave sont inadmissibles.
Une politique de régulation basés sur des instruments vertueux comme les accords prix volumes (liant le prix à la quantité, utilisée) et sur les nécessités de santé publique sera mise en place
8b) Mettre en place un Institut du Médicament capable de fédérer la recherche préclinique et d’organiser sa cohérence avec la recherche clinique
 Le financement public de la recherche thérapeutique en France ne représente que 37 millions d’euros (pour 4.2 milliards de dépenses totales de R et D, soit 0.1%). Nous sommes très loin des 27 milliards de dollars du NIH et sa politique dynamique de partenariats public/privés ! (A titre indicatif, le budget de R et D du secteur aéronautique et spatial est un peu inférieur -3.8 milliards, mais le financement public en représente 30%).
Un effort couronné de succès a été fait pour encourager la recherche clinique, basée sur une très forte implication de l’Inserm et de l’APHP. Sur le même modèle, un Institut du Médicament devra être mis en place, qui fédérera la recherche préclinique effectuée au CNRS, à l’Inserm, au CEA, dans les facultés de pharmacie ou de médecine, aux instituts Curie et Pasteur…

9) Diffuser la culture scientifique et valoriser le patrimoine immatériel scientifique français
La France a aussi une riche et ancienne culture scientifique, que le remarquable Rapport sur l’économie de l’immatériel (Maurice Levy, Jean,-Pierre Jouyet, 2006) a un peu laissé de côté.
Le monde d’aujourd’hui a été créé par l’immense aventure du progrès scientifique et technique, et la France y a joué un rôle considérable. Pour comprendre le monde d’aujourd’hui et construire celui de demain,  pour que la France soit toujours présente dans cette aventure du progrès, il faut diffuser plus largement la culture scientifique et technique et valoriser le  patrimoine scientifique immatériel français.
9a)  Développer l’enseignement de l’histoire des sciences dans le primaire, le secondaire et le supérieur
9b) Recenser les enseignements scientifiques (cours, connaissances, méthodes pédagogiques) qui peuvent faire l’objet d’une valorisation dans le cadre de l’économie de l‘immatériel, en particulier dans des institutions comme les Grandes Ecoles (Normales, Polytechniques, le Collège de France  etc.
9c) Professionnaliser et accroître l’effort de communication de la recherche publique et l’ardente obligation de la vulgarisation.  Aujourd’hui, le chercheur ne peut se contenter de dialoguer avec les politiques, il doit aussi s’adresser l’opinion publique et contribuer à sa formation
Il faut aussi former des scientifiques à la vulgarisation, former des journalistes à la science. Un dispositif analogue à celui de certains instituts américains, finançant des bourses permettant à des journalistes de partager la vie d’un laboratoire pourrait être utile.
9d) La valorisation des richesses muséales et patrimoniales en matière scientifique

Recherche et Innovation : comparaison France Allemagne

Recherche et Innovation : comparaison France Allemagne

Faits et chiffres

Les dépenses de recherche en Allemagne sont 54% plus élevées qu’en France : 61,5 milliards d’euros contre 39,9 milliards (le différentiel devient 42% si l’on tient compte des différences de population -82 millions pour l’Allemagne, 64 pour la France)
La dépense de recherche publique est de 17,8 milliards d’euros en France contre 17 milliards en Allemagne, soit 4 % plus élevée en France (ou, corrigé de la population, 34 % supérieure en France)
La dépense de recherche privée est de 22.1 milliards d’euros en France contre 41.8 milliards d’euros en Allemagne (soit 89 % plus élevée an Allemagne – 69 % si l’on tient compte de la population)
Le nombre d’entreprises ayant bénéficié d’une aide de l’Etat pour la recherche est de 6600 en Allemagne contre 3100 en France.
Le nombre de chercheurs dans le secteur public est de 251300 en Allemagne contre 138400 en France, soit un différentiel de 82 % (64 % en tenant compte de la population)
Le nombre de personnels de recherche dans le secteur privé est de 383600 en Allemagne contre 254900 en France, soit un différentiel de 50 % (40 % en tenant compte de la population)
Les chercheurs allemands sont également mieux rémunérés, avec un salaire moyen annuel de près de 30 % supérieur aux salaires de leurs collègues français (35000 euros annuels en moyenne contre 45000).

Conclusions :

L’effort de recherche français reste encore loin derrière celui de l’Allemagne, surtout dans le domaine de la recherche privée. L’Institut Thomas More recommande de poursuivre l’effort entrepris pour la recherche privée avec le Crédit d’impôt recherche (4 milliards d’euros) et, en particulier, de le rendre plus accessible aux petites entreprises.
Dans le domaine privé, l’effort de recherche allemand est plus diversifié, avec un secteur industriel performant et exportateur, où grands groupes, PME et jeunes entreprises innovantes se complètent. En France, il est plus concentré sur des champions nationaux et sur des innovations technologiques souvent coûteuses et difficiles à vendre (aéronautique, nucléaire, transport ferroviaire, etc.)
La fondation Thomas More insiste aussi sur la très grande  liberté de recherche  des universitaires allemands, laquelle est consacrée dans la Loi fondamentale allemande, au titre de la liberté d'expression (article 5). Les chercheurs du secteur public libres de travailler sur les domaines de leur choix peuvent impulser une stratégie « bottom-up » plus créative finalement qu’une recherche finalisée et centralisée.
La France peine encore à valoriser les résultats de sa recherche publique, ce qui la prive de recettes importantes. L’OCDE considère par exemple que « si le nombre de brevets déposés par les universités françaises a augmenté, la commercialisation des résultats de la recherche laisse encore à désirer ».
La fondation  Thomas More rappelle aussi que les entreprises industrielles françaises payent plus de 15 milliards d'euros de charges sociales que leurs concurrentes allemandes, et qu’il n’est donc pas surprenant que leurs dépenses de recherche soient moindres.
Enfin, le rapport met en évidence ce qui est selon moi l’une des causes principales du retard français en matière d’innovation et de recherche : l’innovation en France est trop largement cloisonnée, restant la chose des départements de R&D, quand nos voisins font collaborer les services des entreprises entre eux .Une étude sur l’innovation en Europe, menée en 2009, confirmait ces freins culturels français en mettant notamment en avant le manque de pluridisciplinarité au sein des équipes de R&D dans notre pays. De fait, nombreux sont en Allemagne les étudiants formés à la recherche par un doctorat, et qui occupent dans le public et le privé des postes très divers pas directement liés aux fonctions de recherche, mais qui diffusent l’esprit de recherche et d’innovation dans toute la société.
La reconnaissance du titre de docteur  dans les conventions collectives du privé et dans les grilles salariales du privé constitue un préalable indispensable à une évolution similaire en France.

Cette note est basée sur un rapport de la fondation Thomas More (http://www.institut-thomas-more.org/actualite/recherche-et-innovation-analyse-comparative-france-allemagne-2.html)  

mercredi 2 mai 2012

Recherche Publique : Bilan, Perspectives, Idées

Recherche Publique : Bilan, Perspectives, Idées


Autonomie des Universités : une bonne idée sabotée

Donner plus de liberté et de responsabilité aux Universitaires dans la gestion et les orientations de leur université, permettre à chaque Université de mieux s’insérer dans le tissu économique de sa région était une réforme qui n’aurait pu être utile si elle n’avait pas été sabotée par un manque de concertation et de transfert de moyens. Ainsi, huit universités, dont l’une des plus importantes dans la recherche scientifique, l’Université Pierre et Marie Curie ont été placées sous tutelle budgétaire rectorale. Les financements de l’Etat et de l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) ne paient pas les dépenses de personnel non chercheur et de fonctionnement des laboratoires, qui en viennent à consommer toutes les ressources financières.
L’ « autonomie » des Universités ainsi réalisée les place en fait, en matière de recherche, en situation de pénurie et de dépendance totale vis-à-vis de l’ANR ou de contrats privés.
Dans ces conditions, fusionner le corps des directeurs de recherche du CNRS et celui des professeurs d’Université, comme le proposent l’UMP et Terra Nova, est un piège grossier qui vise à faire prendre en charge par des organismes de recherche, déjà bien dépourvus, le financement du personnel universitaire, version même pas très sophistiquée du déshabiller Pierre pour habiller Paul.
Oui, donner d’avantage d’autonomie aux Universités est une bonne idée, une idée nécessaire, mais une idée sabotée qui reste à réaliser.

Autonomie de la recherche : débureaucratiser !

En matière de recherche, le gouvernement sortant a fait exactement le contraire de l’autonomie. Il a combattu constamment, avec persévérance et  violemment ce qui était à la fois une tradition et une force réelle, l’indépendance des grands organismes de recherche et de la recherche universitaire envers les ministères et le pouvoir politique. Le bras armé de cette politique a été l’Agence Nationale de la Recherche devenu un monstre bureaucratique « gérant » 9000 projets ; les chercheurs passent un temps considérable à chercher des… financements, à remplir d’innombrables dossiers dont beaucoup seront rejetés par des examinateurs moins compétents qu’eux. C’est un gaspillage incroyable de temps et d’énergie, bien moins efficace que l’ancien système qui donnait aux Universités et aux organismes de recherche la responsabilité de leur budget, sans compter que les chercheurs ont été transformés en mendiants perpétuels.
Il faut redonner la responsabilité de leur budget aux chercheurs et l’ANR jouera un rôle utile en se consacrant à faciliter et financer les collaborations entre instituts sur les grandes thématiques jugées prioritaires par le gouvernement par exemple Alzheimer, nanotechnologies, énergies nouvelles, toxicité environnementale – cette dernière bien négligée par l’actuel gouvernement…)
De même pour l’Aeres et la folie de l’évaluation que ce gouvernement a imposé. L’Aeres, autre « monstre bureaucratique qui se mêle de tout », selon l’ancien président de son comité des experts, le mathématicien espagnol Francisco Marcellan, qui  n‘apporte rien à la recherche et doublonne les évaluations menées par les recherches et les Universités. C’est une bonne idée que d’appeler des experts étrangers à donner leur opinion sur la recherche française, mais encore faudrait-il les écouter. L’Aeres ne doit pas se mêler de l’évolution des chercheurs et des laboratoires faites par les Universités et les Organismes de recherche, simplement valider leurs procédures internes propose Marcellan. En revanche, elle peut jouer un rôle utile en tant qu’instance de réflexion et de conseil sur l’organisation générale de la recherche, sur la politique de recherche et ses orientations, notamment grâce à des experts étrangers régulièrement renouvelés.

Carrière des chercheurs : mettre fin à la montée de la précarité !

Il a fallu qu’une étude syndicale estime entre 45000 et 50000 le nombre d’emplois précaires dans l’enseignement supérieur et la recherche pour que le ministère publie enfin une estimation : 37.000, soit un salarié sur 5 sont des précaires ! Cette explosion de la précarité est principalement due à la montée en puissance des financements ANR sur contrat à durée déterminés, au détriment du recrutement et du financement des grands instituts de recherche ( CNRS, INSERM, CEA…) . Ajoutons à cela la situation scandaleuse des thésards condamnés à enchaîner post doc sur post doc, dans des conditions quasi esclavagistes.
Au fait où en est la reconnaissance du doctorat dans les conventions collectives du privé et les grilles salariales du public ? Au point mort, et depuis des années !  C’est une justice élémentaire envers ces étudiants qui ont consenti des efforts particuliers, c’est en plus  un préalable essentiel à la société de l’innovation et de la connaissance, permettant d’irriguer toutes les fonctions de l’entreprise et de l’Etat de personnels formés à la recherche !
Cette précarité insupportable menace la qualité de la recherche par la course à la publications frénétiques de travaux peu aboutis et peu novateurs, par la multiplications de recherches sans risques. Plus grave encore, elle menace l’avenir. Comment s’étonner que les élèves des Ecoles d’Ingénieurs, que les meilleurs étudiants ne soient plus attirés par la recherche ?  Comment accepter des situations temporaires, précaires, exigeantes,  mal payées, un quasi-esclavage au service de mandarins – et ceci jusqu’à 30-35 ans ?
Pendant ce temps, l’Inde et la Chine font revenir massivement leurs post-doc en leur offrant des postes permanents, des laboratoires bien équipés, des rémunérations conséquentes. On parie sur l’avenir ?