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mercredi 3 juin 2020

Le plan de relance européen exclura-t-il le nucléaire ?


Suite logique des deux précédents blogs :

Une sortie de crise climatique et post-Covid intelligente : relancer le nucléaire !

Au Royaume-Uni, le nucléaire fait partie de la relance !

Le plan à 750 milliards d’euros. Et pour la France ?

Pour sortir l’Europe  d'une récession sans précédent, la Commission européenne veut emprunter sur les marchés 750 milliards d'euros. Jamais dans l'histoire de l'Union, elle n'avait levé une telle somme au nom de l'UE. Il s’agit pour l’   Allemagne, qui  ouvert la voie fin mai 2020 à une telle proposition d’un virage à 180°C en prônant, aux côtés de Paris, une mutualisation des dettes entre les États membres. La Commission pourra emprunter auprès des à des taux d'intérêt peu élevés ; de qui est intéressant pour les pays du Sud pour les pays du Sud, comme l'Italie et l’Espagne, dont la dette explose ; et pas sans intérêt non plus pour l’Allemagne qui commençait à craindre une dislocation de la zone euro qui pourrait lui revenir très cher.

Sur les 750 milliards d'euros, 500 milliards seraient redistribués sous forme de subventions  et 250 sous forme de prêts. Alors, attention, le vocabulaire est trompeur. Les prêts seront remboursés par les emprunteurs, et les subventions…seront aussi remboursées, mais par les Etats Membres, probablement au prorata de leur contribution au budget européen.

L'Italie et l'Espagne, dont les économies seront bien mises à mal par l’effondrement du tourisme pourraient recevoir respectivement plus de 172 milliards d'euros et 140 milliards d'euros (répartis entre subventions et prêts). Après la Pologne (avec 63,838 milliards), la France serait le quatrième bénéficiaire ( ?) avec 38,7 milliards de subventions uniquement.
Oui, mais attention, il faudra rembourser, et, la France étant contributeur net au budget européen, il se pourrait qu’en fin de compte, elle se trouve à rembourser bien davantage que ce qu’elle aura touché en subventions.

La France est un des États contributeurs nets au budget de l'Union européenne à hauteur de plus de 8 milliards d'euros par an. Pourtant, l'ensemble de nos territoires, à l'exception de l'Ile de France, ont un PIB par habitant inférieur à la moyenne européenne et le PIB par habitant de la France est inférieur à la moyenne de la zone euro. Nous n'optimisons pas assez les mécanismes européens au service de notre performance économique. De surcroît, la France connait un déficit commercial de plus de 30 milliards d'euros par an en moyenne dans le marché intérieur (15 milliards avec l'Allemagne, 8 milliards avec les Pays-Bas, 5 milliards avec la Belgique...). La responsabilité est d'abord à rechercher dans notre organisation et notre manière de nous défendre.

Une partie (probablement très faible) de l’emprunt pourra être remboursée par de nouvelles taxes européennes : la Commission envisage une taxe carbone aux frontières de l'UE pour pénaliser les importations de produits fabriqués par des usines polluantes, un impôt sur les revenus des grandes entreprises, voire une taxe spécifique pour les sociétés numériques. Elle voudrait aussi récupérer une partie plus importante des revenus engendrés par les droits d'émissions de CO2.

Problème : les tentatives pour instaurer des taxes européennes  nécessitent l'unanimité des 27 de l'UE et  ont jusqu'ici échoué, comme ce fut par exemple le cas pour la taxe sur les GAFA.

Emprunter pour quoi faire et dans quelles conditions ?

Les emprunts et subventions ne devaient pas être conditionnés à des exigences de réformes structurelles, comme ce fut le cas pour la Grèce ( à voir quand même, parce qu’il est aussi mentionné que les bénéficiaires des fonds devront également tenir compte des recommandations de la Commission émises deux fois par an, lorsqu'elle encourage les pays membres à des réformes structurelles). Néanmoins, pour obtenir ces soutiens financiers, les pays bénéficiaires devront présenter un plan d'investissements et de réformes, censé être compatible avec les priorités de la Commission européenne.
Ces dernières sont la transition écologique et numérique, ainsi que l'amélioration de la "résilience économique". Ils devront par exemple s'efforcer d'augmenter leur autonomie stratégique dans un certain nombre de secteurs, notamment vis-à-vis de la Chine en ce qui concerne la santé.

Si le paiement des intérêts commencera dès 2021, le remboursement des sommes empruntées n'aura lieu qu'à partir de 2028 et devrait s'achever en 2058.

Deux représentants des milieux économiques Pierre Goguet, Président de CCI France, et Eric Schweitzer, Président du DIHK (Deutscher Industrie und Handelskammertag) ont signé une tribune libre intitulée :  Les milieux économiques des pays de l'Union européenne (UE) ont besoin d'un plan de relance coordonné pour éviter les réflexes protectionnistes et la tentation de renationaliser les politiques européennes.

On en retiendra d’une part  l’appel à une politique européenne et l’appel aux instances européennes à s’impliquer davantage dans la politique industrielle et d’autre part l’appel à ce que le Green Deal ne s’oppose pas à la croissance ni à l’amélioration de la compétitivité des entreprises.  Vu les orientations du Green Deal en matière énergétique, ça fait un peu injonction contradictoire. Sauf si, voir ci-après, ce plan de relance européen est aussi un plan de relance nucléaire,…ce qui n’est pas abordé par les signataires.
(https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/une-initiative-europeenne-de-relance-une-ambition-commune-pour-l-europe-848748.html

« Dans l’idéal, L'Europe doit absolument voir émerger, à l'échelle de l'Union, des grands projets industriels créateurs d'emplois. Ceci ne pourra se faire qu'à travers des investissements massifs dans le développement de filières d'excellence dans des domaines clés, comme ceux de l'intelligence artificielle, des matières premières critiques, de l'hydrogène propre... La relance intègrera très probablement une réintégration de certaines de nos chaînes de valeur en Europe - et la santé en fera nécessairement partie. Une attention particulière devra être accordée à la situation des secteurs européens phares - tels que les industries aéronautique et spatiale ou l'industrie automobile - considérablement affaiblis et entraînant avec eux la R&D, la sous-traitance et des dizaines de milliers d'emplois en Europe.

« Un Green Deal qui soit un Good Deal pour nos entreprise : Un autre point d'attention est le lien qui devrait exister entre le Green Deal et le développement économique, en tant que pilier de la reprise. La transition énergétique et les politiques climatiques ambitieuses de l'UE doivent être traduites en une véritable stratégie de croissance pour l'économie européenne. Toutes les mesures et tous les objectifs devraient donc être mis en perspective avec l'amélioration de la compétitivité des entreprises pour l'après-crise et au-delà. Sans aucun doute, le Green Deal réussira si c'est un Good Deal pour nos entreprises. »

Les aspects écologiques du plan de relance

 Rénovation des bâtiments, les énergies renouvelables et l’hydrogène, et la mobilité propre – qui sont résumées ci-dessous :
Rénovation des bâtiments : la Commission veut maintenant promouvoir une « rénovation plus rapide et plus profonde » des bâtiments, affirmant qu’il s’agit « d’une nécessité pour [parvenir à] une UE climatiquement neutre et d’une priorité d’investissement claire et où tout le monde est gagnant, en faveur d’une relance verte, numérique et équitable ».
En matière de financement, la Commission prévoit d’instaurer un « mécanisme européen de financement des rénovations », qui disposera, dans un premier temps, de 91 milliards d’euros par an. Associé à d’autres sources de financement, il devrait totaliser 350 milliards d’euros d’investissement par an.

Énergies renouvelables et hydrogène :  Les marchés de l’énergie solaire et éolienne devraient se contracter de 20 à 33 % cette année, selon la Commission.. Le plan de relance propose de se concentrer en parallèle sur les énergies renouvelables et sur l’hydrogène, indiquant que les deux sont nécessaires pour une décarbonisation en profondeur. « Sans une croissance durable du marché des énergies renouvelables, il n’y a pas d’avenir pour l’hydrogène propre en Europe, alors que la technologie de l’hydrogène durable a un rôle crucial à jouer dans la décarbonisation de l’économie », souligne le document.
En ce qui concerne les énergies renouvelables, les principaux aspects du plan de relance comprennent un système d’appel d’offres de l’UE pour des projets d’électricité renouvelable atteignant 15 GW sur deux ans, avec un investissement total de 25 milliards d’euros, ainsi qu’un soutien aux dispositifs nationaux de 10 milliards d’euros sur deux ans.
Les fonds attribués à l’hydrogène, qui s’élèvent aujourd’hui à 650 millions, vont doubler, et 10 milliards d’euros seront investis dans le développement de cette technologie sur 10 ans. La Commission a également l’intention de prendre un « engagement pour un million de tonnes d’hydrogène propre ». Cela comprendra un « projet pilote de « contrats carbone pour la différence » (CCfD) destinés à soutenir la production d’hydrogène propre ». Ce système est « semblable aux systèmes d’appel d’offres pour l’énergie renouvelable » et « pourrait combler la différence entre le prix de levée du CO2 et le prix réel du CO2 dans le SCEQE » afin de réduire l’écart de coût entre l’hydrogène conventionnel et l’hydrogène décarbonisé ( ?)

Mobilité propre : Pour l’industrie automobile, le plan propose un dispositif d’achat de véhicules propres à l’échelle de l’UE, qui réduit les émissions de CO2 et de polluants conformément aux normes européennes. Montant : 20 milliards d’euros au cours des deux prochaines années.
Concernant le secteur ferroviaire, un nouveau train de mesures sera adopté pour un montant d’environ 40 milliards d’euros. Il mettra l’accent sur les principaux corridors où les passagers et le fret peuvent passer au rail. Le plan de relance prévoit également d’octroyer davantage de fonds aux programmes de mobilité urbaine, tels que les infrastructures cyclables. Ces fonds seront attribués dans le cadre des programmes de financement régionaux de l’UE.
Deux autres chapitres sont consacrés à l’économie circulaire et au secteur agricole, et mettent l’accent sur la numérisation.

Commentaire : on comprend assez mal cette insistance sur l’hydrogène dont le moins qu’on puisse dire est que sa place dans la transition énergétique n’est pas encore très assurée. Greenpeace ( tiens, pour une fois, on serait presque d’accord) semble soupçonner une influence des lobby gaziers pour verdir leur gaz. Du point de vue CO2 et bilan énergétique, ce serait complètement absurde.


Cependant, quelques constructeurs automobiles, et pas des moindres et des moins intelligents (Toyota, Honda, Hyundai, BMW) considèrent que la voiture électrique ne décollera jamais, en raison du poids et du coût des batteries (qui déplace la chaîne de valeur des constructeurs automobiles vers les fabricants de batterie), lequel coût diminuera peu en raison des tensions sur les minéraux nécessaires dont le lithium de son autonomie, de la lourdeur des infrastructures nécessaires et se lancent résolument vers les véhicules à hydrogène. Leur stratégie parait assez convaincante…et l’infrastructure sera plus simple ! (avec 200 stations d’hydrogène sur les autoroutes vous pouvez alimenter des flottes de milliers de véhicules à hydrogène) (cf. https://www.transitionsenergies.com/constructeurs-automobiles-croient-pas-electrique batteries/?_lrsc=23e24304-8505-4f0d-8d58-db57a5b78288)

Quant à créer une industrie de l’hydrogène à partir de l’électricité renouvelable….power to gaz, le moins qu’on puisse dire est que les ordres de grandeur n’y sont pas , mais alors pas du tout. Si l’hydrogène devait  s’avérer un vecteur énergétique important pour le futur, la synthèse d’hydrogène propre exigera beaucoup, beaucoup d’électricité, une électricité abondante, économique, pilotable, décarbonée, fiable. Bref, une énergie nucléaire.

Si l’hydrogène c‘est le futur, alors il faut investir rapidement et massivement dans de nouvelles centrales nucléaires !

Or le mot nucléaire n’est pas prononcé et rappelons que le nucléaire a été exclu pour l’instant par la Commission Européenne de la taxonomie verte, c’est-à-dire de l’accès à des financements privilégies, ce qui est une aberration totale. Ce qui lui est reproché, c’est uniquement le problème des déchets, qui contreviendrait au critère Do Not Significantly Harm. De nombreux pays, syndicats se sont saisis d’une possibilité laissée par le groupe d’expert qui se reconnaissait lui-même pas très compétent sur le sujet pour faire appel  à une expertise internationale évaluant les solutions proposées pour le traitement des dcéhets nucléaires


Le plan de relance de la Commission européenne critiqué par Foratom

La Commission européenne (CE) a présenté le 27 mai sa proposition d’un plan de relance majeur à la suite de la pandémie de coronavirus. C’est la réponse à une déclaration commune des membres du Conseil européen adoptée le 26 mars, qui a appelé la Commission européenne à élaborer une stratégie de sortie coordonnée, un plan de relance global.

Le plan de relance de l’UE devrait « se concentrer sur des solutions qui aideront l’Europe à sortir de la crise », Foratom note  que le Conseil européen avait déclaré en avril qu’investir dans les technologies propres contribuerait à créer de la croissance et des emplois et aurait reconnu la nécessité de produire des biens essentiels en Europe, d’investir dans des chaînes de valeur stratégiques et de réduire la dépendance excessive vis-à-vis des pays tiers. « Le nucléaire répond à tous ces critères : il s’agit d’une technologie européenne, dotée d’une chaîne d’approvisionnement européenne, capable de fournir à l’Europe l’énergie à faible émission de carbone dont elle a besoin, lorsqu’elle en a besoin.

Yves Desbazeille, directeur général de Foratom, a déclaré : « La Commission a une fois de plus ignoré la plus grande source européenne d’énergie de répartition à faible émission de carbone. Le nucléaire est une technologie européenne à faible émission de carbone, qui assure la sécurité de l’approvisionnement et crée des emplois dans l’UE." Foratom a recommandé que le plan de rétablissement :

Assure la sécurité d’approvisionnement : Pendant la crise, le nucléaire s’est avéré à la fois dépêché et flexible. En outre, les CNP européens disposent de suffisamment de carburant pour fonctionner pendant environ trois ans.

Porte suffisamment attention aux technologies européennes qui créent des emplois et à la croissance dans l’UE : l’énergie nucléaire dispose d’une importante chaîne d’approvisionnement européenne. Elle soutient actuellement environ 1 million d’emplois dans l’UE et génère environ 450 milliards d’euros de PIB, soit jusqu’à quatre fois plus élevé par unité d’énergie que pour d’autres sources à faibles émissions de carbone.

En fasse davantage pour atteindre les objectifs de décarbonation : l’hydrogène peut fournir une excellente solution aux secteurs difficiles à décarboniser, à condition qu’il remplisse trois conditions - la sécurité d’approvisionnement, une production rentable et une empreinte carbone très faible. L’hydrogène à base d’électrolyseur qui fonctionne à l’électricité, alimenté à la fois par les énergies renouvelables et le nucléaire, répond parfaitement à ces conditions.

Foratom a déclaré resté déterminée à apporter une contribution constructive au débat. « Nous espérons qu’au cours des semaines et des mois à venir, l’UE élaborera des politiques réalistes et fondées sur la science qui aideront l’Europe à atteindre ses objectifs. »

Ben, le moins qu’on puisse dire, c’est que c’est pas gagné si le plan de relance européen n’est pas aussi un plan de relance nucléaire !

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