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vendredi 3 juin 2022

Taxonomie : la nouvelle salve des syndicats français et européens pour l’approbation du second acte délégué

Suite des épisodes précédents, ( et je l’avoue quelque peu lassant)  https://vivrelarecherche.blogspot.com/2021/06/nouvelles-de-la-taxonomie-juillet-2011v2.html ; https://vivrelarecherche.blogspot.com/2021/04/dernieres-nouvelles-de-la-taxonomie.html ; https://vivrelarecherche.blogspot.com/2021/07/taxonomie-de-la-finance-durable-rapport.html, https://vivrelarecherche.blogspot.com/2019/09/urgence-nucleaire-et-climatique-alerte.html

L’enjeu : le financement du nucléaire

La Commission européenne travaille sur une taxonomie verte, c’est-à-dire une sorte de labellisation destinée à guider les investissements financiers vers les secteurs et les activités les plus appropriés pour atteindre les objectifs climatiques de l’Europe, la transition vers une économie bas-carbone et un modèle de développement durable.

Dans une première version de 2021 (premier acte délégué), le nucléaire a été exclu de la taxonomie. Ce n’est, sous l’influence d’une Allemagne très combative, qu’un moyen très efficace d’étrangler le nucléaire en  le privant de financements à taux privilégiés ainsi que de l’accès au financement européen des plans de relance.

Exclure l’énergie nucléaire de la taxonomie européenne conduirait à fragiliser toute une filière (plus d’un million d’emplois en Europe dont 220 000 en France) qui fournit pourtant actuellement près de la moitié de l’électricité à faible teneur carbone dans l’Union Européenne. En outre, les secteurs utilisateurs de cette énergie, notamment les électrointensifs, seraient eux aussi fortement impactés ; les fournisseurs qui feraient plus de 5% de leur CA avec le nucléaire se verraient privés de label vert.

Après le premier acte délégué excluant le nucléaire…

Après confirmation des experts de la commission (JRC) que le nucléaire satisfaisait les critères en particulier de DNSH (Do Not Significantly Harm), et après surtout une réaction déterminée d’un certain nombre d’Etats, dont la France, les Pays-Bas, la Pologne, la Suède, la Finlande, la République Tchèque, la Slovaquie, la Roumanies, la Commission a cédé et présenté un second acte délégué incluant le nucléaire ; sauf que, sous pression de l’Allemagne, il inclut aussi le gaz comme activité de transition.

Et juste après avoir imposé cette modification, l’Allemagne a fait savoir que de toutes façons, elle voterait contre le propre projet de compromis qu’elle a imposé : « l'Allemagne s'opposera finalement à la « taxonomie verte », le texte européen qui classe le nucléaire parmi les énergies de transition…« Ce vote négatif est un signal politique important : l'énergie nucléaire n'est pas durable et ne doit donc pas faire partie de la taxonomie »

https://www.marianne.net/politique/union-europeenne/nucleaire-en-votant-contre-la-taxonomie-lallemagne-plante-un-couteau-dans-le-dos-de-paris

Le second acte délégué ne peut plus être modifié, il doit être voté tel quel ou refusé par le Conseil des Etats et le Parlement Européen. Au Conseil des Etats, il y a fort peu de chance que le texte soit refusé. Au Parlement Européen, c’est moins sûr, surtout si l’on se souvent de la tentative du SPD Allemand d’imposer la sortie du nucléaire.

https://vivrelarecherche.blogspot.com/2019/12/le-parlement-europeen-et-la-politique.html

Si cela se produit, les députés français qui n’ont pas voulu bloquer le premier acte délégué tant qu’il n’incluait pas le nucléaire en faisant confiance à la Commission et en se disant qu’un compromis avec l’Allemagne serait toujours possible se seront tirés une belle balle dans le pied, au désespoir des autres pays européens qui compte sur la France pour défendre au premier chef le nucléaire en Europe.

La quatrième action des syndicats de l’énergie

Les quatre principaux syndicats français de l’énergie ont donc décidé de remobiliser leurs partenaires européens pour favoriser l »adoption du second acte délégué par un courrier adressé aux Parlemantaires Européens des Commissions ITRE, ENVI et ECON

https://www.sfen.org/rgn/les-syndicats-europeens-demandent-au-parlement-de-ne-pas-sopposer-au-projet-de-taxonomie/

Lettre aux Députés Européens

Monsieur le Député,

Vous devrez bientôt vous prononcer sur l’acte délégué complémentaire (ADC) de la taxonomie européenne prévoyant l’inclusion du nucléaire et du gaz en tant qu’activités durables dans la catégorie 10.2 (activités de transition). Pour les employés des industries de l’électricité et du gaz représentés par les fédérations syndicales européennes qui ont signé cette lettre, cette inclusion dans la taxonomie européenne est d’une importance primordiale pour le défi climatique, pour la diversification des approvisionnements énergétiques et l’accroissement de l’indépendance énergétique de l’Europe, pour la justice sociale, pour la durabilité économique et pour l’avenir de leurs emplois dans un secteur industriel et de services essentiel.

Nous ne pouvons ignorer le fait que le réchauffement climatique représente un danger existentiel pour nos sociétés et pour l’humanité, et la nécessité d’une action urgente a été récemment soulignée à nouveau par le GIEC (rapport de mars 2022). Nous devons donc rapidement mettre en place une transition énergétique non seulement efficace sur le plan climatique, mais aussi économiquement durable et socialement juste. En outre, la guerre en Ukraine devrait agir comme un signal d’alarme. Elle a récemment montré très clairement que la sécurité de l’approvisionnement énergétique et les coûts de l’énergie doivent être correctement anticipés et intégrés dans les plans énergétiques de l’UE.

La taxonomie vise à diriger l’ensemble de l’économie et les investissements vers les activités durables nécessaires pour atteindre la neutralité climatique. Toutefois, la portée de ce texte potentiellement très large ne se limite pas à orienter les investissements privés vers ces activités. Il est destiné à servir de base à divers mécanismes réglementaires européens tels que l’accès aux plans de relance, les labels écologiques européens, ainsi que le régime d’aide des États qui guide le financement public. Ce sera donc un signal déterminant pour notre avenir énergétique.

L’acte délégué complémentaire représente un progrès significatif par rapport au premier acte délégué de 2021, qui excluait le gaz et le nucléaire ; il a été obtenue grâce à la mobilisation déterminée d’un grand nombre d’États membres et aussi de syndicats, notamment par l’envoi de deux lettres à la présidence de la Commission européenne (Lettre des syndicats du secteur européen de l’énergie, 28 janvier 2021, 12 syndicats de 6 pays européens, Lettre de suivi des syndicats du secteur européen de l’énergie, 23 juillet 2021, 18 syndicats de 10 pays européens) pour défendre l’inclusion de l’énergie nucléaire dans la taxonomie.

En ce qui concerne l’énergie nucléaire, la décision finale de la Commission est fondée sur la rationalité scientifique et technique et le consensus international d’experts reconnaissant que l’énergie nucléaire avec des émissions de gaz à effet de serre proches de zéro peut apporter une contribution substantielle à la lutte contre le changement climatique, respecte le DNSH (absence de dommages significatifs), à condition que certains critères techniques (effectivement mis en œuvre dans les réacteurs GENII et III) soient respectés et ne handicape pas et même facilite le développement des énergies renouvelables. Sur la question souvent citée des déchets, le stockage géologique en profondeur est désormais reconnu par la Commission européenne et ses experts (CCR), ainsi que par la plupart des autorités de sûreté des pays nucléaires, comme une solution sûre et réalisable pour isoler de manière permanente les déchets à longue durée de vie de la biosphère. Par exemple, le dépôt de la Finlande est sur le point d’être ouvert et des projets similaires sont bien avancés dans plusieurs pays de l’UE.

Il faut mentionner que certains points ont soulevé d’importantes réserves parmi les experts dans le domaine. Sans le dire explicitement, l’acte délégué complémentaire considère clairement l’énergie nucléaire comme une énergie de transition. Ce statut implique des clauses de temporisation (délais), des examens scientifiques et techniques et des rapports détaillés tous les 3 à 5 ans, ce qui semble difficilement compatible avec le développement industriel à long terme qu’exige l’énergie nucléaire. Dans l’ensemble, la classification de l’énergie nucléaire comme « transitoire » ne nous semble pas approprié pour cette source d’énergie très faible en carbone, massive, distribuable et fiable, avec des besoins minimaux en terres et en matières premières. En outre, la diversité des ressources en uranium, le recyclage du combustible et, dans un avenir proche, les surgénérateurs de génération IV ouvrent la voie à une autonomie énergétique totale.

En ce qui concerne le gaz, avec les critères d’émission stricts fixés et l’exigence que l’installation remplace une installation existante à forte émission de CO2, son inclusion dans la taxonomie garantit une contribution substantielle à la lutte contre le réchauffement climatique et à son atténuation. Les États européens qui dépendent actuellement fortement du charbon ou du lignite pour leur production d’électricité ont besoin d’une source alternative contrôlable rapidement déployable et transitoire…

Le gaz est nécessaire à un mix énergétique global équilibré, son inclusion donne également de la visibilité à un secteur industriel qui travaille à la transition vers les gaz verts et renouvelables. En outre, la récente guerre en Ukraine montre clairement que nous avons besoin d’un approvisionnement indépendant et sûr en gaz. Cela nécessitera des investissements rapides et substantiels, par exemple pour de nouvelles réserves de gaz de l’UE, des conduites de gaz, la construction d’un terminal GNL qui sera très coûteux s’ils ne peuvent pas tomber sous la taxonomie.

Dans sa première version, la taxonomie excluait les deux seules énergies contrôlables (à l’exception de l’hydroélectricité limitée par la géographie), qui sont le gaz et le nucléaire. Nos sociétés ne peuvent se passer d’une énergie abondante, contrôlable et économique capable d’assurer la sécurité énergétique que les énergies variables intermittentes ne peuvent à elles seules fournir. Au contraire, l’inclusion de ces deux activités par le biais de l’acte délégué complémentaire, fondé sur la rationalité scientifique et technique, renforce l’objectif taxonomique, lui confère la crédibilité nécessaire et assure la cohérence avec le pacte vert tout en lui permettant d’assurer la traçabilité des investissements. L’acte délégué tel qu’il se présente actuellement n’est pas parfait. Cependant, la qualification transitoire pour l’énergie nucléaire est préférable à ne pas l’avoir du tout couverte par la taxonomie; a contrario, la dimension transitoire du gaz dans le CDA est appropriée.

Comme l’a indiqué la Commission, la taxonomie se veut un document évolutif qui évoluera au fil du temps. De l’avis des syndicats de l’énergie signataires, il s’agit d’un compromis pragmatique, fondé sur la science, d’une étape efficace contre le défi climatique, augmentant la sécurité et l’indépendance énergétiques de l’Europe et réduisant le coût de l’énergie.

Nous insistons sur le fait que, conformément à la procédure de l’UE, le Conseil et le Parlement disposent de quatre (à six) mois pour approuver ou rejeter l’Acte complémentaire, sans possibilité de le modifier. Son éventuel rejet porterait les germes d’un risque sérieux et double d’éclatement : l’éclatement entre nos nations avec des choix énergétiques et des intérêts économiques de plus en plus divergents ; l’éclatement social au sein de nos nations par les conséquences sociales d’une pénurie d’énergie, de la hausse incontrôlée des prix de l’énergie et de l’augmentation inacceptable de la précarité énergétique. Cela mettrait gravement en péril le secteur de l’énergie, ses travailleurs et les objectifs climatiques de l’UE.

Depuis sa naissance, notamment avec le traité Euratom (1957), l’Europe s’est rassemblée, en nombre croissant d’États, autour du besoin fondamental d’une énergie abondante et compétitive; la menace climatique ajoute désormais à cela l’urgence d’une décarbonisation rapide, efficace et économiquement et socialement durable. C’est le défi pour notre génération. La taxonomie peut réduire considérablement le coût de cette transition en diminuant les coûts d’investissement. Par conséquent, et pour toutes les raisons susmentionnées, les syndicats européens de l’énergie signataires considèrent qu’il est de la plus haute importance de faire approuver l’acte délégué complémentaire à la majorité de la Commission et du Parlement européen. Si l’on ne vote pas pour, alors s’abstenir serait la meilleure approche, afin de ne pas  faire rejeter l’Acte Délégue.

Communiqué de Presse :

Les principaux syndicats du secteur de l’énergie de 10 pays de l’UE s’adressent aux membres des commissions ECON, ENVI et ITRE du Parlement européen

Il est maintenant plus que temps de renforcer la sécurité énergétique et la neutralité carbone en approuvant le second acte délégué de la taxonomie européenne !

20  syndicats importants de salariés belges, bulgares, tchèques, finlandais, Français, hongrois, lituaniens, roumains, slovaques et slovènes du secteur de l’énergie ont adressé, une fois de plus, une lettre collective aux membres du Parlement européen des commissions ECON, ENVI et ITRE les exhortant à voter (ou du moins, à ne pas s’opposer) à l’acte délégué complémentaire de la taxonomie européenne prévoyant l’inclusion du nucléaire et du gaz.

Depuis plus d’un an, les syndicats européens ont uni leurs forces et mené diverses actions dans leurs pays et au niveau européen en faveur de l’inclusion de l’énergie nucléaire dans la taxonomie européenne sur la base de preuves technologiques et scientifiques neutres, et insistant sur le rôle clé de l’énergie nucléaire pour permettre à l’Europe d’atteindre la neutralité carbone,  dont deux lettres à la Présidence de la Commission européenne (cf. précédent Communiqué de presse, « Il est temps maintenant d’inclure l’énergie nucléaire dans un acte délégué de la taxonomie européenne », juillet 2021)

Pour les salariés des industries de l’électricité et du gaz représentées par les syndicats européens signataires de cette lettre, l’inclusion du nucléaire et du gaz dans la taxonomie européenne est d’une importance primordiale pour le défi climatique,  pour la diversification des approvisionnements énergétiques et l’accroissement de l’indépendance énergétique européenne, pour la justice sociale, pour la durabilité économique et pour l’avenir de leurs emplois dans une industrie et un service essentiels.

Depuis plus d’un an maintenant, les syndicats européens ont uni leurs forces et mené diverses actions dans leurs pays et au niveau européen en faveur de l’inclusion de l’énergie nucléaire dans la taxonomie européenne sur la base de la neutralité scientifique et technique, et en insistant sur le rôle clé de l’énergie nucléaire pour permettre à l’Europe d’atteindre la neutralité carbone,  dont deux lettres à la Présidence de la Commission européenne (cf. précédent Communiqué de presse, « Il est temps maintenant d’inclure l’énergie nucléaire dans un acte délégué de la taxonomie européenne », juillet 2021) Pour les salariés des industries de l’électricité et du gaz représentées par les syndicats européens signataires de cette lettre, l’inclusion du nucléaire et du gaz dans la taxonomie européenne est d’une importance primordiale pour le défi climatique,  pour la diversification des approvisionnements énergétiques et l’accroissement de l’indépendance énergétique européenne, pour la justice sociale, pour la durabilité économique et pour l’avenir de leurs emplois dans une industrie et un service essentiels.

En outre, la guerre en Ukraine est un signal d’alarme pour que l’Europe diversifie ses ressources énergétiques et renforce son autonomie énergétique. Nous tenons à souligner que l’acte délégué complémentaire représente le meilleur compromis possible. Considérer l’énergie nucléaire comme une énergie de transition ne peut être considéré comme approprié; toutefois, la qualification transitoire pour l’énergie nucléaire est préférable à l’absence totale de couverture par la taxonomie. A contrario, la dimension transitoire du gaz dans le CDA est appropriée étant donné que certains investissements seront nécessaires pour la diversification des ressources gazières de l’UE (et la fin de la dépendance russe).

Aucune source d’énergie capable de fournir de l’électricité de base distribuable à faible teneur en carbone ne peut être ignorée. Par conséquent, les syndicats européens de l’énergie signataires considèrent qu’il est de la plus haute importance de faire approuver l’acte délégué complémentaire au Parlement européen. Nos organisations sont engagées dans la réussite des ambitions climatiques européennes et veulent contribuer aux objectifs européens de sécurité énergétique, de relance économique, de délocalisation industrielle, d’énergie et de souveraineté industrielle, de manière socialement juste et durable pour atteindre les objectifs climatiques de l’Europe.

Ensemble, nous sommes plus forts! « Les syndicats appellent à nouveau à un dialogue avec l’objectif de l’énergie nucléaire et du gaz pour exploiter pleinement son potentiel et construire une Europe économiquement efficace et socialement juste sans carbone d’ici 2050 »

https://www.tek.fi/en/news-blogs/press-release-its-now-more-than-time-to-reinforce-the-energy-security-and-carbon-neutrality-with-an-approved-delegated-act-of-european-taxonomy

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