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lundi 5 juillet 2021

Taxonomie de la finance durable: Rapport des experts Euratom et du SHEER

Après l’expertise du JRC (Joint Research Committe de la Commission) sur les déchets et le caractère durable du nucléaire et favorable à l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie,  les deux autres comités d’experts requis par la Commission  ont publié leur avis.

Pour les éléments de contexte

Cf. https://vivrelarecherche.blogspot.com/2021/06/nouvelles-de-la-taxonomie-juillet-2011v2.html

https://vivrelarecherche.blogspot.com/2021/04/dernieres-nouvelles-de-la-taxonomie.html

Rapport du JRC

https://vivrelarecherche.blogspot.com/2021/04/taxonomie-europeenne-rapport-du-joint.html

Avis général : Communiqué de Foratom :

Alors que les experts de l’article 31 du traité Euratom confirment, dans l’ensemble, les conclusions du Centre commun de recherche (CCR, JRC), le comité scientifique de l’environnement sanitaire et des risques émergents (SHEER) a soulevé quelques questions. « Le groupe de l’article 31 étant composé d’experts indépendants en radioprotection et en santé publique, nous trouvons leurs conclusions très rassurantes », déclare Yves Desbazeille, directeur général du FORATOM. « Par exemple, selon eux, le cadre juridique européen existant offre une protection adéquate en termes de santé publique et d’environnement dans l’UE. Pour les activités en dehors de l’Europe, ils constatent que les normes internationales offrent un niveau de protection comparable. 

En outre, les experts confirment le point de vue du CCR (JRC) selon lequel les dépôts en formations géologiques profondes constituent une solution appropriée et sûre pour la gestion des déchets de haute activité, notant que la technologie est déjà disponible aujourd’hui. L’avis du CSRSEE (SHEER) est généralement en accord avec celles du JRC en ce qui concerne les impacts non radiologiques du nucléaire et le fait qu’il ne représente pas un  dommage inévitable ou irréparable « (unadvertable) » pour la santé humaine et l’environnement, bien qu’il note que certaines informations peuvent manquer.

 Le CSRSEE (SHEER) a soulevé la question de savoir si l’évaluation du nucléaire sur la base des critères existants dans le cadre de la taxonomie est suffisante pour démontrer qu’il ne cause pas de dommage significatif' » ajoute M. Desbazeille « Sans entrer dans les détails de cette requête, il est important de garder à l’esprit que le règlement de la  taxonomie appelle au maintien de la neutralité technologique. À ce titre, le CCR a évalué le nucléaire conformément aux critères taxonomique.  Si une évaluation plus approfondie est nécessaire, elle devrait s’appliquer à toutes les technologies relevant de la taxonomie, et pas seulement au nucléaire ».

 On notera également que  le SHEER commence par ne pas s’avouer très compétent sur les risques nucléaires, ce qui, après tout, pourrait conduire à s’arrêter là, et qu’il reconnait que le nucléaire remplit les critères d’inclusion dans la taxonomie.

 En ce qui concerne les informations ou études manquantes, on peut suggérer au SHEER de se rapprocher de  l’UNSCEAR (Comité scientifique des Nations unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants), l’équivalent en quelque sorte du GIEC pour l’étude des radiations ionisantes, établi depuis 1955. Et rappeler que la toxicité des rayonnements est un phénomène simple et bien connu depuis plus de 100 ans ( si on en savait autant sur la toxicité de la plupart des composés chimiques !)

 De façon plus précise

 Rapport des experts Euratom    (Article 31) : principales conclusions

https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/business_economy_euro/banking_and_finance/documents/210630-nuclear-energy-jrc-review-article-31-report_en.pdf

 - Le cadre juridique européen prévoit un système adéquat de protection des travailleurs, des citoyens et de l’environnement, ainsi que pour la gestion de tout risque de manière à ce que le risque résiduel reste acceptable…

 -Les dispositions de la législation Euratom relatives à la protection des êtres humains contre les effets nocifs des rayonnements ionisants sont conformes aux recommandations et normes internationales pertinentes telles que celles de la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) et de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Le respect des dispositions de la législation Euratom, qui exigent également un contrôle réglementaire approprié pour assurer la mise en œuvre des exigences, donne une assurance suffisante que l’impact de la fin du cycle du combustible nucléaire sur l’homme reste acceptable.

 - Le groupe d’experts au titre de l’article 31 souscrit à la conclusion du rapport du JRC  selon laquelle les dépôts géologiques en profondeur (DGP) sont considérés, dans l’état actuel des connaissances, comme des moyens appropriés et sûrs d’isoler le combustible usé et les autres déchets de haute activité de la biosphère à très longue échelle et que les technologies nécessaires sont maintenant disponibles.

 - Le système actuel de radioprotection et les exigences en matière de sûreté nucléaire et de sûreté des déchets, tels qu’adoptés dans la législation Euratom pertinente, sont le résultat de décennies de coopération internationale continue en vue d’établir des critères et des mécanismes appropriés pour gérer de manière appropriée les incertitudes et les risques connexes. Les principes de base de la radioprotection, les principes généraux de sûreté nucléaire et de sûreté des déchets, tels qu’établis et spécifiés par des exigences plus détaillées de la législation Euratom pertinente, gèrent les incertitudes et les risques connexes d’une manière compatible avec le principe de précaution…

 - Les conclusions du rapport du  JRC sont fondées sur des résultats bien établis de la recherche scientifique, examinés en détail par des organisations et des comités internationalement reconnus…

 - Le rapport du JRC démontre que le taux de mortalité causé par des accidents graves est pour l’énergie nucléaire comparable, et pour les centrales nucléaires de génération III inférieur, à celui de toute autre technologie de production d’électricité et que les conséquences maximales d’un seul événement sont plutôt élevées mais toujours comparables à celles de certaines autres technologies de production d’électricité

 -Le groupe d’experts de l’article 31 note qu’en dehors du taux de mortalité et des conséquences maximales, l’évaluation d’autres impacts directs et indirects d’accidents très graves et rares n’entre pas dans le champ d’application du rapport du JRC, car ces impacts n’ont pas été évalués pour les activités économiques relevant du règlement taxonomique de l’UE. Le groupe d’experts de l’article 31 partage l’avis du rapport du JRC selon lequel de tels impacts pourraient être plus difficiles à évaluer, mais peuvent être importants pour comprendre les implications plus larges d’un accident sur la santé.

 A noter que la guerre est bel et bien déclarée puisque l’experte allemande (Claudia Engelhardt) a tenu à faire part d’un avis dissident. Celui-ci porte notamment sur le risque résiduel et les  conséquences autres que les pertes humaines d’un accident nucléaire.

 Avis dissident : Ceci dit le rapport a été voté par 28 voix pour, une contre et 3 abstentions !

 - le cadre juridique européen fournit un cadre adéquat pour la protection des travailleurs, des citoyens et de l’environnement. Néanmoins, il y aura toujours un risque résiduel qui ne pourra jamais être exclu. L’objectif du cadre juridique et de sa mise en œuvre est de gérer les risques de manière à garantir que le risque résiduel est aussi faible que possible. La décision de savoir si le risque restant est acceptable ou non est une décision souveraine de chaque État membre de l’UE. L’acceptation du risque résiduel ne signifie pas que la technologie correspondante peut être classée comme durable.

 -Les accidents graves ne jouent qu’un rôle mineur dans le rapport du JRC. Outre le nombre de décès, les autres impacts directs et indirects d’accidents graves ne sont pas évalués par le CCR. Toutefois, les accidents graves qui se sont produits ont montré que les conséquences radiologiques potentielles, par exemple de vastes zones contaminées, l’évacuation et la réinstallation à long terme de membres du public, les restrictions sur l’approvisionnement en nourriture et en eau potable, les restrictions à l’utilisation des terres pour l’agriculture et le logement, ainsi que les conséquences non radiologiques, par exemple les conséquences psychologiques, sociétales ou économiques néfastes, ont des effets néfastes sur les êtres humains et l’environnement pendant des décennies, voire des siècles. Ces conséquences affectent le pays hôte, mais aussi les pays voisins. Dans ce contexte, l’énergie nucléaire ne satisfait clairement pas au critère de l’absence de dommage significatif (DNSH) et la réponse à la question de savoir si l’énergie nucléaire est écologiquement durable est très clairement non.

 Bon, ben on rappelle ça

- Selon les connaissances actuelles, les dépôts géologiques en profondeur sont considérés comme appropriés et sûrs pour le dépôt de déchets hautement radioactifs pendant de très longues périodes. Cependant, les grandes périodes nécessaires laissent place à des incertitudes. Outre le manque d’expérience pratique, il existe des incertitudes, entre autres, en ce qui concerne les changements climatiques futurs, les développements sociétaux futurs (p. ex. intrusion humaine), le comportement social ainsi que la rétention à long terme de l’information et des connaissances….

Rapport des experts du SHEER (Scientific Committee on Health, Environmental and Emerging Risks). Principales conclusions

https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/business_economy_euro/banking_and_finance/documents/210629-nuclear-energy-jrc-review-scheer-report_en.pdf

- Le SHEER  est d’avis que les conclusions et les recommandations du rapport du JRC concernant les impacts non radiologiques sont dans l’ensemble exhaustives. Toutefois, le SHEER  est d’avis qu’il y a plusieurs constatations pour lesquelles le rapport est incomplet et doit être amélioré par d’autres preuves. En ce qui concerne les critères de la DNSH, dans de nombreux cas, les résultats (comparant les centrales nucléaires à d’autres technologies de production d’énergie déjà en taxonomie) sont exprimés comme étant moins nocifs qu’au moins une des technologies de comparaison, ce qui, de l’avis du SHEER, est différent de « ne pas causer de dommage important ». Le SHEER est d’avis que l’approche comparative n’est pas suffisante pour garantir « l’absence de dommage important ».

Commentaire : un peu de mal à suivre cette casuistique. Le SHEER ne met pas en cause la conclusion du  JRC selon laquelle ses analyses n’ont révélé » aucune preuve scientifique que l’énergie nucléaire nuit davantage à la santé humaine ou à l’environnement que les autres technologies de production d’électricité déjà incluses dans la taxonomie » mais fait un distinguo avec le critère DNSH considéré dans l’absolu. Or comme l’a souligné Foratom, l’évaluation dot être technologiquement neutre et s’appliquer de la même manière à toutes les technologies

- Le rapport du JRC conclut que les activités d’exploitation des centrales nucléaires ne représentent pas des dommages irréfutables pour la santé humaine ou l’environnement, à condition que les activités industrielles associées satisfassent aux critères d’examen technique appropriés [[règlement (UE) 2020/8521 (ci-après le « règlement taxonomique »).) Le SHEER  est largement d’accord avec ces énoncés, mais est d’avis que la dépendance à l’égard d’un cadre réglementaire opérationnel n’est pas suffisante en soi pour atténuer ces impacts, par exemple dans l’exploitation minière et la concentration où le fardeau des impacts se fait sentir en dehors de l’Europe.

Commentaire : là encore, l’évaluation doit être technologiquement neutre. Disons pour le moins que le problème n’est pas spécifique au nucléaire. Alors si l’on veut comparer les conditions de travail et de sécurité  dans les mines d’uranium généralement contrôlées par des opérateurs internationaux responsables  et celle de l’extraction de métaux rares, ou même pas rares comme le cobalt, nécessaires aux ENR…allons-y…

- En ce qui concerne l’impact des rayonnements sur l’environnement, le concept exprimé est que « les normes de contrôle environnemental nécessaires pour protéger le grand public sont susceptibles d’être suffisantes pour garantir que d’autres espèces ne sont pas mises en péril ». Le SHEER est d’avis que cet énoncé est simpliste et ne permet pas d’estimer les risques potentiels pour l’environnement, sans une évaluation de l’exposition potentielle des différentes composantes des écosystèmes. En particulier, en ce qui concerne la protection de l’eau et des ressources marines ainsi que la biodiversité, l’idée que la pollution thermique de l’eau de mer est moins problématique en raison du « mélange pratiquement infini » n’est pas partagée par le CSRSEE, car les problèmes potentiels dans les zones côtières peu profondes et les écosystèmes vulnérables (par exemple les récifs coralliens) sont négligés..

Commentaire : Etrange :  l’échauffement des eaux rejetées par les centrales nucléaires est contrôlé et très règlementé. On a du mal à considérer qu’il pourrait affecter les coraux…En revanche, le réchauffement climatique, que le nucléaire permet de combattre efficacement, oui…

Par contre l’étude des effets climatiques des grands parcs éoliens on shore et off shore n’en est qu’à ses débuts, mais ceux-ci sont inquiétants. Le principe de précaution s’impose..cf https://vivrelarecherche.blogspot.com/2021/06/ils-nous-volerent-les-paysages-et-ils.html

Autres remarques : sur la question critique pour le TEG (Technical Expert Group) des déchets et de l’enfouissement, le SHEER reconnait : « Le SHEER n’est pas en mesure de répondre à cette question précise concernant la gestion ou le stockage des déchets »

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