Un débat au
Parlement Européen : le « phasing out « du nucléaire !
Il y a quelque temps j’ai écrit de nombreux « Eurokom »
pour expliquer à quel point les Institutions européennes dysfonctionnaient et ce,
dans tous les domaines ; pour ceux que ça intéresse, taper Eurokom en recherche
sur ce blog, vous verrez ce que je veux dire et à quel point l’envie de se
brexiter peut devenir prégnante. Junker prévoyait que cette Commission serait
celle de la dernière chance, eh ben, c’est bien parti !
Donc le Parlement Européen annonce fièrement qu’à l’occasion de la COP25, il déclare l' Urgence
Climatique et qu’à quelques jours de la COP25 à Madrid, les députés ont adopté « une
position ambitieuse en vue de la prochaine COP25 à Madrid. Au vu de l'urgence
climatique et environnementale, il est essentiel de réduire nos émissions de
gaz à effet de serre de 55% en 2030. Ce vote envoie également un message clair
et opportun à la Commission européenne quelques semaines avant la publication
de la communication sur le pacte vert. Pascal Canfin (Renew Europe, FR). Le
Parlement Européen a donc établi et voté une Résolution sur la COP 25 (28
novembre 2019)
Articles
52-54 Les lobby du gaz à l’oeuvre
C’est beau, c’est grand l’Europe… Sauf que dans la première
version de la Résolution, sur 127 points, apparaissent très très discrètement deux
articles très très problématiques :
Article 52 : Appelle la Banque d’investissement Européenne
à mettre fin au financement des projets d’énergie fossile, sauf pour le gaz
lorsqu’il est utilisé en conjonction avec les renouvelables comme technologie
provisoire pour remplacer le charbon, quand aucune autre alternative existe…
Ah oui, bien bossé le
lobby gazier, bien bossé les Allemands et leur transition faisandée qui, par
dogmatisme et démagogie antinucléaire, a brûlé plus de 680 milliards d’euros en
éolien et solaire sans diminuer d’un iota leurs émissions de CO2 pour la
production d’électricité, et leur projet gazstream avec les Russes. Un article
qui permettait de financer tous les projets gaziers…puisqu’il suffit de les
adosser à quelques éoliennes auxquels ils sont de toute façon nécessaire pour compenser
leur intermittence…
Commentaire de Pascal Canfin,, n°2 de la liste LREM et
président de la commission Envi (Environnement, Santé Publique et Sécurité
Sanitaire), chargé de le rédaction de cette résolution :
« Le sujet du gaz est politiquement sensible entre les
pays européens. Il y a 15 jours via un amendement nous avons voulu contribuer à
trouver le bon compromis en décrivant les conditions extrêmement strictes sous
lesquelles elle pouvait financer le gaz : uniquement lorsqu’il est lié
avec des renouvelables, lorsqu’il s’agit d’un investissement pour sortir du
charbon, et lorsqu’il n’y pas d’effet de blocage au sens où une infrastructure
gaz doit pouvoir être amortie en 10 ans sinon elle devient contreproductive
dans la marche vers la neutralité carbone après 2030, là où elle peut être
utile à court terme pour aider à sortir du charbon et à gérer l’intermittence
des renouvelables. Nous avons fait bouger les lignes. Les groupes les plus
conservateurs du Parlement se sont déportés vers une position plus progressiste
que celle de la défense du gaz à tout prix. Force est de constater que nous
avons contribué à faire atterrir le bon compromis réussi car le 14 novembre, la
BEI est arrivée à un accord : elle ne financera plus de projets dans le
secteur des énergies fossiles à partir de 2021, soit un an plus tard que prévu
initialement pour permettre notamment à des pays d’Europe centrale et orientale
de financer des infrastructures en lien avec la diminution progressive de la
part du charbon. C’est le chemin maintenant que la Commission doit également
emprunter en réduisant massivement le soutien qu’elle prévoit encore à de
nouvelles infrastructures gazières qui se révèleront contre productives dans
quelques années »
Grand triomphe donc de Pascal Canfin défiant victorieusement
les louches manœuvres des lobbys allemands et gaziers. L’article 52 devient l’article
54 : le Parlement Européen
« salue la décision prise par le conseil
d’administration de la BEI de mettre fin au financement de la plupart des
projets dans le domaine des combustibles fossiles à partir de la fin de l’année
2021 et d’augmenter progressivement la part de son financement consacrée à
l’action pour le climat et à la viabilité environnementale, afin d’atteindre 50
% de ses opérations à partir de 2025 ; estime qu’il s’agit d’une première étape
ambitieuse vers la transformation de la BEI en une banque européenne de lutte contre
le changement climatique; demande aux États membres d’appliquer le même principe
en matière de garanties de crédit à l’exportation »
Bon, les Etats membres continueront à faire à peu près ce qu’ils
veulent, les gaziers ont gagné un an plein pot de financement, et ensuite, ben
on verra, ce ne sont que la plupart des projets qui ne bénéficieront plus de
conditions financières favorables et écologiques, mais pour quelques-uns bien
choisis, ça pourra continuer…
Du coup la centrale au gaz de Landivisiau qui émettra chaque
année jusqu’à 1.5 million de tonnes de CO2 (l’équivalent de 670 000 voitures) pourrait
remplir parfaitement les conditions pour obtenir des prêts…
Articles
56-59 (amendement 38) : le nucléaire éliminé !
Beaucoup plus grave, un autre article discrètement introduit par
le SPD allemand qui aurait obligé la
France et les autres pays européens à
fermer toutes leurs centrales nucléaires : Donc, le Parlement Européen
56 « estime que l’énergie nucléaire n’est ni sûre
ni durable sur le plan environnemental ou économique; propose, par conséquent,
de mettre au point une stratégie de transition juste visant à supprimer
progressivement la production d’énergie nucléaire dans l’Union, en proposant de
nouveaux emplois aux personnes qui travaillent dans le secteur du nucléaire et
en intégrant des plans sûrs de démantèlement des centrales nucléaires et de
traitement à long terme des déchets nucléaires ».
Merci encore le lobby gazier, merci les Allemands, qui, bien
dans…l’embarras, avec leur électricité pas décarbonnée et deux fois plus chère
sont bien décidés à ne plus laisser les Français bénéficier de leur
investissement nucléaire ;
Heureusement, un certain nombre de parlementaires se sont mobilisés et
ont proposé un amendement 38 qui redonne au nucléaire une place d’ailleurs
encore bien trop timide. Finalement, article 59 :
59. « estime que l’énergie nucléaire peut
contribuer à atteindre les objectifs en matière de climat dès lors que c’est
une énergie qui n’émet pas de gaz à effet de serre, et qu’elle peut également
représenter une part non négligeable de la production électrique en Europe;
considère néanmoins qu’en raison des déchets qu’elle génère, cette énergie
nécessite une stratégie à moyen et long terme qui tienne compte des avancées
technologiques (laser, fusion, etc.) visant à améliorer la durabilité du
secteur »
Qui s’est
mobilisé pour cet amendement 38 sauvant la seule technologie qui puisse nous
permettre de répondre au défi climatique sans effondrement de nos sociétés ? Apparemment, Christophe Grudler ( Reniassance, ex-
Modem, implanté à Belfort) a joué un rôle important dans cette réaction
salutaire.
Liste
des auteurs de l’amendement :
Soit :
Renaissance : 25 : 9 Fr, 6 Tch, 3 Pays-Bas, 2 Belgique, 1 Grèce,
1 Slovénie, 1 Suède, 1 R-U, 1 Finlande.
PPE : 13 :
6 Suède, 5 Fr, 2 Pays-Bas, 1 Gr), dont F.X Bellamy
GUE : 1 : Tchéquie
ECR : 7 : 2 Pays- Bas, 2 Belgique, 2 R-U, 1 Tchèquie)
SD 1 : Finlande
Mmes
et Mr : Merci, un très grand merci pour avoir rappelé une évidence
scientifique et technique. Une remarque : dans cette liste, deux seuls membres
de la gauche – et pas un Français, pas un ecolo
Résultats
du vote de l’amendement en séance plénière :
Pour :
322
ECR : 51 (une grande partie de Polonais)
GUE : 3 (Irlande,
Tchèquie, Espagne)
ID : 60
NI : 10
PPE : 109 ( la plupart des
français, 40% des Allemands…tiens, tiens, ça commencerait à bouger dans la droite
Allemande, vivement que Merkel s’en aille)
Renaissance :
47
SD : 31 (1Malte, 8 Roumain, 2 Pologne, 2 Slovaque, 1
Slovène, 1 Italie, 7 RU, 2 Finlande, 5
Bulg)
Bravo et Merci à tous !
Pas un seul député Français de gauche (Gue ou SD) n’a voté en
faveur de cet amendement. De quoi
vous filer un peu le bourdon, il n’est pas sain que le choix rationnel en faveur du nucléaire
soit aussi marqué à droite, ID (RN en France) compris. De quoi regretter aussi
la vieille et vraie gauche, celle des socialistes comme Le Déaut, Cazeneuve,
Bataille, et les solides communistes enracinés dans leurs bases industrielles. Evidemment,
si la gauche maintenant, ce sont les bobos types type Glucksmann en concurrence
démagogique avec les écolos bigots de EELV, il ne faut peut-être pas s’étonner
de certains résultats.
A noter l’exception anglaise – mais ils ne vont pas tarder à
nous manquer : travaillistes et conservateurs sont plutôt pro nucléaires (
par contre, pas les lib dem)
A noter aussi peut-être
une évolution allemande : à la louche, 40% des députés allemands PPE ont
voté pour l’amendement, en contradiction avec la politique d’Angela Merkel ;
l’échec patent de l‘Energie wende commence à faire réfléchir certains ?
Par contre les SD allemands restent obstinément et fanatiquement
anti-nucléaires. Ils sont même à l’origine de l’article original phase out !
Contre : 298
ECR : 1 (Tchèquie)
GUE : 35 ( dont tous les
français, eh oui, la France Insoumise, c’est pas le PC..)
ID : 5 (Belgique, Autriche 3, Danemark)
NI : 17
PPE : 35
Renaissance : 35 (Dont Canfin et
Durand, les lib dem anglais)
SD : 104 ( dont Glucksmann
et tous les Français))
Verts 65 (tous les verts
français)
Abstention : 45
ECR : 3
GUE : 1 (Finlande)
NI : 4
PPE : 11
Renaissance : 15 dont Nathalie
Loiseau, Fabienne Keller
SD : 8
Verts : 3 (2 Parti Pirate
Tchèques, 1Irlande)
Palinodies
de Pascal Canfin et Elisabeth Borne
Pascal
Canfin
Au début, Pascal Canfin s’est
opposé en vain en commission ENVI à l’amendement anti-nucléaire du SPD. A noter qu’il est tout de même président de
cette commission et qu’il a été mis en minorité !
C’est
assez inquiétant pour le futur et la composition de la commission Envi laisse
présager une prise en main par la démagogie et les écolos bigots. Il faudra y
veiller, et c’est assez anormal qu’une commission aussi importante soit ainsi laissée prête à toutes les dérives de la
Fake Science.
Explication de Pascal Canfin :
« Un amendement déposé par le SPD
allemand a été adopté à quelques voix par la commission Environnement.
Outrancier dans le propos et hors sujet vis-à-vis des compétences de l’Union
européenne, qui n’est absolument pas décisionnaire en matière nucléaire, j’ai
voté contre ce paragraphe comme le groupe Renew. Puisqu’il a été voté en
commission, il sera soumis au vote cette semaine à Strasbourg. Je m’y opposerai
une nouvelle fois car cet amendement de posture ne cherche pas à construire une
stratégie énergétique européenne cohérente mais juste à créer de la polémique
stérile. Ma position sur le nucléaire est simple : il s’agit d’une source
d’énergie décarbonée, ce que personne ne peut contester. Et au-delà de la
question des déchets pour lesquels il n’existe aujourd’hui pas de solution
satisfaisante, son coût ne cesse d’augmenter et les nouveaux réacteurs sont
aujourd’hui totalement non compétitifs avec les renouvelables dont, à
l’inverse, le coût ne cesse de baisser »
NB.
Ok pour le décarboné, non pour les déchets pour lesquels la solution de l’enfouissement
profond fait consensus chez les experts, et non, et mille fois non pour le
prétendu manque de compétitivité par rapport aux ENR (cf. sur ce blog la
malédiction des ENR.
Finalement,
Pascal Canfin, contre la majorité du groupe Renaissance, a voté contre l’amendement
38 !
Elisabeth Borne
Elisabeth Borne dans un magnifique communiqué langue de bois
a félicité Pascal Canfin et Renew Europe pour le vote du Parlement Européen.
Sauf que, il faudrait tout de même savoir si Elisabeth Borne soutient
Christophe Grudler et la majorité de Renew Europe qui a écarté l’amendement
anti-nucléaire du SPD allemand et de la Commission Envi et voté l’amendement 38
(maintenant article 59), ou Pascal Canfin et les Verts français qui ont voté
contre cet amendement ?
Compte-tenu des positions de Mme Borne sur le nucléaire et le
glyphosate, il semble qu’elle soit la principale représentante de la Fake Science au gouvernement. Au poste
qu’elle occupe, cela devient vraiment un problème.
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