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jeudi 19 septembre 2019

Urgence nucléaire et climatique, alerte ! : l’énergie nucléaire exclue de la taxonomie verte


La taxonomie verte européenne, qu’es acco ?

La Commission européenne travaille sur une taxonomie verte, c’est-à-dire une sorte de labellisation destinée à guider les investissements financiers vers les secteurs et les activités les plus appropriés pour atteindre les objectifs climatiques de l’Europe, la transition vers un économie bas-carbone et un modèle de développement durable. Les objectifs sont les suivants : lutte contre le changement climatique, adaptation au changement climatique, utilisation durable et la protection de l’eau et des ressources marines, transition vers une économie circulaire, prévention des déchets et le recyclage, lutte contre la pollution (prévention et contrôle), protection d’écosystèmes sains.

Elle doit de plus ne pas créer d’impact négatifs significatifs sur les autres objectifs (en anglais, critère DNSH, Do No Significant Harm), se conformer à des standards Sociaux minimum ( ??? compte-tenu des réalisations de l’Europe Sociale, c’est assez inquétant !)  et se conformer à des critères de sélection technique (Encore heureux !)

A quoi servira-t-elle ? Cette taxonomie n’a, selon ses promoteurs, qu’un caractère indicatif et non contraignant, « elle n’est pas un standard, ni une liste obligatoire d’activités dans laquelle investir ». Ben alors à quoi sert-elle ? En fait on peut s’attendre à ce qu’elle ait un impact sur la définition de la finance durable et les subventions européennes.

Première remarque : la lutte contre le changement climatique n’est qu’un des critères. Or, comme l’a fait remarquer Brice Lalonde à propos de la PPE (programmation pluriannuelle française de l’énergie), trop de priorités signifie pas de priorités !

Deuxième remarque : Je cite « la taxonomie inclura des activités de secteurs ayant un impact négatif sur l’environnement dans la mesure où celles-ci réduisent substantiellement leurs impacts négatifs. Le but de la taxonomie étant de favoriser la transition vers des modes de fonctionnement plus verts, et non pas uniquement des activités déjà reconnues comme vertes, cela fait sens d’y inclure des secteurs qui doivent améliorer leurs pratiques. »

Traduction (et ce sera la quatrième fois cette semaine sur le thème nos cersamis allemands commencent à nous casser les bonbons) : la taxonomie verte pourra être utilisée pour gaver de subventions les charbonniers allemands qui fermeront leurs centrales, mais par pour les investissements dans le nucléaire français (grand carénage et nouveau nucléaire) !

Alerte l’énergie nucléaire exclue de la taxonomie verte !

Mea maxima culpa, je suis un peu en retard sur ce blog ! Après le vote des députés européens en mars dernier 2019 excluant le nucléaire de la taxonomie verte. Il existe une consultation européenne ouverte ( en anglais) sur la taxonomie verte où chacun peut donner son avis ; enfin pouvait jusqu’au Lundi 16 septembre, mais peut-être le délai a-t-il encore été étendu : site


N.B.  l’ association les Voix du Nucléaire, qui fait un travail magnifique, a fourni un argumentaire en anglais permettant de répondre à cette consultation : les contacter sur :

On peut trouver les références utiles sur les thread de Tristan Kamin ( parfait, comme d’hab) : https://twitter.com/TristanKamin/status/1173521368937312256

La suite est constituée d’extraits  retraduits en français de l’argumentaire  des Voix du Nucléaire !

Le contexte : 

« Nous avons débuté notre action publique il y a quelques semaines par une lettre ouverte aux députés européens après leur vote en mars dernier excluant le nucléaire de la taxonomie verte. Nous devons maintenant les convaincre de reconsidérer cette décision. Elle est très fortement contre‐productive alors que la lutte contre le dérèglement climatique devrait être la priorité. Si la décision européenne entrait en vigueur, la France serait pénalisée de surcroît au vu de ce que représente le nucléaire pour son économie, sa balance commerciale, son développement territorial, ses emplois et son indépendance énergétique. »

« Le groupe d'experts techniques de la Commission européenne (TEG) a envisagé l'inclusion de l'énergie nucléaire dans la taxonomie du financement durable de l'UE en tant qu'activité et investissement durables. Le rapport technique du TEG publié en juin 2019 proposait de ne pas utiliser l'énergie nucléaire dans la première version de la taxonomie, en attendant une évaluation plus approfondie. Le TEG recommande que des travaux techniques plus approfondis soient entrepris sur les aspects de l'énergie nucléaire ( Nb en particulier  DNSH – Do No Significant Harm -Ne pas causer de dommages importants]

Argumentaire :

Pourquoi le nucléaire ne devrait pas être exclu sur la base du DNSM :

 Toutes les activités nucléaires commerciales dans l'UE (y compris la gestion du combustible usé) sont déjà régies par la législation, les réglementations et les procédures de l'UE et des États membres selon la norme «Ne pas nuire» (DNSH).
En revanche, le consensus scientifique mondial conclut que le maintien et l’expansion de l’énergie nucléaire sont nécessaires pour atteindre des objectifs de durabilité, tels que l’atténuation des effets du changement climatique.

Arguments généraux en faveur du nucléaire :

Le nucléaire fournit une électricité de base faible en carbone, solide et abordable, capable de supporter un bouquet d'électricité décarbonisé parallèlement à une expansion des énergies renouvelables telles que le solaire et l’éolien dans l'Union européenne
L'énergie nucléaire a également l'une des contributions les plus faibles à la génération de carbone tout au long de son cycle de vie -encore moins que l'énergie solaire et éolienne par kWh (voir le rapport du GIEC, «Changement climatique 2014: atténuation du changement climatique»).
Exclure le nucléaire de l’accès à un financement durable risque de compromettre les scénarios d’atténuation du changement climatique et les feuilles de route identifiées comme réalisables et nécessaires par certaines des institutions et organisations internationales les plus crédibles et les plus autorisées, notamment le GIEC (2018), l’AIE (2019) et la Commission européenne (2018). Tous concluent que l’énergie nucléaire devrait continuer à jouer un rôle important dans un effort d’atténuation du changement climatique rentable, opportun et efficace.

L'exclusion de l'énergie nucléaire de la taxonomie risque de rendre encore plus difficile l'atténuation du changement climatique en réduisant les possibilités de financement offertes aux projets nucléaires et en augmentant inutilement le coût du capital des projets d'énergie nucléaire.

En mai 2019, l'Agence internationale de l'énergie a souligné le rôle important que jouent à la fois le nucléaire existant et le nouveau nucléaire au niveau mondial,  dans la future transition vers une énergie propre. Au Royaume-Uni, National Grid a publié ses scénarios énergétiques futurs en juillet 2019, y compris un «chemin zéro» avec une capacité nucléaire de 18,6 GW en 2050. L'avis du Comité sur les changements climatiques (CCC) au gouvernement britannique - qui a conduit à l'adoption du « Royaume-Uni objectif zéro » pour 2050 - a joué un rôle crucial en identifiant le besoin d'une production supplémentaire d'énergie de 30GW-60GW d'ici 2050 dans le scénario zéro net de la CCC.

Bien que le rapport sur la taxonomie tienne compte de la contribution de l’énergie nucléaire à la lutte contre les changements climatiques, le nucléaire n’est pas inclus dans la liste actuelle des activités durables et aucun cadre d’évaluation de l’inclusion nucléaire n’a été fourni. L'inclusion de l'énergie nucléaire en tant que source de la production durable à faibles émissions de carbone et durable d'août 2019 devrait être réexaminée lors de la prochaine phase de l'examen de la taxonomie de l'UE avec la participation d'experts du cycle de vie complet de l'énergie nucléaire.

La prise en compte de toutes les formes de production d'électricité à faible émission de carbone devrait être la même (neutralité technologique). Le rapport technique du TEG ne prend pas en compte les qualités relatives des différentes options de production d’électricité à faible émission de carbone.
En particulier, le traitement de la production nucléaire dans le rapport technique du TEG diffère de celui des autres technologies en ce qui concerne les rejets et la gestion des déchets. Toutes les formes de production d’électricité à faible émission de carbone engendrent des déchets et impliquent un élément qui ne peut être considéré comme «écologiquement durable». Le cycle de vie complet de la production d'électricité doit être pris en compte et comparé de manière équitable pour toutes les technologies. Selon les statistiques de l'OCDE, le nucléaire est le moyen le plus sûr de produire de l'électricité. À titre de comparaison, les activités polluantes - telles que la fabrication de l'acier et du béton - sont incluses dans le projet de taxonomie, à condition qu'elles fonctionnent à des niveaux "inégalés". Ces activités ont été incluses en reconnaissance de leur importance cruciale pour atteindre le zéro net et de la volonté d'améliorer leurs performances environnementales tout en contribuant à l'atténuation du changement climatique. Compte tenu de son rôle crucial et reconnu dans la transition climatique, le nucléaire devrait être inclus dans la taxonomie, à condition qu'il respecte les normes réglementaires les plus performantes

Les exigences en matière de réglementation et de gouvernance applicables au secteur nucléaire sont soumises à des normes extrêmement strictes au niveau mondial, pour tous les aspects du cycle de vie du nucléaire, y compris la gestion des déchets, la sûreté et le déclassement. Toutes les activités nucléaires commerciales dans l'UE (y compris la gestion du combustible usé et l'élimination définitive) sont déjà régies par les normes DNSH (Do Not Significant Harm) conformément aux lois, règlements et procédures de l'UE et des États membres.

Besoin d'un processus / système de classification crédible :

Toutes les formes de production à faible émission de carbone seront nécessaires à la transition énergétique propre et devraient donc faire l'objet d'une égalité de traitement dans le cadre de la procédure «ne causer aucun dommage significatif» (DNSH), et être inclus dans la taxonomie. Il est à noter, par exemple, que les panneaux solaires photovoltaïques et l’énergie éolienne ne sont pas tenus de procéder à une évaluation des émissions sur leur cycle de vie, malgré le seuil d’émission en baisse proposé par l’Union européenne. Il est également à noter qu’il n’existe aucune métrique de déchets dans le critère «Economie circulaire» auquel le photovoltaïque solaire doit se conformer, alors qu’il existe une métrique pour l’énergie éolienne.
En revanche, le nucléaire est censé être exclu sur la base des déchets, ceci en dépit du fait que la sécurité nucléaire et radiologique, à travers tous les éléments du cycle de combustible de l'uranium (y compris les déchets et le déclassement), est l'un des secteurs les plus réglementés de l'UE. La réglementation de l'UE en matière de gestion des déchets énonce des exigences claires, que l'on pourrait qualifier de référence ou comme la meilleure norme appropriée (comme cela a été fait pour d'autres activités, telles que la fabrication de l'aluminium et du ciment).

Dans le contexte de la recherche du « zéro net », l’exclusion de la taxonomie une forme de production à faible charge de carbone reconnue et viable sur le plan commercial, ainsi que l'exclusion de facto de la capture du carbone par la combustion du gaz naturel (dont la durée de vie est très peu probable) émissions inférieures au seuil de 100gCO2e) nuit à la crédibilité de la taxonomie

D'autres parties du mécanisme financier de l'UE reconnaissent la nécessité du nucléaire pour atteindre le zéro net: à la fin du mois de juillet, la BEI a publié un projet de politique de prêt à l'énergie énonçant comment la BEI peut aider l'UE à faire face au changement climatique et à la suppression rapide des prêts aux énergies fossiles. Dans ce contexte, la BEI a déclaré que: « L’émission zero net  passera par un portefeuille diversifié de technologies, y compris les énergies renouvelables, mais aussi le nucléaire, le captage et le stockage du carbone, la conversion de l’énergie excédentaire en un autre vecteur d’énergie, ainsi que la bioénergie, le stockage et les technologies numériques. Dans ce document, la BEI indique en outre qu’en plus de la production d’énergie nucléaire, le cycle complet du combustible nucléaire, le déclassement et la gestion des déchets sont éligibles en tant que projets répondant aux critères de la banque.

En outre, la Commission européenne est tenue de faciliter les investissements dans le développement de l'énergie nucléaire conformément à l'article 2 du traité Euratom. Il est essentiel que toutes les régions de l'UE soient alignées sur la voie la plus sûre pour atteindre le zéro net. Cela nuira davantage à la crédibilité de la taxonomie au sein de la communauté financière si certains organismes reconnaissent le caractère écologique du nucléaire, et d’autres pas !

En créant un ensemble d'exigences différent pour une activité par rapport aux autres, le TEG compromet sa propre intégrité et sa crédibilité en tant que groupe d'experts techniques. En exigeant des preuves empiriques à long terme pour les dépôts de déchets nucléaires, bien qu'aucune autre preuve ne soit demandée à aucun autre secteur ou industrie, le TEG risque de compromettre la prétendue neutralité technologique de la taxonomie. De fortes incohérences dans l'application, en août 2019, du principe de l'égalité de traitement de l'UE par rapport au critère du non-préjudice significatif (DNSH) risquent de saper la confiance des financiers dans le fait que  la définition d'une activité durable a été élaborée avec rigueur, robustesse et de manière objective. Cette inégalité de traitement et l'exclusion actuelle du nucléaire (en dépit de son rôle critique dans l'atteinte des émissions zéro net) pourraient nuire à la réputation et à la crédibilité de la taxonomie et du TEG, ce qui pourrait limiter l'adoption de la taxonomie et de l'obligation verte de l'UE par la communauté financière au sens large.

L'initiative de l'UE en matière de financement durable est un développement important qui pourrait contribuer à augmenter de manière significative le volume de capitaux financiers consacrés aux activités durables. Cependant, pour que cet avantage se concrétise, il est important que la communauté financière adopte largement la taxonomie de l'UE et la norme européenne sur les obligations vertes, ce qui oblige les financiers à avoir l'assurance que la définition d'une activité durable est élaborée avec rigueur et de manière objective. Dans le contexte de la production d'électricité à faible émission de carbone, cela nécessite une approche neutre sur le plan technologique et une application cohérente des critères de DNSH dans l'ensemble des technologies à faible émission de carbone. Cependant, il existe des incohérences évidentes dans l'application du principe d'égalité de traitement de l'UE par rapport aux critères de DNSH. Ce traitement inégal de toutes les activités économiques et l'exclusion actuelle du nucléaire (en dépit de son rôle critique dans la réalisation des émissions zero net ) portent atteinte à la réputation et à la crédibilité de la taxonomie et du TEG, ce qui peut limiter l'adoption de la Taxonomie et norme européenne sur les obligations vertes de la communauté financière.

La taxonomie définit des critères durables pour de multiples activités dans différents secteurs (fabrication, agriculture, transports) en fonction de l'intensité en carbone de l'électricité consommée dans le cadre de leurs activités. Cette approche est incompatible avec l’approche appliquée à la définition des activités durables dans le secteur de la production d’électricité, où le nucléaire est exclu bien qu’il soit définitivement (et reconnu par le projet de taxonomie) à faible intensité de carbone.

Impact potentiel sur les technologies à base d’hydrogène et électrointensives.

 Le rapport du TEG indique (pages 50, 186 et 205 à 208) que de futurs projets de décarbonisation impliquant (i) l’utilisation d’hydrogène ou (ii) la fabrication d’hydrogène, ne sera considéré comme "durable" au regard de la taxonomie que si l'hydrogène est produit à partir d'électricité provenant de sources renouvelables.  Par conséquent, certaines industries (telles que la fabrication d’aluminium, de fer et d’acier dans des pays tels que la France) pourraient ne pas être en mesure de financer une partie de leurs efforts de décarbonisation en se référant à la taxonomie compte tenu de leur forte dépendance à l’énergie nucléaire !  
En outre, l'exclusion du nucléaire de la taxonomie risque de saper la confiance dans le fait que l'électrification dans tous les secteurs sera considérée à l'avenir comme durable…

Le rôle crucial que l'électrification joue dans l'atteinte du zéro net signifie qu'il est d'une importance vitale que toute production à faible émission de carbone soit considérée comme durable, et que le nucléaire contribue de manière considérable à la production d'électricité à faible émission de carbone aujourd'hui et à l'avenir.



NB : attention échelle log! : par exemple, le NUCleaire est 10 à 100 fois plus concentré que l'éolien dans l'occupation  du sol



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