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samedi 16 juillet 2011

Sauver les abeilles ! Appliquer le principe de précaution !



Sauver les abeilles ! Appliquer le principe de précaution !
Un enjeu important, voire vital
Depuis plusieurs années, les abeilles subissent une extinction massive, au point que l’on parle d’un syndrome d’effondrement massif des colonies. Durant l'hiver 2006-2007, un quart du cheptel des ruchers des États-Unis a disparu ; le taux de ruches abandonnées ou presque désertées  a atteint 70 % voire 80 % dans les régions les plus touchées.  En France, les pertes de colonies atteignaient  25% en 2006, 31% en 2007 et 35% en 2008, en moyenne. Là encore, dans les régions les plus touchées, la disparition était presque totale.
Les abeilles ne sont pas importantes que pour la production de miel (1 millions de ruches en France environ, contre 1.5 millions en 1995, 25000 tonnes de miel produit en 2003 contre 33000 tonnes en 2003- et nous importons 22000 tonnes) ; selon l'INRA, la production de 84% des espèces cultivées en Europe dépend directement des pollinisateurs, lesquels sont à plus de 90% des abeilles domestiques et sauvages.
A ce propos, la citation « Si l’abeille disparaissait de la surface du globe, l’homme n’aurait plus que quatre années à vivre » est sans doute faussement attribuée à Einstein (une invention rusée d’apiculteur ?), exagérée évidemment, mais pertinente.

Un mystère difficile à résoudre, un combat dur

Les apiculteurs avaient bien noté la coïncidence de l’effondrement massif des abeilles avec l’introduction de certains insecticides (Gaucho, Régent…). Leur constatations, les mesures d’expositions des abeilles à ces insecticides puissants et rémanents avaient conduit le gouvernement français à suspendre l’autorisation de mise sur le marché de ces insecticides, mesure attaquée par les fabricants et par la Commission de Bruxelles, qui n’a pas raté une fois de plus l’occasion de prouver son rôle néfaste. Les apiculteurs, sur le terrain, constataient que leurs abeilles continuaient à mourir.
L’explication n’a pas été facile à trouver, pour autant qu’elle le soit ; les étude menées ne mettaient pas en évidence de toxicité  convaincante des principes actifs des insecticides mis en cause sur les abeilles. L’application du principe de précaution a été mise en cause. Les firmes agrochimiques se sont défendues, certains, dont les ouvrages se sont bien vendus ont dénoncé une imposture écologique…un peu trop rapidement !
Face au mystère, des chercheurs ont vite soupçonné un effet combiné, multifactoriel. Un groupe de l’INRA d’Avignon a finalement mis en évidence une synergie entre l’infection par un champignon,  Nosema cerema , et le principe actif du Gaucho. Dans des conditions de laboratoire, puis en système naturel,  les abeilles contaminées par Nosema  sont extrêmement sensibles au Gaucho et meurent massivement  (Environmental Microbiology (2010) 12(3), 774–782 Cédric Alaux  et al).  De plus, on trouve des résidus de Gaucho dans cinquante pour cent des ruches française, et Nosema est présent dans la quasi-totalité d’entre elles de puis 2002

 Un beau succès pour le principe de précaution

L’application du principe de précaution dans la cas du Gaucho et du Régent était donc bien justifiée, malgré les protestations de la Communauté Européenne. Et celui-ci doit continuer à s’appliquer. Le Régent et le Gaucho doivent continuer à  être interdit, ainsi que le Cruiser, que le gouvernement français vient d’autoriser. Cette autorisation doit être révoquée, maintenant !,  en attendant que le fabricant prouve son absence de nocivité dans les nouvelles conditions identifiées par l’équipe de l’INRA.

On aurait pu rêver arriver à cette découverte plus vite, mais la recherche a sa part de difficulté et d’impondérable. Le principe de précaution (« lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution, et dans leur domaine d’attribution, à la mise en oeuvre des procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation d’un dommage ») a bien fonctionné.

Le principe de précaution n’est pas l’ennemi de la recherche : il a permis de sauvegarder ce qui pouvait l’être, en prenant des mesures de précaution provisoire, il a imposé des recherches qui ont abouti à une explication et à un moyen d’éviter la reproduction du drame, en permettant dévaluer la toxicité pour les abeilles des insecticides par une méthode précise. Bravo l’INRA !

Le principe de précaution n’est même pas l’ennemi de l’industrie ; aux industriels de  rechercher maintenant des principes actifs ne présentant les inconvénients du Gaucho et du Régent et de le prouver grâce aux essais découvertes par l’INRA. Et aussi, pourquoi pas, des composés permettant de lutter contre Nosema cerema. Plutôt que de continuer un combat douteux pour le Gaucho et le Régent, gageons que la firme qui reconnaîtra les problèmes posés par ces insecticides et investira pour découvrir un produit meilleur remportera un succès bien mérité.

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