En hommage, une courte réflexion sur une lecture de l’été, le remarquable numéro de Philosophie Magazine consacré à Nietzsche
Nietsche et le
positivisme : Nietzsche s’est peu exprimé sur le Positivisme, qu’il a cependant connu par Paul
Rée, parfois qualifié de Positvisme affirmé. Le texte suivant est souvent cité :
« Contre le positivisme, qui en
reste au phénomène, « il n’y a que des faits », j’objecterais : non, justement,
il n’y a pas de faits, seulement des interprétations. Nous ne pouvons constater
aucun factum « en soi » : peut-être est-ce un non-sens de vouloir ce genre de
chose. « Tout est subjectif », dites-vous : mais ceci est déjà une
interprétation, le « sujet » n’est pas un donné, mais quelque chose
d’inventé-en-plus, de placé-par-derrière. – Est-ce finalement nécessaire de
poser en plus l’interprète derrière l’interprétation ? Ceci est déjà de
l’invention, de l’hypothèse. Dans la mesure exacte où le mot « connaissance » a
un sens, le monde est connaissable : mais il est interprétable autrement, il
n’a pas un sens par-derrière soi, mais d’innombrables sens. Ce sont nos besoins
qui interprètent le monde : nos pulsions et leurs pour et contre. Chaque
pulsion est une sorte de recherche de domination, chacune a sa perspective,
qu’elle voudrait imposer comme norme à toutes les autres pulsions. »
Nietzsche, Fragments (posthume) fin 1886 – début
1887
Remarquons cependant que
Nietzsche ne nie pas que la science, par sa démarche particulière puisse
parfois arriver à une connaissance positive :
« Je ne crois pas
que l’ »instinct de la connaissance » soit le père de la philosophie,
, mais qu’un autre instinct, ici comme ailleurs, q » soit le père de la
philosophie, , mais qu’un autre instinct, ici comme ailleurs, s’est servie de
la connaissance ( et de la méconnaissance comme d’un simple instrument… Car
tout instinct aspire à la domination, et c’est en tant qu’instinct qu’il s’efforce
de philosopher. Il est vrai que chez les savants, les esprits proprement
scientifiques, il en va peut-être autrement, « mieux » si l’on y
tient ; là , il se peut que l’on rencontre quelque chose comme un
instinct de la connaissance, , un petit rouage indépendant qui, bien remonté,
accomplit bravement sa tâche, sans que les autres instincts du savant participent
à cette activité d’une manière essentielle »
Nietzsche, Par delà bien et mal, Des préjugés des philosophes
Au surplus, Nietzsche se
trompe en affirmant que le positivisme ne s’en tiendrait qu’aux faits, en
assimilant en quelque sorte positivisme et empirisme. Dès le Cours de Philosophie positive, Comte
affirme au contraire l’impossibilité de l’empirisme pour fonder une science et
affirme le primat de la théorie, sans laquelle on ne pourrait pas même
commencer à observer utilement :
"Chacune des branches
essentielles de la philosophie naturelle nous a successivement fourni de nouveaux
motifs de vérifier que, quoi que l’on en puisse dire, l’empirisme absolu serait
non seulement tout à fait stérile, mais même
radicalement impossible à notre intelligence qui, en aucun genre, ne saurait évidemment
se passer d’une doctrine quelconque, réelle ou chimérique, vague ou précise, destinée
surtout à rallier et stimuler ses efforts spontanés… En quelque ordre de phénomènes que ce puisse
être, même envers les plus simples, aucune véritable observation n'est possible
qu'autant qu'elle est primitivement dirigée et finalement interprétée par une
théorie quelconque… »
Comte, Cours
de Philosophie Positive, 51ème leçon
Enfin, le Comte de la Synthèse Subjective, souvent laissé de
côté, arrive à une conclusion qui aurait peut-être intéressé Nietzsche, en
affirmant la relativité de la science ; la science n’est que le monde vu
par l’homme. Voici ce qu’il écrit de la science la plus fondamentale, la
logique :
« la Logique est le
concours normal des sentiments, des images et des signes, pour nous inspirer
les conceptions qui conviennent à nos besoins moraux, intellectuels et
physiques… La vraie Logique se borne à nous dévoiler les vérités qui nous
conviennent »
Comte, Synthèse Subjective, p. 55, Anthropos (1971)
Eric Sartori , Le Socialisme d'Auguste Comte, aimer,
penser, agir au XXIème siècle, l'Harmattan 2012
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