Une pépite française
unique
Orano, c’est l’ancien Areva, c’est l’ancien Cogema, c’est une ancienne
spin-off (avant que le mot soit à la mode du CEA via CEA industrie). Oreno réalise
en France 40,5 % de son chiffre d’affaires et y emploie 64,8 % de ses
effectifs. Il possède 25 sites en France, 8 en Europe hors France, 8 en
Amérique 1 en Asie, 3 en Afrique.
Le groupe intervient sur l’ensemble des activités du cycle du combustible
nucléaire : dans l’amont avec la conversion et l’enrichissement de l’uranium,
grâce aux usines Comurhex II (conversion d’uranium naturel) et Georges Besse II
(enrichissement de l’uranium) sur le site du Tricastin ; dans la conception et
la construction de réacteurs nucléaires ;
dans l’aval avec le recyclage des
combustibles usés sur le site de la Hague, la fabrication de combustibles, dont
des combustibles MOX (mélange oxydes d’uranium et de plutonium) mais également
le démantèlement et la valorisation des sites.
Bref Orano, c’est le bras combustible nucléaire du programme nucléaire
civil français de production d’électricité, qui nous donne à la fois un
avantage économique grâce à une électricité parmi les moins chères, un avantage
stratégique de relative indépendance par rapports aux puissances gazières et
pétrolières, et, cerise sur le gâteau, une des électricité les plus
décarbonnées, juste derrière les pays tels la Norvège qui bénéficie d’un
potentiel hydroélectrique unique ; c’est une pépite, un savoir faire
unique dans la gestion du cycle du combustible nucléaire, et particulièrement en
ce qui concerne le point qui va devenir de plus en plus critique du
retraitement !
Car l’énergie nucléaire au niveau mondial va considérablement s’accroître (dernière
nouvelle de 2019 : l’Arabie Saoudite prévoit la construction de 16 centrales
nucléaires ! Ou sinon, nous serons incapables de faire face au défi
climatique !
Or, donc, méga contrat nucléaire à 20 milliards d’euros avec la Chine, il
devait y avoir. Macron l’avait déjà annoncé lors de son premier voyage en
Chine, sûr et certain, la signature du contrat pour l'usine de retraitement des
combustibles usés aurait lieu au premier trimestre être signé au premier
trimestre 2018. Bruno Le Maire aussi s’était enflammé : « Nous avons
l'assurance du contrat et cela sauvera la filière ». Ce contrat potentiel porte
sur la construction d’une usine en Chine assurant à la fois le traitement des
combustibles usés et la production de Mox, un fuel pouvant être réutilisé dans
les réacteurs nucléaires. Cette usine, d'une capacité de traitement de 800
tonnes de combustibles usés, reprendrait les technologies utilisées par Orano à
la Hague (Manche) et sur son site de Melox (Gard). Orano n'assurera pas la
construction proprement dite du site, mais apportera notamment ses capacités
d'ingénierie pour concevoir l'usine et les procédés.
Eh bien, contrat il n’y a pas eu pour l’instant, et en tous cas pas lors de
la visite très attenduede Xi Jinping de mars 2019. Il y a eu un contrat
triomphalement présenté avec Airbus, mais en réalité pas très importants au vu
des besoins en avion des Chinois.
Et c’est bien dommage, car 1) la Chine va devenir un acteur majeur du
nucléaire, avec un programme extrêmement ambitieux. 2) Ce développement
obligatoire du nucléaire si nous voulons pouvoir éviter la catastrophe
climatique, il devra s’accompagner du développement de l’industrie de traitement
du combustible, dans laquelle la France est encore pionnière.
La Chine, prochain
champion nucléaire
Le
nucléaire chinois, c’est l’histoire d’un extraordinaire succès franco-chinois, d’une
très longue et très exemplaire
collaboration franco-chinoise dans le nucléaire. La France a accompagné depuis
ses débuts le programme nucléaire civil chinois. Le général de Gaulle avait
décidé d’initier des relations diplomatiques avec ce pays en 1964, les contacts
dans le domaine nucléaire remontent à août 1973, date de la première visite en
Chine du président Pompidou. Ils se concrétisent le 22 novembre 1982 par la
signature de « l’accord de coopération entre le Commissariat à l’énergie
atomique (CEA) et le ministère chinois de l’Industrie nucléaire (MIN) dans le
domaine de l’utilisation pacifique de l’énergie atomique (cf pour cette
histoire) https://vivrelarecherche.blogspot.com/2018/01/le-nucleaire-franco-chinois-histoire.html.
Elle a conduit à ce que la Chine… a été la première à mettre en service le
nouveau réacteur français EPR en 2018… et en achèvera bientôt un autre, ainsi
que 4 EPR en Angleterre.
Hervé
Machenaud, dans le nucléaire de demain
sera chinois (www.connaissancedesenergies.org)
rappelle l’ampleur du programme nucléaire chinois. Citation :
Avec 43 réacteurs en exploitation et une
puissance installée de 45 GW, le nucléaire ne représentait fin 2018 qu’un peu
plus de 2% des 1 900 GW de capacité installée et 4,5% de la production
d’électricité en Chine. En 2018, 9 nouveaux réacteurs nucléaires, dont les 4 AP
1000 et les 2 EPR, représentant au total 11,7 GW ont été mis en service en
Chine. Huit autres réacteurs, encore en construction, doivent démarrer en 2020
et 2021. Aucun autre projet n’ayant été approuvé, il n’y aura par la suite plus
de mise en service avant 2024 ou 2025. Selon les prévisions du China Electric
Council, la puissance installée du parc nucléaire chinois devrait atteindre 200
GW à l’horizon 2030. Cela conduirait à construire 100 à 140 GW de nouvelles
capacités entre 2020 et 2030, soit une douzaine de réacteurs par an. Une
récente analyse du China’s Energy Research Institute (CERI) conclut par
ailleurs que, pour atteindre les objectifs de la COP21, la
Chine devra disposer de 554 GW de capacités nucléaires à l’horizon 2050 (ce qui
implique la mise en service d’une quinzaine d’unités supplémentaires par an
entre 2030 et 2050)…
La Chine prépare aussi l’avenir :
un réacteur à haute température (HTR) de 211 MW devrait être mis en service
cette année et, dans la logique du retraitement décidé par la Chine, un
réacteur à neutrons rapides (RNR) de 600 MW est en construction depuis décembre
2017. Des petits réacteurs modulaires (SMR) sont également en développement.
Les premiers pas de la Chine à
l’international
Contrairement à la pratique
internationale, ce sont les électriciens-exploitants chinois (CNNC, CGN et
SPIC) qui portent les projets internationaux. CNNC est notamment constructeur
au Pakistan des quatre réacteurs de 340 MW mis en service entre 2000 et 2017 à
Chasma et des deux réacteurs de 1 000 MW en construction à Karachi. Un accord
de 2017 prévoit la construction d’une nouvelle unité de 1 000 MW à Chasma. En
Argentine, un accord qui pourrait se concrétiser assez rapidement, prévoit la
construction d’un réacteur de 700 MW de technologie à eau lourde (Candu), puis
d’un réacteur Hualong de 1 000 MW. CNNC est également candidat en Arabie
saoudite qui annonce un important programme nucléaire. De son côté, le groupe
CGN est aux côtés d’EDF dans le programme de 6 réacteurs nucléaires au
Royaume-Uni : deux EPR sont en cours de construction à Hinkley
Point, deux autres sont prévus à Sizewell suivis par deux Hualong à Bradwell
(ces projets font l’objet d’un accord écrit mais pas de contrat d’exécution,
des négociations doivent encore avoir lieu avec le gouvernement britannique, ce
qui présente aujourd’hui des d’incertitudes) qui devraient être les premiers
réacteurs de technologie chinoise construits dans un pays de l’OCDE.
Si l’on ne peut prévoir exactement à quel rythme, la Chine va réaliser le
plus grand programme nucléaire de l’histoire. Au cours des deux décennies à
venir, c’est 70% à 80% des nouveaux réacteurs dans le monde qui seront
construits par la Chine (la quasi-totalité du reste par la Russie).
Le volume de ce
programme conduira naturellement à une optimisation progressive de la
conception et à une baisse des coûts de construction favorisant le déploiement
du nucléaire chinois dans le monde. C’est ce qu’a connu la
France des années 1980. Portée par cette dynamique industrielle, la Chine pourrait bien
devenir la référence en matière de cycle du combustible et de réacteurs de
nouvelle génération.
La
Chine, le monde a besoin de nucléaire, le nucléaire a besoin de retraitement
des déchets, et pour l’instant Orano a une capacité et une expérience uniques
en ce domaine ; pour l’instant, car compte-tenu de la montée en puissance faramineuse
du nucléaire chinois, parions que s’ils le décident, ils pourront dans quelques
années se passer de nous. Alors, ce
contrat chinois d’Orano à 20 milliards, c’est une opportunité unique pour
valoriser l’expérience française du nucléaire civil et renforcer une industrie
indispensable pour répondre au défi
climatique - une industrie que la bêtise rétrograde et anti-scientifique
de certains écologistes (pas tous) et la lâcheté de certains politiques ont
failli tuer ; c’est une chance historique à saisir pour continuer une histoire
franco- chinoise du nucléaire, commencée et voulue par De Gaulle ;
Ce
contrat chinois d’Orano, il faut le faire ! S il ne se fait pas, c’est
que l’on aura subrepticement décidé de tuer le nucléaire en France ; ou
cédé à des pressions américaines qui poursuivent aussi ce but, en même temps
que leur intérêt propre. Ce sera de toute façon, un mauvais coup contre la France
et un mauvais coup pour la lutte contre le défi climatique.
Il faut le faire maintenant !
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