Je suis un peu las pour rester poli de tous ces discours qui somment les Bretons d’accepter des parcs éoliens off-shore et de défigurer leurs plus beaux paysages marins, leur littoral, de sacrifier leurs pêcheurs parce que l’autonomie énergétique de la Bretagne bla bla bla, et parce que les Bretons ont refusé Plogoff, le tout sur fond de culpabilisation malsaine d’un péché originel qu’il leur faudrait expier
Par exemple, communication
officielle de la Région Bretagne : « Après
le débat public organisé fin 2020, un appel d’offre avait, en effet, été
lancé au printemps 2021 et l’État vient d’annoncer les 10 candidats pré-qualifiés
pour sa réalisation. C’est une nouvelle étape pour ce projet vital
dans une région de faible autonomie énergétique comme la Bretagne ».
Il s‘agit de 60 gigantesques éoliennes
offshore entre Groix et Belle-Ile..
Voir par exemple sur ce blog https://vivrelarecherche.blogspot.com/2020/12/eoliennes-geantes-de-bretagne-sud-groix.html, https://vivrelarecherche.blogspot.com/2021/01/eoliennes-geantes-de-bretagne-sud-groix.html, https://vivrelarecherche.blogspot.com/2021/05/questions-aux-tetes-de-liste-elections.html
Ben non, et on peut rappeler ce que
disait Edmond Hervé, ancien maire socialiste de Rennes,
ancien Ministre de l’Energie : En clair, on ne peut pas parler de
suffisance ou d’autosuffisance ou d’insuffisance énergétique en Bretagne en
estimant par exemple que la région de Bretagne doit se suffire énergétiquement. Ceci me semble une approche totalement fausse. »
En effet, et l’on ne parle
pas trop de la dépendance énergétique de la région parisienne ( ni de sa
dépendance en pâté Henaff )
Retour sur Plogoff – le péché originel
En 1975, un accord de principe est pris
entre les conseils généraux et le Conseil économique et social pour la
construction d'une centrale nucléaire en Bretagne (4 unités de production de 1
300 MW chacune, soit une puissance totale de 5 200 MW). Cinq sites sont
proposés: Beg an Fry en Guimaëc, Ploumoguer, Plogoff (près de la pointe du
Raz), Saint-Vio à Tréguennec et Erdeven. En 1978, après de fortes mobilisations
contre ces projets dans tous les lieux envisagés, le site de Plogoff est retenu
par le Conseil économique et social de Bretagne et le conseil général du
Finistère. De 1978 à 1981, les oppositions à Plogoff ne cessent de se
manifester et l’enquête publique se déroule dans des conditions
difficiles : occupations de terrains, registres brulés, camionnettes
faisant office de « mairies annexes » (protégées par des gendarmes).
On trouvera dans Plogoff, l’apprentissage de la mobilisation
sociale, un récit très complet écrit par des militants antinucléaires qui
donne une idée du climat de pression sur les responsables politiques
« Finalement, en novembre 1980, comme à l’automne 1979, une
crise éclatait à Plogoff quand le comité de défense apprenait que deux
conseillers municipaux s’apprêtaient à répondre à l’invitation d’EDF pour un
voyage d’études à Clamart. Les deux conseillers municipaux s’étaient même déjà
rendus à Fréjus à un congrès de l’Union nationale des élus du littoral sur le
thème de l’énergie, où les élus régionaux favorables au projet de centrale
avaient rencontré des membres du gouvernement. Pour le comité de défense, la
situation était claire : la municipalité envoyait de petits signes, comme
autant de ballons d’essai destinés à tester les réactions des habitants. Selon
le comité, elle était en train de basculer dans le camp des promoteurs de
l’atome. Alors qu’un conseil municipal extraordinaire se réunissait à la mairie
pour examiner l’invitation d’EDF, des membres du comité de défense
investissaient la réunion. Le conseil municipal se prononçait finalement contre
ce voyage. Mais les invitations d’EDF étant personnalisées, chaque conseiller
municipal restait libre de son propre choix. Les membres du comité de défense
s’érigeaient alors en une sorte de « tribunal populaire » et
demandaient des comptes aux deux conseillers municipaux en question, et aussi
aux autres élus. Le ton montait rapidement. Chaque camp niait la
représentativité de l’autre. Le comité de défense demandait aux élus concernés
de démissionner parce qu’ils avaient trahi la mouvance antinucléaire,
majoritaire dans la commune. Pour les opposants les plus acharnés, il existait
une contradiction entre le fait d’afficher une position antinucléaire et le
fait de répondre aux invitations d’EDF. Les élus contestaient cette position et
précisaient que c’étaient eux qui représentaient officiellement la commune et
non le comité de défense. »
« En passant du côté
des promoteurs de l’atome, les militants sud-Finistériens du PCF avaient
déstabilisé la mobilisation. Dans le Cap-Sizun, la section PCF de Plogoff avait
donné son assentiment au projet, suscitant de nombreuses
ruptures. Originaire d’Agen, institutrice à Audierne, la secrétaire de la
section PCF de Plogoff était accusée d’avoir « trahi » …et
concentrait donc sur elle la rage des opposants. Elle était accusée de
« vendre Plogoff », d’approuver la centrale alors qu’elle n’avait
« pas une goutte de sang capiste dans les veines… Au soir du 6 février
1981, au retour d’une occupation de la mairie de Plouhinec (Cap-Sizun), un
groupe d’une centaine d’opposants avait manifesté devant le domicile de la
secrétaire de section communiste de Plogoff. Ce charivari politique avait été
appuyé. Il semble que la secrétaire de section et son mari aient reçu des coups »
De fait, le Parti
Communiste soutient le projet de Centrale nucléaire à Plogoff avec un courage
certin jusqu’en mai 1981. Les aficionados trouveront facilement des archives
où George Marchais, devant 6000 militants à Rennes en janvier 81se fait
applaudir frénétiquement en martelant : « Il faut une centrale nucléaire de grande puissance en Bretagne !
A Plogoff ! »
C’est Mitterrand qui,
tenant compte des barons socialistes locaux, enterre Plogoff lors d’un meeting à Brest, le 9 avril 1981, en déclarant que Plogoff ne figure ni ne figurera dans
le plan nucléaire qu'il mettrait en place s'il était élu. Cette promesse sera
tenue le 3 juin 1981, malgré la résistance du Secrétaire d’Etat à l’Energie, M.
Lemoine, qui annonce d’abord un simple gel du projet. Lors des élections
législatives, la droite et le PC reculent fortement au profit du PS.
Notons la réaction après coup de l’élu
breton et Ministre de l’Intérieur de M. Giscard D’Estaing , le très rude
Raymond Marcellin : « Si on avait été capable à cette époque-là de
maintenir l’ordre public, comme on aurait dû le faire d’ailleurs, on aurait pu
prendre ce site probablement. Mais dans la mesure même où le Conseil Municipal
n’en voulait pas, pourquoi imposer à un Conseil Municipal et à un Maire une
centrale nucléaire dont ils ne veulent pas ? »
Plogoff, proche du site emblématique et
superbe de la pointe du Raz (à l’extrémité ouest de la Commune), à l'extrémité
sud-ouest du Cap Sizun dans des paysages magnifiques était au fond vraiment mal
né, et l’action contre le projet de centrale a largement mobilisé au-delà de
toutes les frontières politiques, même
M. Marcellin en a finalement convenu.
Il y a beaucoup moins d’excuses pour l’abandon de l’autre
Plogoff, souvent ignoré, Le Carnet
L’autre Plogoff victime de la démagogie socialiste et de
la majorité plurielle, Le Carnet
Le
Carnet n’est pas exactement en Bretagne, mais sur la rive gauche de l'estuaire
de la Loire, en aval de Nantes, à 7 kilomètres en aval de la centrale thermique
de Cordemais, mais sur l’autre rive. Ce projet rencontre d’emblée l'hostilité des
écologistes, mais reçoit un accueil
plutôt favorable des conseils municipaux de Frossay et de Saint-Viaud, ainsi
que du conseil général de la Loire-Atlantique, et même d'une bonne partie de la
population : ainsi, le 6 juin 1982, les habitants de Paimbœuf — où se trouve
l'usine CEZUS spécialisée dans la fabrication de tubes en alliage de zirconium
— se prononcent à 80 % en faveur du projet.
En janvier 1983, un dossier d'enquête
publique concernant le projet du Carnet est déposé par EDF, et la première
pierre de la centrale est posée symboliquement par la CGT le 18 février 1983. Cependant,
cette volonté n'est suivie d'aucun lancement de travaux. En 1986, la
cohabitation freine le projet, alors que le contre-choc pétrolier rend
l'électricité atomique moins compétitive, poussant ainsi EDF à ralentir son
programme nucléaire. Néanmoins, mars 1988, Jacques Chirac signe une déclaration
d'utilité publique, après une enquête publique
qui a très peu mobilisé (320 avis,
60 favorables et 260 défavorables).
À partir de 1988, EDF achèter
les terrains en vue de la construction de la centrale, Le 3 mars 1993, le premier ministre Pierre Bérégovoy proroge le
décret de 1988 autorisant les expropriations. Du 18 juin au 18 juillet
1996, une enquête publique pour « le remblaiement des zones humides [51
hectares], pour la construction d'une centrale électrique, sur le site du
Carnet » est ouverte. Officiellement, il ne s'agit plus d'implanter une
centrale nucléaire, mais seulement de remblayer les terrains humides (qui
appartiennent à EDF) en vue de construire ultérieurement une centrale, sans
qu'il soit précisé si elle sera thermique à flamme ou nucléaire.
Le scénario Plogoff bis alors se met en place avec la campagne pour les élections législatives de
1997 : face à une équipe de droite ayant favorisé le projet d'implantation, la
gauche (en l'occurrence le futur premier ministre Lionel Jospin et sa majorité
plurielle) se positionne contre le projet de centrale. La mobilisation
antinucléaire est soutenue par les maires socialistes de Nantes, de
Saint-Nazaire et du Mans, respectivement Jean-Marc Ayrault, Joël-Guy Batteux et
Robert Jarry… et par la propre ministre de l’environnement de Chirac
Juppé, Corinne Lepage.
Le 17 septembre 1997, le nouveau premier ministre Lionel Jospin annonce que le
« ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie a demandé à EDF de
renoncer » à son projet d'aménagement, à la satisfaction notamment de Dominique
Voynet, ministre de l'environnement »
Ecolos contre écolos :
La suite est assez drôle : EDF possède toujours les
terrains qui constituent un enjeu stratégique d'aménagement, face à la forte
croissance de Nantes et au renouveau de Saint-Nazaire. Au début des années
2000, il est évoqué d'y implanter une ferme photovoltaïque ou une unité de test
pour des hydroliennes, ou encore une ferme éolienne comportant des prototypes
de très grande taille. Au début des années 2010, le site sert pour l'assemblage
du prototype Haliade 150 d'éolienne qui
servira au futur parc éolien au large de Saint-Nazaire et de la presqu'île
guérandaise.
L’association Sortir
du Nucléaire se réjouit alors : « Après avoir repoussé un projet de
centrale nucléaire : » Le Carnet s’invente un avenir écolo ». Moui.
En fait, l’Haliade 150 (mat 100m, pales : 75 m, 6mW)
a été vite dépassée (en France, seule Saint Nazaire en sera équipé avec 80
machines de 6 MW, ce qui fera de Saint-Nazaire un parc déjà dépassé avant même
son inauguration !). Elle est remplacée par l’Haliade X ( hauteur totale
248m , pales : 100m, puissance 13 MW).
Au Carnet, raccordée
au réseau électrique, l’Haliade a fourni de l’énergie pendant plusieurs années,
…mais sa production s’est arrêtée suite à l’occupation du Carnet par des
zadistes à l’été 2020 pour dénoncer un
projet du port de Nantes-Nazaire qui voulait transformer la zone en parc industriel.
Compte tenu des risques en matière de sécurité, on explique chez GE avoir
stoppé la machine qui, de toute façon, avait vocation à être arrêtée et
déconstruite à plus ou moins brève échéance.
Les époques changent, la CGT défendait une centrale nucléaire au Carnet, dans les années 1970, il semble maintenant que d’anciens militants soutiennent aujourd’hui, sur le même site, les opposants à un parc dédié aux énergies renouvelables. Ce n’est pas la même chose que de soutenir une centrale nucléaire des projets pharaoniques ultra subventionnés, inutiles pour assurer la sécurité énergétique et pour la décarbonation de l’électricité et catastrophiques pour l’environnement. Rappelons cet ordre de grandeur :
Il faut une centrale nucléaire de grande puissance à l’Ouest : Au Carnet !
Quelles leçons ? Avec les décisions d’abandon du
Carnet, celui de Superphenix, la fermeture de Fessenheim, la stratégie de
gauche plurielle, c’est-à-dire en gros l’alignement des socialistes sur les
positions des écologistes bigots de EELV a été une catastrophe pour la
France…et pour le parti socialiste lui-même : à lui de voir s’il veut et
peut se ressaisir, certains de ses dirigeants historiques doivent être assez malade de cette situation. A droite
aussi, la démagogie écolo n’a pas été sans effets (Corinne Lepage ministre de l’environnement
et fixant la politique énergétique française) et a été aussi mortifères.
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