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lundi 4 avril 2022

Le cabinet Roland Berger valide le scénario du Cérémé prévoyant 80 % de nucléaire dans la production électrique en 2050

https://cereme.fr/wp-content/uploads/2022/03/CP_RapportRB_Resume_16-mars-2022.pdf

1) Critique des scenarios RTE  et de « Belfort » : pas assez d’électrification, risque de ne pas atteindre les objectifs climatiques, risques sur la sécurité d’alimentation, recours trop important  aux importations, manque de maitrise des coûts et prix de l’électricité.

Le remplacement en cours du nucléaire (selon l’actuelle PPE), une énergie qui n’émet pas de carbone, par l’éolien et le solaire, qui sont par nature aléatoires et intermittentes, entraînerait s’il se poursuit une augmentation inévitable de nos émissions de CO2, contrairement à une croyance trop souvent répandue. Pour faire face aux creux de production des longues périodes sans vent ni soleil suffisant, il serait en effet nécessaire de construire de nouvelles centrales à gaz - fortement émettrices de CO2.

Les scénarios proposés en décembre dernier par RTE dans ses « Futurs Energétiques 2050 » qui devaient servir de boussole à l’orientation de la politique énergétique de la France, ont tous pour point commun de faire croître la part des énergies renouvelables intermittentes (EnRi), telles que l’éolien ou le solaire, dans le mix énergétique français, au détriment du nucléaire. Ce choix aggraverait in fine le bilan carbone de la France.

Cependant, deux scénarios officiels, le scénario RTE N03 et le scénario issu du discours de Belfort du Président Macron  (10 février 2022) proposent une relance du nucléaire qui tranche avec les politiques menées sur les 15 dernières années. Ils ouvrent en effet la porte à la remise en cause de la PPE en proposant la prolongation des réacteurs nucléaires existants jusqu'à 60 ans (et plus pour certains) mais restent néanmoins sous le plafond de 50% de la production d'électricité d'origine nucléaire.

Les mix de production de ces deux scénarios comportent respectivement 51 GW et 49 GW de capacités installées nucléaires, complétées par 135 GW et 185 GW d'EnRi. Le scénario de Belfort se distingue notamment par une forte part d'éolien offshore (40 GW contre 22 GW pour RTE N03) et de solaire photovoltaïque (108 GW contre 70 GW).

La forte part d'EnRi dans ces mix les rend vulnérables aux conditions météorologiques. Ainsi, dans le cas de conditions défavorables au jour et à l'heure de la demande maximale (pointe) à l'hiver 2050 (estimée à 120 GW par RTE), les moyens de production présents sur le sol national ne seraient en mesure de fournir que 67% de la puissance appelée. Environ 33% de l'électricité consommée serait alors importée (39 GW sur 120 GW).

Ces scénarios rendraient alors la France particulièrement dépendante de ses voisins, et mettraient à fort risque la sécurité d'approvisionnement du pays, l'atteinte des objectifs climatiques (absence de contrôle sur les émissions de CO2 des moyens disponibles à la pointe dans les pays voisins) et les prix de l'électricité importée.

NB : Il faut également souligner le coût très élevé de ces scenarios. Les engagements financiers pris par l’Etat pour garantir une bonne rentabilité aux producteurs éoliens et solaires, supportés jusqu’en 2046 par les consommateurs et les contribuables, représentent déjà plus de 100 milliards d’euros pour les seuls parcs installés ou déjà autorisés…pour 2 à 3% du mix énergétique (Cour des Comptes, rapport 208 sur les ENR. Et par ailleurs, RTE a bien montré que si l’on prend en compte l’ensemble des coût systèmes, plus le système contient d’ENR et plus il est cher, jusqu’à 20,millairds par an de différence entre un scenario ENR 100% ( à supposer qu’il soit possible) et le scenario N03 (50% de nucléaire, le plus élevé étudié par RTE)

2) Le scénario CEREME

Le Cérémé a donc proposé un scénario alternatif fondé sur le retour à une grande ambition industrielle dans le nucléaire civil.

Une décarbonation réussie et un scenario ambitieux de réindustrialisation (836 TW.h), du nucléaire et peu d’éolien.

Un scenario de réindustrialisation : Le Cérémé fait l’hypothèse d’une forte réindustrialisation du pays (à 13 % du PIB) ainsi que d’un niveau élevé de décarbonation de l’économie, menant à un niveau de consommation électrique de 836 TWh.

Pour rappel, le scénario de référence de RTE, dans ses Futurs énergétiques 2050, prévoit une consommation de 645 TWh (avec deux variantes, l’une de sobriété à 555 TWh et l’autre de réindustrialisation à 755 TWh), tandis que le scénario S4 de l’Ademe aux paris technologiques les plus poussés table sur une consommation de 839 TWh. Si la demande devait être plus faible que celle projetée, un tel plan permettrait à la France de conserver son statut de grand exportateur d’électricité décarbonée,

Un mix nucléaire : Le Cereme propose donc un  mix alternatif reposant sur un rôle plus important du nucléaire qui remédie aux points faibles des scénarios présentés par RTE dans son rapport Futurs énergétiques 2050

Il est basé sur  l'hypothèse de la mise en oeuvre d'un programme électronucléaire français permettant d'atteindre 98,6 GW de capacité nucléaire installée en 2050 et reposant sur deux hypothèses fortes :

 - la prolongation du parc nucléaire historique jusqu'à 70 ans ; soit 59 GW, avec une hypothèse de disponibilité de 75 %,

- la construction de 24 nouveaux réacteurs de type EPR 2 d'ici 2050, soit 39,6 GW d’ici à 2050 (avec un taux de disponibilité de 85 %). Ces nouveaux réacteurs seraient construits sur un rythme de deux par an à compter de 2028, « à mettre en relation avec le rythme de mise en service du parc historique, de quatre à six réacteurs par an, dans les années soixante-dix et quatre-vingts »

Ces moyens nucléaires sont complétés par les moyens hydrauliques existants et projetés par RTE dans son rapport Futurs Energétiques 2050 ainsi que par une part plus faible d'EnRi (49,6 GW).

En effet, ce mix fait l'hypothèse de l'arrêt du développement et du non-renouvellement des capacités renouvelables centralisées. En 2050, le parc EnRi est alors constitué principalement de capacités solaires diffuses (48,7 GW) en autoconsommation dont le développement dépend plus marginalement des pouvoirs publics. Les capacités éoliennes sont progressivement retirées du fait de leur vieillissement (durée de vie estimée à 20 ans pour l'éolien offshore, 25 ans pour l'onshore).

Enfin, le mix intègre des capacités thermiques (22,6 GW) visant à assurer le bouclage de la demande en pointe et à garantir la sécurité d'approvisionnement du pays. Ces capacités prendront le relais des importations (capacité d'interconnexion maintenue à son niveau actuel de 15 GW) en cas d'indisponibilité d'énergie décarbonée ou compétitive sur le marché européen lors des pointes de demande.

 Ce mix permet d’assurer :

- la sécurité d'approvisionnement en permettant de disposer de 146,1 GW à la pointe en 2050 en conditions défavorables, dépassant ainsi la demande maximale assortie d'une marge de sécurité de 10% et garantissant ainsi la sécurité d'approvisionnement du pays.

(NB C’est notamment grâce au gaz et biogaz (20 GW) et en partie grâce aux importations (15 GW) que le scénario du Cérémé entend passer la pointe électrique (qu’il estime à 132 GW), en disposant d’une capacité de 146 GW à la pointe en 2050, en conditions météorologiques défavorables. Cependant, "en attendant la montée en puissance du nouveau nucléaire, des capacités de pointe devront être mises en place autour de 2035")

RTE étudie dans ses scénarios une pointe de 120 GW, résolue en partie par 39 GW d’importations via les interconnexions avec les pays frontaliers.

(NB : sauf que tous les pays d’Europe diminuent dangereusement leurs capacités pilotables, cf. note de France Stratégie https://vivrelarecherche.blogspot.com/2021/02/note-de-france-strategie-quelle.html)

- la performance climatique : les moyens thermiques installés seraient utilisés presque exclusivement pour servir une demande en pointe et n'entraîneraient alors des émissions de CO2 qu'à hauteur de 2,8 millions de tonnes (dans le cas d'une production au gaz). Ces émissions, en baisse de plus de 80% par rapport à 2019, seraient à des niveaux comparables avec celles estimées par Roland Berger pour le scénario N03 de RTE et sont par ailleurs potentiellement évitables par un recours au biogaz, dont le potentiel national apparaît suffisant en 2050 (demande du système électrique équivalente à 5% du potentiel de biogaz total estimé).

- à un coût optimal : le mix Cérémé offrirait aux consommateurs français une électricité plus compétitive que les scénarios officiels, notamment en raison d'investissements plus faibles pour des coûts fixes d'exploitation comparables, et un moindre risque lié aux coûts variables (gaz et CO2).

Les investissements requis sur la période 2019 – 2050 par le mix Cérémé seraient de 591 milliards d'euros contre respectivement 745 et 912 milliards d'euros pour les mix N03 et Belfort. Ceci s’explique parce que le caractère intermittent de la production des EnRi conduit en effet les scénarios RTE N03 et Belfort à installer des capacités plus importantes pour obtenir du disponible comparable, entrainant également des investissements supérieurs dans le réseau (raccordement et renforcement).

(NB : le scenario admet une hypothèse de coût du capital de 4 % pour le nucléaire, comme RTE) 

Le scénario du Cérémé "permet de résoudre les faiblesses des scénarios de RTE à la pointe", estime le consultant Emmanuel Fages, pour le cabinet Roland Berger, Avec une part de 80 % de nucléaire en 2050, qui suppose la construction de 24 EPR et le prolongement du parc actuel jusqu’à 70 ans, et sans éoliennes, le mix électrique proposé par le Cérémé "semble à même de sécuriser l’approvisionnement à des coûts et émissions de CO2 faibles.

24 EPR, c’est possible ! :Interrogé sur la capacité de la filière à construire plus que 14 EPR d’ici 2050, limite des capacités de la filière envisagée par RTE, Emmanuel Fages "ne voit pas pourquoi il y aurait un mur du son à 14 EPR". "On a le temps d’adapter les compétences dans les quinze ans qui viennent". Cela demandera certainement un travail important sur l’organisation industrielle actuelle de la filière, afin d’améliorer sa capacité à relever les défis techniques et managériaux d’une telle politique.

Construire du nouveau nucléaire sera un immense défi industriel mais la France a les moyens de le faire. Si demain, le nucléaire est érigé au rang de priorité nationale, il y aura comme un effet boule de neige", (Xavier Moreno,président du Cérémé)

NB : Dans la présentation de son rapport Futurs énergétiques 2050, RTE précise pour le nucléaire :  « 50GW ( donc 14 EPR), ce n’est pas une limitation technique, ce n’est pas gravé dans le marbre, c’est juste la photographie à date de ce qui représente déjà un véritable défi industriel ». Dans le corps du document RTE précise : « Cette projection pourra être amenée à évoluer avec le temps : sans réinvestissement dans la filière, sa capacité projetée à long terme continuera de diminuer, tandis qu’une décision rapide de relance pourrait conduire, ultérieurement, à revoir à la hausse ses perspectives »(Chap 4 p.112)

Le cabinet Roland Berger estime "sans regret" la décision de lancer un nouveau programme nucléaire et appelle l’exécutif à se décider "au plus vite".

Il est à noter que ce scénario ne comporte plus (ou presque) de capacités éoliennes (ni terrestre, ni en mer) en 2050, qui ont été progressivement débranchées à l’issue d’une durée de vie estimée autour de 25 ans, et n’ont pas été renouvelées.

"Nous voyons bien que l’on passe très bien la pointe sans éolien, alors que nous avons été bombardés par l’idée que l’éolien était notre sauveur", commente le président du Cérémé, Xavier Moreno. "L’intérêt général et la sécurité d’approvisionnement électrique n’exigent pas cette prolifération d’éoliennes." '

3) Autres mesures préconisées par le Cereme- les décisions immédiates sur l’éolien.

1. L’abrogation du décret du 21 avril 2020 portant Programmation Pluriannuelle du l’Energie, obsolète

2. La suspension temporaire des autorisations et instructions de nouveaux projets éoliens, de manière à prendre le temps et la réflexion nécessaires pour réviser les règles applicables.

Avant la fin 2022, l’adoption d’une loi de réorientation des priorités Energie-Climat qui viserait à :

- Recentrer les objectifs stratégiques de l’énergie sur des choix techniques permettant à la France de tenir ses engagements, notamment en rétablissant la priorité à donner à la relance du nucléaire.

- Accompagner cette réorientation par 4 mesures portant sur les projets éoliens :

1. Modifier la distance minimale entre les éoliennes et les habitations

2. Reconnaître le droit pour l’ensemble des communes affectées par un projet de le refuser

3. Rétablir le Code de la santé publique en matière de bruit éolien

4. Supprimer la garantie de recettes pour les projets non encore autorisés

Plus spécifiquement, concernant l’éolien en mer, le Cereme rappelle la résolution du Parlement européen sur la pêche :

« Pour ce qui est des enjeux, tant pour les impacts sur les milieux marins que pour la protection des activités halieutiques, il faut rappeler la résolution du Parlement européen prise quasi à l’unanimité le 7 juillet 2021 https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2021-07-07_FR.html#sdocta12.

Extraits :

« 45. souligne que les parcs éoliens en mer ne devraient être construits que si l’absence d’incidences négatives, sur les plans environnemental et écologique ainsi que sur les plans économique, socio-économique et socioculturel, sur les pêcheurs et les producteurs aquacoles, est garantie, conformément aux objectifs de l’économie bleue et du pacte vert pour l’Europe ;

46. invite instamment les États membres à prendre en considération l’incidence des énergies marines renouvelables sur l’écosystème marin et les pêcheries lors du choix de leur bouquet énergétique ;

47. invite instamment les États membres à également continuer à travailler sur le développement et l’utilisation d’autres formes d’énergie renouvelable ;

48. invite la Commission à réaliser une analyse d’impact portant sur les incidences économiques, sociales et environnementales attendues de la construction de parcs éoliens en mer, dans les zones où ceux-ci sont susceptibles d’entrer en conflit avec le secteur de la pêche et d’avoir des répercussions sur la pérennité de la vie marine ;

54. insiste sur le fait que le principe de précaution, prévu à l’article 191, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, doit s’appliquer si des décisions doivent être prises avant que les connaissances ou les informations requises ne soient disponibles. »

Et propose les mesures suivantes :

« I.- Pour les installations de production d'énergie renouvelable en mer et leurs ouvrages de raccordement aux réseaux publics d'électricité, sont applicables les dispositions suivantes :

1° L'étude d'impact doit être réalisée puis mise à la disposition des maîtres d'ouvrage et rendue publique par les voies appropriées par le ministre chargé de l'énergie ;

2° Les autorisations suivantes fixent les caractéristiques définitives pour ces projets d'installation, étant fixé que toute évolution des prescriptions postérieure à la délivrance de l'autorisation nécessite la réalisation d’une nouvelle enquête publique annulant l’enquête publique initiale :

a) L'autorisation unique prévue à l'article 20 de l'ordonnance n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française ; b) La concession d'utilisation du domaine public maritime prévue à l'article L. 2124-3 du code général de la propriété des personnes publiques ;

c) L'autorisation environnementale prévue au présent chapitre ;

d)L'autorisation d'exploiter prévue à la section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de l'énergie ;

4) Code de l’environnement : le Cereme propose un nouvel article

Il convient donc de créer par la création d’un article L 130 nouveau dans le code de l’urbanisme les conditions juridiques pour retrouver un lien logique dans ces textes au bénéfice des intérêts supérieurs de l’environnement tels que les décrit la Charte de l’Environnement :

« PROCLAME :

Article 1er. Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.

Article 2. Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement.

Article 3. Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences.

Article 4. Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi.

Article 5. Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage


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