Contexte : La Commission a en préparation un acte délégué sur l’hydrogène renouvelable, qui est actuellement en consultation jusqu’au 17 juin minuit !
« Afin de considérer l’hydrogène comme
entièrement renouvelable, la production d’hydrogène renouvelable devrait donc
encourager le déploiement de nouvelles capacités de production d’électricité
renouvelable ».
En fait cet acte délégué sur l’hydrogène est
essentiellement un acte délégué pour la promotion des énergies dites
renouvelables, ce qui constitue une grave erreur de nature à entraver le
développement nécessaire d’une production industrielle massive d’hydrogène
bas-carbone.
Extraits :
RÈGLEMENT DÉLÉGUÉ (UE) .../... DE LA COMMISSION XXX
complétant la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil par
l’établissement d’une méthodologie de l’Union établissant des règles détaillées
pour la production de carburants liquides et gazeux renouvelables destinés au
transport d’origine non biologique.
1) « Les carburants liquides et gazeux
renouvelables destinés aux transports d’origine non biologique sont importants
pour accroître la part des énergies renouvelables dans les secteurs qui
devraient dépendre des combustibles gazeux et liquides à long terme »
2) « Le contenu énergétique de presque tous les
carburants liquides et gazeux renouvelables d’origine non biologique est basé
sur l’hydrogène renouvelable produit par électrolyse. L’intensité d’émission de
l’hydrogène produit à partir d’électricité fossile est considérablement plus
élevée que l’intensité d’émission de l’hydrogène produit à partir du gaz
naturel dans les procédés conventionnels. L’utilisation d’hydrogène renouvelable
ne conduira donc à des réductions des émissions de gaz à effet de serre que si
les incitations à une augmentation de la production d’électricité fossile sont
empêchées par une augmentation de la production d’électricité renouvelable.
Compte tenu de l’énorme quantité de production supplémentaire d’électricité
renouvelable nécessaire pour progresser dans la décarbonisation de la
production actuelle d’électricité fossile, cela ne peut être assuré qu’en
incluant des critères stricts d’additionnalité dans cette méthodologie. »
3) « Afin de considérer l’hydrogène comme
entièrement renouvelable, la production d’hydrogène renouvelable devrait donc
encourager le déploiement de nouvelles capacités de production d’électricité
renouvelable (principe d’additionnalité) ou avoir lieu à des moments où les
électrolyseurs soutiennent l’intégration de la production d’énergie
renouvelable dans le système électrique ou dans des zones de dépôt des offres
où l’électricité renouvelable représente déjà la part dominante et l’ajout de
capacités supplémentaires de production d’électricité renouvelable ne
permettrait pas être nécessaire ou
possible
8) Si l’installation produisant de l’électricité
renouvelable et l’installation produisant de l’hydrogène sont non seulement directement
connectées, mais sont également connectées au réseau, il convient de fournir la
preuve que l’électricité utilisée pour produire de l’hydrogène est fournie par
le raccordement direct. L’installation fournissant de l’électricité pour la
production d’hydrogène par le biais d’une connexion directe devrait toujours
fournir de l’électricité renouvelable. S’il fournit de l’électricité non
renouvelable, par exemple obtenue à partir du réseau, l’hydrogène résultant ne
sera pas considéré comme renouvelable. »
9) « En ce qui concerne l’hydrogène
renouvelable produit à partir d’électricité provenant du réseau, sa production
devrait encourager, par le biais d’un contrat d’achat d’électricité, le
déploiement de nouvelles capacités de production d’électricité renouvelable qui
ne bénéficient pas déjà d’un soutien financier »
10) « Afin de garantir que l’hydrogène
renouvelable est produit à partir d’électricité renouvelable, la production
d’électricité renouvelable devrait avoir lieu en même temps que la consommation
d’électricité pour la production d’hydrogène renouvelable et il ne devrait pas
y avoir de congestion du réseau électrique entre l’électrolyseur produisant de
l’hydrogène renouvelable et l’installation produisant de l’électricité
renouvelable. »
(11) « Afin de démontrer que la production
d’électricité produite à partir de sources renouvelables a lieu en même temps
que la consommation d’électricité, les producteurs d’hydrogène devraient
démontrer que la production d’hydrogène renouvelable a lieu à la même heure
civile que la production d’électricité renouvelable ou que l’électricité
renouvelable qui a été stockée localement pendant ces périodes est
utilisée. »
Commentaire sur l’additionnalité
« L’additionnalité signifie que la nouvelle
production d’énergie renouvelable est construite pour les nouveaux projets
d’hydrogène. L’acte délégué prévoit une période d’introduction progressive de
règles plus strictes jusqu’en 2026. Seuls les nouveaux parcs éoliens et
solaires non subventionnés pourront être utilisés pour produire de l’hydrogène
renouvelable.
À partir du 1er janvier 2027, la production
d’hydrogène devra également avoir lieu dans la même heure que la production
d’électricité, précise la Commission. Avant cette date, il faut une
correspondance mensuelle entre la production d’électricité et la production
d’hydrogène »
Réaction de
RWE :
« Markus Krebber, PDG de RWE,
déclare :
“Les
règles détaillées concernant les critères relatifs à l’hydrogène […] freineront
les investissements nécessaires dans les années à venir…
Le
lien temporel signifiera également que les électrolyseurs resteront inactifs pendant
les périodes de faible production d’énergie. Des secteurs tels que la mobilité
électrique n’ont pas de telles exigences. De plus, le marché des émissions de
l’Union européenne plafonne les émissions de carbone du secteur de
l’électricité.
Le groupe industriel Hydrogen Europe et ses membres
du secteur des services publics font depuis longtemps pression en faveur d’un
assouplissement des règles d’additionnalité. L’entreprise déclare qu’il ne sera
pas possible de développer la technologie si les exigences sont trop
strictes
Commentaire : c’est parfaitement vrai, la
production d’hydrogène à partir d’énergies intermittentes est une aberration
technique et économique, les électrolyseurs doivent être utilisés 24h/24.
Proposition
de réaction
Il existe un large consensus sur le fait que l’hydrogène
est appelé à jouer un rôle crucial dans la transition énergétique, notamment
dans la décarbonation des procédés industriels, certains transports lourds, la
chimie, les piles à combustibles et que les besoins en hydrogène vont augmenter
de manière très important. Actuellement, l’hydrogène est produit très
majoritairement (95% dans l’UE) par craquage d’hydrocarbure, un procédé très
émetteur de gaz à effets de serre
(typiquement 12 tonnes CO2 par tonnes d’hydrogène). Une solution
industrielle alternative permettant une production massive d’hydrogène existe,
il s’agit de l’électrolyse de l’eau ; elle sera bas-carbone si
l’électricité utilisée est elle-même bas carbone.
En confondant une fois de plus un moyen particulier
(les énergies renouvelables) avec le but
recherché (l’utilisation d’une électricité bas-carbone), la Commission
fait fausse route et commet une grave erreur de nature à entraver le
développement nécessaire d’une production industrielle massive d’hydrogène bas-carbone.
Et ceci pour plusieurs raisons, qui ont notamment été indiquées dans un rapport
de l’Académie des Technologies (Rôle de
l’hydrogène dans une économie décarbonée, juillet 2020)
1) « Le coût d’investissement des
électrolyseurs est élevé et ils ne peuvent se contenter de fonctionner
exclusivement dans les périodes de surplus d’électricité ; la rentabilité de la
production d’énergie intermittente implique qu’elle soit vendue en moyenne à un
prix égal à son coût de production actualisé ». La production d’hydrogène
décarboné exclusivement à partir d’énergies intermittentes ne peut se faire
qu’à coût prohibitif.
2) Il y a aussi un problème d’ordre de
grandeur : « produire la moitié de l’hydrogène actuellement consommé
en France (922 kt) par électrolyse nécessiterait près de 50 TWh d’électricité ;
si l’hydrogène est utilisé pour décarboner certaines industries ou pour
produire du gaz et des carburants de synthèse. Il faudrait au moins prévoir
pour la France près de 300 TWh d’électricité, ce qui dépasse de très loin les
excédents d’électricité intermittente d’un mix 100 % renouvelable. Avec
l’exigence d’additionnalité, c’est un nombre considérable et même
inenvisageable d’éoliennes supplémentaires qu’il faudrait mettre en service (en
2020, la production éolienne française était de 14.5 Tw.h)
L ‘hydrogène
renouvelable ainsi que défini par le projet d’acte délégué ne peut donc
ni techniquement, ni économiquement répondre aux besoins en hydrogène
bas-carbone que nécessite une transition climatique réussie. Pour produire de
l’hydrogéne bas- carbone, il existe deux solutions
- En Europe, un
recours massif à la source d’électricité de base décarbonée et
pilotable qu’est le nucléaire, et donc
une politique d‘investissements majeurs
dans la prolongation du nucléaire existant et dans le nouveau nucléaire. La production
d’hydrogène pourrait ainsi s’appuyer sur une électricité très décarbonée
fournie par le réseau ou sur une production nucléaire dédiée. Il existe
notamment des projets de SMR fonctionnant à haute température qui permettraient
d’utiliser à la fois l’électricité et la chaleur produites pour obtenir un
processus d’électrolyse à haute température qui augmenterait de 10 points ( jusqu’à85%) le rendement de
l’électrolyse
- Certains pays envisagent d’importer massivement
l’hydrogène de pays hors de l’Union Européenne bien dotés en énergie
renouvelable à l’instar de leurs importations actuelles de gaz naturel. Cette stratégie nous exposerait une
fois de plus à une dépendance énergétique majeure à une production
extra-européenne. Le bilan carbone et le bilan environnemental
de l’hydrogène ainsi produit et transporté, calculé de la source au point
d’utilisation, sont bien inférieurs à celui d’une production nucléaire
locale ; le bilan économique et en
termes d’emplois dans l’Union Européenne aussi . Sur un plan plus politique, de
tels projets ont été qualifiés par le Dr Samuele Furfari, ancien haut
fonctionnaire à la direction générale de l’énergie de la Commission européenne,
« d’écolonialisme au pays du surréalisme ».
Au terme de plusieurs
années de discussion, nous en sommes aujourd’hui à une catégorisation de
l’hydrogène en au moins cinq « couleurs » : gris ( cracking
d’hydrocarbure), vert ( renouvelable),
bleu ( gaz décarbonné), rose ( nucléaire), jaune ( mix électrique bas-carbone
). En matière d’hydrogène comme dans les autres domaines une stratégie de décarbonation réussie implique
d’arrêter les délires métaphysiques et de rompre avec le dogmatisme
anti-nucléaire ; elle ne peut se baser sur l’ignorance des réalités
physiques les plus élémentaires et doit suivre, en ce qui concerne les sources
d’énergie, le principe de neutralité technologique à efficacité climatique.
Par conséquent, il nous semble opportun d’annuler cet acte délégué qui ne répond en aucune façon à la problématique et compromet le but même dans lequel il est proposé. Suivant l’avis de l’Académie Française des technologies, nous demandons 1) que la classification des différents types d’hydrogène soit exclusivement basée sur une analyse CO2 émis pendant le cycle de vie et jusqu’au point de distribution et que 2) comme le proposait l’acte délégué présenté le 23 avril 2021 par la Commission soit défini comme bas-carbone et éligible à la taxonomie la production qui dégage moins de 3 kg de CO2 par kg d’hydrogène.
Draft answer to the
Commission consultation:
There is a large consensus that hydrogen is expected to play
a crucial role in the energy transition, particularly in the decarbonisation of
industrial processes, heavy transports, chemicals, fuel cells and that hydrogen
needs will increase very significantly. Currently, hydrogen is produced
overwhelmingly (95% in the EU) by cracking hydrocarbons, a process that emits a
lot of greenhouse gases (typically 12 tonnes CO2 per tonne of hydrogen). An
alternative solution allowing an industrial massive production of hydrogen exists, which
is the electrolysis of water : this process is low-carbon if the electricity used is
itself low-carbon.
By confusing once again a particular means (renewable
energies) with the desired goal (the use of low-carbon electricity), the
Commission is on the wrong track and is making a serious mistake that will hinder
the necessary development of industrial production of low-carbon hydrogen. This
for several reasons, which were notably indicated in a report by the Academy of
Technologies (Role of hydrogen in a
decarbonized economy, July 2020). Main two ones are :
1) "The investment cost of electrolysers is high
and they cannot be satisfied with operating exclusively in periods of surplus
electricity; the profitability of intermittent energy production implies that
it is sold on average at a price equal to its discounted cost of
production". The production of carbon-free hydrogen exclusively from
intermittent energies can only be done at prohibitive cost.
2) There is also a problem of order of magnitude:
"Producing half of the hydrogen currently consumed in France (922 kt) by
electrolysis would require nearly 50 TWh of electricity; whether hydrogen is
used to decarbonise certain industries or to produce gas and synthetic fuels,
it would be necessary to at least provide nearly 300 TWh of electricity, which
far exceeds the intermittent electricity surpluses of a 100% renewable mix”.
With the requirement of additionality, it is a considerable and even
inconceivable number of additional wind turbines that would have to be
commissioned (in 2020, french wind production was 14.5 Tw.h)
Renewable hydrogen, as defined in the draft delegated
act, can therefore neither technically nor economically meet the low-carbon
hydrogen needs required for a successful climate transition. To produce
low-carbon hydrogen, there are two solutions :
1) In Europe, a massive use of the carbon-free and
controllable source of baseload electricity that is nuclear, and therefore a
policy of major investments in the extension of existing nuclear power plants and in new nuclear power. Hydrogen production
could thus rely on highly carbon-free electricity supplied by the grid or on
dedicated nuclear production. In particular, there are projects for
high-temperature SMRs that would make it possible to use both the electricity
and heat produced to obtain a high-temperature electrolysis process that would
increase the efficiency of electrolysis by 10 points (up to 85%)
- Some countries are considering massive imports of
hydrogen from countries outside the European Union that are well endowed with
renewable energy, similar to their current natural gas imports. This strategy
would once again expose us to a major energy dependence on non-European
production. The carbon footprint and
environmental balance of the hydrogen thus produced and transported, calculated
from source to point of use, are much less favourable than that of local
nuclear production. This is also true
for the economic balance and in terms of jobs in the European Union. On a more
political level, such projects have been described by Dr Samuele Furfari, a
former senior official in the European Commission's Directorate-General for
Energy, as "ecolonialism in the land of surrealism".
After several years of discussion, we are now at a
categorization of hydrogen into at least five "colors": gray
(hydrocarbon cracking), green (renewable), blue ( gas with carbon capture),
pink (nuclear), yellow (low-carbon electricity mix). In hydrogen as in other
areas, a successful decarbonization strategy involves stopping metaphysical
delusions and breaking with anti-nuclear dogmatism; it cannot be based on
ignorance of the most basic physical realities and must follow, as regards
energy sources, the principle of technological neutrality with climate
efficiency.
Therefore, it seems appropriate to cancel this
delegated act, which in no way addresses the problem of hydrogen production and
undermines the very purpose for which it is proposed. Following the opinion of
the French Academy of Technologies, we ask 1) that the classification of the
different types of hydrogen be based exclusively on a CO2 analysis emitted
during the life cycle and up to the point of distribution and that 2) as
proposed in the delegated act presented on 23 April 2021 by the Commission,
define as low-carbon and eligible for the taxonomy an hydrogen production that emits less than 3 kg of CO2
per kg of hydrogen.
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