C’est sous ce titre que Le Monde
a publié le 27 novembre 2013 un article dénonçant les ruptures de stocks dans
le domaine du médicament, de plus en plus nombreuses et parfois dramatiques.
Ces ruptures de stock touchent des médicaments vitaux. Ainsi une
patiente en chimiothérapie soignée par le
Caelix. Il s’agit d’un dérivé de la
doxorubicine, anticancéreux actif mais très cardiotoxique, présentant une
cardiotoxicité diminuée. En raison d’un arrêt de la fabrication suite à un
problème de fabrication, ce médicament, n’a pas été disponible pendant près d’un
an, les patients, même à risque cardiaque ont dû être traités par des dérivés
plus toxiques. Suite également à un problème de fabrication l’antiviral Vistide a été en rupture de stock,
menaçant la vie de certains patients. Autre exemple, la Mexilétine, un anti-arythmique, indispensable pour certains
troubles cardiaques et seul médicament reconnu efficace dans le traitement des dans
le traitement des syndromes myotonique : devant l’arrêt de la fabrication
par Boehringer, l’agence du médicament a réagi et a obtenu l’autorisation de
commercialiser le médicament elle-même. Parmi d’ autres médicaments vitaux ayant connu
des pénuries, citons encore l’Increlex,
hormone de croissance insuline like), ou Anapen
(adrénaline injectable), vitale en cas de choc anaphylactique.
En 2012, rapportait l’article du Monde, 80% des médecins traitant des
cancers ont dû faire face à des pénuries de médicaments
Ces ruptures touchent aussi des médicaments
importants et très répandus, ainsi le Levothyrox pour les dérèglements de la
thyroïde, suite à un problème dans une usine de conditionnement en France. L’agence
du médicament a du autoriser en urgence un équivalent italien, mais, ce type de
traitement est très sensible à de faibles variations de doses, et le moindre
changement galénique peut entrainer des conséquences dangereuses.
Ces ruptures touchent même des
médicaments grands publics comme le Fervex, en pleine épidémie de fièvres
hivernales. Le Pr Astier, membre de l’Académie de pharmacie et responsable de
la pharmacie d’Henri Mondor, à Créteil, s’indigne d’une croissance
exponentielle de ces ruptures, et signale que 150 à 200 médicaments manquent
régulièrement dans sa pharmacie.
Pourquoi sommes-nous tombés si bas ?
Pourquoi sommes-nous tombés si
bas ? Un pharmacien me faisait remarquer qu’il y a trente ans, cette
situation aurait paru incroyable, inacceptable, tant l’industrie pharmaceutique
se faisait gloire d’assurer sans défaut la distribution de ses médicaments, en partenariat
avec les pharmaciens, et les agences de régulation y veillaient aussi
soigneusement. Alors que s’est il passé ? Sous la pression d’économistes,
sous la pression aussi d’une politique de santé qui ne vise qu’économie, ( et
fausse économie, car un médicament efficace est bien la moins chère des formes
de traitement) le médicament est devenu un produit comme les autres. Sans trop
de souci de sécurité, en tous cas, de sécurité d’approvisionnement, les
fabrications se sont délocalisées dans les pays à bas coût (Inde, Chine) ;
les autorités de régulation, elle-même délocalisées, centralisées au niveau
européen ne jouent plus leur rôle. Le gouvernement
français a tout de même réactivé un réactivé
un décret obligeant les fabricants à prévenir l’ANSM de toute pénurie- mais que peut-elle réellement
faire en cas de problème ? Les structures de régulation nationales ont été dépossédées de leurs pouvoirs réels,
qui n’ont pas été repris par les structures européennes.
Délocalisation et irresponsabilisation
sont allés logiquement de pair. Qu’est-ce que Londres a à faire qu’il manque un
anticancéreux à Henri Mondor – le système anglais de santé a bien d’autres
problèmes ? C’est vrai aussi pour les firmes pharmaceutiques et leurs
enjeux mondialisés. Du temps de la direction d’Upsa par la famille Bru, une
pénurie de Fervex à l’entrée de l’hiver- inimaginable, des têtes auraient sauté ;
mais aujourd’hui quel enjeu pour la multinationale BMS ? Il faut donc à la
fois une réponse au niveau européen, mais aussi garder des responsabilités et des
possibilités d’action rapdes locales.
Des procès en cascade ?
Le Pr Astier est bien seul à s’indigner,
et l’on aurait aimé entendre plus fortement les sociétés savantes ; l’article
du Monde n’a suscité pratiquement aucune réaction ; pour l’instant, les patients
restent patients, mais il ne faudra pas s’étonner si un jour, à la suite d’un drame
plus médiatisé que les autres, industriels, agence de régulations, autorités administratives,
ministres subissent des mises en examen en cascade . Il faudra sans doute en
passer par là, tant, en matière de médicament, de restriction des soins, d’économie
sur le médicament, nous nous habituons, on nous a habitué, progressivement à l’inacceptable.
Le médicament, en France particulièrement,
est la victime facile, privilégiée et perpétuelle des économies de santé, et
depuis des décennies. Il ne faut donc pas s’étonner de la situation actuelle,
résultat logique d’une (absence de) politique du médicament depuis des années ;
sa conséquence ultime sera la quasi-disparition de l’industrie pharmaceutique
en France et que les Français devront se
passer des derniers progrès, ou, pour ceux qui le pourront, les
acheter très cher à l’étranger.
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