Un hommage d’abord, et un
petit correctif à la notice nécrologique du Monde.
Citation : « Elève de Georges
Canguilhem, marqué également par la pensée de Gaston Bachelard, François
Dagognet a consacré à chacun d’eux un ouvrage. Sa double formation
philosophique et scientifique l’a conduit logiquement à des travaux
d’épistémologie de la médecine (La Raison
et les remèdes, PUF, 1964, rééd. 1984) et de la biologie (Le Catalogue de la Vie, PUF, 1984)… Au
premier regard, la diversité des thèmes abordés par François Dagognet semble
devoir donner le tournis. Au fil d’une bonne cinquantaine de volumes – publiés
principalement aux Presses universitaires de France, à la Librairie
philosophique J. Vrin, chez Odile Jacob et aux Empêcheurs de penser en rond –
il est question des techniques, de sciences, d’industrie, d’éthique,
d’esthétique, de droit, de politique, d’économie et bien sûr de métaphysique...
Oui, mais pourquoi ne pas
parler aussi de l’influence d’Auguste Comte, que Dagognet a souvent commenté.
Avec Michel Serres et Allal Sinaceur, il a réédité et commenté les 45 premières
leçons du Cours de philosophie Positive. Dans Suivre son chemin, il affirmait que le philosophe ne doit pas
être un spécialiste, mais qu'il est ou
doit être, selon les remarques d'Auguste Comte, « le spécialiste des
seules idées générales. Il lui faut aussi, tâche impossible, parcourir la
physique, la métaphysique, la morale, la politique, l'esthétique, la
psychologie ». Il a aussi dirigé Heurs et malheurs du positivisme comtien,
et participé à un Auguste Comte aux
PUF. Médecin, François Dagognet a beaucoup publié sur sa discipline initiale de
formation et un article consacré à sa philosophie médicale s’intitule : François Dagognet:
un nouveau positivisme pour la médecine.
De formation scientifique, ayant une connaissance générale des méthodes et
résultats des diverses sciences, et ayant étudié en profondeur une science
particulière, François Dagognet répondait parfaitement à ce que préconisait Comte pour les
philosophes : un cas pas si fréquent.
Se référant
à un entretien avec François Dagognet, Le Monde rappelle encore cette
citation : « Le monde des objets, qui est immense, est finalement
plus révélateur de l’esprit que l’esprit lui-même. Pour savoir ce que nous
sommes, ce n’est pas forcément en nous qu’il faut regarder. Les philosophes, au
cours de l’histoire, sont demeurés trop exclusivement tournés vers la
subjectivité, sans comprendre que c’est au contraire dans les choses que
l’esprit se donne le mieux à voir. Il faut donc opérer une véritable
révolution, en s’apercevant que c’est du côté des objets que se trouve
l’esprit, bien plus que du côté du sujet. »
Là encore,
cette attitude envers la psychologie est assez caractéristique du Positivisme. Comte
dénie à la psychologie le statut de science en pointant une impossibilité
épistémologique: « Vous voulez observer votre cerveau, mais avec quoi
l’observerez-vous » ? Ou, dans une autre version : « On ne
peut pas à la fois être au salon et dans la rue. ». Pour Comte, si l’on
peut connaître l’esprit humain, c’est par ses réalisations qui sont les sciences,
les arts, l’histoire ; bref, toutes ses créations, y compris les objets
chers à François Dagognet, qui se disait « matériologue » par opposition aux matérialistes, et qui a pu aussi trouver chez Comte, au moins
esquissée, l’idée d’un matérialisme qui
serait aussi un spiritualisme.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Commentaires
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.