Résumé des épisodes précédents
Après les deux
blogs précédents
décrivant
comment le fameux gaz vert des méthaniseurs a une forte odeur de pourriture, au
sens propre comme au sens figuré, que
son bilan carbone est plutôt incertain si l’on considère l’ensemble du cycle, et
carrément négatif en cas de fuite, assez fréquentes selon même les expériences
allemandes, que ces installations sont dangereuses, polluantes et peu
contrôlées, et que les objectifs annoncés et promus par l’Ademe sont tout
simplement délirants.
Parvenir à
10 % de gaz « renouvelables » dans les consommations de gaz naturel
à l’horizon 2030 impliquerait la mise en
service d’environ 5784 méthaniseurs, soit plus de dix fois plus qu’actuellement et surtout
impliquerait de consacrer plus de 18
000 km2 - soit la superficie de trois départements français - à des cultures
servant uniquement à alimenter les méthaniseurs, au détriment de cultures pour l’alimentation !
Et qu’enfin, les projets de méthaniseurs sont de plus en plus gros, et donc
dangereux, et favorisent l’agriculture industrielle et la spéculation sur les terres
agricoles au détriment d’une agriculture plus biologique…
Ce
billet ci reprend un article de l’excellent bastamag intitulé :
Produire de l’énergie plutôt que nourrir :
comment le lobby du gaz « vert » transforme l’agriculture française
« Subventions publiques, législation favorable,
tarif de rachat garanti, l’État français est entré tête baissée dans la course
à la méthanisation, encouragé par le lobbying très actif des entreprises
gazières. Mais cette activité profite d’abord aux gros élevages
et pourrait modifier demain le visage de l’agriculture. Produire de l’énergie
ou de l’alimentation... Faudra-t-il bientôt choisir ? »
Les désillusions d’un
écologiste breton / défis écologiques, méthaniseurs monstres et pompes à subventions.
« Il a d’abord
cru à la méthanisation, avant de déchanter. René Louail, ancien conseiller
régional écologiste en Bretagne, défend dès le début des années 2000 un projet
du nom de Géotexia. Celui-ci est porté par une trentaine d’éleveurs soucieux de
transformer le lisier en « Un fiasco
total alors que 17 millions d’euros ont été investis dans ce projet »,
déplore t-il aujourd’hui.
L’usine,
surdimensionnée, condamnée en 2013 puis en 2015 à des amendes de 50 000 et 40
000 euros pour pollution, a été constamment en déficit structurel. L’unité,
aujourd’hui en redressement judiciaire, pourrait être rachetée par un fonds de
pension américain. Face à ce constat, René Louail plaide pour qu’un bilan
économique, financier et environnemental de la méthanisation agricole soit réalisé
et publié, redoutant une « fuite en avant coûteuse et irréversible pour
d’autres projets ».
Sa crainte se fonde
sur le « plan biogaz » récemment adopté par la région Bretagne, qui vise à construire des centaines de
méthaniseurs d’ici 2025. Invité régulièrement
par des collectifs de riverains opposés à des projets, René Louail constate que
« la méthanisation agricole en Bretagne est utilisée dans la majorité des cas
comme une "pompe" à subventions pour soutenir l’agriculture
industrielle en crise structurelle ».
S’il y a bien «
quelques réalisations vertueuses », il voit surtout défiler des dossiers pour
des méthaniseurs adossés à des élevages industriels allant jusqu’à 40 000
cochons. « Ces exploitations incorporent
dans leur méthaniseur du maïs subventionné par la Politique agricole commune,
et bénéficient aussi du tarif de rachat d’énergie. Elles sont payées deux fois
! On garantit ainsi la pérennité d’élevages à bout de souffle. »
Selon René Louail,
cette démesure des projets de méthanisation encourage les grandes exploitations à reprendre toutes les terres
disponibles. « Personne ne peut les concurrencer. On assiste à la deuxième
révolution silencieuse de l’agriculture, qui balaie complètement l’agriculture
paysanne », alerte-t-il . La France compte un peu plus de 800 unités en
service, dont beaucoup de montages à la ferme. « Ces derniers sont en majorité
de petites unités de méthanisation, en dessous de 10 000 tonnes de matières
entrantes par an », observe Daniel Chateigner, membre du « collectif
scientifique national méthanisation raisonnée » . Ces « petites » unités
fonctionnent en général avec les propres « déchets » de la ferme, avec parfois
quelques intrants extérieurs, en partenariat avec l’industrie agroalimentaire
par exemple. Mais « ça se complique avec les grosses unités, faussement
appelées "agricoles collectives", où l’on injecte 40 000, voir 50 000
tonnes d’intrants par an. C’est pourtant celles-ci que le gouvernement veut
développer. »
Seuls les grands
projets de méthaniseurs peuvent en effet bénéficier de l’offre de prêt mise en
place par l’État, qui peut aller jusqu’à un demi-million d’euros ! . « Cela
exclut d’office les projets que notre association soutient, dont
l’investissement se chiffre entre 3000 et 150 000 euros » observe l’Ardear
Occitanie (association régionale pour le développement de l’emploi agricole et
rural) qui s’emploie à développer de petites unités de méthanisation à
l’échelle des fermes. « Quand on rencontre l’Ademe avec un petit projet de
méthaniseur pour montrer que l’on peut faire des choses simples, avec un plus
écologique et économique, les portes se ferment » déplore Joël, paysan en
Ariège….. »
Les folies de l’Ademe et du Ministère de la Transition
écologique
« Passer à une
échelle plus large suppose de développer des méthaniseurs de grande taille »,
confirme un document du ministère de la Transition écologique et solidaire. Une
loi adoptée en 2015 fixe un objectif
national de 10 % de gaz « renouvelables » dans les consommations de gaz naturel
à l’horizon 2030. Selon les calculs de Daniel Chateigner, 10% de méthanisation de gaz impliquerait de
consacrer la superficie de trois départements français - plus de 18 000 km2 -
à des cultures servant uniquement à alimenter les méthaniseurs !
Une étude de
l’Ademe, conduite en collaboration avec GrDF (Gaz Réseau Distribution France)
et GRTGaz projette même de remplacer tout le gaz naturel importé par du biogaz
d’ici 2050 . « Il n’y a pas assez de
surface agricole en France pour faire tout ça », réagit Daniel Chateigner.
« Soit ces prévisions sont fondées sur des calculs erronés, soit on
dissimule le projet de transformer très profondément l’agriculture française
en la détournant de sa vocation alimentaire au profit d’une agriculture
majoritairement énergétique. » (Daniel Chateigner, M. Daniel Chateigner, professeur
des Universités, est membre du Collectif Scientifique National Méthanisation Raisonnée
(CSNM))
Les importations
d’aliments pour le bétail pourraient également être amenées à augmenter pour
nourrir les méthaniseurs, redoute René Louail. Les méthaniseurs doivent en effet être alimentés tous les jours, même
lorsque les animaux sont dans les prés – ce qui implique moins d’effluents.
« À quoi ça sert de produire de
l’énergie pour nourrir des méthaniseurs evrc du soja qui traverse le monde ? », interroge-t-il.
« C’est insupportable qu’on n’ait pas de débat en France sur l’utilisation des
terres agricoles. »
Un lobby gazier très très actif
GrDF, filiale à 100
% d’Engie, joue un rôle prééminent dans cet engouement pour le biogaz. Pour le
comprendre, direction les Hauts-de-France,
où la course à la construction de méthaniseurs bat son plein. La région annonce
multiplier par quinze sa production de biogaz d’ici 2030. Elle compte
aujourd’hui moins de 100 unités de méthanisation, mais annonce sous dix ans « plusieurs milliers
d’installations agricoles et des millions de tonnes d’intrants ».
L’installation de 1000 méthaniseurs en Hauts-de-France
supposerait déjà d’en positionner un tous les cinq kilomètres ! Le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité
des territoires (Sraddet) adopté en janvier 2019 souligne que « les impacts
environnementaux peuvent être nombreux et significatifs ». Une annexe précise
que « cet objectif repose sur les "dires d’experts" de GrDF » et
pourrait être revu à la baisse…
C’est un aveu », estime André Murawski,
conseiller régional apparenté au groupe des Indépendants. « En clair, ce sont
les gaziers qui ont fait la politique de la Région des Hauts-de-France en
matière de méthanisation. » Le site de
la Haute autorité à la transparence de la vie publique confirme un lobbying très
actif de GrDF en la matière. L’entreprise a consacré entre 500 000 et 700
000 euros, entre juillet 2017 et décembre 2018, pour défendre le développement
des gaz verts, en particulier la méthanisation agricole.
Parmi les types
d’actions figurent l’organisation de « discussions informelles » ou la
transmission de « suggestions afin d’influencer la rédaction d’une décision
publique ». Derrière GrDF, c’est toute la filière gaz qui pousse dans le même
sens : Engie et sa filiale GRTgaz, les lobbies Coénove, association
professionnelle du secteur, et France gaz renouvelables. »
Un lobbying local très efficace, mais aussi national-
vers les méthaniseurs géants
Un décret a
été signé par Nicola Hulot, juste avant son départ du gouvernement qui relève
de 30 à 100 tonnes de matières traitées par jour le seuil des
installations classées. « Désormais,
seules les unités au-dessus de 100 tonnes par jour de matières entrantes
relèvent du régime d’autorisation en installation classée et doivent faire
l’objet d’une enquête publique et administrative, souligne Daniel Chateigner. Avant, faire accepter un projet au-dessus de
30 tonnes d’intrants par jour était plus difficile ».
100 tonnes par jour, soit plus de 36 000
tonnes par an. « Le
gouvernement met le curseur très haut, alors même que les projets à la ferme
sont plutôt entre 5000 et 10 000 tonnes annuelles », observe Daniel
Chateigner. Ce relèvement de seuil favorise donc les grandes unités de
méthanisation. Selon les calculs du chercheur, le prix moyen d’un méthaniseur
en France est passé de 1 ou 2 millions d’euros, à 5 à 10 millions aujourd’hui.
« Nicolas Hulot a été en permanence soumis à des pressions
terribles. En relevant le seuil à 100 tonnes, tous les méthaniseurs passent
comme une lettre à la poste », confirme René Louail. « Il est évident que ce relèvement de
seuil des installations classées s’est fait à la demande d’industriels pour
faire en sorte d’être le moins dérangé dans le développement d’importants
méthaniseurs », appuie le sénateur écologiste Joël Labbé. »
Remarque : Il ne sera
pas beaucoup pardonné à Nicolas Hulot, qui n’a jamais compris ce qu’il faisait.
Ainsi, après les margoulins de l’éolien, ce sont les
arnaqueurs des méthaniseurs qui parcourent les campagnes et les couloirs des
ministères et se font entendre. Et imposent des méthaniseurs de plus en plus
gros, de plus en plus dangereux et polluants, et qui remettent en cause les
activité agricoles nécessaires à la nourriture de la population française, en
particulier bios…
Une nouvelle gabegie économique au nom des ENR et du
greenwashing du gaz !
« 760 000 euros de subventions publiques par
emploi » . Le soutien sans faille de l’État à la filière méthanisation se
traduit non seulement dans la réglementation, mais aussi par des aides financières.
Outre des aides de l’Ademe – qui représentent jusqu’à 20 % de l’investissement
–, des subventions régionales ou départementales peuvent s’ajouter. Une SARL en
Ille-et-Vilaine, par exemple, a investi 2,4
millions d’euros dans son unité de méthanisation. Elle a bénéficié de 470 000 euros de subventions publiques dont
300 000 euros de l’Ademe, 120 000
euros de la région Bretagne et 50 000 euros du département
d’Ille-et-vilaine ! « On est à environ 760 000 euros de subventions par emploi
direct », estime Daniel Chateigner qui s’appuie sur la base de données de
son collectif. « C’est du délire ! Nos
impôts financent la construction de méthaniseurs qui vont devenir la propriété
privée d’agriculteurs ou de grands groupes. »
Interrogé sur ces
chiffres, ni le ministère de l’Agriculture, ni le ministère de la Transition
écologique et solidaire n’ont donné suite à nos demandes. L’Ademe nous a
répondu qu’ils ne disposaient pas de données disponibles à ce jour, alors même
qu’il s’agit de dizaines de millions d’euros de fonds publics.
« Les citoyens et
habitants d’une commune devraient avoir une transparence complète sur les
tenants et aboutissants des projets, et ce n’est jamais le cas », observe
Jean-Marc Thomas, paysan dans les Côtes d’Armor, département où le projet de
méthaniseur situé sur la commune de Plouha fait l’objet de vives tensions entre
agriculteurs et riverains. Raccorder une
unité de méthanisation au réseau de gaz existant peut aussi être coûteux, car
il faut parfois des kilomètres de raccordement. « Le coût est de 100 000 euros
du kilomètre. Qui paie ? Quelles subventions publiques ? », interroge t-il.
Aucune des autorités publiques sollicitées n’a donné suite à nos demandes
d’éclaircissement. »
A cela s’ajoute, comme pour l’éolien, un tarif de rachat
garanti par l’État très élévé
Un tarif d’achat de
l’électricité ou du gaz produit, garanti au minimum sur quinze ans, a également
été mis en place, dans un contexte où Engie et Total Direct Energie figurent
parmi les rares entreprises à fournir du gaz « vert » en France. « Un contrat est
signé entre le porteur de projet et GrDF (ou l’une de ses filiales) avec un prix de rachat trois fois supérieur
au prix du gaz pour le consommateur lambda », poursuit Jean-Marc Thomas. «
Combien de temps l’État va-t-il pouvoir garantir ce prix de rachat ? »…
« Alors que le gouvernement se montre
aujourd’hui incapable de garantir un prix de revient sur les aliments produits
par les agriculteurs, il sécurise l’activité agricole sur une activité
annexe, à savoir la production d’énergie. « S’il faut entrer dans des projets
non agricoles pour continuer à vivre sur sa ferme, cela signifie que l’on
renonce à rémunérer les productions alimentaires. C’est inquiétant », alertait
un paysan dès 2013, lors d’un colloque sur la méthanisation agricole. Sept ans
après, René Louail confirme cette inquiétude. « Je ne suis pas contre la
méthanisation, mais pas pour celle qui fait des ravages. Il nous reste la
pression de celles et ceux qui veulent une autre agriculture. »
Sophie
Chapelle et Simon Gouin. Merci à BastaMag, souvent très pertinent sur les questions
énergétiques ;
Des méthaniseurs,de
plus en plus gros, polluants et
dangereux, à la performance en gaz à effet de serre au mieux incertaine, au
pire catastrophiques ( fuites même légères, oxydes d’azotes des digestats), un
plan Biogaz délirant qui met en danger
la sécurité alimentaire française ( et le Covid devrait nous inciter à s’en
préoccuper davantage et à la considérer comme un bien essentiel et précieux) et la qualité de sa productions, des subventions
délirantes à une néoagricultureindustrielle et au lobby gazier….au prétexte d’un
gaz vert !
Le plan Biogaz, c’est stop ! Maintenant !
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