« La mer n’est pas vide et
contrairement à l’apparence, elle n’est pas libre »
https://eolmernormandie.debatpublic.fr/images/documents/EolMerNormandie-compte-rendu.pdf
Extrait 1) « la mer n’est pas vide » :
Reconnaissance des conflits d'usage
En termes de connaissance du milieu marin, s’y confrontent ce que l’on appelle l’expertise d’usage, celle des publics, usagers et riverains, l’expertise dite savante, celle des chercheurs dans les domaines des sciences naturelles et sociales et de l’ingénierie, et l’expertise politique et réglementaire portée par les services de l’État et des collectivités…
« Mais le contexte régional est également alourdi par le passé récent qui s’est traduit par la décision de construire trois parcs éoliens à Courseulles-sur-Mer, Fécamp et Dieppe-Le Tréport, chacun d’une puissance de 450 à 500 mégawatts. Ces trois parcs, non encore construits, seront situés à faible distance des côtes dans les limites de la mer territoriale (12 miles nautiques soit 22 km). Ces projets soumis au débat public ont mobilisé des publics par quatre fois depuis 2010. D’autre part s’ajoutent lourdement à ce contexte les conséquences redoutées du Brexit sur la pêche…
Le débat public s’engage donc sur un fond de déjà-vu, de défiance envers le maître d’ouvrage et d’incrédulité quant aux apports réels des études d’impact et retours d’expérience de l’étranger. Dans ce contexte, plusieurs sujets récurrents dans le cours du débat public ont été portés à l’attention de la commission, dont une part s’est inscrite dans la continuité des débats antérieurs.
Les paysages et les patrimoines naturels et culturels, notamment d’Étretat aux plages du débarquement et au site du Val de Saire(Barfleur) ont constitué un deuxième sujet récurrent, appelant de la part du maître d’ouvrage des garanties pour soustraire des zones considérées comme intouchables aux sites susceptibles d’accueillir de nouvelles installations éoliennes…
« La saisine de la CNDP par l’État, maître d’ouvrage, a toutefois présenté de notables différences par rapport aux débats précédents, qui ont entraîné l’adaptation de la démarche de débat public par la commission particulière. C’est dans le cadre institué par la loi pour un État au service d’un esprit de confiance (ESSOC) que la saisine pose ainsi l’objet du débat public : « Le public est notamment consulté sur le choix de la localisation de la ou des zones potentielles d’implantation des installations envisagées. »
« La commission a pleine conscience de l’ambiguïté de la démarche issue de la loi ESSOC. Le public est en effet placé dans la situation de se prononcer non sur un projet mais sur un programe, en des termes précis au point de lui demander de localiser un projet ou des projets à venir.
En amont du projet lui-même, le public souligne le
déficit de connaissances, notamment les
connaissances non encore apportées par des études d’impact ciblées, un
déficit qui relativise ses propositions d’emplacements.
D’autre part, la vaste zone soumise à l’étude (10 500 km²) est amputée de zones d’exclusions réglementaires au point de la réduire de près de 65% ; un territoire maritime encore restreint par les publics eux-mêmes du fait de la délimitation de zones « impensables » devant être protégées pour des raisons écologiques, économiques ou culturelles.
Le champ des possibilités pour désigner des zones de moindre impact s’en trouve donc fortement limité à quelques évidences, comme les publics l’ont fait observer.”
Extrait 4 Remise en cause de la PPE et de l’utilité de l’éolien : la Commission demande 3 bilans supplémentaires
« Un faisceau de questions tenant à la production
d’énergie éolienne ont parcouru le débat public de son début à sa clôture. Si l’opportunité
d’installer des parcs éoliens marins en Normandie a mis en débat la
compatibilité des usages de la mer, entre biodiversité, pêche et patrimoines, l’opportunité de développer des énergies
renouvelables dans un mix énergétique dominé par l’énergie nucléaire a été
également au centre du débat. Revenant sur la PPE, cette interrogation
récurrente, quand elle n’a pas été une mise en cause directe de la
politique nationale de l’énergie, a révélé un manque de données ou des données éparses
rendant difficile un débat fondé quant à l’opportunité de poursuivre dans la
voie de l’éolien marin.
Malgré les données déjà fournies par le dossier du maître d’ouvrage, la teneur des échanges montre que deux bilans comparatifs et exhaustifs devraient être portés aux suites de ce débat, ainsi qu’aux débats publics ultérieurs portant sur l’éolien marin.
Il s’avère en effet que la référence au nucléaire, toujours évoqué dans les échanges, n’est pas suffisamment documentée.
En conséquence, la commission demande au maître d’ouvrage de mettre à disposition du public :
→ Un bilan écologique complet, intégrant toutes les sources de production d’électricité, nucléaire compris et dépassant le seul bilan net du carbone ;
→ Un bilan
économique net, intégrant lui aussi toutes les sources, nucléaire compris, à
cycles économiques équivalents. La façon dont sera gérée la question de
l’intermittence appelle aussi une réponse.
La Commission attend du maître d’ouvrage qu’il puisse compléter son dossier sur ces deux dimensions.
Diverses circonstances
concomitantes montre qu’un troisième bilan, moins conventionnel, serait de
nature à éclairer les publics : le bilan de la souveraineté de l’éolien en mer,
de sa construction à son exploitation, comparé aux autres sources de production d’électricité.
L’information des publics sur un sujet dont la sensibilité dans l’opinion se
renforce appelle :
→ Un complément au dossier du maître d’ouvrage sur la dépendance de la France en matière de matériaux, de conception et d’exploitation de futurs parcs, par comparaison aux autres sources de production d’électricité
Commentaire : L’idée de ces rapports complémentaires est intéressante. Mais le maitre d’ouvrage est il le plus qualifié, le plus crédible, le moins susceptible de liens d’intérêts pour ce faire ??????
Extrait 4 : Incertitude sur la planification . 1,2,3 parcs et après ?
« Dans la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), l’horizon de temps de l’éolien en mer effectivement programmé est borné à 2024. Elle mentionne que « lors du lancement d’un nouveau projet, l’Etat envisagera systématiquement la réalisation d’une extension et la mise en place d’un raccordement mutualisé. » (PPE, 3.5.5.).
L’incertitude qui en découle s’est manifestée par un manque de confiance envers le maître d’ouvrage et, pour certains publics, le rejet du projet de quatrième parc (« un projet inopportun et précipité qui laisse place à de nombreuses incertitudes », Cahier d’acteurs du Comité régional des pêches maritimes de Normandie), ainsi que par une demande urgente de planification à la fois géographique et à un horizon de temps plus éloigné….
On a accepté Courseulles-sur-Mer avec la certitude qu’il n’y aurait pas d’autres parcs...François Hollande, en 2013, quand il y a déjà eu le premier appel d’offres pour le parc hydrolien à Barfleur s’est engagé à ce qu’il n’y ait rien à Barfleur
Jusqu’à quand ? Et quel nombre de parcs allons-nous avoir ? Parce que je m’aperçois qu’il y a toujours un appel d’offres qui arrive aujourd’hui, demain, et encore un autre après-demain : combien de parcs, allez-vous nous mettre dans la Manche, et toute la mer ? » Un pêcheur, Le Tréport
Extrait 5 : Incertitudes sur la pêche accrue avec le Brexit, assurerl’autorisation de pêcher dans le parc
De plus, l’irruption du Brexit va entraîner pour la pêche des conséquences non encore précisément évaluées, mais qui amènent les pêcheurs à mettre en question pour ce motif supplémentaire l’implantation de nouveaux parcs éoliens.
→ La Commission demande au maître d’ouvrage si les conséquences prévisibles du Brexit dont les pêcheurs ont fait état à de nombreuses reprises seront intégrées dans le programme d’équipement de la Manche et seront éventuellement de nature à le modifier
Dans ce cadre, il est apparu à la commission que la possibilité de pêcher dans les parcs, de jour comme de nuit, rendue envisageable par la dimension de parcs d’un gigawatt, constituait un fort enjeu de leur acceptabilité, quoique cette possibilité suscite le scepticisme des pêcheurs. Pour sortir des conjectures sur un sujet qui aurait sa place dans le cahier des charges de l’appel d’offres et suppose, pour la commission, l’association des pêcheurs :
→ La Commission demande au maître d’ouvrage de donner des assurances quant à la possibilité de pêcher dans les nouveaux parcs.
Extrait 6 : le manque d’évaluation : « de nombreuses zones d’ombre demeurent quant au véritable impact environnemental d’un parc éolien »
« Enfin, l’insistante question de la recherche scientifique appelle de la part de la commission l’expression d’une alerte : les pêcheurs n’auront pas été les seuls à faire part du déficit de connaissances, notamment dans le transfert à la Manche de données issues des retours d’expérience des parcs installés dans les mers d’Europe du Nord (« de nombreuses zones d’ombre demeurent quant au véritable impact environnemental d’un parc éolien en mer et en particulier celui cumulé des parcs à l’échelle régionale. », Comité régional des pêches maritimes de Normandie).
C’est une dimension du débat public qui a donné lieu à de multiples propos controversés dont il est insuffisant de rendre simplement compte. En conséquence, la Commission estime qu’un comité scientifique associant l’expertise d’usage en amont des études serait une instance susceptible de produire une connaissance partagée, c’est-à-dire admise du milieu marin et des impacts des activités humaines
Des questions sur la PPE qui font débat
Extrait 7 « La production des éoliennes en mer est prévisible avec suffisamment de précision pour ne pas perturber la gestion du réseau électrique. Dès lors, l’énergie produite par ces installations – même si elle peut être irrégulière en tension et en fréquence — n’impose pas au gestionnaire du réseau d’avoir à renforcer ses infrastructures pour éviter la dégradation de sa chaîne de production ou des black-out. »
Remarque : c’est faux et déjà le raccordement au réseau de l’éolien marin coûte bonbon, tellement qu’il a été décidé que, contrairement aux autres modes de production, le raccordement serait à la charge du réseau, c’est-à-dire des contribuable, et non de l’exploitant
« Une grande part des discussions ont porté sur la pertinence de la stratégie énergétique française, opposant notamment les partisans du nucléaire très critiques face aux énergies renouvelables et les tenants de la sortie du nucléaire très favorables à l’éolien et regrettant à la fois la modestie des ambitions de la PPE en la matière et le retard pris dans son développement. »
« Les oppositions entre eux ont notamment porté sur les différences des deux filières en termes d’efficacité énergétique, de fiabilité, ainsi que sur les coûts d’investissement, de fonctionnement, et de démantèlement des équipements. Sont également apparues comme clivantes durant le débat les questions touchant au bilan carbone comparatif des deux filières et à la consommation de métaux rares, mettant en exergue les enjeux industriels, écologiques, et de souveraineté, soulevés par leur extraction et leur usage. Certains ont notamment rappelé que sur le marché porteur et stratégique des terres rares (lithium, néodynium), nécessaires à l’éolien, la Chine a su se positionner en situation de quasi-monopole, mettant la France et l’Union européenne en position de dépendance. »
« Une double question d’opportunité soulevée par les opposants au développement de l’éolien en mer, et de nombreux citoyens en manque d’information
- Les énergies renouvelables (et en particulier l’éolien), sont-elles le meilleur moyen de sortir des énergies fossiles et de décarboner notre production énergétique ?
Pour certains la critique porte sur le fait d’allouer des moyens financiers massifs à l’éolien en mer, alors que mieux soutenir les économies d’énergie serait plus efficace dans la lutte contre le changement climatique. Pour d’autres le développement de l’éolien est une pure aberration, la production d’électricité nationale étant très largement d’origine nucléaire et hydraulique donc déjà décarbonée.
- Quelle place pour l’éolien dans le nouveau mix énergétique ?
Si l’acceptation de voir évoluer le mix énergétique est sous-jacente à de nombreuses interventions, elle est très rarement explicitée, voire masquée derrière des opinions tranchées souvent pro/anti nucléaire qui s’opposent notamment sur le sujet de la sécurité de l’approvisionnement électrique national.
L’éolien en mer, comme toutes les productions intermittentes d’électricité, aux yeux du public, devrait s’appuyer sur des centrales réactives au gaz pour compenser ses fluctuations aléatoires qui dépendent de la vitesse du vent « au cube ». Pour assurer l’équilibre permanent entre la demande d’électricité et la production, des centrales à gaz devront être davantage sollicitées, surtout si la production nucléaire diminue. Un choix aboutissant à l’inverse de la décarbonation affichée. La question de la durée de vie (30 ans environ) des équipements est également débattue. Pour de nombreux participants, ces caractéristiques ne font pas de l’éolien une source d’énergie fiable.
Extrait 8 ) Une porte ouverte sur l’avenir : l’opportunité de coupler production « d’hydrogène vert » et production d’électricité éolienne « régulée avec stockage »
« Plusieurs échanges et contributions d’acteurs
(Région Normandie, ENECO, WPD) soulignent que l’éolien – et en particulier
l’éolien en mer –, est une source d’énergie pertinente pour la production
d’hydrogène vert
Combiner éolien et production d’hydrogène pourrait
constituer à terme un levier massif de décarbonation de la mobilité, de la
production de chaleur et des processus industriels intensifs en énergie.
En outre, l’hydrogène ainsi produit pourrait être un
moyen de répondre au besoin de stockage tampon
permettant de lisser la production électrique intermittente des éoliennes. Ce procédé pourrait être intégré dans la conception des futurs parcs éoliens offshores en France. »
Commentaire : L’Académie des technologies dans son rapport sur l’hydrogène affirme juste le contraire :
« L’utilisation massive d’hydrogène comme stockage intermédiaire d’énergie électrique intermittente (éolien et solaire) dans la chaîne Power-to-Gas-to-Power se heurte à des obstacles rédhibitoires tenant aux volumes considérables des stockages d’hydrogène requis et au faible facteur de charge des électrolyseurs et piles à combustible de la chaîne « conversion-stockage-conversion » qui obère considérablement les coûts. »
Sur ce blog : https://vivrelarecherche.blogspot.com/2020/09/les-enjeux-de-lhydrogene-le-rapport-de.html
Extrait 9 Une approche au coup par coup…des projets qui semblent s’enchaîner sans méthodes
« L’ensemble des acteurs et participants s’accordent sur le fait que les usages de la façade maritime« Manche Est – Mer du Nord » sont nombreux et importants : transport de marchandises, défense nationale, pêche professionnelle, plaisance… Ils sont eux aussi zonés »
« L’ensemble des acteurs, professionnels de l’éolien, pêcheurs, collectivités, associations de défense de l’environnement critiquent l’approche au coup par coup de projets éoliens décidés par la puissance publique nationale, qui semblent s’enchaîner sans méthode : « L’éparpillement des projets en mer est une catastrophe, cela provoque le mitage des paysages, et inquiète les pêcheurs » (réunion planif 07 2020).
Certains comme les pêcheurs et leurs représentants affirment unanimement en conséquence qu’ils ne veulent plus aucun projet en Manche « On a accepté Courseulles, on a accepté Fécamp sous réserve qu’il n’y en ait pas d’autres » (promesse de F . Hollande notamment pour Barfleur), « nous mettrons des bâtons dans les roues. » (Source réunions publiques).
Les autres, au premier rang desquels les professionnels de l’éolien et les associations de défense de l’environnement comme VATTENFAL (Cahier d’acteurs N°3),WPD (Cahier d’acteurs n°4), FNE (Cahier d’acteurs n°11), STOP EPR (Cahier d’acteurs n°13) plaidant à l’inverse pour une vraie planification. Une approche globale et intégrée de l’éolien en mer et des autres filières maritimes à l’échelle des façades françaises permettant d’identifier clairement les secteurs dans lesquels chacune de ces activités peut s’implanter, ainsi qu’une meilleure cohabitation inter-usages, afin de préparer la prochaine période de la PPE, après 2024 et au-delà.
« Une planification maritime est nécessaire, mais ne doit
pas se faire qu’entre marins car elle a des conséquences sur terre (ex :
raccordement) et ne doit pas être éphémère car elle s’inscrit dans des
stratégies européennes et nationales pour répondre à l’enjeu du changement
climatique. »
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