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mardi 8 juin 2021

Le photovoltaïque : choix technologiques, enjeux matières et opportunités industrielles, Ademe 2020

 Bon, comme d’habitude, avec les rapports de l’Ademe, j’ai un peu de mal ! Parce qu’on a comme l’impression d’avoir deux rapports ; l’un, où les ingénieurs de l’Ademe écrivent ce qu’on leur dit d’écrire pour être dans la ligne du Ministère de l’environnement, c’est-à-dire sur la PPE et même au-delà, pourquoi pas, vers le 100% ENR ; et l’autre (le diable est dans les détails), où ils semblent retrouver leur culture scientifique et leurs réflexes d’énergéticiens…et contredire ce qu’ils ont écrit auparavant

Donc rapport sur le photovoltaïque de l’Ademe


https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Plan%20ressources%20Photovoltaique.pdf

Une énergie abondante mais très dispersée , des projets démesurés

« Chaque année, la Terre reçoit sous forme de rayonnement solaire l’équivalent de plus de 8 000 fois la consommation énergétique mondiale annuelle. Pourtant, l’énergie solaire ne représente aujourd’hui que 1 à 2 % du bilan énergétique mondial . Ce paradoxe s’explique par la complexité à capter et à stocker une énergie diffuse et intermittente »

L’énergie photovoltaïque est devenue une des sources les plus compétitives de production d’énergie renouvelable dans le monde. Elle est donc amenée à jouer un rôle majeur dans la transition bas carbone. Le développement attendu pourrait conduire à installer, chaque jour, 1,4 million de modules dans le monde, dont 25 000 en France.

Les projections officielles de développement du photovoltaïque prévoient (souhaitent ?), à l’échelle mondiale à l’horizon 2030 une multiplication par 5 des capacités mondiales installées. « A l’échelle française, dans l’hypothèse d’une atteinte des objectifs de la PPE, il faudrait installer 25 000 modules par jour. Si on devait installer l’ensemble de ces modules au sol, cela conduirait à couvrir de panneaux, chaque jour, six terrains de football !!! » Cela montre l’ampleur de la progression attendue sur le photovoltaïque. »

Commentaire : ou cela montre l’absurdité de la PPE avec la fermeture prévue de 14 centrales nucléaires et un programme ENR dément.

De forts problèmes de vulnérabilité concernant les ressources minérales ; siliciium, cuivre, argent…

« L’argent et le silicium métal doivent faire l’objet d’une attention particulière car les technologies qui dominent le marché aujourd’hui et dans les années à venir (technologies dites cristallines) les mobilisent en quantité importante alors même que ces matières ne sont aujourd’hui pas récupérées dans les modules en fin de vie. » 

De façon plus précise,  «  le développement attendu de l’énergie photovoltaïque, indispensable à la transition bas carbone, aura des conséquences importantes sur la demande en ressources minérales »

Commentaires : indispensable, mais à quelle échelle ?

L’identification des matières porteuses de risques s’est appuyée sur l’étude de J. Jean et al en 2015 (Pathways for solar photovoltaïcs, Joël Jean et al Energy and Environmental Science, 2015.  Cette étude modélise les besoins en matières d’un déploiement du PV, à l’horizon 2050, de 12,5 TWc à l’échelle mondiale. Cette capacité correspond à un taux de pénétration de 50 % du photovoltaïque dans le mix électrique mondial. Il s’agit d’un scénario maximaliste, justement bien adapté à l’objectif de ce chapitre.

Ce scénario conduit à identifier 6 matières « à risques » : le silicium métal, l’argent, le cadmium, le tellure, le plomb et le cuivre. Cette liste a ensuite été confirmée par des experts du domaine.

Le silicium va continuer à dominer le marché car l’émergence industrielle d’une technologie de rupture n’est pas envisagée avant 2030. Pour l’après 2030, des technologies de rupture pourraient permettre de passer au-delà du seuil des 25 % de rendement. Parmi les technologies disponibles au stade expérimental, les cellules dites « tandem » alliant silicium cristallin et pérovskite semblent être prometteuses ».

Le silicium métal est le matériau de base de la cellule photovoltaïque cristalline. La production de silicium métal requiert de la silice issue de gisements de quartz particuliers dont la connaissance reste limitée (eh non, contrairement à ce que montre une certaine communication des fabricants de PV, n’importe quel tas de sable ne fait pas l’affaire !). Déployer une capacité cumulée de 12,5 TWc de PV cristallin à l’horizon 2050 mobiliserait 20 millions de tonnes de silicium de qualité solaire sur la période 2014-2050, soit 87 fois la quantité de silicium solaire produite en 2014. C’est l’équivalent de 23 millions de tonnes de silicium métal (soit 9 fois la production de silicium métal en 2014).

Cuivre et aluminium : Le cas du cuivre est particulièrement problématique. Le solaire, mais pas seulement lui, exige une connectique gourmande en cuivre :  de grandes longueurs de câbles sont nécessaires pour relier les modules entre eux, relier les modules à l’onduleur et connecter l’onduleur au réseau (et évidemment) plus une centrale est isolée géographiquement, plus il faudra de câbles pour la relier au réseau. Le cuivre, mobilisé par toutes les technologies PV, est massivement utilisé par les autres familles de technologies bas carbone. Il  a fait l'objet d'une analyse approfondie dans le rapport sur le stockage stationnaire et les réseaux

(cf. https://vivrelarecherche.blogspot.com/2021/01/les-reseaux-electriques-choix.html).

Pour déployer une capacité cumulée de 12,5 TWc de PV, il faudra mobiliser 60 millions de tonnes de cuivre, soit trois fois la production totale  de cuivre de 2014. Compte tenu de la forte demande en cuivre, métal utilisé en grande quantité dans les autres secteurs de la transition énergétique, des tensions sur le marché du cuivre ne sont pas à exclure. Il faudrait aussi 100 millions de tonnes d’aluminium, soit deux fois la production totale d’aluminium de 2014.

En effet, voici l’évolution de la consommation de cuivre. Qui peut croire que c’est durable !(NB : les réserves mondiales de cuivre primaire sont évaluées à 830 Millions de tonnes, soit 40 années de production courante)

L’argent, principalement mobilisé pour la production des cellules cristallines, ne représente que 0,1 % au plus de la masse de la cellule et la quantité d’argent utilisée par cellule diminue régulièrement. Néanmoins, le déploiement du photovoltaïque conduit à mettre sur le marché des milliards de cellules. En 2018, avec 8 %, (soit 2 503 tonnes), le photovoltaïque arrive au quatrième rang des usages de l’argent. Une capacité cumulée de 12,5 TWc de PV cristallin à l’horizon 2050 pourrait mobiliser 0,3 millions de tonnes d’argent, soit 11 fois la quantité totale d’argent produite en 2014.

Le tellure : 40 % du tellure est consommé pour la fabrication des panneaux solaires (technologies CdTe). La croissance de la production du tellure dépend du cuivre, dont il constitue un co-produit. Les réserves de tellure sont estimées entre 31 00033 et 46 00034 tonnes. Une capacité cumulée de 12,5 TWc de PV (mono-technologie CdTe) serait rapidement confrontée à la disponibilité limitée du tellure : il faudrait en effet 900 fois plus de quantités de tellure que celles produites en 2014.



Un bilan carbone discutable et fortement dépendant de la localisation

Même si, comparativement aux énergies fossiles, l’énergie PV présente un très bon bilan carbone, celui-ci pourrait être amélioré de façon significative en relocalisant la chaîne industrielle de production des panneaux en Europe et en recyclant les importantes pertes de matières qui se produisent au cours des différentes étapes de leur production. En effet, les procédés de transformation du silicium sont très énergivores : la localisation d’une part importante de la production dans des pays où l’énergie est majoritairement produite à partir de charbon et/ou de pétrole (notamment en Chine) et les importantes pertes de matières, en particulier de silicium, le long de la chaîne de valeur dégradent le bilan carbone de la fabrication des modules PV.

La production d’un kilo de polysilicium en France émet 23,12 kgCO2eq contre 87,82 kg en Allemagne et 141,02 kg en Chine. Relocaliser une partie de la production de polysilicium en France ou en Europe permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre

Ben oui, mais c’est pas si facile :  « L’absence d’entreprises françaises dans le domaine du polysilicium peut s’expliquer par la forte intensité capitalistique des usines (seules les grandes usines sont rentables) et la présence d’acteurs déjà importants, y compris européens. La barrière à l’entrée sur ce marché est très haute…

Deux conditions sont indispensables à une relocalisation de la production de polysilicium en France ou en Europe : des soutiens publics, notamment pour pallier le manque d’investissements privés ; la valorisation, à l’échelle européenne, de la production bas carbone, que ce soit par la mise en place de critères environnementaux dans les appels d’offres ou de mécanismes de tarification du carbone. Ceci permettrait de réduire le déficit de compétitivité-coût du polysilicium européen par rapport au polysilicium chinois.

Commentaire : disons-le le photovoltaïque produit en Chine , c’est tout simplement une catastrophe environnementale. Et relocaliser en Europe, c’est pas gagné !

Le Photovoltaïque, champion de l’ artificialisation des sols

 « L’emprise au sol d’une centrale au sol dépend du rendement énergétique des cellules. Plus celui-ci est élevé, plus l’emprise au sol est faible pour une même puissance. On estime qu'il faut 4 à 5 m2 de sols par kWc de capacité de PV monocristallin installé et 5 à 6 m2 pour le PV polycristallin.

Par leur emprise, les centrales au sol impactent les écosystèmes à travers les remaniements puis le recouvrement partiel du sol (effets de l’ombrage des panneaux sur la température du sol et ses caractéristiques pédologiques qui peuvent avoir des conséquences directes sur le développement de la végétation)49, la fragmentation des habitats naturels (exemple des fermes solaires à capacité industrielle où les besoins réels d’espaces peuvent atteindre entre 1,5 et 2,5 fois la surface des panneaux eux-mêmes, les changements microclimatiques ou les modifications de comportements de différentes espèces d’animaux. »

En ce qui concerne l’occupation et l’artificialisation des sols, l’occupation des sols, rappelons quelques chiffres clés : c’est l’énergie nucléaire qui laisse de loin, le plus d’espace à la nature. L’énergie nucléaire a la plus faible intensité d’utilisation des terres 20 à 30 fois plus faible que l’éolien et 15 fois plus faible que le solaire photovoltaïque.


Oppositions agricoles

Et ça commence à se voir et à susciter des oppositions : 2000 hectares de terres agricoles et de forêts bientôt recouverts de panneaux solaires en Lot-et-Garonne, 400 hectares de causses dans l’Hérault... Des citoyens alertent sur les dérives de ces méga-centrales. Dans le sud du Larzac, la colère gronde. 30 000 panneaux photovoltaïques pourraient recouvrir 400 hectares de causses, de maquis, et de prairies arides, soit l’équivalent de 570 stades de foot !

https://www.bastamag.net/photovoltaique-artificialisation-sols-speculation-fonciere-alternatives-aux-derives-du-solaire-industriel-solarzac

Même la FNSEA, pourtant favorable à tout ce qui peut augmenter les revenus des agriculteurs, s’inquiète :  Solaire : les mégaprojets de parcs inquiètent le monde agricole

Le développement de grands projets solaires prévu par la Programmation pluriannuelle de l'énergie se heurte aux mises en garde du monde agricole. Christiane Lambert met en garde : pas question de laisser les agriculteurs céder aux sirènes du solaire sans garde-fous. « Il faudra un cadre national », prévient-elle. Dans le monde agricole, Christiane Lambert n'est pas seule à défendre cet encadrement. « L'espace agricole se réduit au rythme de l'équivalent d'un département tous les six-sept ans, soit 50.000 hectares. Cela ne peut pas durer », défend aussi Emmanuel Hyest, le président de la FNSafer, qui veille à la répartition des terres agricoles

https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/solaire-les-megaprojets-de-parcs-inquietent-le-monde-agricole-1005787



Des emplois fantomatiques

 « Ainsi, la valeur ajoutée industrielle du PV est aujourd’hui principalement créée à l’étranger ainsi que les emplois qualifiés associés, avec comme corollaire des modules au bilan carbone en moyenne élevé. Si cette situation perdure, ni la France, ni l’Europe, ne pourront profiter des opportunités industrielles liées à la mise sur le marché de milliards de modules cristallins dans les décennies à venir. Par ailleurs, pour un pays comme la France qui dispose d’un mix électrique peu carboné, il y a un réel risque que le déploiement du PV ne permette pas d’améliorer substantiellement le bilan carbone de la production d’électricité »

Commentaire : quel aveu ! ben alors, il faudrait peut-être revoir la PPE- moins de solaire et beaucoup moins d’éolien, plus de nucléaire !

« Alors que la France dispose encore d’importantes capacités de recherche, son tissu industriel dans le secteur PV est de plus en plus fragile ».

 « Les acteurs industriels français sont principalement positionnés sur le segment peu capitalistique de la fabrication des modules…  la fabrication des modules PV (entendu « au sens large » de la fabrication du polysilicium à la production des panneaux) est une activité mondialisée qui a connu de profondes mutations depuis le milieu des années 2000. La guerre des prix qui a accompagné cette montée en puissance des acteurs asiatiques a entraîné la disparition de la plupart des entreprises françaises »

 Et du coup, cela met aussi en péril la recherche. »

« Une capacité de recherche encore affirmée, mais vulnérable. Malgré les faiblesses de la filière industrielle française du PV, la recherche « préindustrielle » reste importante, notamment grâce à des liens solides entre la R&D publique et l’industrie. Les laboratoires de recherche français sont ainsi à la pointe au niveau mondial dans le secteur du PV. Cet environnement favorable à l’innovation devrait être un réel atout dans la compétition mondiale. Cependant, cet écosystème favorable à la recherche est aujourd’hui fragilisé voire menacé par la disparition des acteurs industriels (qui sont les premières sources de financement de ces laboratoires) et par l’absence de plus en plus fréquente de débouchés industriels en France ou en Europe pour ces innovations.

Pour mémoire : la débâcle de l’énergie solaire subventionnée en Allemagne :

Qui se souvient des promesses du Temple du Soleil ( non, ce n’est pas une secte !).  L’ex-Allemagne de l’Est était censée se transformer en  nouveau paradis du photovoltaïque en « Temple du Soleil » en lui apportant la prospérité économique grâce à une multitude d’emplois high-tech. À la belle époque de sa splendeur, pas une semaine ne passait sans que la presse ne mentionne de nouvelles innovations et leur cortège d’inaugurations en présence de politiciens trop heureux de se congratuler les uns les autres. D’après le journaliste allemand Dirk Maxeiner, le gouvernement allemand a déversé l’argent des contribuables par centaines de millions d’euros pour mettre tout cela en place : « On a vu affluer 142 millions d’euros dans le Brandebourg, 120 millions en Saxe-Anhalt et 143 millions en Thuringe. » L’idée, la vision, consistait à faire de ces régions la vitrine scintillante de l’avenir high-tech de l’Allemagne et à montrer au monde comment devenir le pays de l’écologie.

Mais le clash avec la dure réalité n’a pas tardé. En quelques petites années, les cellules photovoltaïques à bas prix importées de Chine ont inondé les marchés et les prix se sont écroulés à vive allure. Quelques mois plus tard, le Temple du Soleil n’était plus qu’un champ de ruines. Qui plus est, le niveau exorbitant des tarifs de rachat de l’énergie verte entraîna rapidement une montée en flèche des prix de l’électricité pour le consommateur. Le gouvernement fut donc obligé d’agir vite pour réduire les tarifs de rachat, ce qui eut pour effet de rendre l’énergie solaire encore moins intéressante. Le marché s’est retrouvé submergé de panneaux photovoltaïques et les producteurs allemands n’eurent plus qu’à mettre la clef sous la porte.

Grâce à la révolution énergétique subventionnée, les contribuables allemands ont créé des emplois non pas à Bitterfeld comme prévu, mais dans ces charmantes villes que sont Guangzhou, Hangzhou ou Xi’an.

Selon la Fondation Hans Böckler : « Au cours des dernières décennies, aucune autre industrie n’a connu une croissance aussi rapide que celle des panneaux solaires – et aucune ne s’est effondrée aussi rapidement. » Quinze ans ont suffi pour accomplir le cycle. La Fondation décrit comment de petites start-up se sont transformées en stars des marchés high-tech puis sont devenues insolvables les unes après les autres à partir de 2011. Des entreprises comme Solar MillenniumQ-Cells, Centrotherm, ou Conergy ont toutes fait faillite aussi rapidement qu’elles avaient surgi.

En une seule année, 30 000 emplois ont disparu et des dizaines de milliards en capital privé ont été détruits. Le seul désaccord des experts des marchés financiers porte sur le montant : parle-t-on de 30 ou de 50 milliards d’euros ?  

N.B : de la même façon la jadis pépite française (Photowatt)  a disparu

 Commentaire : Relocaliser le photovoltaïque ? Il faudrait tenir compte des expériences malheureuses passées et encore récentes. Et peut-être requestionner les ambitions photovoltaïques un peu démentes de la PPE.

Surtout que du propre aveu de l’Ademe, il n’est pas exclu « le déploiement du PV ne permette pas d’améliorer substantiellement le bilan carbone de la production d’électricité »

Je répète « « le déploiement du PV ne permettra pas d’améliorer substantiellement le bilan carbone de la production d’électricité « ! 

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