SNCF :
La fin d’un service public au pas de marche !
Eh bim..après même pas
deux semaines de « concertation », le projet de loi sur la fin du
service public ferroviaire par la mise en concurrence est voté, la fin du
statut des cheminots est décidée et datée (1er janvier 2020) sans qu’on sache encore par quelle convention
(collective, d’entreprise ?) il sera remplacé, la décision de filialiser le frêt ferroviaire est
lancée, rien n’est acté sur la reprise
que la dette que l’Etat a gentiment transférée à la SNCF pour rentrer dans
les clous du traité de Maastricht sur la monnaie unique, rien n’est décidé sur
les petites lignes ni la façon dont avec
l’introduction de la concurrence pourra être préservé ce qui fait l’essence du
service public, le même prix pour un même type de transport que l’on soit à
Paris ou Lyon, ou à Guéret, ou à Carhaix, ou à Argentan, ou à Douai, ou à
Epinal, ou à Rodez.
La France dispose
(disposait) du deuxième réseau européen, après l'Allemagne, avec près de 29.000
km de lignes exploitées, dont 2800 km de Ligne Grande Vitesse. Avec près de
3000 gares et haltes ferroviaires, 90%
de la population réside à moins de 10 km d'une gare. Eh bien ce sera
terminé ! Comme le dit ce syndicat très revendicatif qu’est la CFDT,
il y aura «une rupture d'égalité des citoyens dans l'aménagement du
territoire», «le train pour les régions
riches», «la route et les risques routiers pour les plus pauvres».
Le Monde, journal pourtant pas la bible de l’antimacronisme :
SNCF : l’exécutif accélère et écrase les syndicats
Il faut dire que tout
cela a été bien préparé par un matraquage intense de mensonges violents
sur la dette de la SNCF (en réalité une dette de l’Etat), sur le « statut
privilégié » des cheminots. cf. la démagogie écoeurante de Macron au salon
de l’agriculture : « Je ne peux pas avoir d'un côté des agriculteurs
qui n'ont pas de retraite, et de l'autre avoir un statut cheminot et ne pas le
change »
Le
statut, c’est la garantie du service public
Le statut, eh bien
reparlons-en !
A la SNCF comme à EDF, le
statut est indissociable de la notion de service public.
Une première
caractéristique du service public, c’est la continuité du service. En cas de
rupture d’électricité, en cas de rupture de trafic, le statut assure que le
cheminot ou l’agent EDF, qu’il pleuve, vente ou neige, le jour ou la nuit, en
montagne ou en plaine, qu’il y ait canicule ou froid intense, mettra tout en
œuvre pour rétablir le service, quel qu’en soit le coût pour l’actionnaire-
quelle compagnie privée le fera ?
Une seconde caractéristique du service
public, c’est la sécurité. Le statut du cheminot ou de l’agent EDF assure,
devrait assurer, qu’à aucun moment il n’y aura
le moindre compromis entre les dividendes de l’actionnaire et la
sécurité.
Une troisième caractéristique du service public, c’est l’égalité de
traitement sur le territoire. Tout français doit avoir un égal accès au service
public, et le statut contraint cheminots ou agents EDF à la mobilité
géographique, à s’installer là où il est nécessaire qu’il soit et non là où il
aurait envie d’être. Le statut enfin impose certaines sujétions, comme un
travail régulier de nuit- dormez, braves gens les trains roulent et les
électrons circulent.
Alors, il y a quelques
contreparties : la garantie de l‘emploi- oui, elle assure que l’agent peut
et même doit résister aux pressions contraires à ses missions de service
public, mais à condition de se plier aux contraintes du service public-EDF est
impitoyable pour ceux qui coupent le courant. La retraite de la SNCF à 57,
voire 55 ans ? Mensonge, ce n’est
plus vrai et la durée de cotisation a été portée de 37.5 à 41.5 ans, ce qui fera une retraite
à taux plein plutôt vers 62- 65 ans et encore !
Les primes et les
billets gratuits : OK ; mais en échange de salaires relativement
bas : pour les conducteurs de trains partant travailler dans une compagnie
privée, il faudra s’attendre à une augmentation de salaire de 50 voire
100% !
Un statut si mirobolant
( ?) selon ses détracteurs aurait
dû entrainer un afflux gigantesque de candidatures à la SNCF. Je ne sache pas
que ce soit le cas. Alors que reste-t-il ? Des rigidités comme le fait que
ce ne sont pas les mêmes conducteurs qui effectuent les trajets et qui rangent
les trains ? Outre qu’il y a peut-être des raisons techniques, c’est
vraiment se moquer (et je suis poli) du
monde que de prétendre qu’il faut supprimer le statut pour régler ce
problème ! Le statut a déjà évolué et peut encore évoluer au gré des
changements techniques.
Tiens une petite question
à nos amis juristes. Le statut d’EDF interdit maintenant aux agents de couper
le courant en cas de grève, c’est pour cette raison que malheureusement des
grèves d’EDF, comme celle très suivie contre la privatisation de barrages
hydroélectriques, passent maintenant inaperçues. Et EDF ne plaisante pas :
une infraction vaut renvoi immédiat, avec perte des droits accumulés à la
retraite (eh oui, c’est un régime très spécial). Cette règle exorbitante du
droit social, cette restriction très forte du droit de grève, que vaudra-telle
pour un exploitant privé ?
Vive la France dans le
noir à chaque grève. On va s’ amuser !
Service
public et politique environnementale
Le service public n’a pas
que des logiques de rentabilité, et dans le cas du ferroviaire, se pose la
question du vrai coût écologique du transport, en particulier de frêt par la
route. Exemples : « Sur la ligne Nantes-Lyon, un train paye 15.000
euros péage. Un bus ne paye que 150 euros. Le transport routier en France est
le transport le plus subventionné », Didier Le Reste (CGT) Autre exemple, en Auvergne
Rhône-Alpe, le projet d’autoroute A 45 coûterait plus d’un milliard d’euros
pour moins de 50 km. Dans le même temps, le plan de sauvetage des petites
lignes de la région est de 264 millions d’euros pour 830 km ».
C’est donc en effet le transport routier qui est massivement
subventionné, plus que le train, et ceci pour des conséquences
environnementales désastreuse. Le service public peut et devrait être davantage
tenir compte des externalités négatives, en particulier en terme de sécurité,
de pollution et de lutte contre le changement climatique !
Tiens par exemple : supposons que la France se décide à faire
comme la Suisse et l’Autriche et impose à tout le trafic traversant par camion
de s’effecteur par train – les camions sur les trains. Il serait légitime de
prendre ce genre de décision pour un service public ferroviaire, il ne le
serait pas de le faire pour des transporteurs ferroviaires privés.
Et à propos de Suisse, ce pays quasiment socialiste : réaction
horrifiée d’un collègue suisse à qui je demandais si les trains suisses étaient
privatisés : réponse _ les chemins de fer suisses ( dont ils sont
légitimement assez fiers, de vraies œuvres d’art !) appartiennent au
peuple suisse.
Mais eux, ils ne sont pas soumis aux directives de Bruxelles.
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