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jeudi 17 janvier 2019

Raison de détester l’Eurokom -23 : La PAC démantelée, l’euthanasie des paysans


Europe et Eurokom : Dans un de mes précédents blogs, je m’enflammais sur les propos de Macron à Epinal sur « l’Europe qui nous a donné la Paix ». Face aux politiciens truqueurs qui sciemment mélangent l’Europe, réalité géographique, historique, culturelle et la Communauté européenne et ses institutions (notamment la Commission européenne), vouées uniquement à construire un grand marché selon le dogme d’une véritable secte libérale, je propose donc de différencier l’Europe réelle des peuples et des nations de l’Eurokom, les institutions de la Communauté Européenne.

« Il y a un peu plus de 60 000 éleveurs laitiers ; dans quinze ans, à mon avis, il en restera 20 000. Bref, ce qui se passe avec l’agriculture en France, c'est un énorme plan social, mais un plan social secret, invisible, où les gens disparaissent individuellement, dans leur coin, sans jamais donner matière à un sujet pour BFM. » Michel Houellebecq, Serotonine

Merci au monde paysan, de tous pays !

Se souvient-on de cette longue sortie de guerre, et de combien les Français ont eu faim, des tickets de pain, du café inabordable remplacée par la chicorée, les pommes des terres remplacées par les topinambours (sur lesquels les bobos ne s’extasiaient pas encore !), des ersatz très douteux. Et des tickets de rationnement dont les derniers n’ont disparu qu’en 1949 !

En 2015, la production agricole française s’élevait à 74,1 milliards d’euros, soit 18 % de la production globale des 27, selon une publication de l’Insee, du 5 juillet 2018, consacrée à la place de l’agriculture française en Europe. La France est au premier rang pour la production de céréales, de plantes fourragères, de vin, de pommes de terre, de bétail et de volailles. Rien que pour les céréales, la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert aime à rappeler que, avec70 millions de tonnes produites par an, leurs exportations représentent deux Airbus par semaines !
Bravo et Merci les paysans français !

Et tant qu’à ne pas être chauvin, à tous les paysans de tous les pays. De 1900 à 1909, 27 millions d’êtres humains ont succombé aux famines. De 1920 à 1960, chaque décennie, c’étaient 15 millions de morts par famine. De 1950 à 1980, la population mondiale a doublé, passant de 2.5 à 5 milliards. Les malthusiens de l’époque s’affolaient : des centaines de millions d’être humain vont mourir de faim dans les années 70-80. La bataille menée pour nourrir la totalité de l’humanité a eu lieu, nous en sommes au dénouement (Paul Ehrlich, la bombe P, 1968) Dans quinze ans, les famines seront catastrophiques (Famine 1975, Paul Paddock).

C’est le contraire qui s’est produit et les famines, fléaux immémoriaux,  ont aujourd’hui quasiment disparu de la surface du globe, sauf perversité humaine (guerres). Merci aux paysans de tous pays !
Merci donc, mais qu’il a un goût amer et scandaleux ce merci. Chaque année maintenant, le chiffre reste stable : un agriculteur se suicide tous les deux jours ! Ce taux de mortalité par suicide des agriculteurs français est supérieur de 20% à celui de la population générale et de 30 % pour la seule catégorie des éleveurs de vaches laitières ! La cause est aussi bien connue : des revenus agricoles insuffisants pour vivre. Une enquête réalise dans l’Ouest en 2017 a montré que plus de 30 % des agriculteurs gagnent moins de 350 € par mois et que les deux tiers d’entre eux étaient en-dessous du seuil de pauvreté ! (L’enquête indiquais également que le plus grand nombre de suicides  a été observé pendant les mois où les prix du lait ont atteint leur record le plus bas, ce qui bien sûr n’a aucun lien avec la suppression des quotas laitiers, chers ultra-libéraux de Bruxelles !!!). Selon la Mutualité sociale agricole (MSA), plus de la moitié des paysans français gagnent moins de 354 euros par mois. Ils n'étaient que 30 % dans ce cas-là en 2015 et 18 % en 2014. En 2016, les revenus ont diminué de 26% ! Conséquence de cette paupérisation rapide : les fermetures d'exploitations se multiplient : 1.281, (soit 3.5 exploitations par jours !) entre septembre 2016 et septembre 2017 ! Un chiffre en hausse de 6,7% par rapport aux douze mois précédents ! En 2017, 300 fermes de bovins ont fait faillite,  chiffre en très nette augmentation de 19% sur un an et 69% sur quatre ans. Au-delà des faillites, 70% des agriculteurs sont dans le rouge, selon la Coordination rurale. Ils travaillent énormément et ne peuvent pas se payer. Comment en est-on arrivé là ?

Vive la vieille PAC, qui fut un succès !

Prévue par le traité de Rome du 25 mars 1957 et entrée en vigueur le 30 juillet 1962, la politique agricole commune (PAC) est une des plus anciennes et jusqu'à peu la plus importante des politiques communes de l’UE (environ 35 % du budget européen). Ses grandes lignes ont été définies à la conférence de Stresa (du 3 au 12 juillet 1958) et elle a été mise en place en 1962. Ses objectifs étaient d’accroître la productivité de l’agriculture ; d’assurer un niveau de vie équitable à la population agricole ; de stabiliser les marchés ; de garantir la sécurité des approvisionnements ; d’assurer des prix raisonnables aux consommateurs. Depuis, s’y sont ajoutés les principes de respect de l’environnement et de développement rural. La section Garantie du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) finançait le soutien des marchés.

Lorsque la PAC fut lancée, la France, seule parmi les pays fondateurs,  arrivait juste à l’autosuffisance alimentaire. Cette vieille PAC avait une orientation résolument productiviste, car il fallait augmenter la production agricole, et protectionniste, car la construction d’une union douanière nécessitait une protection aux frontières. Il s'agissait alors de rendre la Communauté auto-suffisante, plus solidaire et de moderniser un secteur agricole encore très disparate selon les pays. Elle a été une incontestable réussite: modernisation de l'agriculture, développement de la production, immenses gains de productivité qui ont fait de l’Union le 2e exportateur mondial, autosuffisance et sécurité alimentaire garantie. Si l’évolution des techniques et la concentration des exploitations faisaient diminuer naturellement la population paysanne (qui pouvait alors contribuer à l’industrialisation), cela allait de pair avec l’augmentation du niveau de vie des paysans.   Les écueils rencontrés (crises liées à la surproduction de nombreux produits, aux variations de change des monnaies, à l'entrée de nouveaux membres) ont été surmontées par des adaptations intelligentes avec notamment en 1984 la résorption des excédents, avec la mise en place de quotas de production, notamment dans le domaine laitier, et une politique de réduction des prix de soutien.

On sait comment par une malédiction incompréhensible, l’Eurokom des fanatiques libéraux s’acharne à détruire les rares succès de la politique européenne. C’est exactement ce qui arriva avec la PAC !

La nouvelle PAC et le règne du marché.

La préférence communautaire permettait d’isoler l’agriculture européenne des variations des prix mondiaux en lui accordant des avantages en matière de prix par rapport aux produits importés et les agriculteurs bénéficiaient d’aides indirectes, les « prix garantis », qui leur assuraient un prix minimum pour leurs productions.

Cette disposition est actuellement en quasi désuétude et les réformes de 1992 et 1999 ont eu pour but de rapprocher l’agriculture européenne du marché (du dieu marché !) en baissant les prix garantis et en les remplaçant par des aides directes, disposition aggravée en 2003 ; désormais, les aides ne sont plus liées à la production. Les agriculteurs touchent un paiement unique par hectare, à la condition de respecter des normes européennes en matière d’environnement et de sécurité alimentaire. La régulation du marché est abandonnée et les quotas sont progressivement supprimés (2015 pour le lait, 2017 pour le sucre).

Et il s’est produit ce qui était parfaitement prévisible. En ce qui concerne les quotas laitiers, la production  maintenant  libre, l'agriculture européenne affronte la concurrence sans filet de sécurité. Dans un premier temps, la production a augmenté… et les prix d'achat aux agriculteurs ont baissé - le prix payé est inférieur en 2016 et début 2017 au prix de production ! Selon des chiffres de l'Insee publiés en décembre 2016, le revenu moyen d'un chef d'exploitation agricole diminue de 26,1% en 2016 par rapport à 2015 !

Cette PAC est devenue complètement absurde, et la Cour Européenne des comptes vient d’y consacrer un rapport au vitriol, dénonçant un système inégalitaire selon lequel  les petits se paupérisent quand les plus gros s’enrichissent. La répartition est tellement injuste…qu’elle est secrète.  En avril 2009, on a pu connaître les montants reçus au titre du premier pilier pour tous les bénéficiaires de la PAC en France (le prince de Monaco figurait au premier rang…) ; alors un arrêt de la Cour de Justice de l'UE, consécutive à une démarche luxembourgeoise, a invalidé en 2010 la réglementation de l'Union sur la publication des informations relatives aux bénéficiaires de fonds européens agricoles. Beaucoup d’États membres (dont la France) ont alors retiré l'accès public aux informations nominatives !

Cette PAC est tellement juste et efficace qu'elle doit être secrète

Et surtout, l’effort global en faveur de l’agriculture, le montant global de la PAC diminue considérablement. La Commission européenne envisage une enveloppe de 265 milliards d’euros pour 2021-2027 soit une diminution  de 12% en euros constants. Les exploitants agricoles français vont perdre près de 5 milliards d’euros d’aides directes sur toute la période et les revenus des agriculteurs européens diminueront de 8 %, selon le cercle de réflexion Farm Europe. Toujours selon FARM Europe, la valeur des aides directes devrait baisser de 15 %, et elles seront, par ailleurs, plus compliquées à obtenir. Les paiements du premier pilier seront soumis à des exigences environnementales. Leur montant sera dégressif à partir de 60 000 euros et plafonné à 100 000 euros par exploitation.

Tiens, pour ajouter la connerie à la bêtise, nous apprenons début 2019 que Bruxelles a alloué à la France 700 millions d’euros pour le développement de projets ruraux, à dépenser entre 2014 et 2020. A un an de l’échéance, seulement 3% de l’enveloppe a été dépensé… (Europe1)

D’où une spirale infernale. La concurrence mondiale tire les prix vers le bas et les prix agricoles sont trop bas et parfois deviennent même inférieurs aux coûts de production ! Des mises aux normes incessantes viennent augmenter encore les coûts de production. Et parfois stupides : que nous coutera l’abandon unilatéral  du glyphosate, le plus efficace et le plus sûr pour la santé des herbicides ?

On veut une agriculture écologique et vertueuse, mais on ne fait rien pour se protéger des produits importés qui ne respectent aucune norme, et, au nom du libre échange, on « négocie » des traités comme le Ceta. La production agricole sera exposée à ce qui se fait de pire au Brésil ou au Canada, par exemple de la viande produite avec un cahier des charges largement différent du nôtre. Dans ces conditions, pourquoi lutter contre le glyphosate et le poulet aux hormones chez nous ? En France, on produit avec une meilleure qualité: il faut l'assumer, en être fiers, en revalorisant notre processus de production. Ce qui impliquerait en premier lieu de mettre des clauses dans les traités de libre-échange qui, sur le modèle de l'exception culturelle, instituerait une exception agricole.

Mais ça, ce n’est pas dans le logiciel de la Commission Européenne.

L’Agriculture, un marché pas comme les autres

Vivent les marchés, donc ; et pourtant, partout dans le monde, au nom de la sécurité alimentaire, au nom de la lutte millénaire contre les famines, au nom des traditions locales, partout l’agriculture est aidée : 190 euros par habitant en Europe, 389 aux USA, 434 au Japon, 228 au Canada, 629 en Suisse, 957 en Norvège.

L’Union Européenne, une fois de plus, l’idiote du libre-échange !

Michel Houellebeck, Serotonine « Mes interlocuteurs ne se battaient pas pour leurs intérêts, ni même pour les intérêts qu’ils étaient supposés défendre, ç’aurait été une erreur de le croire ; ils se battaient pour des idées ; pendant des années, j’avais été confronté à des gens qui étaient prêt à mourir pour la liberté du commerce »

Croit-on que le gigantisme, la productivité au détriment de toute considération des animaux,  les fermes de 1000 vaches et de 200.000 poules en cage soit la solution ? Ceci alors : En Allemagne, la faillite de la plus grande firme agricole relance le débat sur la régulation du foncier. Avec 46 000 ha répartis entre l’ex-RDA, la Lituanie et la Roumanie, KTG Agrar faisait figure de totem au phénomène de concentration foncière, ou « land grabbing », en Europe. Développée sur la base de la privatisation d’anciennes fermes d’Etat est-allemandes dans les années 1990, l’entreprise a connu une expansion rapide à partir de son entrée en bourse en 2007. Ses activités ne se limitaient pas à la production agricole et parmi les 96 filiales et autres entreprises associées du groupe KTG figuraient différents outils de transformation alimentaire et de production de biogaz. Le groupe avait même occupé le 3ème rang des producteurs d’énergie renouvelable en Allemagne. En difficulté, avec un endettement important, KTG Agrar avait réussi à conserver la confiance de ses créanciers grâce à des jeux d’écriture sur les prix d’achat et de vente entre ses différentes filiales. Le pot aux roses découvert, le fondateur fût poussé au départ en 2016 et le groupe déclaré insolvable…

Vous savez-quoi ? Une pénurie de nourriture conduirait notre société à se rappeler aussitôt de l'importance de nos agriculteurs…

Nous y allons tout droit. L’Eurokom aura réussi cela !

C’est pourquoi il faut en sortir !


1 commentaire:

  1. aussi sur https://eurokomonaimepas.blogspot.com/2019/01/raison-de-detester-leurokom-23-la-pac.html

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Commentaires

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