Transport : Du fait de cette rapidité et de cette relative simplicité,
le déploiement des réseaux d’hydrogène pourrait être assez rapide
Du fait de sa très faible densité, l’hydrogène
doit être conditionné pour permettre d’en assurer le transport et le stockage.
Ce conditionnement peut se faire par compression, liquéfaction, mais aussi par
adsorption réversible de l’hydrogène par des corps solides plus facilement
manipulables.
Transport par gazoduc :
Les gazoducs dédiés à l’hydrogène ne sont pas
significativement différents des gazoducs dédiés au méthane. Ils sont réalisés
en aciers classiques ou en polymère composites. Cependant, l’hydrogène tend à
fragiliser le métal du tuyau et celui des soudures. Les pressions de service
varient selon les réseaux entre 21 mbars et 3 à 4 bars pour la distribution et
60 à 100 bars pour le transport. Les diamètres varient entre 10 mm et 300 mm.
L’adaptation du réseau de distribution du méthane au transport de l’hydrogène
semble possible pour le transport d’un mélange méthane-hydrogène - baptisé
Hythane™ par Engie - dans une proportion qui varie de 11% à 12,5%. Des recherches européennes ont conclu que
la concentration en hydrogène peut atteindre 20 % sans problème particulier.
Cependant, si du côté utilisateur on a besoin de l’hydrogène pur, il faut un
procédé de séparation qui est coûteux et rend le transport d’hydrogène sous forme
de mélange peu attractif.
Pour éviter le phénomène de fragilisation du métal
des gazoducs, l’acier doit être un acier doux. Beaucoup de canalisations de
GRTgaz sont de ce type mais les plus récentes sont en acier allié dont le
comportement doit être validé préalablement au transport d’hydrogène. Le
transport d’hydrogène pur par gazoduc est développé dans certaines parties du
monde, les États-Unis ont un réseau de plus de 2 600 km, dont une grande partie
entre le Texas et la Louisiane. L’Europe du Nord dispose d’un réseau de
gazoducs d’hydrogène de 1 600 km, dont plus de 610 km en Belgique, opéré et
pour l’essentiel possédé par Air Liquide. La France produit et utilise 922 000
tonnes d’hydrogène par an et dispose de plusieurs réseaux privés de transport
d’hydrogène, de plus de 300 km de longueur.
La longueur du réseau européen de gazoducs destiné
au transport de gaz naturel mesure environ 200 000 km. Il continue de se
développer vers les champs gaziers russes, Kazakh etc. Il est beaucoup moins
cher de transporter de l’énergie sous forme gazeuse que sous forme
d’électricité. Par ailleurs, le
développement de ces réseaux rencontre peu d’opposition, du moins jusqu’à
maintenant, et est perçu moins négativement par les populations concernées que
les lignes électriques 400 kV. Par ailleurs les “tubes” peuvent être ensouillés
dans des fonds marins sans discontinuité.
À court terme, le taux de 6 % en volume
d’hydrogène est atteignable en mélange dans la plupart des réseaux, hors
présence d’ouvrages ou d’installations sensibles chez les clients. À horizon
2030, les opérateurs recommandent de fixer une capacité cible d’intégration
d’hydrogène en mélange dans les réseaux à 10 %, puis 20 % au-delà, afin
d’anticiper l’adaptation des équipements notamment à l’aval.
Une partie du réseau gazier pourrait être dédiée à
l’hydrogène plutôt qu’au méthane, mais cela soulève des questions
technologiques difficiles. C’est une
hypothèse que Gazprom en Russie évoque, sachant toutefois qu’il reste des
questions ouvertes sur la compatibilité des matériaux : on connait le
comportement des réseaux jusqu’à une teneur de 20% d’hydrogène, au-dessus des
démonstrateurs locaux, les opérateurs de transports et de distribution
travaillent de concert au sein du GERG (Groupement européen de la Recherche sur
le Gaz) avec les projets HYReady et ThyGA, mais
leur tenue à 100% reste à valider et sera variable selon les pays et l’âge
des réseaux.
Le développement des hydrogénoducs est assez rapide parce que c’est une
technologie assez simple et que le déploiement d’un gazoduc est généralement perçu positivement par
les populations concernées. Au
Royaume-Uni le remplacement de tout le réseau en acier par des matériaux
composites, en cours depuis quelques années pour des raisons de sécurité est
déjà réalisé à plus de la moitié, et le rend compatible avec l’hydrogène. Du
fait de cette rapidité et de cette relative simplicité, le déploiement des
réseaux d’hydrogène pourrait être assez rapide.
Transport routier, ferroviaire,
naval de l’hydrogène
L’hydrogène peut être transporté vers son point
d’utilisation dans des bouteilles cylindriques en acier réunies en racks sous
une pression de 200 à 250 bars. Un camion semi-remorque de 33 tonnes chargé de
bouteilles cylindriques en acier transporte 300 kg d’hydrogène. Il transporte
au retour 33 tonnes à vide, puisque le poids de l’hydrogène transporté n’est
pas significatif comparé au poids total du camion avec les racks de bouteilles
d’acier vides.
Ce mode de transport est en train d’évoluer grâce
au développement des réservoirs d’hydrogène embarqué pour les usages en
mobilité dans les véhicules de tous types. Le groupe Linde a ainsi développé
des remorques groupant 100 éléments de stockage et transportant 1 100 kg
d’hydrogène.
La France dispose avec GTT d’un champion mondial dans le transport de gaz
liquéfié à très basse température. Près d’un méthanier sur deux qui circulent dans le monde ont été
construit sous licence GTT. Il
conviendrait de motiver et de soutenir cette société dans le développement
d’une solution dédiée au transport d’hydrogène liquide.
Stockage solide de l’hydrogène : Il est possible de stocker l’hydrogène à l’état
solide ou liquide. Certains composés absorbent l’hydrogène et peuvent le
restituer. Les hydrures métalliques permettent une densité volumique de
stockage supérieure à celle de l’hydrogène liquide. L’absorption de l’hydrogène
est réalisée à une pression de quelques dizaines de bars. « La réaction de
désorption est endothermique et auto limitante : en cas de fuite accidentelle,
la température du réservoir chute rapidement jusqu’à la température
d’équilibre, interrompant le dégagement d’hydrogène. »
Stockage liquide de l’hydrogène : Une autre voie développée au Japon utilise la voie du cycle
réversible de la réaction d’hydrogénation du toluène en méthylcyclohexane :
c’est-à-dire transport de ce liquide bon marché, puis déshydrogénation en
présence d’un catalyseur pour relâcher de l’hydrogène. Cette solution restera toutefois réservée à
des transactions entre professionnels en raison de la très grande toxicité du
toluène et du méthylcyclohexane pour la vie aquatique. AREVA et la société allemande Hydrogenious
travaillent séparément sur l’hydrogénation et la déshydrogénation d’une huile
(dibenzotoluène).
Stockage souterrain : Une des études pionnières sur ce sujet,
menée aux États-Unis par le Gaz Technology Institute20, avait conclu que les
cavités salines étaient le mode de stockage le plus approprié en comparaison
des autres réservoirs géologiques (aquifères et gisements d’hydrocarbures
épuisés) et que de grandes quantités de gaz pouvaient en toute sécurité être
stockées en raison des volumes disponibles et des pressions de stockage
élevées. La possibilité de manipuler des grands débits avec des cycles
d’injection/soutirage rapides font des cavités salines l’option la plus
satisfaisante.
De l’hydrogène est stocké dans plusieurs cavités à Teesside (Royaume-Uni)
depuis 1972, dans des cavités près de la côte du golfe du Texas depuis 1983,
ainsi qu’en Allemagne. Ces expériences in situ attestent de la faisabilité du
stockage de l’hydrogène en cavités salines sur de longues périodes de temps et sans la survenue d’événements
accidentels.
Le projet européen HyUnder, « Évaluation du
potentiel, des acteurs, et d’un modèle économique pour le stockage massif
d’hydrogène en Europe », auquel ont participé l’Allemagne, les Pays-Bas,
l’Espagne, la France, la Roumanie et le Royaume-Uni a présenté un rapport en
2014. Il conclut à la faisabilité de la solution du stockage d’hydrogène en
cavité saline quand la géologie s’y prête et indique un ordre de grandeur de
prix de 40-60 €/m3 pour une cavité de plus de 500 000 m3 soit environ 0,5 €/kg
Il faut cependant noter que le stockage souterrain
de l’hydrogène se distingue des autres stockages souterrains de gaz par un
certain nombre de points : 1) l’hydrogène présente une grande mobilité qui
induit une possibilité plus importante de fuite, que ce soit à travers le sel,
les équipements et la tête de puits ; 2) du fait de sa réactivité chimique,
l’hydrogène peut se recombiner avec beaucoup d’éléments dans le sous-sol et ne
pas rester disponible sous forme gazeuse dans le stockage ; 3) la réaction
chimique ou biochimique potentielle de l’hydrogène avec les équipements des
puits peut entraîner leur fragilisation ; 4) dans certaines conditions dans les
aquifères, l’hydrogène peut entraîner des réactions microbiennes conduisant à
une modification de la composition du gaz stocké ;5) le risque d’explosion ou d’inflammation peut
être supérieur à celui du gaz naturel ; l’endommagement des parois de la cavité
peut être amplifié par l’augmentation de la fréquence des cycles de pression.
6) Ces risques ne remettent pas en question la faisabilité du stockage
souterrain de l’hydrogène puisque les sites opérationnels existants depuis
trente ans n’ont pas connu d’accident majeur.
Cependant, une des conditions indispensables du
développement et de l’acceptabilité du stockage souterrain de l’hydrogène, dans
un contexte sociétal peu propice aux usages du sous-sol, est l’identification
le plus en amont possible et l’évaluation de ces risques permettant des mesures
de réduction ou de maîtrise appropriées pour rendre ces risques acceptables
(notamment des mesures d’auscultation).
Un autre enjeu du stockage souterrain de l’hydrogène est qu’il n’existe pas
à ce jour, sur le plan de la sécurité et de l’environnement, de cadre
législatif et réglementaire spécifique à ce type d’activité, en particulier celui propre à la
réalisation d’essais visant à vérifier l’intégrité des ouvrages et des
installations associées
Utilisations de l’hydrogène
Généralités
Les usages potentiels de l’hydrogène énergie sont multiples ; à titre
d’exemples : 1) utilisation directe en
injection dans les réseaux de gaz ; 2) conversion de l’hydrogène en méthane de
synthèse en le combinant avec du CO2 ; 3) utilisation d’hydrogène dans des
installations de biogaz pour en améliorer le rendement) ou en e-fuels (kérosène,
etc.) ; 4) utilisation pour les mobilités dans des véhicules : l’hydrogène est
converti en électricité via des piles à combustible (PAC). Ces applications
peuvent concerner les transports terrestres lourds, les transports fluviaux ou
maritimes, les transports légers Longue distance, etc. La production
d’électricité dans les piles à combustible ne génère que de l’eau, et donc ni
gaz nocif ni particules fines . 5) stockage d’électricité renouvelable
intermittente et transformation en électricité dans des PAC stationnaires, pour
l’alimentation de bâtiments ou quartiers, ou pour alimenter le réseau de
transport d’électricité (Power-to-Power).
Les mobilités :
La mobilité à base
d’hydrogène apporte une autonomie que ne permet pas la mobilité électrique exclusivement
à base de batterie.
Certaines mobilités (bateaux, trains, camions et bus) ne peuvent être
décarbonées par des batteries électriques dont la densité massique et volumique
d’énergie est trop faible.
Il est raisonnable de penser que la
mobilité hydrogène ne se développera dans un premier temps qu’à partir d’un
nombre limité de points de distribution, réservant de fait son usage aux
transports lourds et à des flottes locales. Enfin, la traction ferroviaire
et les navires (sur de courtes distances, mais aussi en stationnaire au port)
pourront recourir à l’hydrogène en substitution des hydrocarbures et notamment
du fioul lourd.
L’Académie recommande que la distribution de l'hydrogène pour les mobilités
fasse l'objet d'une politique nationale à l'instar de l’Allemagne. La priorité va au transport lourd
(camions, bus et cars, ferroviaire, transport fluvial et maritime) et aux flottes locales urbaines et périurbaines.
Il convient de mettre en place une structure de coordination nationale des
acteurs publics et privés de tous les secteurs industriels de l’hydrogène.
L'équipement des grandes capitales régionales au voisinage, notamment des
centres de logistique doit être privilégié. Le réseau se développera
ultérieurement le long des principaux corridors et au fur et à mesure du
développement d’un parc de véhicules à hydrogène. Une attention particulière
doit être portée aux enjeux de sécurité.
Au-delà, on peut penser au transport routier longue distance
pour lequel les batteries ne constituent pas une solution viable. Quelques
points de distribution sur les axes les plus fréquentés pourraient contribuer à
décarboner un secteur qui contribue largement aux émissions de carbone.
Cependant au vu du nombre de
véhicules envisagés, il est clair que les
équipementiers et fournisseurs de systèmes ne pourront se contenter du marché
français, mais devront viser un marché mondial : les politiques de soutien
doivent être conduites avec cette vision. Le benchmark international permet
d’appréhender la variété des approches des différents pays occidentaux et
asiatiques, dont la Corée du Sud qui est particulièrement ambitieuse.
Enfin, les trains (cf. Alstom) voire les bateaux (sur de courtes distances)
pourraient recourir à l’hydrogène sans nécessiter dans un premier temps le
déploiement d’un grand nombre de points de distribution.
Une utilisation astucieuse : le prolongateur
d‘autonomie : Renault produit depuis fin 2019 des véhicules utilitaires légers à
batterie électrique, avec un prolongateur d’autonomie à l’hydrogène, dont le
coeur est une pile à combustible de petite puissance (5 kW, 20 % à 25 % de ce
qui serait nécessaire pour assurer la propulsion normale du véhicule). Le
prolongateur permet de recharger la batterie y compris lorsque le véhicule est
à l’arrêt. Le Kangoo passe d'une autonomie de 230 km dans la version électrique
à batteries à 370 km pour la version hydrogène. Le Master atteint une autonomie
de 350 km contre 120 km sans hydrogène.
Autres
curiosités : Les voitures à hydrogène sont homologuées en France depuis
décembre 2011. Les pompiers du département de la Manche sont dotés de véhicules
à hydrogène pour leurs interventions journalières.
A l’heure actuelle,
personne ne sait comment se fera la distribution entre le marché des véhicules
électriques 100 % batterie et celui des véhicules électriques hybrides
batterie/hydrogène.
Un verrou : la distribution
de l’hydrogène : Le
développement des mobilités hydrogène requiert la distribution du carburant aux
utilisateurs. Les mobilités individuelles demandent un réseau très maillé : il
y a en France environ 11 000 points de distribution de carburants. Même en
acceptant un maillage réduit à 20 km par 20 km, il faudrait 2 500 points de
distribution.
Or, les stations de distribution d’hydrogène nécessitent des
investissements sensiblement supérieurs à un million d’euros, et doivent soit
être alimentés – par camions actuellement, éventuellement par gazoduc à terme
–, soit produire sur place leur hydrogène
par électrolyse (elles sont alors plus chères
d’environ 80%). Au-delà des quelques démonstrateurs existants, de telles
installations ne peuvent être
rentabilisées qu’avec des volumes distribués importants. Le développement d’un
réseau, préalable à la vente des véhicules, ne peut guère se concevoir sans
soutien public.
De façon assez unanime également, les pays passés en revue considèrent que
le meilleur candidat à l’utilisation de l’hydrogène est la mobilité. Ceux qui
ont été les plus dynamiques ont cependant été confrontés au développement des
infrastructures. Tous les pays
convergent vers l’équipement de grands centres régionaux avec une dizaine ou
une quinzaine de stations de distribution d’hydrogène dans chaque centre, mais
certains reportent l’équipement systématique de corridors hydrogène reliant
les centres. Un exemple très cohérent
d’une telle politique est actuellement en oeuvre en Allemagne avec le projet
d’équipement d’une centaine de stations d’approvisionnement de véhicules en
hydrogène. À cette fin, les principaux acteurs du marché allemand (Air Liquide, Daimler, Linde, OMV,
Shell et Total), avec le soutien des constructeurs automobiles (BMW, Honda,
Hyundai, Toyota et Volkswagen) et du gouvernement allemand se sont regroupés en
un consortium unique H2 Mobility. Ils
achèvent l’équipement des principales villes (Hambourg, Berlin, Rhin-Ruhr,
Frankfort, Nuremberg, Stuttgart et Munich) en anticipant la demande ; un
nombre plus limité de stations est installé entre ces sites. L’essentiel de
l’approvisionnement est réalisé par transports routiers avec de l’hydrogène gris.
L’État de Californie soutient un projet similaire le long de la N One, de
Seattle, San Francisco et la Silicon Valley, à Los Angeles, etc. Mais
l’investissement dans les stations intermédiaires est ralenti dans l’attente de
la naissance de la demande. Chine, Japon et Californie ont des objectifs
similaires d’un million de véhicules à hydrogène en 2030 (500 000 pour la
Corée), sans commune mesure avec l’objectif français (quelques dizaines de
milliers). On peut cependant s’interroger sur leur réalisme. La Chine par
exemple a décidé d’arrêter de subventionner au niveau étatique les véhicules à
hydrogène dès 2021
Plusieurs pays (Chine, Norvège, Suisse) ont annoncé des plans ambitieux de transports routiers lourds avec des
véhicules tracteurs à hydrogène et piles à combustible. Quelques grands
constructeurs (Hyundai, Toyota, Cummins) ainsi que des starts up (Nikola) ont
une offre. Il en est de même pour les transports collectifs par bus.
Perspectives, conclusions et
recommandations de l' Académie des Technologies
Perspective : L’Académie des technologies dévoile son
rapport présentant les grands enjeux de l’hydrogène pour la transition
écologique et le développement industriel. Elle émet quatorze recommandations
regroupées en quatre thèmes et définit des priorités aux usages de l’hydrogène
décarboné en prenant en compte les aspects économiques souvent négligés. Elle
préconise le développement d’une industrie française et européenne couvrant
toute la chaîne de la production à l’utilisation de l’hydrogène en visant les
marchés mondiaux. Enfin elle recommande l’accroissement de l’effort de
Recherche et Développement.
Le secteur de l’hydrogène emploie aujourd’hui près de 2 000 personnes en France.
Selon l’étude McKinsey, sur le développement de l’hydrogène pour l’économie
française, les perspectives pour le développement de la filière hydrogène en
France sont les suivantes. Environ 8,5 Md€ de chiffre d’affaires annuel en 2030
et 40 Md€ en 2050 – Un potentiel à l’export de 6,5 Md€ d’ici 2030 – Plus de 40
000 emplois dans le secteur en 2030 et plus de 150 000 emplois en 2050 – 10 à
12 Mt CO2 en moins en 2030 et 55 Mt en 2050.
Les principales
recommandations sont les suivantes .
- Privilégier et promouvoir les applications de l’hydrogène en considérant
le coût de la tonne de carbone évitée
- Assurer
prioritairement une production décentralisée d’hydrogène par électrolyse pour
les usages industriels diffus en substitution des productions centralisées
et émettrices de CO2.
- Développer l’usage de l’hydrogène pour les transports lourds et les
flottes locales urbaines et périurbaines en équipant les grandes capitales
régionales, tout en veillant aux enjeux de sécurité.
- Encourager l’injection d’hydrogène décarboné dans les réseaux de gaz
pour soutenir la demande et bénéficier ainsi d’économies d’échelle dans la
production.
- Développer des démonstrateurs industriels de systèmes de stockage et de
distribution 100 % hydrogène notamment pour l’approvisionnement énergétique
des zones non interconnectées (ZNI).
- Assurer la cohérence des opérations de
démonstration initiées par les territoires.
- Développer des outils d’analyse système et des scénarios d'ensemble,
couplant notamment le secteur électrique et le secteur gazier.
- Sécuriser l’utilisation de l’hydrogène en poursuivant les travaux
normatifs et réglementaires au niveau européen.
- Mettre en place à l’échelle
européenne une certification d’origine de l’hydrogène exclusivement fondée sur
les émissions de CO2 lors de sa production (ce qui n’est pas le cas
actuellement).
- Promouvoir une industrie française et européenne de la chaîne de
l’hydrogène. Promouvoir de façon volontariste une filière industrielle
française et européenne Électrolyseur/Pile à combustible à partir de
l’écosystème déjà dynamique et soutenir
les entreprises de toute la filière par l’amplification de prises de
participation, soutiens en fonds propres, aides remboursables, aides à la
trésorerie.
- Ne pas négliger la
production par voie reformage/CCUS en associant les acteurs français
d’envergure internationale.
- Valoriser les opérations de
démonstration en veillant à ce qu’elles n’aient pas comme principale
conséquence l'importation d'équipements produits en Asie ou en Amérique du
Nord.
Qqs mesures plus spécifiques :
Mesure 13 : développement au travers du Programme d’investissement d’avenir
de véhicules français lourds/de grande autonomie à hydrogène et des composants
associés et de systèmes de production et de stockage de l’hydrogène ;
Mesure 14 : programme de recherche via l’Agence nationale de la recherche
pour s’attaquer aux ruptures technologiques ;
Mesure 15 : offre de formation spécifique ;
Mesure 16 : création d’un centre international de
qualification/certification de composants H2 haute pression ;
Mesure 17 : définir la place de l’hydrogène dans le rail pour verdir le
ferroviaire ;
Mesure 18 : engagements réciproques entreprises-pouvoirs publics pour
l’élaboration des engagements pour la croissance verte grâce aux comités
stratégiques de filière.
Préparer l’avenir par un effort français et européen accru de R&D. Amplifier
la recherche et développement, particulièrement sur les technologies à maturité
intermédiaire, en soutien au lancement de la filière et à l’émergence de
groupes industriels à ambition mondiale.
Stratégie industrielle : Quelques champions
français de l’hydrogène
Stratégie : Moins financer les intégrateurs, mieux financer
des acteurs qui inventent et fabriquent des composants essentiels
Les dispositifs de soutien financier sont orientés vers les acteurs
industriels qui émettent des gaz à effet de serre dans le domaine industriel
(cimenterie notamment), le domaine du transport et le domaine de l’électricité.
C’est une politique orientée vers les
intégrateurs (souvent au comportement d’acheteurs) sur le territoire de la
France.
L’expérience industrielle de notre pays a permis de constater que les
politiques de ce type risquaient d’induire le développement des importations en
ne conservant sur notre territoire que le montage des équipements et une part
de la gestion. La recherche nationale se trouve alors peu exploitée.
L’Académie souhaite que la France fasse
porter ses efforts sur les acteurs industriels qui produisent et fabriquent des
composants essentiels (électrolyseurs …) ou élémentaires à valeur ajoutée ou
stratégique (membrane, catalyseur…), c’est-à-dire des constructeurs ou encore
fabricants des composants de la chaîne de valeur de l’hydrogène, avec pour objectif de développer leurs
activités sur le marché mondial. L’Académie souhaite que ces constructeurs
et fabricants soient favorisés et pas seulement les intégrateurs, souvent des
grands groupes qui lors des opérations de démonstration ou de pré-déploiement
intègrent les sous-traitants les moins-disant (politique d’achat), ou s’associent
avec des partenaires dans le cadre de consortiums au détriment de fournisseurs
ou partenaires français ou européens.
Dans cette approche, il n’est pas obligatoire de développer l’ensemble de
la chaîne industrielle. Il peut être
préférable de choisir certains composants essentiels ou éléments de cette
chaine de valeur pour lesquels la France peut générer un avantage compétitif
sur le marché mondial. Une possibilité est de sélectionner les technologies
pour lesquels des acteurs industriels français disposent d’atouts et de
soutenir leur développement quel que soit le niveau d’avancement de la
technologie en mettant les moyens pour accélérer les processus de mise en
service industriel.
Quelques champions français
. Les électrolyseurs (L’électrolyseur est au cœur de
la chaine de valeur. Deux fabricants français sont présents sur le marché :
McPhy (dont EDF vient de prendre 21 % du
capital) avec une gamme d’électrolyseurs alcalins de 4, 20, 100 MW et au-delà
(fabrication en Allemagne pour les grandes puissances). Mc Phy a opté pour une
technologie mature mais dont la réalisation pour les fortes puissances reste un
défi.
Areva H2Gen (actionnaires : AREVA SE, Ademe, Smart
Energies, - de 20 salariés) propose des électrolyseurs de type PEM.
En Europe, le norvégien NEL Hydrogen
Electrolyser, une division de NEL ASA, est
no1 mondial. Sont également présents le britannique ITM POWER, les allemands Thyssenkrupp
et Siemens et Hydrogenics, société canadienne dans laquelle Air Liquide vient de
prendre une participation de 18,6 % et, plus récemment Cummins qui en a pris la majorité aux côtés d’actionnaires chinois.
Sylfen (spin off du CEA) prépare l’avènement des
électrolyseurs Haute température (850°C) qui permettent d’accroître le
rendement et peuvent être employés de façon réversible en pile à combustible.
Ergosup développe une technologie d’électrolyseurs
à haute pression avec électrochimie du zinc..
Applications stationnaires
(piles à combustibles...) Pour les applications stationnaires, le marché est dominé, notamment, par
les japonais Panasonic, Toshiba...
Hydrogène de France (HdF) :
Hydrogène de France a signé le 9 Décembre 2019
un accord avec le canadien Ballard Power Systems (actionnaire chinois), basé à
Vancouver et producteur de PAC depuis 40 ans (pour un un transfert de
technologie – en l’occurrence sous solution PEM* –Concrètement, l’opération
pourrait donner naissance à une usine opérationnelle en 2022 avec 50 MW de
capacité de production espérée en 2025 et une centaine d’employés. Un projet à
15 M€, où l’achat des coeurs de pile Ballard pèse lourd. Par ailleurs
l’ambition est de faire du co-développement avec Ballard.
AREVA SE (Helion) : Depuis juillet 2019, AREVA SE opère sous
le nom de marque Helion Hydrogen Power, afin de capitaliser (30 brevets) sur «
vingt ans d’expérience et un savoir-faire reconnu dans le domaine de
l’hydrogène et de la pile à combustible ».
Applications mobilité
(piles, réservoir...)
Michelin et Faurecia (contrôlé par PSA) ont formé Symbio une coentreprise dédiée
à la fabrication de modules hydrogène à intégrer dans des véhicules de
différentes puissances. Symbio fournit déjà les piles à combustible des Kangoo
ZE et des Renault Master. L’investissement prévu est de 140 millions Euros et
l’objectif de chiffre d’affaire de 1,5 milliards en 2030. La société a 200
salariés
Safra est une société albigeoise qui conçoit et
construit des bus avec toutes sortes de motorisations notamment électriques et
en particulier hydrogène avec une pile à combustible Symbio). Avec son modèle
de bus à hydrogène BUSINOVA, Safra a gagné plusieurs appels d’offres (Syndicat
de transport Artois-Gohelle, Versailles, Le Mans, aéroport de Toulouse,
Auxerre).
Plastic Omnium (PO) a acquis une expertise dans le domaine
des réservoirs sous pression et
notamment des réservoirs 700 bars, en prenant le contrôle d’Optimum CPV en
Allemagne, et en gestion et contrôle de l’énergie dans les systèmes embarqués
par l’acquisition de Swiss
Hydrogen. En 2016, PO a créé une coentreprise avec
la société israélienne Celltech. PO a déjà reçu des commandes pour des
réservoirs 300 bars pour des bus et a obtenu la certification de ses réservoirs
700 bars.
Mahytec propose des solutions de stockage
d’hydrogène comprimé et solide ainsi que des packs intégrés
électrolyseur,réservoir et pile à combustible.
Stelia Aerospace Composites a homologué une nouvelle génération de réservoirs
très haute pression en fibre de carbone. De plus, Stelia a conclu un accord
exclusif avec Faurecia pour mettre a sa disposition sa propriété intellectuelle
et son savoir-faire dans le domaine des réservoirs d’hydrogène en matériaux
composites.
Atawey est une start-up française qui propose
des stations services intégrées pour la
mobilité hydrogène.
Proviridis met en place des infrastructures
innovantes de distribution de carburants et énergies propres permettant de
répondre à la fois aux enjeux environnementaux et aux contraintes économiques
des consommateurs : GNV, Biométhane, hydrogène et électricité.
Aaqius développe un concept de recharge pour
mobilité légère à l’aide de « canettes » type canette de soda.
Alcrys spécialiste français de la haute
pression, Alcrys® réinvente la régulation des gaz avec une technologie
exclusive : Alcrysafe®. Alcrysafe est une technologie qui permet de composer
des équipements haute pression à la manière de Lego, en assemblant des corps
cubiques et des cartouches fonctionnelles
Ad-Venta est une jeune société française innovante
spécialisée dans la mise en œuvre des gaz sous pression et tout
particulièrement l’hydrogène. Ad-Venta bénéficie de compétences basées sur plus
de 40 années d’expérience et fournit à ses clients des solutions clés en main
dans les domaines suivants : régulateurs de pression et détendeurs de petite
taille, à coûts contraints, sûrs, simples et fiables, dispositifs fluidiques
intégrés, Intégration mécanique de fonctions fluidiques.
L’écosystème français décrit ci-dessus même s’il n’est pas exhaustif est
considéré comme dynamique ; néanmoins ce sont de très petites sociétés qui,
pour se développer ont besoin d’assurer leur propre prospection commerciale au
plan mondial (cout élevé) mais aussi l’appui et la crédibilité d’acteurs plus
puissant (adossement à des ETI ou groupes). Cet écosystème a aussi besoin
d’appels d’offres ciblés en France et en Europe pour les aider à grandir.
Intégrateurs : les intégrateurs. De grands groupes ont
annoncé un intérêt et présenté une stratégie pour l’hydrogène, mais qui tarde à
se concrétiser par des réalisations concrètes car comme montré au chapitre 5
l’économie de l’hydrogène reste en grande partie à inventer.
Air Liquide (AL) qui dispose
d’une expertise exceptionnelle sur l’ensemble de la chaine de l’hydrogène :
approvisionnement,
production, distribution, compression, transport. Que l’hydrogène soit fabriqué
par vaporeformage, soit vert ou bleu avec réinjection du CO2 émis, n’est pas la
préoccupation centrale pour Air Liquide qui est d’abord le spécialiste mondial
de cette molécule.
AL est initiateur de quatre consortiums (Allemagne, Japon, Corée du sud,
France) visant à déployer l’infrastructure de recharge hydrogène pour la
mobilité. Par ailleurs, AL conduit des projets en Europe (600 taxis hydrogène à
Paris, capture de CO2, production d’acier bas carbone en remplaçant en partie
le charbon par de l’hydrogène, garanties d’origine de l’hydrogène bas
carbone…), en Amérique du Nord (en Californie station de 30 t/jour pour
alimenter 35 000 véhicules, au Canada construction du plus grand électrolyseur
PEM au monde de 20 MW…) et en Asie (stations-service en Chine…)
EDF a publié chez Lavoisier un livre sur l’hydrogène
décarboné et a pris une participation de 21 % dans le capital de McPhy. Elle a
créé une filiale Hynamics pour produire et commercialiser de l’hydrogène bas
carbone pour l’industrie chimique, verre, agro-alimentaire, transformation des
métaux...), les raffineries mais aussi le marché de la mobilité en accompagnant
les collectivités territoriales. Les pays visés sont la France, l’Allemagne,
les États-Unis, la Chine et les Emirats.
EDF a été retenu pour l’appel à projet mobilité et industrie sur deux
projets. On évoque l’installation d’électrolyseurs près de la centrale
nucléaire de Penly en Normandie. L’idée
souvent présentée par les politiques de l’usage des excès temporaires
d’électricité verte pour faire fonctionner des électrolyseurs n’est pas
retenue, semble-t-il, par EDF faute de rentabilité raisonnable.
Engie a fait le pari de l’hydrogène pour sa
production, commercialisation et sa distribution. Engie via notamment sa filiale Gnvert développe de nouvelles
stations de ravitaillement en H2 et totalise 18 stations en exploitation en
France à fin 2019. Enfin le projet HyGreen en association avec Air Liquide,
dans la vallée de la Durance a pour ambition d’associer 900 MW de PV avec une
capacité de 435 MW d’électrolyse et de stockage de l’hydrogène dans les cavités
salines de Manosque. Dans le domaine industriel, Engie associé avec Yara et
Enaex ont le projet d’introduire de l’hydrogène renouvelable dans la production
de NH3. Engie investit aussi dans des start-ups liées à l’H2 comme récemment
dans H2SITE 63 qui fabrique des membranes pour la purification de l’H2
Le projet GRHYD (Gestion des réseaux par l’injection d’hydrogène pour
décarboner le gaz) est développé près de Dunkerque, pour tester le mélange gaz
naturel-hydrogène dans le réseau de distribution, ce mélange a aussi été testé
comme carburant dans les bus. Jupiter 1000, projet de Power to Gas, mené par
GRTgaz, est installé à Fos sur mer avec deux électrolyseurs de 500 kW chacun,
PEM pour l’un, alcalin pour l’autre (200 m3/heure). ENGIE a aussi plusieurs
projets mixtes de biogaz 1er génération etTotal s’intéresse à la
production d’hydrogène par vaporeformage et stockage du CO2 produit. Cette solution est envisagée en Ecosse,
à Dunkerque, en Norvège avec des partenaires industriels. Total est aussi actif
dans les stations H2 en Allemagne, au Benelux et bientôt en France. La feuille
de route de TOTAL est en cours de redéfinition.
Les grands intégrateurs sont
présents notamment par les commandes qu’ils passent et les opérations,
certaines de taille significative qu’ils engagent ou annoncent. Ont-ils le rôle
d’entrainement de l’industrie française/européenne que l’on pourrait attendre
d’eux ?
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