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samedi 22 mai 2021

La Cour des comptes allemande et l’Energiewende. Quand l’Allemagne met en péril elle-même et l’Europe

Article de Die Welt, 31/03/2021

https://www.welt.de/wirtschaft/article229449033/Energieversorgung-Bundesrechnungshof-warnt-vor-Stromluecke.html?mc_cid=64a4535f40&mc_eid=0c2b52148d

Commenté par Tristan Kamin, Gérard Grundblatt et Michel Gay

https://twitter.com/TristanKamin/status/1393892381230043138?s=20

https://twitter.com/grunblatt/status/1377592501872234500

https://www.contrepoints.org/2021/05/16/397534-transition-energetique-lallemagne-sinquiete-enfin

Les coûts sont hors de contrôle - et il existe  un risque sérieux de pénurie d'électricité !

Désormais, l’Energiewende  met  l'Allemagne en danger ! Le gouvernement fédéral accepte des prix de l'électricité trop élevés et des risques de  ruptures d'approvisionnement afin de poursuivre sa transition énergétique. 

Aujourd’hui, la Cour Fédérale des Comptes lance un avertissement : si les choses continuent ainsi, l'Allemagne et son économie  seront en danger ! Les coûts sont hors de contrôle - et il existe  un risque de pénurie d'électricité.

La Cour fédérale des Comptes a accusé le ministère fédéral de l'Économie de  « défaut de maîtrise de l’Energiewende et de mauvaise gestion ». Ces critiques figuraient déjà dans un précédent rapport, il y a trois ans, et les auditeurs, non seulement les renouvellent, mais ont ajouté une analyse explosive de la sécurité d'approvisionnement.

"Depuis notre dernier examen en 2018, trop peu a été fait pour maitriser et réussir la transition énergétique", a déclaré le président de la Cour, Kay Scheller, lors de la présentation du deuxième rapport spécial: « Cela fait  réfléchir ».

Dans le rapport précédent, l'accent était principalement mis sur la maîtrise des coûts de l’Energiewende, désormais, les auditeurs analysent aussi la sécurité de l'approvisionnement en électricité de l'Allemagne, et le résultat est alarmant !

Selon leurs conclusions, le gouvernement fédéral ne considère pas  «les dangers réels et émergents pour la sécurité d'approvisionnement» et le suivi de la transition énergétique est "incomplet".

Si l’on continue à suivre la tendance actuelle, le prix de l’électricité continuera à augmenter. La Cour des Comptes fédérale mentionne une étude selon laquelle l’Energiewende nécessitera 525 milliards d'euros supplémentaires entre 2020 et 2025 pour assurer l’approvisionnement en  électricité, extension du réseau compris. Or, les prix de l'électricité pour les ménages privés sont déjà 43 pour cent au-dessus de la moyenne européenne.

Commentaire : l’article n’est pas très clair :  prévisions 500 milliards de plus probablement sur toute la note, déjà estimée entre 1000 et 1500 milliards d’euros sur toute la période 2000-2050

 


La Cour fédérale des Comptes prévient que » la transition énergétique sous cette forme met en danger la compétitivité économique de  l'Allemagne  et sa place internationale, et menace la solidité financière des entreprises consommatrices d'électricité et des ménages privés", a averti Kay Scheller lors de la présentation du rapport spécial: "Cela peut à terme compromettre l’ acceptation sociale de la transition énergétique. "

 

Population, demande d’électricité, réserves, météo : rien ne va : « les hypothèses essentielles sur lesquelles se fonde l'évaluation actuelle de la sécurité d'approvisionnement sur le marché de l' électricité sont irréalistes ou dépassées»

 

Le caractère explosif du rapport est encore amplifié  par le fait que les auditeurs ont soumis leurs critiques au ministère fédéral responsable de l'économie . Les réponses, explications et justifications de la maison dirigée par le ministre CDU Peter Altmaier ont été intégrées dans le rapport de l'auditeur – et le moins qu’on puisse dire est qu’elles ne sont pas faites pour rassurer les examinateurs et atténuer leurs conclusions..

 

Plus précisément, les auditeurs accusent le gouvernement fédéral de ne pas avoir correctement pris en compte les conséquences de l'élimination progressive du charbon. Au début de cette année, onze centrales au charbon ont été fermées. Dans l’ensemble, l’élimination progressive au titre de la «Loi de fin de l’électricité au charbon» est désormais mise en œuvre plus rapidement que prévu dans les rapports sur la sécurité de l’approvisionnement.

 

Le ministère fédéral de l'Économie s'est prononcé pour la dernière fois sur la sécurité d'approvisionnement en 2019, c'est-à-dire avant la décision d'éliminer progressivement le charbon. Dans ce document, l'élimination progressive du charbon a été « indirectement examinée » - et jugée « inoffensive » explique le ministère.

 

Commentaire : ben tiens, quand on voit ce que représentait le charbon en Allemagne ? Il ya qu’à croire. Pour l’instant, les Allemands ont quasiment doublonné leur parc. Les vrais problèmes commenceront avec l’élimination des fossiles et du nucléaire capables d’assurer une production de base et leur remplacement par les énergies intermittentes….


En examinant ces déclarations, le Cour des Comptes fédérales a au contraire relevé  des incohérences. La comparaison avec le calendrier légal de démantèlement des centrales électriques au charbon montre plutôt que l'étude suppose une production sécurisée plus élevée à partir de 2022 que ce à quoi on peutt réellement s'attendre après l' élimination du charbon. Il existe entre les deux  un «écart de planification» de 4,5 gigawatts, ce qui correspond à la capacité de quatre grandes centrales électriques conventionnelles. 

 

Mais selon le ministère des Affaires économiques, il existe une «probabilité d'équilibrage du réseau» de près de 100 pour cent malgré l'élimination progressive du charbon. La probabilité que la demande d'électricité puisse toujours être couverte par l'approvisionnement en électricité serait exactement de 99,94%. Cela est mis en doute par les examinateurs. Le calcul de la probabilité d'équilibrage du réseau par le rapport du gouvernement «est basé sur des hypothèses qui semblent parfois irréalistes ou qui sont dépassées par les développements politiques et économiques actuels».

Et les auditeurs précisent :  Il n'est «pas réaliste de supposer que les objectifs d'expansion des énergies renouvelables seront atteints dans les conditions d'acceptation actuellement difficiles, notamment pour les projets éoliens».

 

Il est également risqué que le gouvernement fédéral se contente de baser  ses prévisions d' énergie éolienne et solaire sur  « l’historique  des conditions météorologiques  des années 2009 à 2013». Il n'est "pas approprié que cette simulation ne prennent pas en compte  une année avec des rendements énergétiques faibles du vent et du soleil ", critiquent les auditeurs de la Cour Fédérale.

 

Les auditeurs doutent également que le besoin de centrales de réserve ait été correctement déterminé. Par exemple, le gouvernement fédéral avait prévu le 1er octobre 2020  de créer une «réserve de capacité» de  2 gigawatts pour sécuriser le marché de l'électricité. Cependant, avec la bénédiction de l'Agence fédérale des réseaux, les gestionnaires de réseau de transport n'ont acquis que la moitié de cette réserve de centrale électrique. Le Contrôle fédéral des finances "doute que le ministère fédéral de l'Économie ait rempli son obligation légale de vérifier la taille de la réserve de capacité".

 

En cas de panne d'électricité, il est déjà prévu que les entreprises industrielles arrêtent volontairement leur production temporairement - en échange d'une compensation. Le ministère des Affaires économiques suppose un potentiel de 16 gigawatts, qui sera pleinement développé d'ici 2030. Or, constate la Cour des Comptes, une étude de l'Agence fédérale de l'environnement ne propose qu'un potentiel de six gigawatts? Apparemment, il n'y a pas de consensus au sein du gouvernement fédéral sur la mesure dans laquelle le «délestage» volontaire peut aider à stabiliser le réseau électrique.

 

On peut également se demander pourquoi le gouvernement fédéral pense disposer de plus de 4,5 gigawatts de «systèmes électriques de secours» pour remédier aux perturbations du bilan électrique. Dans ce que l'on appelle le registre des données de base du marché, seulement 9,4 mégawatts d'alimentation de secours avec sont actuellement enregistrés, ce qui ne correspond qu'à 0,2% du potentiel estimé par le gouvernement fédéral. Les examinateurs s'étonnent de cette légère discordance !

 

Les inspecteurs de Bonn mettent aussi gravement en cause  d'autres hypothèses formulées par le gouvernement fédéral  qui semblent ne pas (ou plus) plus correspondre à la réalité. En prédisant la demande d'énergie, le gouvernement fédéral  sa base sur une population tombée sous les 75 millions d'habitants en 2050. En revanche, l'Office fédéral de la statistique prévoit, "dans les trois variantes les plus importantes examinées avec une probabilité élevée » un nombre d’habitants  entre  77,6 à 83,6 millions de personnes en 2050".

 

Les hypothèses du ministère des Affaires économiques concernant la sécurité d'approvisionnement en électricité sont "en partie trop optimistes et en partie invraisemblables", critiquent les auditeurs. Le ministère n'a pas non plus enquêté sur un scénario dans lequel plusieurs facteurs prévisibles coïncident qui pourraient compromettre la sécurité de l'approvisionnement.

 

Ainsi, il se peut que l'expansion du réseau soit retardée et que la capacité de transmission transfrontalière soit en même temps limitée. Le ministère fédéral de l'Économie soutient qu '«un empilement de divers scénarios désavantageux n'a pas de sens selon la discussion technique actuelle». Cependant, les examinateurs ont trouvé cette objection «non convaincante».

 

Commentaire : ben, le retard en ce qui concerne le réseau, c’est sûr !

D'autres incertitudes découlent de la demande croissante d'électricité pour l'électrification des transports et pour la production de l' hydrogène porteur d' énergie dans les usines d'électrolyse. Les auditeurs ne partagent donc pas l'hypothèse du gouvernement fédéral selon laquelle la demande d'électricité restera plus ou moins stable jusqu'en 2030.

 

Le ministère fédéral de l'Économie a rejeté cette critique: l'Allemagne dispose d'un système cohérent d'évaluation de la sécurité d'approvisionnement. La production d'hydrogène ne représente pas non plus une charge sur le réseau, car les systèmes d'électrolyse peuvent être contrôlés de manière "conviviale pour le réseau".

 

Cependant, le ministère dans son ensemble ne parvient pas à convaincre les auditeurs: «La Cour des Comptes fédérales des finances soutient que les hypothèses essentielles sur lesquelles se fonde l'évaluation actuelle de la sécurité d'approvisionnement sur le marché de l' électricité sont irréalistes ou dépassées», indique la conclusion du rapport spécial.

 

Quelques réactions en France et en Allemagne

 

Commentaires : Quelques, parce que, ce qui est décevant, c’est que sur des critiques aussi profondes et aussi fondamentales d’une politique qui menace gravement la stabilité et la prospérité en Allemagne, mais pas seulement, dans toute l’Europe à vrai dire…eh ben, c’est surtout un silence assourdissant qui semble de règle, dans la presse et chez les responsables politiques, on n’entend que le silence


Gérard Grunblatt

  https://twitter.com/grunblatt/status/1377592501872234500

Les allemands commencent à ouvrir les yeux : La Cour fédérale des Comptes allemande alerte sur la sécurité d'approvisionnement en électricité. la CdCf avait rendu il y a trois ans un rapport très critique sur l'Energiewende dont elle jugeait que les coûts étaient hors de contrôle.

Elle réitère sa critique mais en l'assortissant d'une analyse sur la sécurité d'approvisionnement en électricité. Il est  intéressant qu'elle aborde les questions techniques et challenge le BMWi sur un mode plutôt alarmiste.

Les points soulevées sont exactement les mêmes qu'en France : quelle demande future, quelle flexibilité pour faire face à l'intermittence des ENR, quelle acceptabilité des ENR, du réseau, des prix élevés de l'électricité, ...

Tristan Kamin  

https://twitter.com/TristanKamin/status/1393892381230043138?s=20

« Je ne saurais pas identifier l'information la plus importante dans cet article qui présente le bilan fait par l'équivalent fédéral allemand de la Cour des comptes, au sujet du volet électrique de la transition énergétique.

Est-ce le fait que, depuis l'étude précédente, en 2018, il n'y a eu guère d'efforts faits pour enrayer la perte de contrôle des coûts de l'électricité ? 31 centimes par kWh pour les foyers, le Danemark détrôné.

Ou l'indication, nouvelle, qu'il y a un risque bien réel pour la sécurité d'approvisionnement en électricité du pays ?

Il est mentionné qu'en début d'année, 11 centrales à charbon ont été fermées. C'est bien, c'est une bonne chose, à tous égards. Et donc de l'avance est prise sur le plan de sortie du charbon.

En revanche, cette avance est acquise au prix d'hypothèses qui semblent parfois irréalistes ou qui sont dépassées par les développements politiques et économiques actuels.

Y compris sur le développement de l'éolien, dont l'atteinte des objectifs n'est pas une hypothèse jugée réaliste. Ou sur le solaire, dont les prévisions de production excluent à ce jour la possibilité d'une mauvaise année, excessivement peu ensoleillée.

Même les hypothèses de population divergent entre le gouvernement fédéral qui table sur 75 millions d'habitants en 2050 contre 78 à 84 pour l'Office fédéral de la statistique. »

Michel Gay

https://www.contrepoints.org/2021/05/16/397534-transition-energetique-lallemagne-sinquiete-enfin

« Transition énergétique : l’Allemagne s’inquiète (enfin !)… » Et le rapport conclut sévèrement : « que des hypothèses essentielles sur lesquelles repose l’évaluation actuelle de la sécurité d’approvisionnement du marché de l’électricité sont irréalistes ou dépassées ».

En France, les travaux « ambitieux » de l’ADEME prévoyant 100% d’énergies renouvelables en 2050 en France sont également totalement irréalistes et les Français devraient aussi s’inquiéter !

Réactions Allemandes  : commentaires sur le site de Die Welt : « Le pouvoir de la presse réside également dans le fait de ne pas rendre compte de certaines choses. Il n'y a donc pas de problème. »

 

La tonalité des commentaires ( >600, plutôt favorables, montre cependant que ceux qui ont réagi connaissaient déjà l »ampleur du désastre. Visiblement les autres, tous les autres , y compris les responsables politiques ont choisi d’ignorer l’avertissement pourtant sérieux de la Cour fédérale des Comptes


« Dans cette situation, il est totalement irresponsable de fermer d'autres centrales électriques. En particulier, les 6 centrales nucléaires encore en fonctionnement doivent continuer à fonctionner, d'autant qu'elles n'émettent pas de CO2 en cours de fonctionnement. »

 

« Personne ne devrait dire pendant ou après la première coupure de courant qu'il ne pouvait pas s'en douter. Je me demande quand M. Scheller, en tant que Président de la Cour des Comptes fédérales , prendra sa retraite anticipée. De nombreuses personnes voudront faire pression pour son remplacement. Mais j'espère qu'il y aura des voix plus critiques et qu'elles seront entendues. »

 

« Quel parti choisir pour les prochaines élections ? Malheureusement, cela se résume au fait que l'Allemagne doit d'abord avoir un très gros black-out avant que les politiciens et la majorité de la population ne se réveillent. »

 

« Sauf dans le Handelsblatt, aucun article à ce sujet dans les autres médias. Le pouvoir de la presse réside également dans le fait de ne pas rendre compte de certaines choses. Il n'y a donc pas de problème. »

 

« Le Contrôle fédéral des finances se verra certainement confier de nouvelles tâches après la prise du pouvoir par les Verts. Par exemple, ils peuvent calculer à quelle fréquence le mauvais sexe a été utilisé ou combien de groupes marginalisés sont offensés »

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