Nicolas Hulot : L’ignorance de celui qui ne veut pas savoir
« Concernant la réduction de la part du nucléaire dans le mix électrique et sa limitation à 50 %, j’ai été obligé de prendre une décision, difficile pour moi, mais rationnelle. Si nous n’avions pas repoussé l’échéance, nous aurions dû imposer des mesures brutales dont nous n’aurions pas forcément maîtrisé les conséquences. »
« Je
ne suis pas resté en poste très longtemps, mais jusqu’à la fin, il m’a manqué
beaucoup d’éléments pour appréhender la situation de manière globale. Combien
coûte le démantèlement ? Quelle prolongation d’exploitation serait
envisageable, pour quels réacteurs, quelles centrales ? Les données, lorsque
j’en avais, n’étaient pas toujours concordantes. Dans ces conditions, il était
difficile de prendre des décisions »
« Pourquoi
Fessenheim était-elle en tête de liste ?... Nous avions également
découvert des problèmes de corrosion – d’autres centrales étaient touchées.
Par ailleurs, nous subissions une pression de la part de nos voisins européens
concernant Fessenheim. Il s’agissait de notre plus vieille centrale et elle
était à proximité de deux frontières. Nous devions en tenir compte.
NB :
les problèmes de corrosion sur Fessenheim, c’est faux !
Le classement vertical des rapports qui vont
pas dans le sens du ministre !
M.
le président Raphaël Schellenberger. Monsieur
le ministre d’État, vous avez plusieurs fois déploré le manque d’informations
ou la difficulté d’y avoir accès. Il me semble que le rapport de MM. Yannick
d’Escatha et Laurent Collet-Billon a été remis lorsque vous étiez en fonction.
Celui-ci aborde à la fois le nucléaire civil et le nucléaire militaire et a été
presque immédiatement classé secret défense. La commission d’enquête a demandé
à avoir communication des parties consacrées au nucléaire civil. Comme la
presse s’en était fait l’écho à l’époque, ce rapport préconisait la
construction d’au moins six EPR de nouvelle génération. En avez-vous eu connaissance
? Ce rapport a-t-il éclairé vos décisions ?
M.
Nicolas Hulot. La sortie du nucléaire n’a jamais été actée au plus haut niveau
de l’État. Personne ne m’a jamais dit qu’aucun nouvel EPR ne serait construit.
Une fois l’objectif de 50 % du mix électrique atteint, la construction de
nouveaux réacteurs était probablement envisagée. Je ne me souviens pas que ce
rapport me soit parvenu en l’état, mais comme je voudrais dire la vérité et ne
pas me tromper, je laisse la parole à Michèle Pappalardo.
Mme
Michèle Pappalardo. Ce rapport a été réalisé à l’initiative de différents
ministères, dont le nôtre – nous avions choisi M. d’Escatha – et avec un
objectif très précis. Le nucléaire civil commençait à souffrir d’une perte de
compétences. Puisqu’elle ne semblait pas toucher le nucléaire militaire, nous
voulions nous inspirer des pratiques du ministère de la défense, notamment pour
renforcer l’attractivité de ce secteur. Nous avons été un peu déçus, car le
rapport ne traitait finalement pas ce sujet.
Je
ne suis pas certaine d’avoir lu le rapport, ce qu’avait assurément fait le
conseiller en charge de l’énergie. Nous en avions fait part au ministre d’État.
Je ne sais
plus quand le rapport a été rendu, mais il me semble que c’était peu avant
notre départ, à l’été 2018, ce qui explique que nous en ayons un souvenir
limité. Il a en outre été rapidement classé secret défense, ce qui signifie que
nous ne pouvions plus l’évoquer publiquement. Nous ne l’avons donc pas
exploité.
M.
le président Raphaël Schellenberger. Vous avez commandé un rapport sur l’avenir
de la filière. Pour la préserver, celui-ci préconise de construire des
centrales. Pourquoi dites-vous que ce n’était pas la réponse que vous attendiez
?
Mme
Michèle Pappalardo. Ce genre de rapport fait l’objet d’une décision
interministérielle, mais nous avions clairement exprimé nos préoccupations.
M.
Nicolas Hulot. Je remercie Michèle Pappalardo, qui a une mémoire plus précise
que la mienne – je me suis éloigné de tous ces sujets depuis deux ans. Je suis
incapable de vous dire si j’ai lu le rapport dans son intégralité, ce qui est
toutefois peu probable. Je suppose qu’à l’époque, un de mes conseillers m’en
avait transmis une synthèse
Nous
ne pouvions pas courir tous les lièvres à la fois : il n’était pas possible de baisser
notre consommation, développer massivement les énergies renouvelables, réduire
la part du nucléaire et construire de nouveaux EPR.
M. le
président Raphaël Schellenberger. M. le ministre d’État a plusieurs fois souligné les
difficultés d’accès à l’information. Madame la directrice de cabinet, comment
sont traités et synthétisés les nombreux rapports produits pour éclairer le
ministère ? Lors de son audition, Yves Bréchet a évoqué les
4 000 pages qu’il a rédigées en tant que haut-commissaire à l’énergie
atomique et qui, selon lui, n’ont pas été lues.
Mme Michèle
Pappalardo. Il est
difficile d’apporter une réponse générale. Pendant les dix-huit mois du
ministère, il ne me semble pas que nous ayons reçu énormément de rapports. Nous
n’en avons pas eu vraiment le temps.
Ayant rédigé
de nombreux rapports pour la Cour des comptes, j’ai une certaine expérience de
ce qu’ils deviennent. Certains sont très utilisés, d’autres moins. Ce serait
toutefois une erreur de considérer qu’ils ne servent à rien…
Barbara
Pompili : antinucléaire un jour, antinucléaire toujours
« En
effet, qui furent, dès l’origine, les partisans des énergies
renouvelables ? Dans leur immense majorité, des militants écologistes ;
or les militants écologistes étaient historiquement, et pour de très bonnes
raisons que je ne renierai pas, antinucléaires. Dès lors, tous ceux qui
défendaient le nucléaire ont considéré que les énergies renouvelables
s’opposaient à celui-ci, et que leur développement serait une menace pour lui. »
100%
nucléaire , c’est possible !
L’Agence
internationale de l’énergie (AIE) et RTE m’ont rendu en janvier 2021 un rapport
qui confirmait qu’il était possible d’atteindre en 2050 un mix 100 %
renouvelable, mais à condition de passer par des étapes assez lourdes et
complexes. Néanmoins, cela a eu le mérite d’empêcher le monde du nucléaire
de continuer à soutenir le contraire.
M. le
président Raphaël Schellenberger. Et vous commandez alors un scénario sur un passage à
100 % aux énergies renouvelables ?
Mme Barbara Pompili. J’aurais dû vérifier avant de me
rendre à cette audition quand cette commande a été faite. Je vous transmettrai
cette information par écrit parce que je ne sais plus si elle n’a pas également
été passée par Élisabeth Borne. C’est fort possible. Je ne voudrais pas lui en
voler la maternité. À l’époque, j’étais présidente de la commission du
développement durable et nous travaillions beaucoup ensemble sur ces sujets.
NB :
Elisabeth Borne explique exactement le contraire ; le scenario 100% ENR
aurait ermis d’éliminer cette solution
Vous avez
mentionné, monsieur le président, le scénario de l’association négaWatt.
J’ai eu l’occasion d’en discuter avec ses membres. Il s’agit d’un scénario
intéressant, qui se fonde sur des postulats un peu différents et sur
l’hypothèse d’un mix 100 % renouvelable. Le problème, c’est qu’il suppose
de prolonger très longtemps la durée de vie des centrales existantes – or
on voit actuellement les problèmes d’entretien qui se posent.
50% de
nuc et fermetures de 14 centrales totalement assumés ; dommage qu’on l’ai
pas fait !
« Je
vais vous dire le fond de ma pensée. Il avait été décidé de ramener la part du
nucléaire à 50 % en 2025. Cette échéance a été décalée à 2035 car on
n’a pas été collectivement fichus de tenir collectivement nos objectifs
– à l’exception de la fermeture de la centrale de Fessenheim, dont je
reconnais qu’elle a été réalisée. Je sais ce que vous pensez de ce dossier,
monsieur le président, mais lorsque des décisions sont prises, le pire pour un
responsable politique est qu’elles ne soient pas suivies d’effet. Cela
perturbe tout le monde et personne ne sait à quoi s’en tenir. À l’occasion de
l’examen du projet de loi « climat et résilience », je me suis
aperçue que, lorsque l’on vote ensuite d’autres textes, les gens sont persuadés
qu’ils ne seront pas appliqués. Ils ne se préparent pas et se retrouvent
démunis lorsque la loi est appliquée. »… Nous devrions fermer
quatorze réacteurs d’ici à 2035, mais il est évident que nous n’y arriverons
pas parce que nous ne nous sommes pas donné les moyens de le faire…La fermeture
de réacteurs et la diminution de la part du nucléaire n’ont pas été réalisées
pour deux raisons. L’une est politique »
« EDF
avait en outre affiché sa volonté de préempter des terrains pour y installer
les futurs EPR2. Nous lui avions alors répondu qu’il ne fallait pas mettre la
charrue avant les bœufs. »
NB : il y a de décisions politiques qui se
heurtent à la réaliyé physique, et de plus en plus. Il est souhaitable qu’elles
ne soient pas suivi d’effet !
Des
militants antinucléaires au cœur du système
M. Antoine
Armand, rapporteur.
Dans le cadre de la commission d’enquête dont vous étiez rapporteure, vous avez
publié des préconisations visant à lutter contre l’endogamie dans l’expertise. L’un
d’elles recommande de favoriser la présence d’experts non institutionnels au
sein d’organismes tels que l’ASN et l’IRSN, de manière à réduire l’entre-soi
des techniciens, mis en évidence au cours des auditions. Rémunérer la
participation des experts indépendants à ces instances permettrait en outre
d’éviter, selon M. Yves Marignac, d’avoir affaire à des militants engagés,
qui n’ont pas les moyens nécessaires pour mener ces expertises. Avez-vous
fait cette recommandation parce que vous aviez l’impression que l’expertise
française était insuffisamment robuste et que les experts institutionnels
n’étaient pas assez compétents ou indépendants ?
Mme Barbara Pompili. L’énergie nucléaire est un sujet compliqué et technique, ce qui ne justifie pas qu’il soit confisqué par les techniciens – les responsables politiques ne sont pas forcément de bons techniciens mais l’inverse est vrai aussi ; chacun à sa place !
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