NB sur le sujet du syndrome éolien, cf
https://vivrelarecherche.blogspot.com/2020/01/petits-problemes-avec-leolien-7.html
https://vivrelarecherche.blogspot.com/2022/12/debat-acceleration-des-enr-adresse-m.html
Si la Cour de Cassation (Cass, ch. civ 3, 17/09/2020, n°19-16937) se montre réticente à l’indemnisation des voisins de champs éoliens, en considérant que « nul n’a de droit acquis à la conservation de son environnement et que le trouble du voisinage s’apprécie en fonction des droits respectifs des parties » et en refusant d’indemniser « une dépréciation des propriétés concernées évaluée entre 10 % et 20 % » car cette dépréciation ne dépassait pas « les inconvénients normaux du voisinage, eu égard à l’objectif d’intérêt public poursuivi par le développement de l’énergie éolienne », en revanche, la Cour d’Appel de Toulouse se montre plus généreuse.
En 2020 (CA Toulouse,
9/03/2020, n°17/04106), elle avait déjà accordé une indemnisation conséquente
aux voisins d’un parc éolien, et elle vient (CA Toulouse, 8/07/2021,
n°20/01384) de confirmer sa position pour un parc éolien situé dans le Tarn.
Le couple a commencé à ressentir divers troubles de santé en 2013, pour lesquels ils ont consulté des médecins : nausées, troubles du sommeil, douleurs thoraciques et abdominales, anomalies du rythme cardiaque… Leur médecin traitant ne relevait aucun antécédent, et leur a conseillé de déménager, ce qu’ils ont fait en mai 2015. Leurs symptômes ont disparu début 2016.
Le couple a assigné les deux sociétés exploitantes du parc devant le TGI de Castres, afin d’engager leur responsabilité et d’obtenir la réparation de leurs préjudices, au titre des troubles anormaux du voisinage.
Les premiers juges, après avoir ordonné une expertise acoustique, ont rejeté les demandes des requérants, et ce en dépit du fait qu’ils avaient reconnu la réalité des troubles invoqués, mais ne reconnaissaient pas leur caractère anormal, et retenaient que le lien de causalité n’était ni direct, ni certain.
Les requérants ont fait appel devant la Cour d’Appel de Toulouse, qui a partiellement fait droit à leurs demandes.
http://www.itineraires-avocats.fr/2021/11/18/eoliennes-un-trouble-anormal-du-voisinage-qui-coute-cher/
Extrait des motivations
https://www.charente-maritime.gouv.fr/contenu/telechargement/63691/377917/file/contribution_82_Web_1.pdf
Impact sonore
Du point de vue des
faits, la Cour a souligné qu’actuellement, les très basses fréquences et
infrasons n’étaient pas réglementés ; seules les bandes d’octaves de 125Hz
à 4000 Hz le sont. Or, les éoliennes émettent de très basses fréquences, qui
ont été mesurées dans le cadre d’une l’expertise judiciaire.
L’expert a ainsi
retenu, de même que la Cour :
« qu’une réelle gêne sonore peut être ressentie par M. et Mme Y.
Cette gêne, caractérisée par l’émergence sonore, est constatée dans les
infrasons, les très basses et les basses fréquences (plages de fréquence allant
de 6,3 Hz à 200 Hz). La gêne se manifeste quelle que soit la direction du vent.
Elle est plus importante en période nocturne, par vent portant de Nord-Ouest et
augmente avec la vitesse du vent ‘. ‘Aucune émergence n’est constatée de jour
dans les situations de vent contraire’. »
Dans le cadre de
l’expertise, toutes les parties avaient consenti aux mesures sans bridage, et
des éléments relatifs au bridage de l’éolienne la plus proche de la propriété
des demandeurs n’ont été produits qu’en fin d’expertise. Les sociétés exploitantes
contestaient de fait les mesures de l’expertise en raison de la possibilité de
brider les éoliennes. La Cour a cependant relevé que :
« Toutefois, l’importance de l’émergence sonore est telle que selon
l’expert, il est permis de douter des effets du bridage isolé ».
Impact visuel
Sachant que le parc éolien est
distant de la propriété des époux Fockaert de 700m à 1300m et que trois des
premières éoliennes sur six sont visibles mais seulement en partie supérieure
et particulièrement au niveau des pales tournantes et depuis l’extérieur, sur
la terrasse, ce que confirment par ailleurs les photographies prises sur les
lieux en été c'est-à-dire en présence de feuillage occultant, et que, malgré la
coupe en 2013 du bois qui, dans l’étude d’impact à l’origine du projet, avait
été considéré comme un important écran visuel et une mesure d’évitement, l’impact
visuel apparaît certain mais modéré, la vue depuis la propriété sur ce site
rural de qualité demeurant partiellement sauvegardée. Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les nuisances sonores et visuelles
sont avérées et de nature à constituer un trouble du voisinage.
Syndrome éolien : c’est la partie la plus intéressante
M. et Mme Fockaert n’ont jamais
été décrits comme des opposants systématiques à l’implantation d’éoliennes à
proximité de leur propriété, leur acquisition en 2004 ayant été effectuée en
connaissance du projet consacré par arrêté préfectoral du 7 mars 2005 réalisé à
la suite d’une étude d’impact. Le Dr Gonzales désigné en qualité de sapiteur a
ainsi décrit les doléances de M. et Mme Fockaert dans son rapport du 25 avril
2018 annexé à celui de Mme Singler-Ferrand.
Les premiers troubles dénoncés
par les appelants ont débuté en 2013. Ils ont diminué progressivement à la suite
de leur déménagement en mai 2015 pour disparaître totalement début 2016.
Concernant M. Fockaert : il a
commencé à consulter à compter d’ avril 2013, jusqu’en 2015 ; il s’est plaint
de fatigue, maux de tête persistants, oppressions douloureuses sur les oreilles,
vertiges, nausées, troubles du sommeil, tachycardies fréquentes, malaises
vagaux, anomalies du rythme cardiaque. Il a été traité par antalgiques et
anxiolytiques. Les examens cardiologiques et O.R.L., n'ont révélé aucune
anomalie et son médecin traitant n’a dénoncé aucun antécédent. C'est lui qui
suspectant la présence des éoliennes pour expliquer cette symptomatologie et
alors que les symptômes s’amendaient à chaque déplacement de plusieurs jours, a
proposé un déménagement qui a été bénéfique puisque les symptômes ont régressé
pour disparaître complètement à compter de janvier 2016.
Mme Fockaert : a présenté à peu près les mêmes symptômes ; elle a consulté à compter de la même date avril 2013 où elle a été admise en urgence pour des douleurs thoraciques et abdominales subies depuis quelques semaines ; ses doléances sont les mêmes : nausées, oppressions thoraciques et abdominales, oppressions au niveau des oreilles, troubles du sommeil, syndrome dépressif. Le médecin traitant ne note aucun antécédent. Il n'a été décelé aucune anomalie cardiaque et O.R.L. et le bilan gastrique de juin 2013 montrait une gastrite réactive modérée. Elle a été traitée par antalgiques, antibiotiques et anti-inflammatoires depuis 2014.
Afin
de vérifier le retentissement de la présence des éoliennes sur la santé et donc
le lien de causalité entre ces troubles et les nuisances sonores décrites plus
haut, le Docteur Gonzales s'est fondé sur les publications scientifiques de
l'académie nationale de médecine (9 mai 2017) et de l’ANSES (mars 2017)
concernant l'évaluation des effets sanitaires des basses fréquences sonores et
infrasons dus au parc éolien. Ce rapport reconnaît en ces termes, l’existence
d'un « syndrome des éoliennes ›› qui altère la qualité de vie de certains
riverains : le syndrome des éoliennes réalise une entité complexe et subjective
dans l’expression clinique de laquelle interviennent plusieurs facteurs.
Certains relèvent de l'éolienne elle-même, d'autres des plaignants, d'autres
encore du contexte social, financier, politique, communicationnel...Le syndrome
des éoliennes, quelque subjectifs qu'en soient les symptômes, traduit une
souffrance existentielle, voire une détresse psychologique, c'est-à-dire une
atteinte de la qualité de vie qui, toutefois, ne concerne qu'une partie des
riverains. Le rapport identifie les symptômes relevant du syndrome éolien : il
s’agit de symptômes très divers, d'ordre général (troubles du sommeil, fatigue,
nausées), neurologiques (céphalées, acouphènes, troubles de l'équilibre, 14/18 vertige),
psychologiques (stress, dépression, irritabilité, anxiété), endocriniens
(perturbation de la sécrétion d'hormones stéroïdes), cardiovasculaires
(hypertension artérielle, maladies cardiaques), sociaux comportementaux (perte
d'intérêt pour autrui, agressivité, déménagement, dépréciation immobilière).
Ces symptômes sont majoritairement de type subjectif ayant pour point commun
les notions de stress, de contrariété, de fatigue. Trois facteurs concourent
aux doléances exprimées : les nuisances visuelles, les nuisances sonores (qui
est le grief le plus souvent allégué dû essentiellement aux basses fréquences
et infrasons lesquels bien que inaudibles à l'oreille humaine peuvent
valablement être ressentis), facteurs psychologiques associés ou non aux nuisances
visuelles et sonores, ils jouent un rôle dans leur ressenti….
En l’espèce, selon le Dr Gonzales, eu égard au délai d’exposition, 2008 à 2015, à la symptomatologie décrite pour chacun d’eux (douleurs épigastriques, acouphènes, palpitations, troubles du sommeil, retentissement psychologique), atténuée puis disparue avec l’éloignement du site, sans antécédent recensé, on peut considérer que M. et Mme Fockaert ont présenté un « syndrome des éoliennes » entraînant une altération de leur santé au sens de la définition de l’OMS cité dans le rapport de l’Académie Nationale de Médecine comme un « état de bien être physique, mental et social ».
Pour rapporter la preuve contraire et
l’absence de conséquences sanitaires des émissions sonores des éoliennes, les
intimées ne produisent qu’un article du journal Le Figaro du 19 janvier 2015
signé du Pr Tran Ba Huy, ce qui ne constitue pas une preuve scientifique
sérieuse et actualisée publiée dans une revue idoine. De même doit être écarté
l’argument suivant lequel les clients du gîte ne sont pas affectés par le
fonctionnement des éoliennes dès lors que le Dr Gonzales a précisé que la durée
d’exposition était un facteur important dans l’apparition du syndrome des
éoliennes. Et alors qu’elles soulignent que la situation a radicalement évolué
depuis le bridage de l’éolienne n°1 en 2016 elles n’en fournissent aucune
justification. L’expert a fixé la date de consolidation au 1 janvier 2016, sans
persistance er d’aucune séquelle.
La perte de leur bien En effet, comparativement à ce qu’ils ont investi pour
l’achat et la rénovation du site (313 650€) par rapport à la valeur moyenne de
ce bien en l’état, estimée par deux professionnels de l’immobilier (285 000€)
la perte de valeur s’établit à 28 650€
Les frais L’obligation dans laquelle ils se sont trouvés de
quitter les lieux a engendré des frais de déménagement puis des frais de
déplacement pour l’entretien et la surveillance du site qui doivent en
conséquence être indemnisés durant la seule période réclamée de juin 2015 à
décembre 2016 (579 jours = 19 mois) à hauteur de la somme de (500€ pour le
déménagement et 500€/mois X 19 mois =) 10 000€.
Le pretium doloris : Evalué par l’expert à 2/7 pour tenir compte de l’hospitalisation
en urgence, du suivi médical, de la réalisation d'examens complémentaires, de
la prise de traitements ponctuels et du retentissement psychologique, ce poste
de préjudice sera indemnisé à hauteur de 4000€ pour chaque époux.
Le préjudice moral : M. et Mme Fockaert avaient investi dans ce lieu pour y
résider à l’année et pour Mme Fockaert y exploiter 3 gîtes ruraux : il
s’agissait donc non seulement de leur lieu de vie mais également du domicile
professionnel de cette dernière. Ils ont dû renoncer à ce projet dans sa
configuration initiale. Ils subissent donc un préjudice moral lié à la perte de
leur lieu de vie qu’il convient d’indemniser à hauteur de 10 000€ pour chacun
d’eux
Evidemment, la cabinet Gossement appelle
« relativiser la portée de cette jurisprudence isolée « :
« La portée de cet arrêt
inédit, qui n'a pas été porté devant la Cour de cassation, a néanmoins été très
discutée. A ce jour, aucun texte ni aucune autre juridiction n'a reconnu
l'existence de ce « syndrome » aux contours incertains. »
La suite...En juillet 2021, la cour
d’appel de Toulouse reconnaît le syndrome éolien qui a rendu malade un couple
de Tarnais et condamne l’exploitant du Parc à lui verser 128 000 € de
dédommagement. Une première en France. Mais tant que la situation n’a pas
changé à 700 m de sa propriété, le couple doit rester locataire à 17 km de là.
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