50% de plafond pour le nucléaire, mais pas de centrales à fermer
M. le président Raphaël Schellenberger. Vous aviez à l’époque, comme directrice de
cabinet, produit une liste de 24 réacteurs à fermer dans la décennie
suivant cette prise de décision. Pouvez-vous nous en détailler les modalités
d’élaboration et les ambitions initiales ?
Mme Élisabeth Borne,
Première ministre, ancienne ministre de la transition écologique et solidaire
(2019-2020). J’ignore
qui vous a dit que j’avais produit une liste de 24 réacteurs à fermer. L’accord
entre le PS et les Verts de 2012 contenait effectivement une liste de 24 réacteurs
à fermer. Cet accord politique n’a rien à voir avec mes fonctions de directrice
de cabinet. Nous étions à l’époque dans le cadre du mandat de M. François
Hollande, qui n’avait pas retenu cet objectif de fermeture, contenu dans
l’accord Vert-PS de l’époque, Mme Martine Aubry étant Première secrétaire.
Il avait en revanche gardé un objectif de 50 % du nucléaire dans la
production d’électricité en 2025. Que des listes aient circulé à l’époque à
la suite de l’accord Vert-PS de 2012 est tout à fait possible.
NB :
mensonge et défausse : un objectif de 50% de nucléaire en 2025 impliquait
bien de fermer 24 réacteurs
"Nous avons débattu dans
le cadre de la loi de transition énergétique de la manière dont il était
possible, y compris juridiquement, de prolonger les réacteurs au-delà de
quarante ans. En effet, ces réacteurs ont été conçus sur la base d’une durée de
vie de quarante ans et des débats juridiques portaient sur le fait que les
enquêtes publiques menées lors de la réalisation des centrales nucléaires
annonçaient cette durée d’exploitation. Certains, notamment les écologistes,
qui faisaient partie de l’accord de gouvernement dans ce quinquennat, prônaient
un arrêt administratif des centrales nucléaires au terme de ces quarante ans,
ce à quoi je me suis opposée et qui n’a pas été retenu… Dans mon souvenir, nous
avions retenu l’idée d’un débat public ou d’une consultation publique sur
le principe de la prolongation et non d’exiger une nouvelle autorisation
administrative.
Fessenheim :
une décision politique…mais c’est la responsabilité d’EDF
À cette époque, les modalités du plafonnement
du nucléaire étaient aussi en débat, puisque le président François Hollande
avait retenu l’objectif de 50 %, mais n’avait pas ciblé Fessenheim. La
question de la centrale destinée à s’arrêter était donc débattue à l’époque.
M. le président
Raphaël Schellenberger. Fessenheim n’était pas ciblée. Pour autant, vous comptiez
dans vos équipes un délégué interministériel chargé de la fermeture de
Fessenheim. Comment avez-vous construit, en 2014-2015, le choix de Fessenheim,
qui est un choix politique et administratif, avec la création de ce poste de
délégué interministériel ?
Mme Élisabeth
Borne, Première ministre, ancienne ministre de la transition écologique et
solidaire (2019-2020). Comme
vous l’avez indiqué, ce choix a été politique. Pour mémoire, le sujet
était celui du plafonnement, à une époque où l’on imaginait le démarrage de
Flamanville beaucoup plus tôt. Pendant longtemps, l’idée a été que la puissance
équivalente s’arrêterait lors du démarrage de Flamanville. Dans mon souvenir,
EDF a été questionné pour savoir s’il existait un meilleur choix que celui de
Fessenheim, mais EDF n’a jamais voulu proposer d’autre choix. Fessenheim a été
la première centrale à avoir été construite et possède des caractéristiques
très particulières qui ont rendu le processus d’arrêt irréversible, ne
serait-ce qu’en raison des spécificités du combustible utilisé.
Le choix politique de l’époque
était donc fondé sur des éléments qui ne relevaient pas de ma fonction de directrice
de cabinet à l’époque, mais étaient sans doute en lien avec son statut de
première centrale nucléaire construite, avec des sujets d’éventuel risque
sismique et autres.
NB : n’importe quoi ; au moment où elle
a été fermée, Fessenheim était la centrale avec les meilleurs performances
Les
fermetures de pilotables mettant en danger la sécurité d’approvisionnement, c’est
la faute à RTE…mais qui a nommé les responsables très politiques de RTE ?
M. le
président Raphaël Schellenberger. Douze gigawatts de capacité de production électrique
pilotable ont été fermés en France au cours des dix dernières années. Ces choix
se fondent notamment sur des scénarios produits alors par RTE, qui prévoient
des baisses substantielles du besoin électrique en France dans les années à
venir. Comment recevez-vous ces scénarios au sein du ministère de
l’environnement chargé de l’énergie ?
Mme Élisabeth Borne,
Première ministre, ancienne ministre de la transition écologique et solidaire
(2019-2020). En
2014, les informations à ma disposition étaient les bilans prévisionnels de
RTE. Ils indiquaient que la problématique de la pointe était résorbée, vu de
l’époque, et constataient que le solde exportateur de la France était
important, avec plus de 40 térawattheures. Les bilans prévisionnels de
RTE de l’époque, en lien sans doute avec les hypothèses de maîtrise de
l’énergie et de réduction des consommations énergétiques, prévoyaient une
évolution de la consommation d’électricité stable ou en baisse. Ces
scénarios ont depuis été complètement réévalués, en lien notamment avec
l’électrification des usages. À l’époque,
aucune alerte ne pesait sur un quelconque risque sur la sécurité
d’approvisionnement.
On peut
regretter le manque de capacité prospective des administrations. Nous étions
également peu avant l’Accord de Paris : nous ne nous donnions alors pas
les mêmes ambitions de réduction de gaz à effet de serre. La loi de transition
énergétique ne mentionne d’ailleurs pas la neutralité carbone : nous
étions alors sur le facteur quatre. Donc je pense que l’on n’avait pas les
mêmes objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et du coup
pas les mêmes ambitions en matière d’électrification. La direction générale de
l’énergie et du climat (DGEC), dont c’est la responsabilité, n’a jamais contesté
ni émis de doute sur les scénarios de RTE. Cela rend modeste sur les
prévisions.
En 2020,
Elisabeth Borne revendiquait encore la fermeture de Fessenheim et l’objectif de baisse du nucléaire à 50% .
Sans regrets.
M. le président
Raphaël Schellenberger. J’en viens aux fonctions que vous avez exercées ensuite,
notamment en 2020. Si comme directrice de cabinet de Mme Ségolène
Royal, vous avez lancé le processus de fermeture de Fessenheim, vous en avez en
quelque sorte assuré la boucle comme ministre de l’écologie en février et en
juin 2020. Vous avez, à cette occasion, affirmé que l’on pouvait se
réjouir de l’arrêt des deux réacteurs et qu’il marquait ainsi le premier pas
vers l’objectif à atteindre de réduction à 50 % de la part du nucléaire
dans le mix électrique. Considérez-vous que cet objectif doive encore être
poursuivi ?
Mme Élisabeth Borne,
Première ministre, ancienne ministre de la transition écologique et solidaire
(2019-2020). Nous ne
raisonnons plus de la même façon, puisque nous avons désormais une vision
beaucoup plus ambitieuse sur la réduction de nos émissions de gaz à effet de
serre et donc sur nos besoins de production en électricité. Il faut aujourd’hui
déterminer le meilleur chemin pour répondre à nos besoins d’approvisionnement
en électricité, ce qui a conduit le président de la République à annoncer le
lancement des six nouveaux EPR. Cela nous conduit à demander à l’ASN d’étudier
les modalités de prolongation au-delà de cinquante ans de nos réacteurs
nucléaires et à proposer au Parlement le projet de loi voté
sur l’accélération des énergies renouvelables et le projet de loi en cours
de discussion sur l’accélération des projets de nouveaux réacteurs nucléaires.
Limite à
50% de nucléaire ; c’est encore la faute de RTE
Pour autant, même les scénarios
étudiés par RTE qui envisagent la plus forte part de nucléaire visent un niveau
proche de 50 %, notamment du fait de nos capacités à mettre en service des
réacteurs dans les prochaines années
M.
Jean-Philippe Tanguy (RN). Une fois de plus, les prévisions de RTE sont votre
outil principal. Vous dites qu’il est défaillant. Un exemple récent : vous
dites aujourd’hui que le fait que RTE n’ait pas étudié un rapport où le poids
du nucléaire est plus important est lié aux limites, affirmées sans preuve dans
ce rapport, de la filière nucléaire. Votre ministre en charge, Mme Pannier-Runnacher,
a indiqué hier dans Les Echos qu’elle demanderait à la filière si elle était
capable de faire plus. Soit Mme Pannier-Runnacher se trompe, c’est-à-dire que
la question a été posée et il lui a été répondu que la filière ne pouvait pas
faire plus, soit la question ne lui a pas été posée et Mme Pannier-Runnacher va
lui répondre. Le fait que RTE n’ait pas fait de scénario est-il lié, oui ou
non, à une réalité de la filière, ou est-elle est liée à une posture politique
?
Pas de réponse :NB : RTE lui même a souligné que 50% n'était pas une limite gravée dans la marbre, le GIFEN a démentie cette limite, Framatome s'affirme bientôt capable de fabriquer au moins 2,5 cuves par ans
Le scenario 100% renouvelable, je sais p)lus qui l'a commandé...
M. Antoine Armand, rapporteur. Mme Ségolène Royal est venue devant notre commission avec une coupure de presse signalant que vous aviez demandé à EDF d’examiner un scénario 100 % renouvelables, semblant impliquer que vous auriez soutenu un tel scénario. Quelle est votre réaction à ce sujet ?
Mme Élisabeth Borne,
Première ministre, ancienne ministre de la transition écologique et solidaire
(2019-2020). Nous sommes dans des
domaines où l’on peut se tromper, comme l’a montré le bilan prévisionnel de
RTE. Il est donc responsable d’examiner tous les scénarios, pour faire les
choix en toute connaissance de cause. En l’occurrence, l’étude menée par RTE a montré
qu’un scénario 100 % renouvelable n’était pas soutenable, tant sur le plan
économique que de sécurité d’approvisionnement. Cet élément est important et
utile pour tous ceux qui pensent que le débat public doit se tenir sur la base
de faits.
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