La Commission Européenne
(l’Eurokom) et la secte libérale qui y détient le pouvoir en veulent visiblement
aux services publics français, et particulièrement à notre façon d’administrer
les monopoles naturels (autoroutes, chemin de fer, réseau téléphonique, énergie hydraulique,
aéroports, gazoducs) par des sociétés étatiques. Cet Eurokom a un credo, un
véritable acte de foi, c’est la
concurrence libre et totale. Après un
premier blog dans lequel je décrivais un pays parfaitement exemplaire en termes
de services publics… La Suisse (Eloge du Service Public 1) Un pays
sovieto-communiste…. la Suisse), voici maintenant le contre-exemple,
l’Angleterre.
Le
désastre de l’eau- un ministre libéral- conservateur en colère
Il arrive que les membres
du Cabinet anglais perdent leur flegme légendaire. Le 1er mars 2018,
lors de la Conférence annuelle de Water
UK, qui regroupe les industriels désormais privatisés de l’eau, le ministre
conservateur de l’environnement, Michael Gove a ainsi grondé: les gens qui sont
dans cette salle doivent changer d’attitude… le grand public est de plus en
plus inquiet et je le comprends. » .Et de menacer de donner au régulateur,
l’Ofwat, « tous les pouvoirs nécessaires » (tiens, il ne les avait
pas, un oubli peut-être ?)
C’est un ministre
conservateur qui s’exprime ainsi, pas un socialiste genre Corbyn. !
Un exemple éclairant,
Thames Water, gère l’eau de la région de Londres -15 millions d’abonnés- pardon
de client) dont les principaux actionnaires sont des fonds du Royaume uni, du
Canada, du Koweit et d’Abou Dhabi qui possèdent l’entreprise à travers un montage
juridique complexe de cinq sociétés. Complexe et efficace : entre 2006 et
2015, Thames River a versé 1.2 milliards à ses actionnaires et O pounds, 0
pense, O nickel d’impôt sur les bénéfices au fisc anglais. Par contre,
entre2012 et 2014, Thames River a déversé des milliards… de litres d’eau
d’égoûts dans la nature et été condamné pour cela à 20 millions de livres
d’amende- un record.
Depuis 1989, le gestion
de l’eau est privatisée et confiée à des 18 entreprises qui ont des monopoles
régionaux et elles sont quasiment inexpugnables ( l’Etat peut révoquer la
licence en prévenant…25 ans à l’avance !) De 2007 à 2016, ces 18 monopoles privés ont reversé 95% de
leurs profits à leurs actionnaires ! Ainsi que le constate le ministre
(conservateur !) ces entreprises « évitent leurs impôts comme leurs
responsabilités sociales ». Les actionnaires se gavent, les investissements
sont inexistants, les prestations se dégradent, et pourtant les prix ont été
fortement augmentés (plus 40% depuis la privatisation !). Qu’attendre
d’autre d‘un monopole naturel confié à des monopoles privés ? ( la
situation française est bien différente, avec un rôle encore important de
l’Etat et des collectivités locales)
Les
désastres des services publics concédés- effondrement d’un géant, Carillion
Carillion est une entreprise vieille de 200 ans, était le
principal et très dominant concessionnaire/prestataire des services publics
britanniques, et comptait 43 000 salariés dont 19 000 au Royaume-Uni. Quelques
30 000 sous-traitants pourraient faire une croix sur 1 milliard de livres,
selon les estimations du Daily Telegraph -de quoi faire planer le spectre d’un
effet domino sur tout un pan des services publics anglais.
Carillion fait partie de
ces entreprises qui, ces dix dernières années, ont connu une croissance rapide
en assurant selon les règles du privé la fourniture de services publics ;
et Carillion a eu beaucoup de « succès » : construction d’autoroutes,
de ponts, de lignes ferroviaires mais aussi d'hôpitaux, de prisons, de sites militaires,
dont il assure aussi la maintenance, gérance de bâtiments et d’ infrastructures
pour le compte de l'Etat. Parmi les services publics concédés, mentionnons la
livraison quotidienne de repas à 32.000 écoles britanniques. Carillion était le
numéro un de la maintenance des bases militaires, un prestataire-clé de
l’entretien du réseau ferré et responsable de la propreté de centaines
d’hôpitaux au Royaume-Uni. Juste avant sa faillite, Carillion venait d’emporter,
en consortium avec Kier et Eiffage, deux gros contrats de tunnels pour 1,4
milliard de livres pour le nouvelle ligne TV Londres Birmingham.
La Première Ministre
Theresa May a annoncé que l’Etat assurerait la continuité des services publics
et que tous les salaires seront payés
pendant les 48 prochaines heures. L'Etat continuera en outre de les payer dans
certains cas, le temps pour l'administrateur de désigner un nouveau prestataire
ou pour l'Etat de reprendre la prestation de service public en propre. On
espère que les enfants des écoles auront de quoi manger et que les ordures ne s’amoncelleront
pas dans les hôpitaux du National Health Service(NHS), déjà en triste état.
C’est une catastrophe qui
coûtera beaucoup d’argent à l’Etat britannique- où ‘on voit que l'Etat
finalement ne gère pas si mal que ça ses services publics et que les
partenariats publics privés, invention de nos géniaux nouveau administrateurs,
peuvent facilement tourner à la catastrophe – nous en avons eu quelques avertissements
en France.
La faillite de Carillion
montre clairement les limites d'une telle sous-traitance du public au privé.
L’hebdomadaire New Statesman constate : “Jeremy Corbyn ( le nouveau leader
travailliste en rupture avec la politique sociale libérale de Blair) tient là
une occasion en or pour faire valoir sa thèse sur les coûts de la privatisation »
et la solution de la renationalisation.
Le
désastre du rail.
En 1993, le secrétaire
d'Etat britannique au Transport John MacGregor vantait les bienfaits de la
privatisation : «Je ne vois aucune raison pour laquelle les tarifs devraient
augmenter plus rapidement avec des entreprises privées. Au contraire, ils
seront plus flexibles et baisseront.». 25 sociétés ont mis la main sur le rail
anglais, dont certaines détenues partiellement ou en totalité par des
entreprises étrangères, comme la Deutsche Bahn (Allemagne) ou Keolis, filiale
de la SNCF.
Eh bien, la réponse a été donnée : entre
1995 et 2015, le prix d'un billet de train au Royaume Uni a augmenté en moyenne
de 117%. Le prix des billets annuels a augmenté de 27% entre 2010 et 2017 selon
des calculs du Labour. Selon les estimations, les Anglais dépenseraient environ
six fois plus que les Européens en
moyenne pour leurs déplacements en train (14% de leur revenu mensuel, contre 2 %
pour les usagers français). A noter que l'Etat octroie aussi des subventions
aux lignes déficitaires pour un montant de 4,6 milliards d'euros en 2015-2016,
ce qui constitue pour les Britanniques une double peine : des billets à des
prix exorbitant d'un côté et une partie de leurs impôts réservée aux compagnies
privées de l’autre.
De plus, comme le
préconise le rapport Spinetta pour la France, un grand nombre de lignes ont été
supprimées au Royaume-Uni. Donc moins de lignes, des tarifs plus élevés, retard
et service déplorable qui suscitent l’indignation des usagers. . En 2016,
quatre trains sur cinq du réseau banlieue sud de Londres Southern Rail, étaient
en retard - pour l’anecdote, le train de 7 heures 29 sur la ligne
Brighton-Londres n'est pas arrivé une seule fois à l'heure en 2014. Et, pour
protester contre les restrictions économiques, les grèves s’enchaînent (33
jours de grèves pendant l'année 2016) pire qu’au temps du service public !
En ce qui concerne le
rail, l’entretien des voies, après une première privatisation est revenu dans le giron du
service public après deux accidents mortels survenus l'un en octobre 1999 à
Ladbroke Grove qui avait fait 35 morts et 558 blessés, et l'autre à Hatfield,
en octobre 2000 qui avait fait 4 morts et 70 blessés. En cause : le manque
d’investissement. (Cf le remarquable, comme souvent film de Ken Loach, The Navigators, insîré par l'échec de la
Connex South Central et de la Connex South Eastern, qui perdirent leur
franchise à cause de leur mauvais fonctionnement et de la piètre qualité de
leur service).
Bilan en 2015- 2016 :
Les opérateurs se sont partagé 327 millions
d’euros de bénéfices et 58% des
Britanniques estiment que la privatisation du rail est un échec ( et encore
peut-on suppoer que les 32% restant les autres ne le prennent pas !) et
souhaitent la renationalisation
L’association We Own It
résume ainsi la situation : « Il est évident que la privatisation
n'a pas fonctionné, elle a plutôt amené de la fragmentation et de
l'inefficacité. L'argent gaspillé en subventions aujourd'hui pourrait être mieux utilisé et
servir à améliorer le service et réduire le prix des billets dans le
futur. »
Et il faudrait encore ici
parler du désastre de la santé publique,
la
privatisation rampante du NHS, le National Health Service, naguère fierté
britannique, étranglé par manque de moyen, accumulant scandales sanitaires et
crimes divers, et progressivement remplacé par des assurances privées- mais il
faudrait pour cela un livre complet.
La leçon des échecs
anglais parait assez claire : remplacer un monopole naturel et public par
un monopole privé, c’est l’assurance d’enrichir les actionnaires au
détriment des usagers, et des salariés ; privatiser un service public, c’est
privatiser les bénéfices réalisés au détriment des usagers, des salariés, de l’investissement,
de la communauté nationale ou locale, et socialiser les pertes.
Est-ce vraiment cette
politique, celle de la secte libérale au pouvoir à Bruxelles, que veulent les
citoyens des pays d’Europe ?
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