Suite du blog précédent Consultation publique sur la nouvelle version
de la PPE : eh ben, c’est pas mieux que l’ancienne ! (https://vivrelarecherche.blogspot.com/2020/03/consultation-publique-sur-la-nouvelle.html)
J’ai tenu à publier quelques remarques de
l’association écologiste Sauvons Le
Climat ( que l’on peut aussi retrouver sur le site de la Consultation
Publique. Extraits :
Critère
de sécurité d’approvisionnement électrique : danger de black out !
(Gilbert Ruelle Commentaire PPE n° 1)
L’article D. 141-12-6 du code de l’énergie
fixe le critère de défaillance du système électrique à « une durée moyenne de
défaillance annuelle de trois heures pour des raisons de déséquilibre entre
l’offre et la demande d’électricité ». Le code de l’énergie ne définit
cependant pas explicitement ce que recouvre la notion de « défaillance ».
Et c’est là que le bât blesse, car un
paramètre essentiel manque : la « profondeur » de la défaillance. En l’état actuel des choses le critère ne
distingue pas la coupure d’un seul client domestique et celle d’une région
française entière !!!
Le rapport CGEDD-CGE de 2018 a identifié
cette faille, confirmée par RTE dans son Bilan prévisionnel 2017 :
« Le nombre d’heures moyen de défaillance
[…] constitue une information particulièrement imparfaite […] Des différences
considérables peuvent exister, par exemple sur la profondeur de la défaillance
(c’est-à-dire sur le nombre de consommateurs concernés par la défaillance)
alors même que le nombre d’heures moyen de défaillance demeure identique (P
137/424) […] Ceci peut être mis en perspective par rapport au critère de
sécurité d’approvisionnement actuel (un délestage d’une heure affectant
quelques consommateurs et un délestage de la même durée portant sur un nombre
significatif de consommateurs sont comptabilisés de la même façon) »
(P140/424).
Les
pouvoirs publics sont donc amenés à prendre leurs décisions sur une base
trompeuse dont ils ignorent les conséquences réelles…
Pourquoi ce critère ne fonctionne-t-il
plus ? Il a été historiquement élaboré
lorsque le réseau n’était alimenté que par des machines de production
pilotables. Le risque était alors conventionnellement limité à la
défaillance fortuite de la machine la plus puissante du réseau, soit en France
moins de 1,5 GW et les mesures palliatives (réserves primaires, secondaires et
éventuellement tertiaires) étaient dimensionnées en conséquence.
L’introduction
massive de moyens intermittents éoliens et photovoltaïques change complètement
la nature du risque qui
porte dorénavant sur les énergies primaires du soleil et du vent elles-mêmes
qui peuvent faire massivement défaut sur la quasi-totalité du territoire. Ce
défaut de mode commun se manifeste quelles que soient les puissances installées
(dizaines à centaines de GW !) la production photovoltaïque étant nulle la nuit
et la production éolienne pouvant chuter à quelques % de sa puissance installée
par manque de vent : selon les statistiques de Rte, la production éolienne
chute à moins de 10 % durant 10 % du temps soit 36 jours par an en moyenne,
dont le quart (9 jours) se situe, toujours statistiquement, pendant l’hiver
lorsque la consommation est au plus haut.
A contrario, cela signifie que la
production éolienne a 90 % de chances d’être supérieure à 10 % et la
combinaison de cette probabilité avec celle d’avoir une journée de grand froid
est suffisamment faible selon Rte pour respecter le critère officiel des 3
heures par an. Sauf que la profondeur de la défaillance n’est pas définie et se
situe alors entre 10 % et 0,5 % (valeur minimale observée) de la puissance
installée éolienne, ce qui conduit à des réalités possibles très différentes :
avec environ 16 GW actuellement installés, la profondeur de la défaillance se
situe alors entre environ 1,6 GW et pratiquement 0 !
Ce
qui revient à dire que l’application du critère des 3 heures conduit
littéralement à « jouer aux dés » cet écart qui n’est déjà pas négligeable en période de
consommation tendue et va croître et embellir avec la croissance de la
puissance éolienne installée. On notera
que les quatre GRT (gestionnaires de réseau) allemands, instruits par le long
retour d’expérience de leurs très grands parcs éoliens à terre et en mer (plus
de 60 GW actuellement) prennent en compte dans leurs études de sécurité une
puissance minimale de 1 % seulement de la puissance éolienne installée (y
compris en mer) soit 0,6 GW… Là où le critère français actuel des 3 heures
conduirait à 6 GW ! Valeur totalement démentie par les faits observés en
Allemagne…
Il
est donc urgent de s’interroger en profondeur sur notre critère français et de
l’adapter au risque de manque d’énergie primaire du vent généralisé au territoire qui
conduit à des défaillances dont la profondeur va croître avec la montée en
puissance de l’électricité éolienne et plus généralement intermittente si l’on
y ajoute les défaillances du photovoltaïque par manque de soleil en journée… Pour ne pas mettre la France dans le noir !
Biomasse
: la grande illusion… ?
(Commentaire PPE n° 2, Georges Sapy)
Le projet de PPE indique : « de l’ordre de
400 à 450 TWh de ressources brutes en biomasse pourraient être mobilisées à
l’horizon 2050 (à comparer à 180 TWh en 2016) ». Autrement dit, on multiplierait par 2,5 à 2,8 la
mobilisation actuelle de la ressource en biomasse.
Quatre interrogations : le réalisme de la
prévision ; l’efficacité de décarbonation de la biomasse ; la fragilité de la
ressource en biomasse ; les coûts d’utilisation de la biomasse.
Réalisme
de la prévision : on peut en douter sérieusement eu égard
aux limites du renouvellement annuel de la biomasse, qui doit rester au
maximum naturel pour être durable. Sauf à cultiver spécialement des plantes à
but énergétique, ce qui impliquerait l’usage de terres disponibles, d’intrants
de culture éventuels et des dépenses de combustibles pour l’agriculture et les
transports. Dont les distances doivent en outre être très courtes pour que
l’opération ait un sens.
Efficacité
des réductions des émissions de CO2 : la biomasse n’est réellement
efficace que si son utilisation, qui émet du CO2, est très rapidement compensée
par une absorption équivalente par la croissance des plantes. Si ce n’est
pas le cas, l’effet sur le climat est transitoirement néfaste. De plus, les
transformations de la biomasse en combustibles gazeux et surtout liquides
présentent des gains très variables en termes de réduction des émissions de CO2
par rapport à leurs équivalents fossiles : négatifs
pour la plupart des biodiesels (ce
qui est un comble !), de l’ordre de 50 % pour le bioéthanol. Ce n’est qu’avec
les biocarburants de 2ème génération que l’on peut espérer atteindre des gains
nettement plus importants, dont certains pourraient approcher les 90 % voire
plus.
En un mot, l’efficacité globale de la
biomasse en termes de réduction d’émissions n’est pas toujours aussi importante
qu’on pourrait l’espérer, loin s’en faut. Ce qui ne condamne évidemment pas ses
usages mais implique de sélectionner les plus efficaces, parmi lesquels le bois énergie pour faire de la chaleur
est l’un des plus pertinents. À condition de ne pas le transporter sur de
longues distances, ce qui le limite aux usages locaux.
Fragilité
de la ressource : cette
dernière pourrait être impactée par le changement climatique, avec des risques
naturels accrus : sècheresses, attaques massives de parasites, tempêtes, etc.
voire giga-incendies amplifiés par les sècheresses. De tels évènements, loin
d’être improbables, pourraient avoir des conséquences majeures sur certains
massifs forestiers.
Coûts
: sauf pour le bois énergie très bon marché et quelques autres sources, ils
sont élevés à très élevés
dès lors que des transformations complexes biologiques (biométhane) ou
physico-chimiques (carburants de synthèse) sont nécessaires. Ce qui constitue
un frein évident à leur développement.
Question, pour conclure : quel est le plan
B si les augmentations anticipées dans la PPE (en réalité très ambitieuses) ne
sont pas au rendez-vous ? Réponse : un seul autre vecteur sera à l’échelle des
besoins : l’électricité (pompes à chaleur voire électricité joule pour le
chauffage, électricité directe et hydrogène électrolytique pour la mobilité,
etc.). À condition de ne pas brider artificiellement sa production… N’oublions
pas qu’une société moderne a un besoin vital de suffisamment d’énergie et
pourrait collapser en cas de grave pénurie. Et ne nous trompons pas d’ennemi :
une électricité non émettrice de CO2 n’est pas néfaste pour le climat, même si
elle doit être raisonnablement et rationnellement économisée, ce qui n’a rien à
voir avec l’instauration d’une pénurie qui serait socialement mortifère.
Le
mirage de l’hydrogène :
il a un rendement global
[électricité vers gaz de synthèse vers électricité] (« power to gas to power »
en anglais) très faible,
actuellement de l’ordre de 35 % pour l’hydrogène et de moins de 25 % pour le
méthane de synthèse, et il nécessite par ailleurs des investissements
importants dont l’amortissement dépend de l’alimentation en électricité des
électrolyseurs.
Selon Rte, le coût de production de
l’hydrogène électrolytique varie de 3 à
6,7 €/kg selon l’électricité utilisée (base hors pointe ou marginal
renouvelable ou nucléaire) ce qui conduit à ≈ 91 à ≈ 203 €/MWh selon le cas
pour le gaz hydrogène. Sa transformation en électricité avec un rendement de 60
% et un coût d’amortissement de 20 % pour l’installation de transformation,
conduit donc à une électricité qui coûte entre 91/(0,6 x 0,8) ≈ 190 €/MWh et 203/(0,6 x 0,8) ≈ 420 €/MWh !
Si l’on produit ensuite du méthane de synthèse, avec un rendement
de 70 % par rapport à l’hydrogène et un coût d’amortissement également de 20 %
pour l’installation de transformation en méthane, les coûts ci-dessus
deviennent 190/(0,7 x 0,8) ≈ 340 €/MWh
et 420/(0,7 X 0,8) ≈ 750 €/MWh !
Soit au mieux, en retenant les bas des
fourchettes ≈ 190 €/MWh pour la filière hydrogène et ≈ 340 €/MWh pour la
filière méthane. Pour disposer d’une électricité à coût soutenable, il faudrait
donc multiplier par 2 les rendements globaux et diviser par 2 les coûts
d’investissement (division par un facteur 4 au total). Il y faudra de sérieux
progrès en R&D et réductions des coûts industriels pour disposer d’une
solution de stockage ayant un modèle économique viable…
En attendant, on dispose d’un parc
nucléaire qui fonctionne de façon très sûre, produit massivement de
l’électricité décarbonée à 33 €/MWh, est capable d’alimenter la France et une
partie de l’Europe grâce à des exportations très importantes. Et l’on s’obstine
à vouloir le réduire sans justification rationnelle crédible !!!!
Quid
des informations fournies dans le projet de PPE sur les rejets CO2 de l’éolien
et du PV ? encore deux mensonges par omission !
(Jean-François Sornein)
Mensonge par omission n°1 : éviter aussi longtemps que possible de
rappeler que l’électricité nucléaire ne rejette pratiquement pas de CO2. Si
on ne le sait pas, il ne faut pas compter sur les 44 pages de la synthèse pour
nous l’apprendre. Il faut attendre la
page 137 du projet lui-même…
Mensonge par omission n°2 : Comme on ne peut pas reprocher de
rejets GES au nucléaire, il faut trouver un autre argument pour expliquer
l’objectif « 50 % » ; ce sera « DIVERSIFIER ». Le vieux dicton « ne pas mettre
ses œufs dans le même panier » est ainsi élevé au rang d’orientation
stratégique sans qu’aucune étude technico économique n’ait conclu à la
pertinence de ce ratio. C’est un peu maigre… Comment le projet de PPE
tente-t-il donc de « vendre » cette diversification ? Mensonge par omission n°2
: éviter soigneusement de signaler que
cette diversification arbitraire ne contribuera en rien à la baisse des
émissions de GES. Cette désinformation est coupable. Le texte indique
prudemment qu’on va se préoccuper qu’elle soit neutre sur ce plan (et ce n’est
pas gagné)…
Mensonge n°3 : Pour l’éolien, la page 114
donne le chiffre de 12,7 g/kWh avec une référence ADEME. En réalité, la Base
Carbone de l’ADEME indique actuellement 14,1 g pour le terrestre et 15,6 g pour
l’éolien en mer, mais en précisant bien que ces valeurs ne comprennent pas les
phases de démantèlement et de fin de vie des installations, ce que le texte de
la PPE se garde bien de préciser.
Mensonge n°4 : Pour le solaire PV, aucun
bilan CO2 n’est fourni. On le cherche vainement en bas de la page 119. Il est
vrai qu’il ne serait pas très convaincant, avec des panneaux fabriqués au
charbon chinois (la Base Carbone ADEME donne une fourchette de 35 à 85 g « du
sud au nord et suivant la technologie », toujours sans compter la fin de vie).
Pour mémoire, on a vu plus haut le chiffre
de 12 g pour le nucléaire sur l’ensemble du cycle de vie. Dans la Base Carbone
ADEME, le nucléaire est à 6 g sans compter la fin de vie….
Que
va coûter la PPE : nul ne le sait et la présentation qui en est faite est
illisible et trompeuse ?
(Jean-Pierre Pervès)
Il est intéressant d’examiner en premier
lieu le programme le plus emblématique de la transition énergétique, celui du
développement des nouvelles énergies renouvelables électriques, le solaire
photovoltaïque et l’éolien. La PPE (pages 273 à 275) donne les chiffres pour l’ensemble
du programme jusqu’à 2028. Leur soutien, par des taxes, représentait déjà 30
milliards en 2018 et les engagements supplémentaires, déjà pris et à venir
jusqu’en 2028 selon la PPE, devraient représenter en 2035 environ 90 milliards
de plus, soit un total de 120 milliards
€. Et on continuera à les payer jusqu’en 2048.
Un bon investissement pour le climat/ bien
sûr que non ! Pour quelle quantité
de CO2 évitée ?...Nous allons payer sous forme de taxes entre 2019 et 2035
environ 90 milliards pour les seuls éolien et solaire opérationnels en 2028,
pour un gain CO2 qui sera très ;probablement sensiblement inférieur à 10 millions
de tonnes par an, soit moins de 170 millions de tonnes sur 17 ans. Le coût de la tonne de CO2 sur cette
période sera donc supérieur, voire nettement supérieur à 530 € par tonne de
CO2 évitée, chiffre à comparer à la valeur de
la taxe actuelle de 44.6 € par tonne, soit près de 12 fois inférieure. Il
est temps d’arrêter cette gabegie !
Qu’aurait-on pu faire avec cet argent qui
sera gaspillé ? Avec les 120 milliards attribués au solaire et à l’éolien
depuis 2006, et en accordant une subvention représentant la moitié des 25.000 €
de travaux nécessaires pour décarboner une maison chauffée au fioul ou au gaz
et en améliorer significativement les performances énergétiques, ce sont près
de 10 millions de logements émetteurs de
CO2 qui auraient pu être radicalement transformés du point de vue
climatique d’ici 2035 (en 2017 il y
avait 3,5 millions de logements chauffés au fioul et 11,7 au gaz). Le gain CO2 aurait été environ 4
à 5 fois plus élevé pour le pays par
€ de subvention.
Ceci montre clairement, ce qu’a bien
confirmé la Commission d’enquête parlementaire sur le financement des énergies
renouvelables (juin 2019), que le déploiement de ces deux électricités
intermittentes n’avait pas pour objet la lutte contre le changement climatique.
Une
présentation dans la PPE qui ressemble à un enfumage :
L’analyse de l’impact économique global de la transition énergétique présentée
dans la PPE est encore plus troublante, voire impossible pour le citoyen auquel
on demande un avis. Le rapport s’appuie sur une « approche macroéconomique
hybride », multi-sectorielle, qui mélange tous les facteurs pour qu’on ne puisse
pas avoir une idée claire de l’impact économique de la transition. Elle intègre
des « signaux prix fictifs », qui représentent des mesures réglementaires et
budgétaires. Les rédacteurs ajoutent que les résultats peuvent être optimistes
et que cet artéfact de modélisation comporte d’importantes limites quand on ne sait
pas ce qu’on pourra faire politiquement ! Comprenne qui pourra.
Formidable bien sûr car ils concluent
bravement : on créera 440.000 emplois (où ? on importe l’essentiel du
matériel), et le pouvoir d’achat des ménages augmentera de 2,2 % (grâce aux
taxes bien sûr). !!! «
Commentaire : Ce chiffre de créations d’emplois
ne repose sur aucune réalité, et ignore au contraire les leçons de l’échec
sanglant (climatique et économique de l’energiewende allemande) et de l’effondrement
après un envol initial de l’emploi dans le solaire ( les subventions allemandes
ont créé de nombreux emplois dans le solaire…en Chine) et dans l'éolien ( avec
la fin des subventions et les faillites retentissantes). Il ne tient pas compte
non plus des emplois supprimés, dans le nucléaire par exemple).
« Dans la réalité quotidienne, quoi
qu’en disent les modèles, il a fallu fort logiquement attribuer en 2019 un chèque
énergie à 2,2 millions de ménages supplémentaires, en situation de précarité
énergétique, (coût total du programme 850 millions) ! Et depuis 2006 le prix de
l’électricité pour les ménages a augmenté d’environ 30 % en euros constants (50
% en € courants) ; Mais bien sûr tout va
changer nous promet-on car, dès 2023, les prix de vente de l’éolien onshore,
offshore et du photovoltaïque vont s’établir à environ 40 €/MWh (p 269) alors qu’en 2020, d’après la CRE, l’éolien à
terre sera payé par EDF 91 €/MWh et le solaire 288 €/MWh (et le futur offshore environ
200). Miracle ou foi du charbonnier.
Conclusion : Ce que ne fait pas le projet de PPE : dire aux français ce que cela va leur
coûter en 2023 ou 2028. La Commission d’enquête parlementaire, en juin dernier,
a échoué dans sa recherche du coût de la transition énergétique, malgré son
pouvoir régalien.
Pour l’ensemble des contributions, dont certains très
techniques, précises et érudites, donc indispensables de Sauvons le Climat, cf. https://ideesrecuessurlenergie.wordpress.com/2020/02/13/loi-ppe-commentaires-utiles-publies/
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