Les limites d’un exercice non
libre et faussé.
La
Commission Nationale du Débat Public a mené fin 2019 une consultation sur la
gestion des déchets radioactifs. Ce n’était pas surement pas facile, et des
précédents fâcheux avaient eu lieu, tel le débat sur les nanosciences qui
n’avait tout simplement pas pu se tenir face à l’obstruction systématique et
très bien organisée de groupements extrémistes anti-science. Ce débat sur les
déchets pouvait tourner de la même façon et rapidement devenir impossible. Ce
ne fut pas tout à fait le cas, et je dois dire que j’ai une assez grande
admiration pour Chantal Jouanno, ses
équipes et leur professionnalisme.
Pour
autant, ce qui s’est passé est loin d’être satisfaisant- voir ci-dessous la
réaction de l’association Sauvons Le
Climat. Maintenant, si on peut exiger que les éléments scientifiques et
techniques du débat soient transmis de façon impartiale, et cette exigence
minimale n’a pas été respectée, on ne pouvait raisonnablement attendre non
plus de la CNDP qu’elle revienne sur trente ans de mensonges, de propagande et
de désinformation systématique des Français menée par les associations
antinucléaires des écologistes bigots et, d’autre part un grand silence des
experts scientifiques et des travailleurs du nucléaire ( la politique du
nucléaire honteux… surtout pas de vagues, ne répondons pas, laissons les pires
âneries se répandre..). Tout au plus pouvait-on attendre qu’elle donne un état
de l’opinion publique sur le sujet et quelques pistes ; et il y a tout de
même de ce débat quelques informations intéressantes à en tirer.
Commençons par la
réaction la plus, comment dire, la plus Elisabeth Borne. Ca devient un
qualificatif en soi.
Elisabeth
Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire, salue la qualité du travail
mené, qui a permis une organisation réussie de ce débat essentiel. Elle se
félicite du climat constructif qui a prévalu lors du débat, et de la large
mobilisation des parties prenantes.
Commentaire : oh
ben ça, c’est culotté ! climat constructif….???
« Sur la base des conclusions du débat public, Elisabeth Borne
engagera, conjointement avec l’Autorité de sûreté nucléaire, l’élaboration des
suites données par le Gouvernement à ce débat, qui seront rendues publiques
d’ici la fin du mois de février. Les parties prenantes, notamment des
associations de protection de l’environnement et des parlementaires, seront
consultés lors de l’élaboration de ces propositions.
Celles-ci seront ensuite pleinement intégrées dans la prochaine édition du PNGMDR, qui sera élaboré en 2020. »
Celles-ci seront ensuite pleinement intégrées dans la prochaine édition du PNGMDR, qui sera élaboré en 2020. »
Commentaire : des parties
prenantes sélectionnées comment ? Toujours les mêmes écolos bigots
antinucléaires ? Ou des expertises
scientifiques indépendantes ? Et pourquoi pas les experts des
gouvernements étrangers qui ont tous choisi la solution de l’enfouissement
profond ( Finlande, Canada, Suède) ?
Voici maintenant la réaction de l’association
d’écologiste favorables ( de manière raisonnée) au nucléaire, Sauvons le Climat :
Sauvons le climat : La
science proscrite du débat public sur les déchets nucléaires
Si le but du débat national Plan National de Gestion des
Matières et Déchets Radioactifs était de démontrer que les opposants avaient la
parole, c'est réussi. Mais pour la science, ce sera pour une autre fois.
Le débat national sur le PNGMDR vient de se terminer. Le
sujet est important puisqu'il traite de la façon de clôturer le cycle de façon
responsable en donnant aux déchets nucléaires des solutions d'entreposage, de
traitement et de stockage. Il s'agissait donc sûrement de traiter sérieusement
et de façon responsable de la question. Enfin, c'est ce qu'on croyait (peut
être bien naïvement).
Si vous êtes « Sauvons le Climat » (SLC), vous déposez un
cahier d'acteur (bien rangé dans la liste), vous formulez de nombreuses
contributions sur le site du débat, vous êtes représentés à diverses réunions
et … rien : dans la synthèse du débat,
on lit (p70) que dans les cahiers d'acteurs, les associations environnementales
(Greenpeace, FNE, Global Chance) demandent l'arrêt du retraitement du
combustible. Ce raccourci relève d'une simplification qui renforce l'idée
que les défenseurs de l'environnement s'opposent au retraitement et par
ailleurs au nucléaire en général. Il
relève aussi d'une forme de malhonnêteté intellectuelle en résumant les
associations de défense de l'environnement à ces trois groupes et d'un
manque total de respect pour des associations comme la nôtre.
Si vous êtes les Académies des Sciences et des
Technologies et tentez de faire passer un message technique et scientifique sur
le stockage profond des déchets en expliquant que c'est une solution
technologiquement excellente, vous n'avez droit à aucune tribune dans le cadre
du débat et vous n'êtes pas auditionné.
Si vous êtes Wise France, Association antinucléaire
notoire, vous n'avez pas besoin de déposer un cahier d'acteur, vous avez la
parole à la tribune (y compris à la séquence novatrice des « jeux éducatifs »)
et vous êtes référencés une douzaine de fois dans le rapport final.
Si vous êtes Greenpeace, c'est mieux encore : bien sûr,
vous aurez des places à la tribune, une vingtaine de citations dans la
synthèse, et vos écrits sur vos attentes du débat seront même utilisés pour
illustrer la réunion finale…
Si le but du débat était de démontrer que les opposants
avaient la parole, c'est réussi. On a même laissé (par exemple lors de la
réunion de Tours à propos des impacts sur l'environnement et la santé) autant
de temps de parole à un lanceur d'alerte autoproclamé qu'à l'IRSN, qui est
l'organisme technique de référence en matière de sûreté. Où sont les géologues,
les hydrologues, les neutroniciens, les médecins qui auraient dû être
longuement entendus sur un tel sujet ? »
Voilà, ça remet quand même bien les choses en place sur l’ambiance du
débat et sa nature viciée. Et aussi un agacement bien compréhensible devant l’anomalie qu’il y a à voir les
associations écologistes systématiquement associées à un refus idéologique du
nucléaire, alors que ce n’est le cas que d’une partie, certes très militante,
des associations écologistes, mais certainement pas de toutes, et que
nombre d’écologistes historiques, comme Brice Lalonde sont favorables de
manière raisonnable au nucléaire.
Pour autant, on ne pouvait pas attendre que la CNDP puisse à elle seule
revenir sur trente ans de désinformation…Et il y a quand même quelques leçons à
tirer de ce débat.
Les
conditions du débat
Revenons sur les conditions du débat avec cet aveu intéressant de la
CNDP : « En réalité, nous ne pensions pas à l’origine que ce débat
puisse aller à son terme tant les tensions sur le sujet du nucléaire sont
enracinées dans la sphère publique. Plus encore, il fut particulièrement
intéressant que le débat puisse finalement s’engager avec ces personnes dont
l’objectif était justement d’empêcher le débat. Même si celles-ci refusaient à
s’exprimer dans un cadre institutionnel, ces personnes souhaitaient que leur
parole soit entendue et il est de notre mission fondamentale que le décideur
ait connaissance de tous les arguments y compris les plus contestataires »
Commentaire : si le but de la CNDP est d’obtenir un état
de l’opinion publique sur le sujet, pourquoi pas ? Sauf qu’il faut tout de
même poser une règle précise : toutes les opinions ne se valent pas, et
leur poids doit être pesé au degré de connaissance scientifique…
Plus de 3400 participants
aux réunions publiques, 443 avis, 86 questions, 62 cahiers d’acteurs, 3043
messages…. Une dizaine de réunions ont cependant été perturbées à
des degrés divers: de la manifestation, plus ou moins bruyante, de groupes
d’opposants à l’extérieur de la réunion (ceuxci pouvant ensuite présenter leur
position à l’intérieur de la salle) à des perturbations plus sérieuses (bruits,
chahuts divers) pouvant conduire jusqu’à la suspension de la réunion, comme à
Lille , ou à l’empêchement de traiter les sujets prévus, comme à
Bagnols-sur-Cèze ou à Lyon…. La
commission regrette notamment que le déroulement de la rencontre de Bar-le-Duc
n’ait pas permis de traiter plus au fond la question des alternatives au
stockage géologique profond. Cinq rencontres ont étéparticulièrement bousculées (Lille, Valence, Bar-le-Duc,
Bagnols-sur-Cèze et Lyon)
Commentaire : bon, tout ne s’est pas si bien passé que
cela, alors…Surtout lorsqu’on apprend que la question du stockage géologique
profond, qui était quand même l’un des sujets principaux du débat n’a pu être
traité correctement…
Des dispositifs innovants
De
par des expériences malheureuses précédentes, la CNDP craignait que le débat public ne soit préempté que par
beaucoup d’opposants très motivés au nucléaire et ne puisse être mené à terme.
Aussi-a-t-elle procédé à des expériences innovantes et intéressantes, quoique
limitées, la clarification des controverses, le groupe miroir et l’atelier de
la relève.
La
clarification des controverses est une méthode de co-construction de
l’information à destination du public qui, pour la première fois, a permis au
moins de trouver un consensus sur ce qui fonde les principales oppositions.
Si en 2005, la commission avait bien demandé une analyse contradictoire aux
experts connus pour leurs positions critiques, elle n’a pas cherché le
consensus sur l’identification des sujets de controverses. Quant au débat
public de 2013 sur le centre de stockage profond de déchets radioactifs
(Cigéo), il fut justement critiqué pour son absence de documents
contradictoires.
Donc les controverses :
- Consensus
autour du besoin de nouvelles capacités d’entreposage vers l’échéance 2030.
La réponse à ce besoin relèvera d’une démarche de projet, et non du plan qu’est
le PNGMDR.
- Requalifier
ou non certaines matières en déchets, après examen de la réalité de leur réutilisation
possible, notamment pour les combustibles usés dans les filières de retraitement.
Les enjeux techniques et financiers de ces choix sont considérables. Certains
acteurs du débat ont recommandé la stratégie de précaution consistant à classer
en déchets toutes les substances dont la possibilité de réemploi n’était pas garantie
dès maintenant. En tout état de cause, la décision de classement de
substances en matières ou en déchets devra être adaptée dans le temps, en
fonction des évolutions affectant les techniques.de retraitement.
Commentaire : évidemment
Greenpeace pousse que pour tout soit déchet. A noter que cette question est aussi
éminemment sensible avec l’arrêt du réacteur de 4 ème génération, Astrid ;
le carburant qui devait être recyclé devient un déchet ; double perte pour
l’industrie nucléaire, double bonus pour les écolos antinucléaires, ce qui
explique leur hostilité à Astrid
Introduction de « seuils de libération » en
dessous desquels le niveau d’émission radioactive permettrait un traitement
dans les filières de gestion de déchets conventionnels, ou de dérogations plus
ponctuelles au principe du zonage. Le
public a manifesté une grande sensibilité à ce sujet : les réponses
apportées aux questions relatives au processus
de traçabilité, à l’effectivité des contrôles et à l’indépendance de ceux qui
en ont la responsabilité ainsi
qu’aux modalités d’association de la société civile sont apparues dans le débat
comme des préalables à d’éventuelles
évolutions.
Commentaire : c’est une question extrêmement importante. Il s‘agit
de matériaux utilisé dans une installation atomique, mais qui ne sont pas
radioactifs. Il y a un consensus total de tous les pays et de toutes les organisations
pour définir un seuil de libération à partir duquel ces matériaux
peuvent être considérés comme des matériaux ordinaires : AIEA (guide RS-G-1.7),
directive 2013/59/ Euratom, définissant les seuils d’exemption et de libération, CIPR (Commission
internationale de protection radiologique), OMS, FAO et AEN, tous les pays
nucléaires européens, la Canada, les US ont mis en place ces seuils de
libération. Même l’Allemagne ! Tous
sauf la France pour qui, dès qu’ un matériau a été utilisé sur un site nucléaire,
il est forcément nucléaire.
C’est totalement absurde, mais
dès que le gouvernement a essayé de mettre en place ce seuil de libération, il
s’est heurté à une campagne indigne de Greenpeace montrant par exemple deux
casseroles estampillées véritable acier de Fessenheim. Le fait de n’avoir pas
de seuil de libération permet à nos écolos d’augmenter considérablement les
prétendus déchets nucléaires, mais il empêche le démantèlement rationnel des
centrales et c’est par exemple, l’une des causes qui entrave la création du
centre de retraitement prévu sur Fessenheim après la fermeture.
Nous avons vraiment les
écologistes bigots les plus stupides et les plus de mauvaise foi, pire même que
les Allemands, et le pire est qu’ils sont entendus. Sur ce sujet critique des
seuils de libération, le Grand Débat montre qu’une intervention et une implications
fermes de l’Autorité de Sureté Nucléaire seront nécessaires.
- Définir les étapes suivantes
du projet Cigéo de stockage géologique profond pour les déchets MA/HA-VL.
« Le débat a conduit à
préciser les questions à traiter pendant la phase industrielle pilote dans un
calendrier cohérent avec l’échéancier très long de ce projet. Si cette phase
n’a pas été vraiment débattue en tant que telle, les interpellations du public
sur la réversibilité et la sûreté lui sont directement rattachées.
Commentaire : Merci à tous ceux Trsitant Kamin, Orano, le site Cigéo,
le Réveilleur et d’autres qui s’efforcent d’expliquer Cigéo. On en aura
besoin ! La multiplication des visites guidées de Cigéo semble une bonne
idée ( sf évidemment Michèle Rivasi, mais là, il y avait rien à faire sinon
l’oublier au fond pendant 10.000 ans)
- Entreposage
à sec dans les centrales ou nouvelles piscines : Pour Global Chance en
particulier, qui s’appuie sur des exemples étrangers, opérés notamment par
Orano, l’entreposage à sec sur site est plus avantageux en termes de coûts, de
sûreté et de sécurité, notamment face aux agressions extérieures. Cette
solution aurait également l’avantage de réduire les transports de substances
radioactives.Lors de l’exercice de clarification descontroverses techniques, il
est apparu que, si les deux solutions d’entreposage avaient des mérites, la
faisabilité d’un entreposage à sec était moins évidente en France, compte- tenu
des spécificités du combustible usé français. Pour permettre d’avancer dans
ce débat, la CNDP, sur proposition de la commission, a commandé à l’Institut
de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) une expertise
complémentaire portant sur l’analyse des possibilités d’entreposage à sec des
combustibles nucléaires usés français. Ce document, produit et mis en ligne
dans le courant du mois de mai, a permis de nourrir les réflexions et les
échanges.
Bon, on voit je crois les
l’intérêt et les limites de l’exercice. La CNDP ne peut à elle seule remédier à
trente ans de désinformation sur le
nucléaire (et de l’autre côté, de nucléaire honteux, de voie libre
laissée à la désinformation). Dans un certain nombre de
cas, elle permet au moins un accord sur les désaccords et de mettre à jour les
motivations sous-jacentes ; ceux qui souhaitent faire vivre et continuer
le débat, les experts qui souhaitent apporter leur contribution peuvent ainsi
mieux comprendre les obstacles auxquels ils risquent de se heurter. Et dans
certains cas particulièrement favorables (entreposage à sec ou piscine), elle a
permis de faire émerger un consensus rationnel basé sur les connaissances
existantes…
Suite
dans un prochain blog particulièrement centré sur Cigéo.
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