La Lettre
géopolitique de l’électricité
juin 2019 est consacrée à l'étude des causes de la forte et inhabituelle hausse
des Tarifs Réglementés d'EDF au 1er juin 2019. Vous la trouverez sur
www.geopolitique-electricite.com . Encore une intervention du très remarquable
Lionel Taccoen pour expliquer comment contribuables, clients d’EDF et EDF
lui-même sont pillés pour faire vivre une pseudo concurrence.
Elle
complète joliment et précise un de mes blogs précédents : Pourquoi les
tarifs EDF augmentent ? Magouilles et mensonges. Un système fou, fou, fou (2)
!Ou l’ARENH expliqué à vos enfants (enfin, on essaie)
Donc
ici ce sera, l’ARENH expliquée à vos grands enfants ! Extraits du texte de
Lionel Taccoen
Les Tarifs réglementés :
qu’y-a-t-il dedans ?
Les
Tarifs Réglementés sont obtenus par empilement des différents coûts : coûts
d’approvisionnement en électricité (produite ou achetée), d’acheminement
(réseaux de transport et de distribution), de commercialisation additionnés
d’une modeste marge (bénéfice), auxquels s’ajoutera ensuite une composante de
taxes. On observe que les concurrents d’EDF produisent peu ou pas
d’électricité. Leur approvisionnement impose donc qu’ils l’achètent pour la
revendre. D’où un premier coût : le prix d’achat. Mais il faut ajouter un
second coût indirect : la garantie d’approvisionnement. Tout fournisseur doit
acquérir des certificats de capacité prouvant qu’il a accès à une capacité de
production compatible avec l’approvisionnement de ses clients. On constate que la cause unique
d’augmentation des Tarifs Régulés est une forte augmentation des coûts directs
et indirects (garantie de capacité) d’approvisionnement en électricité. Les
autres postes sont restés stables. C’est
donc dans les achats d’électricité qu’il faut rechercher la cause des
augmentations des Tarifs Réglementés d’Electricité. Les concurrents d’EDF
ont deux possibilités pour se procurer du courant : le parc nucléaire d’EDF et
le marché de l’électricité. Les prix de l’électricité de ces deux sources
entrent dans le calcul des Tarifs Réglementés.
Un marché qui se
retourne, l’électricité polluante étant davantage taxée ! Les concurrents
d’EDF accros au biberon nucléaire !
Durant
des années, les prix de l’électricité sur le marché ont été très bas. Les centrales à charbon allemandes
déversaient du courant, polluant, mais bon marché, au prix proche du nucléaire
EDF. Les surplus de charbon américain, arrivant en Europe avaient fait chuter
les coûts de ce combustible. A cela s’ajoutait l’apport des renouvelables, une électricité livrée à un prix dérisoire
car payée hors marché par des taxes. Dans un premier temps, le prix bas
(artificiel) des renouvelables et des combustibles fossiles firent énormément
chuter les prix de marché. Ils devinrent inférieurs au prix de production des
centrales à charbon seules et également à celui du nucléaire mis à disposition
des concurrents d’EDF par le dispositif ARENH… On observa simultanément des baisses du prix de gros de l’électricité
sur le marché et des augmentations de factures des particuliers en raison des
taxes finançant les renouvelables. Bref, l’époque fut bénie pour les
concurrents d’EDF. Lorsque le marché ne procurait pas assez d’électricité à bas
coût, il suffisait de compléter par des achats de nucléaire EDF à prix d’ami. Certes,
en l’absence de concurrence lors de la production, aucun gain n’apparut pour le
consommateur (sur les factures TTC) comme l’indiqua le Président de la Commission
de Régulation de l’Energie (voir ci-après).
Mais
début 2018, l’annonce d’une modification des règles du marché du carbone
provoqua une forte hausse des prix de la tonne de CO2 pour les centrales
électriques (Enfin, une volonté politique de décarboner l’énergie !). A
cela s’ajouta une augmentation du coût des combustibles fossiles. La conséquence
fut une l’augmentation notable des coûts de production des centrales à
combustibles fossiles (dont le charbon). Le prix du marché de gros de
l’électricité suivit. Le changement majeur fut que les prix de marché
dépassèrent le prix de vente du courant nucléaire d’EDF (42 euros/MWh).
Les concurrents d’EDF
devinrent alors accros au biberon nucléaire. La situation était renversée : désormais les
fournisseurs alternatifs, qui produisent peu ou pas devaient acheter une partie
de leur courant sur le marché à un prix supérieur à celui issu des centrales
nucléaires, qui, comme chacun sait, procurent la plus grande partie du courant
à EDF. Ils se ruèrent sur le courant nucléaire : en 2018, les deux tiers de leur approvisionnement vinrent du parc
nucléaire EDF.
ARENH : un échec
complet parfaitement prévisible, et des margoulins qui se goinfrent.
EDF,
premier producteur mondial occupe en France une position dominante. Le
législateur français a, par la Loi Nome (Nouvelle Organisation du Marché de
l’Electricité , décidé de s’écarter des règles habituelles de concurrence afin
d’aider l’apparition et le développement des nouveaux fournisseurs
d’électricité. La raison invoquée est le prix très bas du nucléaire lié à
l’amortissement du parc de centrales. La
Loi Nome, par le dispositif nommé Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire
Historique (ARENH), permet aux concurrents d’EDF de se procurer du courant
nucléaire à un prix censé ne pas léser EDF tout en leur donnant, à efficacité
égale, la possibilité de concurrencer l’opérateur historique (42 euros/MWh
depuis plusieurs années)…. Le recours à l’ARENH est bien sûr optionnel. Les
fournisseurs alternatifs n’ont intérêt à l’utiliser que lorsque les prix de
marché sont plus élevés que 42 € MWh. La Loi NOME stipule que le dispositif
ARENH doit s’arrêter en 2025. L’Autorité de Concurrence, consultée, a accepté
le dispositif ARENH en constatant : « Le dispositif … conduit à s’écarter des
conditions normales d’un marché concurrentiel … pendant une période très longue
». Et encore : l’Autorité de
Concurrence, en donnant son accord à l’ARENH, l’a assortit des considérations
suivantes : - « L’émergence d’une
concurrence réelle rend nécessaire de favoriser une incitation à
l’investissement des fournisseurs alternatifs dans les moyens de production
». Ces investissements sont « la contrepartie » des fournitures de courant
nucléaire par l’ARENH. - « … il est important [de prévoir] une sortie
progressive du mécanisme…L’objectif est d’obliger les fournisseurs à se
préparer à l’échéance du 31 décembre 2025 »
Force
est de constater que de telles incitations, dont la sortie progressive du
dispositif, ne furent pas prévues. Les
investissements dans la production des concurrents d’EDF ne sont pas apparus.
La concurrence à la production d’électricité n’existe pas en France. Ce qui
entraîne, dans les faits, l’absence de concurrence tout court, donc l’absence
d’effet sur le prix. Le Président de la Commission de Régulation de l’Energie
le confirme : « la concurrence par les prix reste marginale » , Comme l’avait
prévu l’Autorité de Concurrence : « A défaut [de la concurrence à la
production]…à la sortie du dispositif [ARENH] la configuration du marché ne
sera guère différente de celle actuelle ». L’ARENH
est un échec. Le Président de la Commission de Régulation de l’Energie et
l’Autorité de Concurrence constatent : aucun gain pour le consommateur, aucune
avancée dans la mise en place d’un véritable marché de l’électricité. On
notera que ni la Commission de Régulation de l’Energie, ni l’Autorité de Concurrence
ne parlent de renouvelables: ces sources sont toujours largement hors
concurrence. La véritable raison de l’échec de l’ARENH est le marché de
l’électricité européen, qui par son fonctionnement aberrant, ne permet pas
d’investissement rentable dans la production et le stockage de l’électricité.
Cette situation existant depuis des années, le résultat de l’ARENH aurait pu
être prévu. »
NB :
Si l’ARENH qui contraint EDF à céder à prix coûtant (voire même plus bas) un
quart de sa production nucléaire, n’a permis aucun gain pour le consommateur,
ni aucun progrès dans la constitution d’un marché de l’électricité, elle fait
en revanche un tabac chez les pseudo-concurrent d’EDF, qui en demandent
toujours plus, soit une augmentation de 30% ! Accordée en dépit de tout
bon sens par M. De Rugy, alors que l’ARENH était au contraire censée
disparaître progressivement. Une aberration de plus !
Et c’est ainsi qu’EDF se trouve contraint de
subventionner (et de plus en plus) des margoulins qui prétendent fournir de
l’énergie verte et qui n’ont investi dans aucune installation de production, et
qui se contentent de revendre le courant nucléaire qu’EDF est forcé de leur
vendre à bas prix !
Ou
encore par l’ARENH, EDF est forcée de subventionner Total au frais des consommateurs…pour
que Total lui prenne des clients ! Au fou !
Pourquoi l’augmentation ? Pour
sauver la parodie de concurrence !
Tout
consommateur qui a quitté les Tarifs Réglementés d’EDF peut y revenir quand il
veut. La seule façon d’éviter
l’effondrement des concurrents de parodie d’EDF était d’augmenter les Tarifs
Réglementés d’EDF … afin que les concurrents puissent augmenter leurs prix tout
en évitant que leurs clients retournent chez EDF.
Concurrents
de parodie , qui ne produisent rien, et se contentent, dans un marché de gros
devenu plus cher à cause de tensions
internationales et de l’ augmentation
des taxes carbones, de revendre à coût plus élevé le courant nucléaire qu’EDF
est contrant de leur céder à bas prix ! Comme ils ne produisent pas ( et comment
pourraient produire à plus bas coût qu’EDF ?), comme ils n’investissent
pas dans de nouveaux moyens de production, leur seul levier, c’est une
concurrence au niveau des frais de commercialisation, 6 à 8% de nos
factures !. Alors on assiste à ce déplacement massif des centres d’appel
dans des pays où le soleil est plus généreux et le code du travail nettement
moins. Une grande entreprise (Suez) a ainsi délocalisé massivement ses
commerciaux au Maroc et à Madagascar… avec les conséquences évidentes sur
l’emploi en France et la qualité du service rendu./
La hausse des tarifs
réglementés pour maintenir l’hypocrisie de la concurrence sur le marché de
l’électricité
Les
dirigeants français ont essayé de se soumettre aux directives européennes sur
la libéralisation du marché de l’électricité en particulier par l’adoption d’un
dispositif nommé ARENH, qui oblige l’entreprise EDF à fournir aux autres
fournisseurs du courant nucléaire à un prix tel que ceux-ci aient la
possibilité de la concurrencer (à efficacité égale). Il en a résulté une Usine
à Gaz, dont le fonctionnement semble échapper à ses concepteurs. L’espoir était
que les concurrents d’EDF investissent dans la production. Ils ne l’ont pas
fait. Cela entraîne l’absence de concurrence à la production, donc
l’inexistence d’une concurrence permettant de faire baisser les prix. .
L’augmentation récente des prix de gros de marché de l’électricité menace la
compétitivité des concurrents d’ED. Pour sauver la face vis-à-vis de Bruxelles
et maintenir cette apparence de concurrence sans intérêt pour le consommateur,
il est nécessaire d’augmenter les Tarifs Règlementés d’EDF ainsi que la
quantité de courant nucléaire livré aux « fournisseurs » alternatifs.
Il faut éviter que les clients qui ont quitté EDF y retournent. Le consommateur français va payer son
électricité plus chère et sera privé d’une partie de la compétitivité du
nucléaire, utilisée pour aider les concurrents d’EDF. EDF, seul investisseur
conséquent dans le secteur électrique et dont dépend une branche industrielle
de centaines d’entreprises, est fragilisé par les aides à ces mêmes
concurrents, qui eux, investissent bien peu.
C’est
technique ? Non, en fait, c’est assez simple. Les syndicats et
organisations de consommateurs ont bien compris ce qui se passe et le dénoncer.
Par exemple, la position de la CNL :
« Durant
des décennies, la France a fait le choix politique de développer un service
public de l’énergie en offrant aux usagers de l’électricité et du gaz un prix
uniforme et accessible sur tout le territoire, et qui garantissait
l’indépendance énergétique du pays.
En
2000, le choix de privatiser les opérateurs historiques EDF et GDF ainsi que
les différentes étapes de l’ouverture du marché de l’énergie ont conduit à des
augmentations très importantes des prix pour les consommateurs et à la
recherche systématique des profits pour les actionnaires.
La
situation ne va faire qu’empirer avec la dernière loi de nouvelle organisation
du marché de l’électricité et la mise en place de nouveaux compteurs.
L’objectif est très clair : la disparition des tarifs réglementés de
l’électricité, entre autres, et une ouverture totale à la concurrence et à la
spéculation. Avec cette loi, il n’existe plus de garde-fou sur l’évolution des
tarifs.
Pour
la CNL, il est scandaleux que l’Etat ait renoncé à un service public de
l’énergie, garant de l’accès de tous à ce bien de première nécessité, d’autant
plus que 3,5 millions de ménages ne peuvent plus se chauffer correctement. Ces
familles sont prises dans une spirale infernale : factures impayées,
restriction ou privation de chauffage, tout conduit à la dégradation accélérée
du bien-être dans le logement. Les conséquences sanitaires et sociales sont tout autant dramatiques. Qu’en sera-t-il demain ?
Ce ne sont pas les Tarifs de solidarité énergie actuels qui peuvent aider les
familles en difficulté. »
La
CNL et d’autres ont entrepris de contester l’augmentation des TRV. Comme le
souligne M. Taccoen, « la base juridique, comme l’explique l’Autorité de
Concurrence, est fragile.Il est bien possible que le Conseil d’Etat, saisi par
des associations de consommateurs annule l’augmentation de 5,9 % pour la
ramener à 3,54%. Cette même Autorité de
Concurrence, qui a donné un avis défavorable à cette initiative de la
Commission de Régulation, estime qu’il s’agit d’un transfert financier aux
concurrents d’EDF fait aux dépens des consommateurs »
Nous
voyons à quels sommets d’absurdité mène l’idéologie de l’ultralibéralisme –
la pseudo libéralisation du pseudo marché de l’électricité en est un exemple
particulièrement clair !
Il
est peut-être temps d’arrêter !
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