Dans le dernier mois, au moins trois tribunes libres consacrées à la
transition énergétique insistent sur la nécessité d’un Etat Stratège pour
répondre aux immenses défis climatiques et énergétiques qui s’annoncent. Le
premier, d’Yves Bréchet, était consacré à Astrid (cf. https://vivrelarecherche.blogspot.com/2019/10/politique-energetique-et-climatique.html).
Les deux suivantes
traient de l’utlité, de la nécessité et de la beauté des EPR. Extraits :
L’Etat
verra-t-il les bénéfices cachés du nouveau nucléaire français ?
Michel Gay (
https://www.lemondedelenergie.com/etat-benefices-france-nucleaire-epr/2019/08/21/)
« Les énergies renouvelables fatales et aléatoires
ne permettront pas de répondre en permanence au besoin national d’électricité. La
France est donc appelée à renouveler progressivement entre 2030 et 2050 son
parc actuel de production d’électricité par de nouveaux moyens pilotables de
production. Les réacteurs nucléaires de
troisième génération EPR pourraient notamment garantir un socle de production
d’électricité en 2050 et permettre de s’affranchir des énergies fossiles dès
2060. Mais il faudrait un Etat stratège avec une vision de long terme pour
en discerner tous les bénéfices… »….
« Aujourd’hui, deux
EPR fonctionnent parfaitement en Chine. La réussite de ces deux chantiers
aboutissant à leur mise en service en 2018 et 2019 démontre la viabilité
opérationnelle du concept…
Malgré les difficultés des deux premiers chantiers EPR en
Finlande et à Flamanville, consécutifs à un réapprentissage après un arrêt de
construction de plus de 10 ans, la filière nucléaire (troisième filière
industrielle en France avec 220 000 professionnels hautement qualifiés) dispose
aujourd’hui d’atouts. Elle risque de les
perdre à nouveau si elle cesse de construire des réacteurs. Alors, elle
s’approvisionnera à l’étranger (Chine et Russie qui progressent rapidement) ce
qui entrainera une perte économique accompagnée d’une perte de souveraineté
technologique et énergétique. »
« Le développement du nouveau nucléaire à base d’EPR
en France et dans une partie du monde constitue un enjeu majeur pour l’avenir. C’est
la possibilité :
•de prolonger les avantages actuels d’un parc électrique
offrant à la fois un prix bas et stable, une sécurité de fourniture, et une
empreinte carbone faible,
•de rester au plus
haut niveau de la sûreté nucléaire et de rentabiliser dans la troisième
génération les investissements passés,
•de maintenir une
production pilotable et flexible (la
puissance peut varier de 80% en une demi-heure) dont la disponibilité a été
en moyenne de 75% de 2010 à 2019,
•de développer une
importante filière industrielle reconnue mondialement, avec tous les
bénéfices qui en résultent sur les emplois, la balance commerciale et les
engagements de la COP21 signés à Paris en 2015 (Stratégie nationale
bas-carbone). »
Le
vrai coût : bénéficier de l’effet de série
« Le coût du nucléaire de troisième génération (EPR)
résulte essentiellement des coûts de
construction et de financement. En fonction du taux d’actualisation retenu (le
coût du prêt), les dépenses de construction représentent entre 50 et 75 %
du coût total de production de l’électricité sur la durée d’exploitation de
l’installation. Un rapport de la Cour des comptes britannique montre la
sensibilité du prix de l’électricité au taux de rendement attendu du projet. Ainsi, le coût du kilowattheure de l’EPR
d’Hinkley Point double quand le taux d’actualisation passe de 3 % à 10 %
(le taux retenu par EDF pour ce projet est de 9 %). »
Remarque : le coût varie aussi fortement avec la
durée d’exploitation du réacteur, qui avait été largement sous-estimée dans le nucléaire
historique….
« Pour bénéficier de l’effet de série, il s’agit de
construire les réacteurs par paire sur un même site (moins 15% sur le deuxième
réacteur), et à échéance régulière sur des sites différents. Les études et
qualifications sont réalisées une seule fois et la commande d’une série de
matériels identiques permet aux fournisseurs d’atteindre des gains de
productivité, tandis qu’une bonne gestion des échéanciers maintient une charge
de travail continue optimisée pour les industriels. Par exemple, EDF estime
pouvoir réduire de 20 % le coût de la construction des deux prochains EPR à
Sizewell C (Grande-Bretagne) en transposant des éléments du projet Hinkley
Point. »
« La « valeur économique » d’un tel projet de
nouvelle centrale nucléaire est plus large que celle de la simple « rentabilité
». Elle doit être comparée à d’autres moyens rendant les mêmes services, et non
à la rentabilité artificielle
subventionnée des éoliennes et du photovoltaïque bénéficiant de mécanismes de
soutien (tarifs d’achat) qui garantissent les prix et les volumes de vente. En
revanche, le nucléaire n’en bénéficie pas en France, ce qui entraîne une
distorsion de la concurrence.
8 EPR
en 2040
« Pour continuer à faire bénéficier les Français
d’une électricité décarbonée pilotable et bon marché, l’État « stratège » doit prendre en charge une partie du risque en
établissant des contrats de long terme de type CFD. Le gouvernement doit
aussi structurer un programme de nouveau nucléaire favorisant les baisses de
coûts induites par un effet de série.
La
construction d’une paire d’EPR sur un même site (espacée de 18 mois) devrait
être initiée dès que possible pour une mise en service vers 2030. Ensuite, dans
les mêmes conditions, la construction de trois autres paires espacées de 4 ans
semble un optimum pour piloter la décarbonation de l’économie et aboutir à 8
réacteurs EPR de 1650 mégawatts en fonctionnement vers 2040.
Ils succèderont à une quinzaine de réacteurs actuels de 900 mégawatts qui
atteindront alors leur limite de durée de fonctionnement, soit environ 60 ans,
et… peut-être davantage.
L’économie de marché a souvent une vision de court terme
permettant à des acteurs privés d’avoir un retour sur investissement rapide. C’est
donc à l’Etat d’avoir une vision large et lointaine »
L’EPR a un avenir en France et
en Europe !
Maxence Cordiez (https://www.lemondedelenergie.com/epr-avenir-france-europe/2019/10/04/),
CEA, Affaires Européennes. Extraits :
Nucléaire ou black out ? . Les raisons qui ont conduit au choix du
nucléaire en France dans les années 70 sont plus que jamais valables
aujourd’hui
« Avec le plan Messmer en 1974, la France a fait le
choix d’un bouquet électrique s’appuyant essentiellement sur l’énergie
nucléaire, en réponse au premier choc pétrolier qui avait vu les prix du brut
quadrupler en moins de six mois.Si ce choix fait aujourd’hui l’objet de
critiques, la situation a-t-elle vraiment changé depuis lors et la France
peut-elle se passer de nucléaire ?
Alors que le chantier de construction d’un réacteur EPR à
Flamanville accumule les retards et dépassements budgétaires, des voix
s’élèvent pour remettre en question l’avenir de l’EPR voire de l’énergie
nucléaire, en France et plus largement en Europe.C’est oublier à la fois l’importance
stratégique de l’approvisionnement électrique pour nos sociétés modernes, et
les contraintes physiques qui président largement au choix des bouquets
électriques nationaux. »
«Les besoins en électricité ne se limitent pas aux
périodes ensoleillées et ventées, propices à l’électricité solaire et éolienne.
En France, la demande électrique est maximale à 19 heures en hiver.
L’ensoleillement est alors nul et le vent ne souffle pas nécessairement,
surtout pendant les périodes de basse-température correspondant au passage d’un
anticyclone froid. »
Aujourd’hui, tous les pays d’Europe de l’ouest
(Royaume-Uni, Allemagne, France, Belgique, Italie, Espagne…) ferment des
centrales pilotables – par opposition aux sources d’énergie variables telles
que les panneaux photovoltaïques et éoliennes qui produisent non pas en
fonction des besoins, mais suivant l’heure et la météo – sans les remplacer, ni se concerter. Tous ces pays comptent sur leur capacité à importer de l’électricité
produite chez leurs voisins lors des pics de consommation. Cette attitude est
dangereuse et les gestionnaires des réseaux électriques européens ne cessent
d’alerter – en vain – leurs gouvernements quant au risque croissant de coupures
d’électricité majeures en Europe. »
« Une étude récente publiée par la Société française
d’énergie nucléaire montre qu’en supposant une prolongation de tous les
réacteurs du parc actuel (sauf celui de Fessenheim) jusqu’à 60 ans, une chute brutale des capacités nucléaires
est à prévoir entre 2040 et 2050, du fait du rythme de construction soutenu
dans les années 70-80.
Cette chute doit être anticipée. Maintenir un socle
nucléaire de 35 à 40 GW (contre 63 GW aujourd’hui) nécessiterait ainsi de
construire de 3 à 4 paires d’EPR par
décennie entre 2030 et 2050… »
« Étant donnés l’étendue des besoins en capacités
électrogènes pilotables et bas-carbone en Europe, ainsi que les délais
extrêmement restreints pour y répondre, l’EPR
semble incontournable. Il constitue un élément de réponse face à l’urgence
climatique, l’épuisement des ressources fossiles et le besoin de remplacement
des centrales en fin de vie. Même s’il reste plus cher que les centrales du
parc historique, l’EPR est compétitif face aux alternatives car on ne dispose
toujours pas à l’heure actuelle de moyen de stockage d’énergie compétitif à
grande échelle. Pour des raisons physiques, notamment les pertes d’énergie
intrinsèques au stockage, on peut d’ailleurs douter de jamais en voir émerger. »
« Or, c’est indispensable pour envisager le
remplacement des centrales à combustibles fossiles par des éoliennes et
panneaux photovoltaïques. Les raisons
qui ont conduit au choix du nucléaire en France dans les années 70 sont plus
que jamais valables aujourd’hui. » On peut craindre que lorsque les
contraintes que nous négligeons aujourd’hui éclateront au grand-jour, la France
et l’Europe réaliseront, sans doute un peu tard, qu’une électricité plus chère
vaut mieux que pas d’électricité. »
Commentaire : Bis repetita : Compte-tenu de l’ampleur des défis
énergétiques , il serait peut-être bon d’avoir un ministre de l’énergie de
plein exercice ? Et d’avoir à nouveau un Etat Stratège dans la meilleure tradition
française
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