Interview au Figaro du 3 mars 2019: extraits :
Carlos Tavares fustige
le diktat de l’Europe, la décision du Parlement de Strasbourg de réduire de 40%
les émissions de CO2
quand les constructeurs plaidaient pour 20%. Compte-tenu des amendes prévues,
les entreprises seront confrontées à un enjeu vital, donc elles le feront. Mais
cela implique un changement de cap total pour nos sociétés pour lequel les
responsables politique ne les préparent nullement…
Depuis deux mois,
l’industrie automobile européenne a annoncé la suppression de plus de 20.000
postes. La volonté
d’imposer la correction de trajectoire de l’industrie a parfaitement réussi. Veut-on aller plus loin encore ?
Très bien, les entreprises s’adapteront. Mais cela met en risque les treize
millions de personnes qui travaillent dans notre industrie et cela
déstabilisera nos sociétés européennes.
Comment débattre
quand on n’est pas écouté ? Nous sommes enfermés par cette surdité. Je peux en témoigner comme
président de l’ACEA, associations européennes des constructeurs
automobiles ; la Commission Européenne n’a jamais donné le moindre signe
de vouloir engager une discussion constructive. L’Union européenne nous a
totalement ignoré : elle était y elle-même ulcéré par l’affront de la
tricherie d’un constructeur, ce qui l’a conduite à faire l’amalgame avec tout
le secteur. Le vote du Parlement est un vote contre toute l’industrie
européenne. Si être prémonitoire, c‘est faire du chantage, alors ne disons-rien
et attendons que les choses se produisent.
La
société a décidé de tuer le diesel. Passons à autre chose. Mais le problème,
c’est que les émissions de CO2 augmentent. Donc, on nous dit de passer à
l’électrification. Très bien ? Mais comment nos concitoyens pourront-ils
disposer dans des conditions économiques raisonnables d’une pleine liberté de
mouvement ? Ces questions sont
traitées avec une légèreté et un amateurisme atterrants.
L’électrification
n’est-elle pas la solution ? Je ne dis pas cela. Mais je ne voudrais pas que dans vingt ans mes petits-enfants me
disent : papy, quand vous avez décidé le tout électrique, vous n’avez pas tout
bien regardé ! » Il faut une vision à 360 degrés. Nous avons
besoin d’un pilotage stratégique. Les constructeurs ont les produits. Mais il
faut penser à la production de l’énergie propre qui propulsera les véhicules,
l’empreinte carbone de la production et du recyclage des batteries, les
conditions d’extraction des terres rares qu’elles contiennent, le
dimensionnement du réseau de chargement, le devenir des 414 milliards de
recettes fiscales en Europe sur les carburants, le financement… Comment les Etats,
exsangues, au bout de leurs capacités d’endettement, de déficit et de pression
fiscale, trouveront-ils l’argent pour financer les réseaux de chargement ?
Je constate que l’automobile est en position de
fusible entre les ministères de l’industrie et de l’Environnement ?
Il y a treize millions de salariés qui
sont les otages de ce débat de société. Cela mérite au minimum une approche
professionnelle et scientifique de la question posée.
Vous
êtes sévère sur le pilotage stratégique ! Mais, pour le coup, la question
de la production des batteries est posée ? Participerez-vous au projet d’
Airbus des batteries ? Je salue l’initiative de la France et de
l’Allemagne. De grands acteurs comme Bosch, ont regardé le dossier et considéré
que ce n’était pas rentable. Nous avons étudié le sujet. Le capital initial est
colossal. Ce projet n‘est possible que s’il est considéré comme hautement
stratégique et qu’à ce titre, il ne soit pas étouffé par les règles qui
contraignent les aides d’Etat. L’Union européenne sera-t-elle capable de
s’élever à ce niveau de vision stratégique, au-delà des simples règles de
concurrence intracommunataires ? Sera-t-elle capable de se débarrasser de
son carcan technocratique pour permettre que l’on localise l’industrie de la
batterie vers l’Europe ? Bref pouvons-nous faire confiance à
l’Europe ?
La
décision sur Alsthom Siemens peut nous rendre soit pessimiste, soit optimiste,
si elle sert d’électrochoc. Mais il faut faire vite. Nous avons des échéances
pour 2020, pour 2025, pour 2030. A ces dates, si les constructeurs ne vendent
pas assez de voitures électriques, ils seront ruinés par des amendes. Dans le
monde réel, nous chefs d’entreprises, devons prendre des décisions et réserver
des volumes de batteries auprès de fournisseurs asiatiques qui nous voient
arriver avec un grand sourire, pendant que la paperasserie européenne suit son
cours. Ils sont ravis de cette contrainte qui pèse sur nous, et leur permet de
négocier de bons prix.
La décision du
parlement européen est tout simplement en train d’obliger le secteur automobile
européen à exporter 40% de la valeur des automobiles vers l’Asie . Est-ce
pour cela que les citoyens européens ont voté ? Les élus qui ont pris des
décisions jusqu’au-boutistes avaient-ils ce mandat-là ?
«
Le monde est fou. Le fait que les autorités nous ordonnent d’aller dans une
direction technologique, celle du véhicule électrique, est un gros tournant. Je
ne voudrais pas que dans 30 ans on découvre quelque chose qui n’est pas aussi
beau que ça en a l’air, sur le recyclage des batteries, l’utilisation des
matières rares de la planète, sur les émissions électromagnétiques de la
batterie en situation de recharge ? ». Je m’inquiète en tant que citoyen, parce
qu’en tant que constructeur automobile, je ne suis pas audible. Toute cette
agitation, tout ce chaos, va se
retourner contre nous parce que nous aurons pris de mauvaises décisions dans
des contextes émotionnels. »
Un peu de
techniques : la voiture électrique est-elle écologique ? Ben, pas
tellement !
Note
de l’Ademe de 2013 : La fabrication des batteries est tellement émettrice
de CO² qu’il faut avoir parcouru de 50
000 à 100 000 km en voiture électrique pour commencer à être moins producteur
de CO² qu’une voiture thermique. Soit 15 à 30 km par jour, 365 jours par an,
pendant 10 ans !
Bon,
les chiffres sont déjà assez anciens, ils se sont peut-être améliorés, mais les
ordres de grandeur restent les mêmes. Sachant
que ces voitures servent essentiellement à des trajets courts, il est probable
que le kilométrage nécessaire pour s’estimer « vertueux » ne sera jamais
atteint. De plus, tout le CO² émis par une voiture électrique est envoyé
dans l’atmosphère avant même que ne soit parcouru le moindre kilomètre, alors
qu'il est partout prétendu que la voiture électrique n’émet
pas de particules fines. Mais, comme le signale le magazine Science et Vie
(janvier 2015), « les pneus, les freins et l’usure des routes émettent presque
autant de microparticules que le diésel ». Alors, la voiture électrique émet
certes moins de particules que la voiture thermique, puisqu'elle ne dispose pas
d’un pot d’échappement, mais elle possède bien des freins, des pneus, et roule
sur le goudron !
Au
final, on peut avoir de sérieux doutes sur le caractère écologique de la voiture électrique. Or, l’argent public
consacré à son développement est considérable. Un compte rapide :
Le
gouvernement a lancé un plan d’installation de 7 millions de bornes de
rechargement à environ 10 000 euros pièce, soit un cout d’environ 70 milliards
d’euros. Il est d’ailleurs poignant de voir les élus de petites communes,
croyant faire un geste pour l’environnement, casser la tirelire municipale pour
s’offrir une borne ;
Le
bonus «écologique» à l’achat d’une voiture électrique dépasse 10 000 €par
véhicule, souvent complété par une prime de la région. La quasi-totalité des
acheteurs sont des ménages aisés, car ces véhicules sont très chers : une fois de plus, l’argent de tous est
offert aux plus privilégiés. (cf. Stephane Lhomme, Directeur de
l’Observatoire du nucléaire, pour qui la
promotion de la voiture électrique cache en en fait la défense et la promotion
du nucléaire).
Tiens,
et autre chose en passant : il n’y a pas que l’automobile. En considérant
la taille des moteurs et la qualité du carburant utilisé, les 40 plus gros
navires-cargos du monde polluent autant que l’ensemble des 760 millions
d’automobiles de la planète. Et Ces 40 navires font partie d’une flottille de
3.500, auxquels il faut ajouter les 17.500 tankers qui composent l’ensemble des
100.000 navires qui sillonnent les mers…
Tiens,
une dernière citation de Carlos Tavares : Ce magnifique instrument de
liberté qu’est l’automobile… Elle permet à nos concitoyens une liberté de
mouvement sans égale.
Ca va être dur de s'en passer....
Les manifestations
pour le climat
Prenons
les manifestations pour le climat ; si consensuelles tant qu’on ne parle
pas de solutions concrètes, pratiques et acceptables. Prenons les propos de l’
égérie suédoise Greta Thunberg, partie en train à Davos (ça prend du temps,
mais il faut reconnaître que c’est cohérent ): « Je ne veux pas de votre espoir. Je veux que
vous paniquiez, que vous ressentiez la peur que je ressens tous les jours et
que vous agissiez. »
Eh
bien non, justement. La panique, c’est un très mauvais plan, et le plus sûr
moyen de faire n’importe quoi, comme de décréter des objectifs absurdes et
démagogiques sans souci de leur
faisabilité technique et de leur soutenabilité sociale- juste comme l’a fait le
Parlement Européen, comme le dénonce très courageusement Carlos Tavares.
Il justement temps de quitter le mode panique , qui
semble se développer dangereusement, pour revenir en mode technique. Ce qui se
passe n'est pas très étonnant. Certains penseurs écologistes, adversaires
idéologiques du progrès, l'ont théorisé : la peur est pour eux le seul moyen
qui permettra d'imposer les changements radicaux de comportement qu'ils pensent
nécessaires pour sauver l'humanité. Une posture dangereuse d'autant qu’ils sont
aussi prêt à balancer par dessus bord rationalité technique, démocratie,
problèmes sociaux et finalement toute une partie de l’humanité qui ne
mériterait pas d'être sauvée.
Nous
avons connu les épisodes tragiques des gardes rouges, il ne faudrait pas que l’appel
à la panique et à la peur de l’apocalypse engendre des gardes verts. Or, déjà,
les attaques de boucherie et d’agriculteurs au travail se développent….
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