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lundi 25 mars 2019

Electricité : la grande escroquerie de l’éolien

Sur des sujets souvent abordés sur ce blog, une remarquable interview de
Tristan Kamin sur Atlantico : (
https://www.atlantico.fr/decryptage/3568576/electricite--le-record-de-production-par-les-eoliennes-battu-le-14-mars-est-un-faux-espoir-tristan-kamin)

Electricité : le record de production par les éoliennes battu le 14 mars est un faux espoir.

Le 14 mars dernier, le parc éolien français aurait atteint un record en produisant 18% de la consommation nationale, selon RTE, ce qui serait le résultats des vents forts constatés ce jour.

Atlantico : Comment cette production historique des éoliennes s'est-elle "imbriquée" à la production nucléaire ? 

Tristan Kamin : Le système électrique français fonctionne suivant un « ordre de mérite » dans lequel les moyens de production sont prioritaires ou non selon leur « coût marginal ». En très simplifié, plus le coût de combustible est faible, plus un moyen de production est prioritaire. Donc le solaire, l’éolien et l’hydraulique « au fil de l’eau » (0 coût de combustible) sont prioritaires sur le nucléaire, lui-même prioritaire sur le gaz, prioritaire sur le charbon… Avec tout un tas de nuance et d’exceptions, évidemment.

Mais les principes sont là ; et quand le vent s’est montré généreux alors que la consommation n’était pas particulièrement élevée, une fois les exportations au maximum de ce que le marché européen voulait bien, une fois les centrales à gaz réduites à leur minimum de production, une fois les vannes des barrages fermées au maximum… Le parc nucléaire a dû baisser sa production pour « faire de la place » à tous ces mégawatts d’électricité d’origine éolienne.
Certains réacteurs ont été totalement arrêtés (c’est l’occasion d’anticiper des opérations de maintenance), d’autres ont simplement réduit leur puissance, parfois très fortement : jusqu’à un tiers de la puissance nominale.
L’imbrication est donc, en apparence, très simple : l’éolien s’impose, le nucléaire s’efface.

Il faut noter que cette capacité du parc nucléaire à varier en puissance sur de grandes amplitudes et dans des délais courts est une particularité française, justifiée en raison de la place dominante du nucléaire dans notre système électrique. Dans d’autres pays où le nucléaire est minoritaire, sa production est, autant que possible, maintenue à pleine puissance. Et ce sont les autres moyens de production pilotables (hydroélectricité, charbon, gaz) qui assurent la régulation en fonction de la demande et de la production non pilotable.

En considérant que les vents forts ont touché une grande partie de l'Europe, quels en ont été les effets comparatifs selon les pays, en fonction de leurs différents modes de production d'électricité ? ? 

À la nuance près du nucléaire évoquée ci-dessus, ça s’est passé exactement de la même manière partout en Europe occidentale. On réduit la production au charbon, puis au gaz (ou l’inverse), puis hydraulique, tout en cherchant à exporter au maximum pour éviter d’avoir à arrêter des centrales électriques. Le sud de l’Europe était toutefois moins concerné, c’est surtout l’Europe du Nord qui était fortement balayée par les vents, et en particulier, évidemment, l’Allemagne et son immense parc éolien (d’une capacité nominale de 59 gigawatts, quasiment équivalente à notre parc nucléaire et ses 63 GW).
Donc de la France au Danemark, en passant par l’Allemagne et le Benelux, tout le monde s’est retrouvé à devoir choisir entre brider ou arrêter des centrales à charbon, gaz ou nucléaire, exiger des producteurs éoliens qu’ils cessent d’injecter leur production électrique sur le réseau et devoir les dédommager, ou encore casser les prix sur le marché pour exporter. La solution étant évidemment une équation avec ces trois termes.

Et, au-delà du suivi de charge réalisé par le nucléaire français ou le charbon allemand, une autre conséquence marquante est l’effondrement des prix de marché en Europe du Nord. Avec des prix qui se rapprochent souvent de 0 € par mégawattheure tout au long de la semaine, les producteurs (notamment allemands) font le choix de « donner » leur production électrique aux pays voisins, plutôt que de réduire leur production.

Poussé à l’extrême, ce scénario conduit à atteindre des prix négatifs lorsque la consommation électrique devient vraiment basse, le week-end, par exemple. Ainsi, toute la journée de dimanche 17 Mars (jusqu’en début de soirée), l’Allemagne s’est retrouvée à payer ses voisins pour la soulager de sa production électrique et notamment éolienne. Ce fut aussi le cas par exemple pour la France, l’Autriche ou l’Espagne, avec des prix négatifs mais moins bas qu’en Allemagne.
Les grands gagnants ont probablement été les italiens et les britanniques, très gros importateurs d’électricité, qui ont eu le plaisir d’être, pour une fois, payés pour importer.

Quelles sont les enseignements à tirer de cette situation concernant le nucléaire français ? 

Du positif, et du négatif. Le positif, c’est que le nucléaire a montré sa grande souplesse pour s’adapter aux variations de production éolienne. Le parc nucléaire français n’est pas un gros bloc inerte qui déverse aveuglément ses kilowattheures sur le réseau sans se soucier du reste. Techniquement, donc, nucléaire et éolien ne sont pas incompatibles et sont même capables d’une certaine complémentarité. Celle-ci est bienvenue, au regard des trajectoires actuelles prônées par les gouvernements successifs pour notre système électrique.

Le négatif, c’est que cet événement venteux a fini par prendre fin, avec une production éolienne en France divisée par 6 entre dimanche 17 et mardi 19, d’environ 9 GW à 1,5. Et notre système électrique a apprécié que le parc nucléaire soit capable de remonter en puissance, d’environ 33 GW au plus bas dimanche à 48 GW mardi (nota : il a fallu compenser la baisse de la production éolienne mais aussi la remontée de la consommation au sortir du week-end).
Donc ce qu’on peut en retenir, c’est que l’éolien ne nous rend pas moins dépendant de notre parc nucléaire, pas plus qu’il ne libère nos voisins de leurs parcs de centrales à charbon ou à gaz : quand le vent tombe, il faut autre chose pour prendre le relais. Et, de préférence, une « autre chose » bas-carbone, comme le nucléaire et l’hydraulique, si l’on intègre la question climatique dans l’équation.

Au final, cette période de faste éolien aura marginalement et temporairement réduit notre consommation de gaz, et réduit, tout aussi temporairement, notre production nucléaire, sans que cela ne présente d’intérêt environnemental ni économique significatif. En termes négatif, la balance est peut-être même dans le mauvais sens : notre parc nucléaire est moins rentable s’il produit moins, on exporte à prix négatifs, on subventionne la production éolienne abondante

En bref, ces événements tendent à fermer la question « Nucléaire et éolien peuvent-ils cohabiter ? », la réponse étant manifestement positive. Par contre, ils ouvrent un peu plus la question de savoir s’il est pertinent de les forcer à cohabiter, et dans quelles proportions.

En effet !  Voir aussi sur ce blog :

https://vivrelarecherche.blogspot.com/2018/04/loi-de-transition-energetique-quelques.html

Résultat de recherche d'images pour "éolienne brisée"

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