Suite
aux manifestations assez destructrices, notamment sur les Champs-Elysées de
l’acte XVIII (quand même !) des gilets jaunes, une série de déclarations
assez « martiales » (dixit Le Monde, 20 mars 2019) d’Edouard
Philippe, visiblement sous pression de Macron.
Extraits, en
commençant par le plus gratiné : les Lanceurs de Balles de Défense
« Les polémiques sur l’usage des LBD
(lançeurs de balles de défense ont conduit à ce que des consignes inappropriées
soient passés pour réduire leur usage », s’est plaint le chef du
gouvernement, en référence aux cartouches moins puissantes qui auraient été
confiées samedi aux policiers.
Rappelons
quand même ceci : la répression policière (certes nécessaire), c’est une
morte, plus de 140 blessés graves, plus de 2000 blessés, un bilan répressif
inégalé depuis la guerre d’Algérie ! Selon même Laurent Nunez, Secrétaire
d’Etat à l’Intérieur : « Depuis le début du mouvement des Gilets
jaunes, plus de 13 000 tirs ont été enregistrés (83 enquêtes sont en cours) et
2 200 manifestants ont été blessés ».
Les
LBD, interdits dans la quasi-totalité des pays européens, c’est l’appel du
Conseil de l’Europe et celui du comité de l’ONU pour les droits de l’homme à
enquêter sur ces pratiques policières en France e, matière de maintien de
l’ordre !
C’est
l’appel des ophtalmologistes français à un moratoire sur leur utilisation :
« Le grand nombre de balles tirées avec une force cinétique conservée à
longue distance et l'imprécision inhérente à cette arme devaient nécessairement
entraîner un grand nombre de mutilations… Notre démarche est uniquement celle
de médecins, purement humaniste, avec pour seul but d'éviter d'autres
mutilations. Un appel d’abord adressé à Macron, puis, faute de réponse, publié
dans le JDD du 11 mars.
Et
le Préfet de Police de Paris, Michel Delpuech « un fusible idéal »
est immédiatement débarqué ; et dans
la foulée, son directeur de cabinet et le patron de la Direction de la sécurité
de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP). Et trois de chute.
Pourquoi : il leur est
reproché de ne pas avoir été au courant
d’une note de la DSPAP qui donnait comme instruction aux policiers de limiter
leur usage du LBD. Les instructions demandaient aux forces de l'ordre de ne
pas utiliser cette arme controversée "pour le maintien de l'ordre".
S’il
n’y avait pas eu à Paris le préfet Grimaud, courageux et lucide qui sut et put
résister aux jusqu’au boutistes du gouvernement, il y aurait eu des morts dans
le Paris de mai 68. Alors, ce gouvernement ferait bien de garder ses
nerfs !
Et
déjà, dans la foulée, des dérapages bien inquiétants.
Sentinelle – les
militaires responsables du maintien de l’ordre ?
Tiens,
une nouveauté, l’appel aux militaires. Le gouvernement annonce
martialement : « La mission antiterroriste militaire Sentinelle sera
donc mobilisée de manière renforcée ce samedi pour une nouvelle journée
potentiellement à hauts risques dans la crise des «gilets jaunes».
Panique,
et le moins que l’on puisse dire c’est que les militaires n’apprécient pas
–certains ou leurs proches vont jusqu’à envisager un refus d’obéissance. Car
leur fonction n’est pas le maintien de l’ordre- que feront-ils si des
manifestants viennent forcer leurs barrages ou s’en prendre à eux ? Tirer
à balles réelles ou se laisser désarmer ? ils n’ont pas beaucoup d’autres
options ! L(armée conre le peuple ?
Retropédalage
du gouvernement : en fait, il n’y a rien de changé, les militaires, comme
précédemment, auront pour mission de
protéger les bâtiments officiels et autres points fixes, ce qui permettra aux
forces de l'ordre de se concentrer pleinement sur la manifestation…Bon, ben
alors ?
Re
Panique le vendredi : « Le général Bruno Leray, gouverneur militaire
de Paris, a affirmé ce vendredi 22 mars, que les soldats de l’opération Sentinelle, appelés en renfort lors de la
19e journée de mobilisation des Gilets jaunes, ont le droit de tirer avec leur
arme, si leur vie ou celle des gens qu’ils protègent est menacée. »
Laurent
Nunez, le Secrtéire d’Etat, devant l’Assemblée, le mardi 19 mars :
« Le secrétaire d'État à l'Intérieur Laurent Nuñez a annoncé la décision
des autorités de considérer toute
personne participant aux manifestations des Gilets jaunes comme «émeutier»,
Pour l'avenir et dès samedi prochain, nous partons du principe que ces
rassemblements sont des rassemblements d'émeutiers qui ne visent qu'à causer
des troubles»,.
Mazette !
Certes,
il parait que le gouvernement s’est pris une avoinée de Macron, contraint de
rentrer prématurément de son séjour pyrénéen au ski, mais là ils perdent la
tête !
En
attendant, Parisiens, ou même provinciaux : si vous avez un gilet jaune
dans votre sac, un simple gilet jaune, à un endroit où ça plait pas aux
policiers, mais vous, vous le savez même pas), juste une promenade avec un
gilet jaune dans le sac à dos, eh bien c’est 135 euros ! Premières amendes
distribuées samedi 23 mars ! (mais ça, c’est parce les manifestants
étaient paisibles ! Quand ils seront bien énervés, on verra !). Pour
porter un pull avec un slogan « oui au RIC »( referendum d’initiative
citoyenne : 135 euros !
Une insurrection
rampante
Pour
revenir sur les incidents du 16 mars sur les Champs, il est tout de même assez
étrange que le gouvernement soit incapable d’agir contre le petit nombre
d’éléments d’extrême gauche (black block) effectivement décidés à provoquer
l’émeute. En est-il vraiment incapable ? Alors, il doit céder la
place !
Ou
bien laisse-t-il faire pour déconsidérer les vrais Gilets Jaunes ? Ce
serait encore plus grave ! En attendant, ceux qui sont arrêtés et jugés
immédiatement, ce ne sont pas eux, mais des manifestants beaucoup moins
préparés- tous les juges le constatent.
Reste
qu’effectivement, un certain nombre de Gilets Jaunes, qui se seraient (qui
parfois se sont) opposés au début du mouvement à la violence semblent
l’admettre plus facilement. On peut y voir le résultat d’une inquiétante mais
assez logique acculturation à la violence, à force de LBD et de grenades de
désencerclement, de tabassages, de brimades, comme ces CRS écrasant bien
volontairement les lunettes d’un manifestant. Même se faire gazer lorsqu’on
manifeste paisiblement n’a rien d’une expérience agréable et peut finir par
énerver. De cette violence là, le gouvernement porte aussi sa part de
responsabilité.
Tout
comme il porte sa part de responsabilité de la violence initiale, ce
gouvernement, cette présidence, qui n’a rien voulu voir, rien voulu entendre
des manifestations contre les plus rétrogrades régressions des lois du travail
depuis un siècle ; qui n’a rien voulu voir, rien voulu entendre d’une des
plus longues grèves des services publics des transports, et qui a pris plaisir
à humilier et déconsidérer les corps intermédiaires ( syndicats, mais aussi
élus locaux), avec ce président , minable imitateur de Trump, signant avec
ostentation et plaisir non dissimulé les ordonnances qui lui permettaient
d’imposer sans concertation un programme ultra libéral pour lequel il n’avait
pas été élu.
Il
faudrait ressortir cette célèbre image de mai 68 : la chienlit, c’est
lui ! avec Macron remplaçant De Gaulle (oui, je sais, ça fait bizarre).
Car la chienlit, c’est lui et ses provocations incessantes, et sa volonté
imbécile et maladive à appliquer un programme pour lequel il n’a pas été élu !
La répression, à un point inégalé jusqu’alors, c’est lui ! la justice tordue
jusqu’ à infliger des interdictions préalables de manifester, c’est lui ! La volonté de contrôler l’information, en
décidant ce qui est une fake news c’est
lui !, les attaques contre les corps intermédiaires, bases de la démocratie, et
leur mise à l’écart systématique, c’est lui !
Les
lanceurs de balles de défense, intérdits dans la quasi-totalité des pays
européens, c’est lui, c’est lui ! Les
grenades de désencerclement, interdits partout ailleurs, c’est lui, une morte,
plus de 140 blessés graves, plus de 400 blessés, un bilan répressif inégalé
depuis longtemps c’est lui, l’appel du parlement européen contre les violences
policières, l’appel du comité de l’ONU pour les droits de l’homme à une enquête
sur ces violences c’est lui !
Les
manifestations des Gilets Jaunes ? En réalité, le pays est en état
d’insurrection rampante (cf. la grève du zèle très pénalisante mais peu médiatisée des douaniers) Et le gouvernement ferait bien de ne pas perdre ses
nerfs et de rechercher une issue politique. Ou de partir !
La Farce du Grand
Débat, opération de communication présidentielle
Et
la solution ne viendra probablement pas du Grand Débat. Le gouvernement annonce
fièrement un grand succès avec 1,9 million de contributions sur le site dédié . Problème : Selon les
chiffres du collège des "garants" du Grand Débat, mi-février, c’est
en réalité 210.000 personnes qui ont
contribué, quelques-uns étant visiblement des stakhanovistes de la
contribution. C’est loin d’être le succès proclamé ! 10.452 réunions
locales ? Avec combien de participants chacune? Et qui ? ça, on le
sait Surtout des retraités, très peu de
jeunes, très peu d’actifs, et encore moins gilets jaunes…
D’où
ce coup de gueule de l’un des garants, le plus averti des choses politiques, le
politologue Pascal Perrineau, qui a regretté sur Europe 1 "la communication présidentielle et
gouvernementale…On comprenait très bien qu’au début du processus, il y ait
cette communication, puisque le 'grand débat' était quelque chose de nouveau.
On aurait ensuite préféré que la communication présidentielle et gouvernementale
baisse en intensité. Ça n’a pas été le cas » ,. Chargés de veiller à
l'indépendance du débat, les "garants" avaient recommandé au départ
du processus que l'exécutif se tienne en retrait."Un frein à une
participation encore plus importante". "Il y a une grande méfiance
dans le pays de tout ce qui vient d’en haut. Le 'grand débat' a été pris à
l’initiative du président de la République. Le collège des garants considérait qu’en faisant cette recommandation
de bien dissocier la communication gouvernementale et le 'grand débat', on
protégeait le gouvernement et le président contre eux-mêmes", a poursuivi
Pascal Perrineau. "Le gouvernement
et le président, et c’est leur droit, n’ont pas choisi cette voie. Cela a
peut-être été un frein à une participation encore plus importante »
Et
cette critique de Chantal Jouanno : « Ce qu'Emmanuel Macron et le gouvernement ont organisé, ce n'est pas un
débat public, mais une opération de communication politique». Parmi les
réserves de Jouanno, rappelons que la CNDP ( Commission Nationale du Débat
Public), soumise à des règles strictes en matière d'organisation d'une telle
consultation, n'aurait jamais pu accepter que « l'Exécutif puisse relire et corriger le rapport final !
En
fait de grands débat, on a vu Macron parler, et parler, et parler encore,
passer et repasser des heures durant ce qui fut son seul succès étudiant, le
grand oral de l’Ena. Fascinant, morbide, inquiétant.
Mais
la CSA a justement décidé que ces interventions seraient décomptés sur le temps
de parole audiovisuel du gouvernement…
Et
Le Monde du 20 mars nous apprend que
Macron était furieux que son grand débat soit ainsi confisqué par les émeutes
des gilets jaunes. Folie de l’ego, immature, inquiétant !
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