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lundi 5 août 2024

What if Germany had invested in nuclear power?

 Publication séminale :  What if Germany had invested in nuclear power? A comparison between the German energy policy the last 20 years and an alternative policy of investing in nuclear power

Jan Emblemsvåg, INTERNATIONAL JOURNAL OF SUSTAINABLE ENERGY2024, VOL. 43, NO. 1, 2355642 ; https://doi.org/10.1080/14786451.2024.2355642

Résultat d:  

- De 2002 à 2022, l'Energiewende a coûté 696 milliards € pour une baisse de 25% de ses émissions de GES

Alternativement, lAllemagne aurait pu conserver la puissance nucléaire existante en 2002 et éventuellement investir dans de nouvelles capacités nucléaires. Lanalyse de ces alternatives montre que lAllemagne aurait pu atteindre son objectif climatique avec une réduction de 73 % des émissions  et pour une dépense réduite de moitié par rapport à celle de l' Energiewende. 

- Ainsi, lAllemagne aurait adopter une Une politique énergétique basée sur le maintien et lexpansion de lénergie nucléaire

Le coût de l'Energiewende : 


La décarbonation de l'Energiewende



- Garder les centrales nucléaires de 2002 aurait entraîné des dépenses beaucoup moins élevées par rapport à la politique actuelle en termes nominaux- près de la moitié.  Le résultat en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre, serait presque le même quaujourdhui, puisque la production annuelle dERV (181,8 TWh/an) et la production annuelle de centrales nucléaires en 2002 (185,6 TWh/an) sont à peu près les mêmes

- L'Allemagne aurait pu consacrer dès 2002 600 milliards € à la construction de nouveaux réacteurs nucléaire. En prenant une estimation basée sur les retours d'expériences d'Olkiluoto, de Barakah ( un exemple de vision devenue réalité selon le président de l'Agence Atomique Internationale (R. Grossi) et de programme chinois adapté à la taille de l 'Allemagne, L'Allemagne aurait pu batir 38 réacteurs pour 104 GW.
Il ne fait aucun doute que si lAllemagne avait investi dans des centrales nucléaires, au lieu des énergies variables renouvelables, lAllemagne se serait davantage décarbonée avec beaucoup moins de dépenses nominales. Bref, lAllemagne aurait atteint ses objectifs climatiques avec une marge substantielle pour la moitié des dépenses de lEnergiewende.



mercredi 3 juillet 2024

ÉCLAIRER L’AVENIR : L’ELECTRICITE AUX HORIZONS 2035 ET 2050 : rapport de la Commission Senatoriale Prix de l'Electricite

 ÉCLAIRER L’AVENIR : L’ELECTRICITE AUX HORIZONS 2035 ET 2050 : rapport de la Commission Senatoriale Prix de l'Electricité

Extraits : 

Europe et neutralité technologique : "Les textes européens qui vont l’encontre du principe de neutralité technologique sont contraires aux traités et doivent être révisés. Ainsi faut-il faire évoluer certaines législations adoptées dans le cadre du paquet « Fit for 55 ».

La commission d’enquête appelle à mettre fin à toute discrimination de l’énergie nucléaire au sein de l’UE. Cette énergie est la seule qui permette de décarboner massivement. Si le nucléaire n’est plus aussi tabou qu’auparavant à Bruxelles et si des progrès ont été faits depuis 2022 notamment dans le cadre de la réforme du marché européen de l’électricité, la neutralité technologique doit encore s’imposer dans certains domaines : les projets nucléaires doivent être éligibles aux programmes de financement de l’UE en matière d'énergie et bénéficier des prêts de la Banque européenne d’investissement. La création de projets importants d'intérêt commun européen (PIIEC) dans le domaine du nucléaire doit aussi se concrétiser rapidement."

Besoin d'une programmation énergétique : "La commission d’enquête réaffirme que la France a besoin d’une vision à long terme, fondée sur des bases scientifiques solides et non idéologiques, pour construire l’avenir de sa souveraineté énergétique et industrielle. L’énergie est un secteur où prévaut le temps long, la France doit donc se doter, dans les meilleurs délais, d’une programmation énergétique pluridécennale, qui pourrait ensuite être déclinée dans la PPE précisant objectifs et moyens sur 5 ans.

Réforme du marché européen : "Sur l’insistance d’un certain nombre d’États membres, en particulier la France, la Commission européenne a présenté, au début de l’année 2023, une réforme du marché européen de l’électricité, qui a été adoptée en décembre 2023. Cette réforme doit contribuer au développement d’un marché de long terme, favorable aux investissements dans la production d’électricité décarbonée et plus protecteur des consommateurs. Afin d’encourager la formation de signaux de prix de long terme sur les marchés, il est proposé aux États membres de déployer deux outils de financement, les Power Purchase Agreements (PPA), et les contrats pour différence bidirectionnels (CfD), lesquels peuvent couvrir l’ensemble des énergies bas-carbone, y compris le nucléaire."

Prévision de la consommation : devrait augmenter avec de fortes incertitudes : "Depuis les années 2000, la consommation électrique stagne et a même reculé ces dernières années, comme le souligne le graphique suivant. Cette tendance s’inscrit dans une demande globale d’énergie en berne, comme chez nos voisins européens."

Sans prétendre prédire l’avenir, mais après un examen rigoureux des différentes projections, la commission d’enquête estime que le scenario le plus raisonnable et plausible est celui d’un niveau de consommation électrique entre 580 et 615 TWh à l’horizon 2035 et environ 700 TWh à l’horizon 2050. Ce choix suppose néanmoins la nécessité d’un basculement massif des usages vers l’électricité...Ce scenario suppose aussi le renforcement des gains d’efficacité énergétique, dont le potentiel est de 100 TWH à l’horizon 2035, mais aussi des efforts de sobriété qui doit faire l’objet d’un plan national ambitieux

Cout des filières électriques : un rappel bienvenu : "Les méthodes utilisées pour comparer le coût des filières électriques souffre d’une lacune majeure. Elles ne prennent pas en compte les « coûts systèmes », c’est-à-dire les coûts supplémentaires induits par chacune des filières pour le système électrique dans son ensemble (réseaux, flexibilités, besoins de moyens de production de secours, etc.). En prenant en compte ces « coûts systèmes », plus les scénarios de mix électriques comportent une part significative d’éolien et de photovoltaïque, plus le coût de production moyen du système est élevé ... Les enjeux d’adaptation des réseaux d’acheminement sont trop souvent négligés. Or, Enedis et RTE prévoient 200 milliards d’euros d’investissements d’ici à 2040. S’ils sont en partie déterminés par les renouvellements liés au réseau de transport vieillissant, ces investissements sont également portés par l’électrification des usages et par le développement de nouvelles capacités de production éoliennes et photovoltaïques"

Une relance ambitieuse et durable de la filière nucléaire est incontournable : "la compétitivité économique des scénarios de relance ambitieuse de la production nucléaire est solidement étayée mais elle nécessite des modalités de financement adaptées permettant de réduire au maximum le coût de financement des projets."

"La prolongation du parc nucléaire en exploitation jusqu’à 60 ans est un enjeu crucial à l’horizon 2035. L’intérêt économique de cette prolongation ne fait aucun doute"

"à l’horizon 2035, le scénario de mix de production retenu par la commission, composé à 60 % par la filière nucléaire, permettrait de couvrir l’augmentation attendue de la consommation avec une marge suffisante susceptible de contribuer à la sécurité d’approvisionnement et de maintenir un solde exportateur"

l’horizon 2050, prolonger les centrales actuelles au-delà de 60 ans et construire 14 nouveaux réacteurs. Il est nécessaire de prolonger au-delà de 60 ans, dans le respect strict des normes de sûreté, un maximum de réacteurs du parc nucléaire actuel...

La commission d’enquête juge également incontournable la construction dans des conditions économiques optimisées d’un nouveau parc nucléaire de 14 réacteurs. Pour se prémunir des mésaventures passées, et alors que l’estimation du coût de construction des 6 premiers réacteurs a déjà été réévalué de 30 % au printemps 2024, aucun effort ne doit être ménagé pour assurer la maîtrise industrielle du projet...la commission d’enquête recommande de concevoir un modèle économique sécurisant permettant de réduire le prix de l’électricité qui sera délivrée par les nouveaux réacteurs. Ce modèle de financement impliquera une participation publique ainsi que des rémunérations garanties à EDF pendant les phases de construction et d’exploitation."

En fonction de différentes hypothèses liées, d’une part, au nombre de réacteurs qui pourront être prolongés au-delà de 60 ans1 et, d’autre part, au calendrier de déploiement du programme de nouveau nucléaire, le mix de production national résultant des scénarios étudiés par la commission d’enquête produirait entre 700 et 850 TWh en 2050. Entre 52 % à 61 % seraient assurés par des moyens nucléaires.

Garder des capacités gaz: "Pour garantir la sécurité d’approvisionnement nationale, la commission d’enquête estime indispensable de maintenir les capacités de production thermiques actuelles. Par ailleurs, compte-tenu de l’insuffisance maturité des filières thermiques décarbonées, et si la construction de nouvelles centrales fonctionnant au gaz naturel ne doit être qu’une solution de dernier recours en cas de risque avéré pesant sur notre sécurité d’approvisionnement, la commission d’enquête considère qu’il serait imprudent de se priver de cette possibilité."

Energies renouvelables et éolien en mer  : "Un déploiement raisonnable et équilibré de ces énergies renouvelables doit ainsi guider la décision publique" "La commission d’enquête considère que l’éolien en mer constitue un pari risqué, compte tenu des coûts réels de ces technologies, de leurs difficultés d’acceptabilité et de la faible maturité technique de l’éolien flottant. Les objectifs très ambitieux qui ont été affichés par le discours de Belfort ne pourront du reste pas être tenus."

Hydraulique : "Le développement de l’énergie hydraulique, énergie maîtrisée, rentable et décarbonée dépend aujourd’hui de la résolution du conflit, qui dure depuis plus de quinze ans, avec la Commission européenne concernant le régime juridique des concessions hydroélectriques" "C’est pourquoi *la Commission demande la création d’une commission composée de représentants de l’État, de représentants d’EDF et autres concessionnaires et des acteurs de la filière, d’experts notamment en droit et de parlementaires afin d’étudier les solutions qui pourraient être présentées à la Commission européenne.

Une vraie régulation du prix de l'électricité : "La commission d’enquête constate que, malgré les enjeux considérables qu’il sous-tend pour l’ensemble du système électrique et en dépit des promesses gouvernementales, « l’accord » conclu entre l’État et EDF officialisé en novembre 2023 a été négocié dans la plus grande opacité, ne protège ni EDF ni les consommateurs et organise la décorrélation structurelle des coûts de production et des prix de l’électricité en exposant totalement ces derniers aux aléas des marchés de gros. 

Simple feuille volante non signée, cet accord n’a aucune valeur juridique et l’affichage d’un prix moyen de 70 euros, souvent présenté comme un engagement, ne constitue en fait qu’un simple indicateur sans portée réelle, un pari risqué sur l’évolution des prix de marchés à termes. Un passé récent a pourtant montré à quel point il était imprudent de fonder le prix de l’électricité sur les fluctuations des marchés de gros. En exposant les consommateurs aux aléas du marché, en les privant de toute visibilité et en décorrélant de façon structurelle les prix des coûts de production, le dispositif retenu par le Gouvernement est tout sauf protecteur pour les consommateurs et compromet les perspectives de réindustrialisation du pays. Par ailleurs, puisqu’il ne prévoit aucune garantie de prix de vente, il expose dangereusement EDF à une situation de prix bas prolongés sur les marchés de gros

Diminuer la fiscalité pour réduire le prix de l'électricité : "Si elle exclut une baisse indifférenciée de la TVA, la commission d’enquête propose trois mesures visant à réduire sensiblement la fiscalité sur l’électricité : 1) Une accise sur l’électricité différenciée en fonction des volumes consommés ; 2)  une réduction ciblée de la TVA appliquée à une consommation électrique de base. Le taux de TVA serait ainsi réduit à 5,5 % pour les volumes de consommation annuels situés sous les seuils de : 4,5 MWh pour un foyer qui n’est pas chauffé à l’électricité ; 6 MWh pour un foyer chauffé à l’électricité. 3) La substitution d’une dotation budgétaire à la contribution tarifaire d’acheminement (CTA) qui finance le Régime spécial des industries électriques et gazières (RSIEG), dont le financement n’a pas à reposer sur les consommateurs d’électricité

En prenant comme référence les tarifs d’électricité moyens observés en 2024 la conjonction de ces deux ensembles de dispositifs permettrait des baisses de prix structurelles équivalentes à près de 7 000 euros sur la facture annuelle d’un boulanger qui consomme en moyenne 99 MWh par an  ; plus de 600 euros sur la facture annuelle d’un ménage qui consomme en moyenne 6 MWh par an.



mercredi 24 avril 2024

Commission Sénatoriale " prix de l'électricité" :EDF : Luc Remond et Cedric Lewandoski

EDF :Audition de Luc Rémont, PDG ( Mercredi 10 Avril) et Cedric Lewandoski ( Jeudi 4 Avril)

Luc Rémont ; mercredi 10 avril : La modulation du nucléaire pour le suivi des ENR ne pose pas de problèmes tant qu'on ne descend pas en-dessous de certaines limites (80%, deux fois par jour) Si l'arrêt complet devait devenir la règle, par contre cela devient réellement problématique et on "rentre en territoire inconnu.". La modulation que fait EDF pour gérer au mieux son carburant relève d’algorithmes extrêmement complexes

NB. l’arrêt complet or c'est bien ce qui s'est produit le week-end du 13 avril 2024 où EDF a dû arrêter 5 réacteurs nucléaires en raison d'une forte baisse de la demande : Dampierre 4 (890 mégawatts [MW]), Golfech 2 (1 310 MW), Paluel 4 (1 330 MW), Tricastin 1 et 3 (915 MW chacun). Tous ont été déconnectés du réseau samedi matin pour être reconnectés dimanche soir, à l’exception du réacteur Tricastin 1 remis en route mardi soir.

On est donc déjà en territoire inconnu, et ça va pas s’arranger avec l’augmentation des ENR sur le réseau.. On entend également que la modulation pour gérer le fuel nucléaire (et les arrêts de tranche) n’est compatible avec le suivi de charge des ENR que si celui-ci n’est pas trop élevé ;

Péninsules électriques : Dans les "péninsules électriques" (Nice, Bretagne...), la déstabilisation par les ENR est un risque sérieux et il sera par conséquent nécessaire soit de garder des centrales thermiques, soit d'implanter des SMR (NB ce qui est prévu à Cordemais)

Raccordements : Tous les renouvelables ne sont pas équivalents pour le réseau. Essayons de hiérarchiser les raccordements les plus utiles au système électrique. Pour l’éolien en mer, un euro d’investissement en de production correspond à un euro de raccordement

Hinkley Point : heureusement qu'il y a eu Hinkley Point, sans cela la capacité de l'industrie française à construire des centrales nucléaires risquait de disparaître...

Nucléaire et CfD : Pourquoi des prix plafonds et pas de prix planchers pour les contrats long terme proposés par EDF, qui ne sont donc pas des CFD ? Parce que la contrepartie imposée par la Commission européenne, c'est le démantèlement d'EDF via un scenario similaire au défunt Hercule.

Concessions hydrauliques : sortir de la situation de blocage en proposant à la Commission de passer à un système d'autorisation

Nuward : premier béton en 2030 visé

Arenh : légalement, c'est un tiers de la production qui est vendue au tarif ARENH, économiquement, ce sont les deux tiers puisqu'il faut bien répliquer pour nos clients les tarifs des concurrents 

Cedric Lewandoski Jeudi 4 avril

Etat du Parc Nucléaire : nous sommes dans une phase de convalescence dynamique,  e reconquête de notre performance opérationnelle... Le but est de revenir à 350 TWh à fin 2025. La crise de corrosion sous contrainte est toujours là, et des 900 MW seront concernés mais elle est en cours de maîtrise industrielle-.

« Notre conviction est que les 56 réacteurs du parc actuel tels qu'on les connait ont la capacité d'aller à 60 ans »

Concernant l’augmentation de la puissance délivrée par le parc nucléaire, un point important est la capacité à allonger la durée des cycles de 12 mois à 18 mois.

En ce qui concerne l’augmentation de puissance, deux cas sont à distinguer :  celui des 900 MW et celui des 1300 MW. Pour les 900 MW, c’est relativement simple car il suffit de travailler sur la turbine. Le gain final ne sera pas colossal,  on attend 5TWh.

Pour les 1300 MW, c’est beaucoup plus complexe, il faut travailler sur le circuit primaire; cela nécessitera environ  sept ans d’études d'ingénierie et on peut découvrir en chemin que cette augmentation de puissance  n'est pas souhaitable car elle pourrait se payer en  moindre capacité à moduler, et/ou en rejets plus importants

Capacité à aller au-delà de 60 ans : aux USA 6 réacteurs de la même nature que les nôtres ont obtenu une licence pour aller à 80 ans et d'autres dossiers sont en cours d'instruction. L’enjeu est important si nous estimons à la fin que notre parc ne peut pas aller au-delà de 60 ans, nous serons en 2050 à 17GW de nucléaire ;  on change alors de monde…

Evolution du facteur de charge : record de production en 2016 et depuis il y eu le grand carénage et tous les travaux post fukushima 5 à 7 visites décennales par an, c'est un grand chantier énorme qui a impacté les facteurs de charge.  La VD4 c'est cinq fois plus de travail  que la vD3, et prêt d'un an d'arrêt. Nous sommes les seuls au monde à mener ce type de chantier puisque nous exigeons d’amener la sécurité des réacteurs après visite pratiquement au niveau de celle des réacteurs les plus récents  Nous sommes les seuls au monde  à avoir fait le choix de se rapprocher le plus possible du niveau de sureté des EPR 2,

Fessenheim : On a perdu 10 TWH avec la fermeture de Fessenheim

Les arrêts de tranche : un plan d’amélioration  STAR 2025 est en cours  et fonctionne déjà bien :  le taux de réussite sur la durée des mises à l’arrêt dans les délais prévus est passé de 2% à 64%; il passe par la réinternalisation  d'un certain nombre de fonctions, nous avons trop poussé le curseur. Ce plan fait partie de la trajectoire des 400TWH dans les année 2030 :  Flamanville 10 TWh, auugmentation de puissance 20 TWH; Star 2025 20TWh)

Effet de la modulation sur le facteur de charge et l’usure des réacteurs: aujourd'hui, la réponse est qu’il n’ y a  aucun effet car les modulations qu'on nous demande, qui sont très modestes, n'ont pas de conséquences sur l'outil industriel. Ce n’est pas un hasard, nous avons les seuls réacteurs au monde à offrir ce service de modulation. Nos réacteurs peuvent accepter deux baisses par jour, avec une amplitude de 80%, atteignable en une trentaine de minutes.

Mais le volume de modulation qu'on nous demande est de plus en plus impressionnant. Le week-end dernier (31 mars, Pâques), on nous a demandé de passer de 43GW disponible à 24 ,. et nous sommes en mars. Aujourd'hui, on nous a demandé de moduler 10GW dans le journée.. Le point que nous redoutons c'est l'arrêt du réacteur. Là il faudra regarder techniquement de très prêt…Une centrale nucléaire ne sera jamais un outil de gestion de pointe.

Autrefois, la saison de modulation, c'était le printemps qui nous permettait de préparer les arrêts de l’été ; aujourd'hui il n'y a plus de saison. 

Passage de la pointe  : RTE, dans son dernier bilan, à l'automne dernier, a dit très clairement que nous allons manquer de 3 à 5 GW de pointe dès les années 30. Ce sujet-là doit être pris en main rapidement; 

Question du rapporteur : Aux USA en Finlande,, on est à 30 dollar le Mwh nucléaire,  en France, on ne sait pas trop, mais c’est bien au-dessus : réponse :  lié à toutes les contraintes sur le plan sécuritaire...


jeudi 11 avril 2024

Analyse de Patrimoine Nucléaire et Climat France sur le Schéma décennal de développement du réseau

 Résumé

1) Adaptation des réseaux aux ENR : 240 milliards d’euros dont une grande partie pourrait être évitée si on sortait de l’aveuglement idéologique sur les ENR

2) D’ici 2035 un investissement dans les centrales à gaz sera inévitable et bien moins coûteux. L’ option ENR , très coûteuse en équipements et en réseaux, n’apporte pas la garantie de sécurité d’approvisionnement attendue. La capacité pilotable française est aujourd’hui clairement insuffisante et nous oblige à des importations coûteuses lors d’épisodes EnRi européens faibles, Ceci n’est compensé aujourd’hui que par un accroissement considérable des EnRi sans garantie de fourniture. PNC France estime qu’il faudrait engager immédiatement environ 3 GWe de nouvelles capacité gaz lesquelles ne serviraient qu’en ponte et demi-base, donc avec peu de d’émissions CO2.

3) 2050 : plus de nucléaire, c’est possible et cela diminuerait considérablement les coûts de réseau. PNC-France estime que la quasi-totalité du parc devrait pouvoir être exploitée au moins 60 ans et qu’il est indispensable de prévoir un nucléaire majoritaire en 2050 ce qui implique :

- D’engager dès 2024 les 8 EPR2 envisagés par le gouvernement

- De prévoir, à compter de 2035/2040, deux nouveaux réacteurs par an,

4) Beaucoup de flexibilités non chiffrées : financement des effacements de consommation chez les industriels, financement des effacements de production des renouvelables, système de charge/décharge des batteries des voitures électriques

5) Le choix rationnel optimal, c’est un système électrique minimisant le recours aux énergies variables intermittentes. La question de fond est donc bien celle de la dispersion des capacités de production et du niveau des productions intermittentes, ce qui devrait conduire à la recherche d’un équilibre optimal.

6) PNC sur l’éolien en mer : le programme envisagé est peu raisonnable, sans retour d’expérience réel sur la productivité et les cinétiques d’évolution, les questions de maintenance, et les investissements en fonction de la caractéristique des fonds marin ( éolien flottant)

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1) 240 milliards d’euros dont une grande partie pourrait être évitée si on sortait de l’aveuglement idéologique sur les ENR

« RTE propose ainsi un investissement de 100 milliards d’euros d’ici 2040 (avec un triplement de l’investissement annuel de 2019 à 2027 et en moyenne un quintuplement ensuite)…ENEDIS devrait en conséquence investir une somme équivalente (94 milliards €) pour gérer l’extrême éparpillement des sources de production et les redistributions géographiques. La France devra de plus apporter sa contribution au financement par l’Europe des réseaux transfrontaliers, évalués à 500 milliards d’ici 2050. Nous sommes donc face à un mur d’investissements de près de 240 milliards d’€ pour le seul transport/distribution, hors moyens de production et de flexibilités, pour une consommation française en 2050 qui ne serait supérieure que de 16% à l’actuelle dans les documents officiels. »

2) PNC pense que d’ici 2035 un investissement dans les centrales à gaz sera inévitable et bien moins coûteux

« A l’horizon 2035, la consultation écarte l’hypothèse d’un recours à des centrales pilotables de pointe supplémentaires (à gaz type TAC et éventuellement en partie CCG), ce qui conduit à des capacités intermittentes considérables pour répondre à la consommation supplémentaire de 180 TWh visée pour 2035. Cette option, très coûteuse en équipements et en réseaux n’apporte cependant pas la garantie attendue. La faisabilité technique et les conséquences économiques de la gestion de l’intermittence des énergies éolienne et photovoltaïque posent un problème central, sans pour autant apporter la garantie nécessaire de production (éolien terrestre + 36 TWh, éolien marin + 60 TWh et solaire + 32 TWh par rapport à 2023 selon notre calcul) »

Cf aussi la tribune libre de PNC « Pour éviter ruine ou black-out, nous allons hélas devoir construire des centrales à gaz» https://www.lefigaro.fr/vox/societe/pour-eviter-ruine-ou-black-out-nous-allons-helas-devoir-construire-des-centrales-a-gaz-20230927

 

“La capacité pilotable française est aujourd’hui clairement insuffisante et nous oblige à des importations coûteuses lors d’épisodes EnRi européens faibles, comme le montre le tableau ci-dessous. Ceci n’est compensé aujourd’hui que par un accroissement considérable des EnRi sans garantie de fourniture.


Par ailleurs seule une électrification rapide des secteurs des bâtiments et des transports sera efficace du point de vue climatique. Il est donc nécessaire, plutôt que de poursuivre un programme démesuré d’EnRi, de construire dans la décennie des centrales à gaz de pointe, des TAC (et selon les optimisations de CCG en semi-base), préférentiellement dans des régions soufrant d’un déficit de production, afin d’accélérer l’électrification. Fonctionnant de manière épisodique elles émettront peu de CO2, bénéficieront des réseaux et stockages actuels, et assureront une meilleure souveraineté.”

 

“Combien en faudra-t-il ? PNC France estime qu’il faudrait engager immédiatement environ 3 GWe de nouvelles capacité gaz (ce que RTE suggère à demi-mot dans son bilan prévisionnel), sachant que la pesanteur administrative et les multiples concertations rendent probable un délai de mise en service de 6 à 7 ans.”

3) 2050 : plus de nucléaire, c’est possible et cela diminuerait considérablement les coûts de réseau

« A l’horizon 2050/2060, la consultation s’interdit d’envisager un programme nucléaire beaucoup plus dynamique, avec une structure du réseau plus proche de l’actuelle et des productions majoritairement pilotables et centralisées. Cette stratégie réduirait très sensiblement les adaptations des deux réseaux RTE et ENEDIS et limiterait la complexité de la gestion de l’équilibre du réseau. »

 

« PNC-France estime que la quasi-totalité du parc devrait pouvoir être exploitée au moins 60 ans et qu’il est indispensable de prévoir un nucléaire majoritaire en 2050 ce qui implique :

 

- D’engager dès 2024 les 8 EPR2 envisagés par le gouvernement et de définir leurs sites (PPE). Cela donnera en outre un signal de long terme à toute la filière industrielle nucléaire et à l’attractivité des emplois du secteur, emploi qui, il faut le rappeler sera largement national.

 

- De prévoir, à compter de 2035/2040, deux nouveaux réacteurs par an, éventuellement sur des sites nouveaux, avec une répartition géographique (et de source froide) optimale et afin de constituer un réseau HT robuste couvrant tout le territoire, y/compris les régions aujourd’hui fragiles (SFEC). »

4) Beaucoup de flexibilités non chiffrées

« Le financement des effacements de consommation, en particulier chez les industriels mais aussi en faveur des gestionnaires de flexibilités chez les particuliers. Non chiffré.

- Le financement des effacements de production qui devrait couvrir, contrairement à la situation actuelle, les pertes de production des capacités pilotables dont la rentabilité sera menacée. Non chiffré.

- Les investissements et frais d’exploitation de la partie de la technologie hydrogène affectée à une production éventuelle d’électricité. La technologie de l’ensemble électrolyseurs/piles à combustible est peu efficace et, sauf révolution technologique, la souplesse d’adaptation à l’intermittence dans des conditions économiques acceptables reste à démontrer. Le coût des réseaux de distribution et des stockages d’hydrogène est également non chiffré.

- Le système de charge/décharge des batteries des voitures électriques et la compensation de l’accélération de leur obsolescence. Non chiffré

5) Le choix rationnel optimal, c’est un système électrique minimisant le recours aux energies variables intermittentes

« A ce panorama, déjà inquiétant, il faut ajouter qu’à partir de 2030 devrait intervenir la question du financement du renouvellement d’un parc intermittent dont la durée d’exploitation ne devrait pas dépasser 20 à 25 ans. Un parc de la dimension retenue par RTE pour 2035 représente un investissement d’environ 120 à 130 milliards hors back-up et flexibilités pour une production limitée à 220 TWh par an.

La question de fond est donc bien celle de la dispersion des capacités de production et du niveau des productions intermittentes, ce qui devrait conduire à la recherche d’un équilibre optimal capacités pilotables/capacités intermittente en amont de la consultation en cours. D’ici 2035, il faut donc optimiser l’équilibre entre capacités supplémentaires d’EnRi et thermiques à gaz en semi-base et pointe (RTE indique qu’en 2023 les trois-quarts de la production des EnRi sont déjà exportés). L’essentiel est de décarboner le pays, et non l’électricité qui l’est déjà largement, mais aussi de protéger notre pays des surproductions intermittentes de nos voisins, qui s’annoncent considérables.

A l’horizon 2050/2060 les questions essentielles sont :

- La possibilité de porter à au moins 60 ans et si possible 70/80 ans la durée d’exploitation du parc nucléaire. L’ASN devrait donner en 2026 un premier avis pour une durée 60 ans, accompagnée de ses prescriptions en termes de sûreté.

- La possibilité d’accélérer la construction de centrales nucléaires dont la durée d’exploitation pourrait dépasser 80 ans afin de conserver un socle pilotable très robuste, à un niveau proche de l’actuel.

6) PNC sur l’éolien en mer : le programme envisagé est peu raisonnable

« PNC-France estime que le programme envisagé est peu raisonnable, sans retour d’expérience réel sur la productivité et les cinétiques d’évolution, les questions de maintenance, et les investissements en fonction de la caractéristique des fonds marin (en particulier pour l’éolien flottant). Par ailleurs les conflits d’intérêts sont nombreux et les consultations en cours, globalisées, ne feront que les développer. Il est utile de rappeler qu’une puissance deux fois inférieure de nucléaire présente l’avantage de la pilotabilité, d’une moindre dispersion, d’un coût de réseaux très inférieur (non inclus dans l’investissement des opérateurs) et qu’il permet une gestion saisonnière de la production. » 

mardi 2 avril 2024

Les océanologues suédois avertissent : « Les parcs éoliens offshore ont un impact à grande échelle sur la mer »

 Lorsque PIEBÎEM a évoqué le problème des impacts sur la mer et le climat local des grands parcs éolien (l’équivalent d’une petite chaine de montagne, selon Norcowe-Norwegian Centre for Offshore Wind Energy), certains maîtres d’ouvrages nous ont reproché des études anciennes – qui n’ont pourtant pas été démenties.

Le SHMI (Swedish Meteorological and Hydrological Institute), organisme de référence pour l’océanographie en Suède mène cependant une étude qui confirme, et au-delà, les éléments que nous avions apporté, en attendant mieux – elle s’achèvera en 2024.

Extraits : « Les courants océaniques, la salinité et la température – à la surface de la mer et au fond de la mer – sont quelques-uns des paramètres affectés par l’énergie éolienne offshore. De plus, la mer est affectée bien au-delà du parc éolien lui-même. C’est ce que montrent les premiers résultats d’une étude que les chercheurs océanographiques du SMHI mènent actuellement pour le compte de l’Autorité norvégienne de la mer et de l’eau. Les résultats finaux seront présentés au printemps 2024 et serviront de base aux plans maritimes suédois. »

« Le vent en aval des parcs éoliens diminue et cela affecte les courants et la stratification de la couche superficielle de la mer. Cela affecte à son tour les nutriments et les proliférations d’algues dans la couche superficielle, ce qui a ensuite des conséquences sur l’ensemble de l’écosystème marin et les concentrations d’oxygène dans les eaux profondes. »

Ces effets sont à grande échelle : « L’impact affecte une vaste zone, à la fois en surface et en profondeur.»

« Selon les conditions météorologiques, les vents sont réduits de 5 à 15 % jusqu’à 30 kilomètres derrière un parc éolien. L’eau de surface s’accumule alors du côté de la zone avec des vents réduits, ce qui affecte les courants dans une zone importante. »

« Les parcs éoliens offshore « ralentissent les courants océaniques et créent des turbulences qui mélangent différentes strates d’eau. Si l’afflux d’eau salée et riche en oxygène dans la mer Baltique est modifiée, par exemple à la suite de l’implantation de parcs éoliens dans les estuaires de la Baltique, cela aura des conséquences sur l’ensemble de l’environnement de la mer Baltique. La modification des apports d’eau ou l’augmentation du mélange de l’eau pourront affecter la résistance et la profondeur de la strate salée permanente de la mer Baltique centrale, où le manque d’oxygène et le transport vertical des nutriments sont des facteurs critiques pour la vie marine. »

« Même les fondations de l'éolien affectent la mer car ils ralentissent les courants océaniques et créent des turbulences qui mélangent différentes strates d'eau.»

« Il reste à voir quelle sera l’ampleur de l’effet total d’une expansion à grande échelle de l’énergie éolienne, ainsi que son impact significatif possible sur, par exemple, le manque d’oxygène, la prolifération d’algues et les écosystèmes de la mer Baltique. Avant qu’une telle expansion de l’énergie éolienne n’ait lieu dans la mer Baltique, les effets de l’énergie éolienne doivent être étudiés, non seulement dans les eaux suédoises, mais aussi  pour l’ensemble de la région »

En résumé, les océanographes suédois appellent à un moratoire avant toute implantation supplémentaire d’éoliennes, l’effet des parcs cumulés sur la courantologie, la stratification des colonnes d’eau et la vie marine étant insuffisamment caractérisé.

Référence : https://www-smhi-se.translate.goog/forskning/forskningsnyheter/smhis-oceanografiska-forskare-vindkraftsparker-till-havs-har-en-storskalig-paverkan-pa-havet-1.202627?_x_tr_sl=auto&_x_tr_tl=en&_x_tr_hl=en&_x_tr_pto=wapp

Eric Sartori 


samedi 30 mars 2024

L’éolien en mer, c’est du gazolien et c’est pas bon pour le climat !

 PIEBÎEM a insisté à plusieurs reprises sur l’inutilité, voire la nuisibilité climatique du développement de l’éolien en mer en raison de la nécessité d’un back-up fossile, en général gazier, pour compenser l’intermittence et la variabilité de cette source d’électricité. Nous souhaitons développer ce point qui est passé sous silence, voire contesté par les partisans de l’éolien. La conclusion, basée sur des exemples étrangers et l’analyse de la situation française :  plus nous développons d’éolien, plus nous aurons besoin de centrales à gaz pour assurer la sécurité d’alimentation que nous mettrons en péril. Le développement massif de l’éolien n’est pas bon pour le climat, il est l’assurance…que nous ne pourrons jamais nous passer de gaz, et de gaz dit naturel, le biogaz étant limité par les ressources agricoles et la compétition avec les ressources alimentaires.

1.    L’avertissement de Jean-Marc Jancovici

« En 2009, j’étais présent à la COP 15 à Copenhague. Le dimanche, il n’y avait pas de réunion de négociations, j’en ai profité pour assister par curiosité à un colloque organisé par les gaziers… Tous les dirigeants défilaient à la tribune pour dire l’éolien c’est génial…parce qu’il y a besoin de gaz pour compenser son intermittence » (Le Monde sans fin).

Dans les estimations d’ordre de grandeur, Jancovici parlait d’un GW de back-up gazier pour un GW d’éolien installé. Si nous reconnaissons que cette estimation est quelque peu approximative, on peut toutefois pour un ordre de grandeur, se baser sur les facteurs de charges. Si l’on prend un facteur de charge de 40% éolien à compléter par du gaz, le taux d’émission de CO2 est d’environ 300g CO2/KWh donc bien davantage que le mix électrique français (le nucléaire étant à 5 CO2/KWh environ).

1.    L’actualité gazolienne - les exemples étrangers, Royaume-Uni et Allemagne

Pour mieux comprendre ce qui nous attend, les exemples étrangers qui nous ont précédé dans le développement important de l’éolien en général et de l’éolien en mer en particulier sont riches d’information.

2. a - Royaume-Uni, mars 2023 : Le Royaume-Uni annonce la construction de nouvelles centrales à gaz

Le gouvernement de Rishi Sunak a annoncé en mars 2023 vouloir construire de nouvelles centrales à gaz pour s'assurer de ne pas manquer d'électricité à l'avenir. Londres s'engage « à soutenir la construction de nouvelles centrales électriques à gaz afin de maintenir une source d'énergie sûre et fiable pour les jours où les conditions météorologiques ne permettent pas d'alimenter » les éoliennes ou les centrales solaires, fait valoir le gouvernement dans un communiqué. Le gouvernement ne doit pas jouer avec la sécurité énergétique a fait valoir le premier ministre ! [1]

2. b - Allemagne, mars 2023 :  la Cour des Comptes Allemandes inquiète pour la sécurité d’alimentation et demande davantage de centrales à gaz

Si un exemple étranger s’avère particulièrement instructif sur la voix à ne pas suivre, celle de l’investissement massif dans les ENR, c’est bien celui de l’Allemagne.  En 2023, l’Allemagne a émis 360g de CO2 par kWh produit, la France 32g soit 11 fois moins (pour une moyenne de l’Union européenne à 260g environ). Et pourtant, l’Allemagne, après avoir investi plus de 1000 milliards d’euros, dispose fin 2023 d’une capacité totale d’ENRi 3,6 fois plus grande que la France….

La Cour fédérale des comptes Allemande dans son rapport de mars 2024[2] sur la transition énergétique rappelle cette vérité physique banale selon laquelle « l’approvisionnement en énergies renouvelables variables nécessite un effort particulier, car, contrairement aux centrales conventionnelles, elles sont soumises à des variations journalières et saisonnières ainsi qu’aux conditions météorologiques. Elles ne fournissent pas de puissance garantie (photovoltaïque) ou seulement dans une faible mesure (éolien) »


Par ailleurs, elle s’inquiète sur le fait que les dix centrales électriques au gaz prévues ne suffiront pas à garantir la sécurité d’approvisionnement. La Cour des Comptes se montre aussi extrêmement sévère envers le régulateur (l’équivalent de RTE). Elle estime que :

« Les hypothèses utilisées pour évaluer la sécurité d’approvisionnement sont irréalistes car le régulateur se base sur un « best case » improbable. Les auditeurs reprochent au Ministère Fédéral de l’Économie et au régulateur (l’Agence Fédérale des Réseaux) de faire preuve d’une irresponsabilité sans précédent…le ministère accepterait que les risques pour la sécurité d’approvisionnement ne soient pas détectés à temps ».

Enfin, la Cour des Comptes critique le fait que :

« Le ministère ne tienne pas compte d’autres coûts considérables liés à la transition énergétique. Il s’agit par exemple des coûts de distribution de l’électricité (y compris le développement des réseaux et les services système) et la construction de moyens pilotables supplémentaires. Il en résulte, en dehors du public spécialisé, une image erronée des coûts réels de la transformation énergétique. »

Ces critiques, la Cour des Comptes françaises pourra bientôt les reprendre… à son compte si nous continuons dans la même voix de promotion des renouvelables (et particulièrement des 45 GW d’éolien en mer).

1.    La France aussi aura besoin de gaz si elle persiste à développer les ENR

3. a - Le pavé dans la mare de France Stratégie

France Stratégie dans son rapport de janvier 2021[1] sur la sécurité d’alimentation à l’horizon 2030 a jeté un beau pavé dans la mare. L’agence constate que la fermeture programmée en Europe de capacités pilotables doit être mieux prise en compte pour garantir la sécurité d’approvisionnement avant 2030. Ce seront plus de 110 GW de puissance pilotable qui seront retirés du réseau européen : 23 GW de nucléaire (13 GW en France, 10 GW en Allemagne), 70 GW de charbon/lignite (40 GW en Allemagne). Allemagne et France représentent les 2/3 de ces déclassements, le reste Belgique, Italie Espagne...

« Dès 2030 et vraisemblablement à une date plus rapprochée, si les tendances actuelles se maintiennent, les seuls moyens pilotables ne seront pas en mesure de satisfaire toutes les demandes de pointe moyennes.

La France, l’Allemagne et la Belgique présentent les plus forts déficits de puissance pilotable. Pour l’ensemble des 7 pays européens étudiés,  si aucun moyen pilotable autre que ceux déjà prévus n’est ajouté au réseau pendant cette période et si les objectifs de développement d’ENR sont respectés, les marges passent de +34 GW en 2020, à +16 GW en 2025 puis deviennent négatives à -7,5 GW en 2030 et -10 GW en 2035... En France, sous les mêmes conditions, ces marges deviennent négatives à environ -5 GW et -9 GW. « Notre pays devrait alors compter sur les importations, sachant qu’au niveau européen les marges sont également négatives, qu’il ne sera pas toujours possible... de compter sur les importations pour boucler l’équilibre offre-demande, et, faut-il le rappeler, que tous les pays ne pourront pas importer en même temps 100 % de leur capacité d’interconnexion ».

3.b - PNC : la France aura besoin de gaz pour gérer l’intermittence des ENR

PNC (Patrimoine Nucléaire et Climat) a de son côté alerté l’opinion publique par une tribune dans la presse[2] et par une étude poussée des conséquences du développement massif des ENR et de leur intermittence.

Coécrite par Bernard Accoyer, Jean-Pierre Chevènement et François Goulard, la tribune libre de PNC est particulièrement claire : « Pour éviter ruine ou black-out, nous allons hélas devoir construire des centrales à gaz » :

« Pour avoir délibérément sous-estimé l'évolution de sa consommation et avoir décidé en dix ans la fermeture de plus de 10 GWe de capacité de production électrique, la France se trouve aujourd'hui face à un « mur énergétique », selon l'expression de la ministre en charge de la transition énergétique, qu'il s'agisse du court, moyen ou long terme. La situation est grave, car nous manquons de moyens de production pilotables, et les conséquences industrielles, économiques, sociales et politiques, déjà lourdes, ne peuvent que s'aggraver…

Réseau de Transport d'Électricité (RTE) en première ligne, mais aussi la Commission de Régulation de l'Énergie (CRE) comme la Direction Générale de l'Énergie et du Climat (DGEC) restent obstinément dans le déni face aux besoins en électricité pilotable, encore plus considérables avec un objectif Net zéro. Feignant d'ignorer le besoin crucial à court terme de capacités de production pilotables, les autorités engagent notre pays dans une course effrénée au développement d'une seule production d'électricité non pilotable, éolienne et solaire, qui participe peu à l'équilibre et à la stabilité du réseau et qui a une faible probabilité d'être disponible aux heures de pointe de consommation….

La relance de la filière nucléaire, essentielle et réclamée dans le rapport d'Escatha-Billon d'il y a 5 ans, ne pourra raisonnablement pas répondre à ces besoins avant 2035-2040. D'ici cette échéance, l'exécutif sera contraint de reconstituer des moyens de production de pointe, pilotables, pour faire face à l'augmentation continue de la consommation électrique induite par l'électrification des usages ».

Par ailleurs, PNC explique que cette décision n’est pas catastrophique parce que ces centrales de pointe, dont le coût d'investissement est modéré, ne seront appelées qu'en cas de nécessité lors des pointes de consommation et pour compenser l'indisponibilité de l'éolien et du solaire. Leurs émissions de gaz à effet de serre seraient donc modestes et largement compensées par les économies globales d'émissions obtenues grâce à l'électrification de notre économie et de notre patrimoine industriel.



3. c - L’impossible défi de l’intermittence : « l’impact quotidien sur le fonctionnement des capacités pilotables ne sera pas gérable »

PNC dans une étude extrêmement fouillée[1], dénonce la légèreté de la présentation faite de la gestion de l’intermittence par RTE : une simple extrapolation à 2035 des productions actuelles aux capacités indiquées (122 GWe intermittents) montre la difficulté de la tâche, sauf à modifier très profondément les  conditions d’acceptation de ces productions sur les réseaux (des écrêtements massifs  seront indispensables, ce qui changera la rentabilité de ces sources et les règles de  marché).

Il est aisé, sur la base des données RTE téléchargeables sur le site Eco2mix, d’extrapoler les productions intermittentes en 2035. Ainsi :

En conditions hivernales, la fluctuation de puissance sur une journée pourra atteindre une cinquantaine de GWe et on pourra avoir sur des périodes de 2 à 3 semaines des taux de charge extrêmement faibles, oscillant entre 3 et 10 % seulement de la capacité installée. L’importance des déficits de puissance dépasse de loin les projections, optimistes, d’efficacité et de flexibilité de RTE !

-          En conditions estivales, les fluctuations de puissance des intermittentes varieront de 2 à 57 GWe avec des écarts matin et soir de 40 à 50 GWe, leur apport étant souvent proche de la puissance appelée en milieu de journée, mais très faible la nuit (de 2 à  10 GWe malgré 118 GWe installés). L’écart entre la consommation et la production évoluera chaque nuit entre 35 et 54 GWe.


L’impact quotidien sur le fonctionnement des capacités pilotables ne sera pas gérable, bien au-delà de ce qu’on pourra attendre de leur suivi de charge et des flexibilités ou effacements.

Par exemple, en été, l’analyse des variations de puissance horaire des capacités intermittentes montre qu’elles atteindront 10 à 14 GWe en une heure, deux fois par  jour à la hausse puis à la baisse, alors que la consommation est faible.

Conclusion de PNC :

 

« C’est toute l’organisation de l’accès au marché de l’électricité des moyens intermittents (qui devraient supporter les inconvénients de leur variabilité) et des moyens pilotables  (dont l’économie doit être impérativement préservée) qui devra être profondément  repensée, et ceci dès les prochaines années. » 

 

 

3. d - Intermittence et modulation du nucléaire : le nucléaire ne pourra pas assumer, ce sera du gaz !

Contrairement à un argument martelé par le lobby ENR, les ENR et le nucléaire ne font pas la paire, au-delà d'un certain pourcentage d'ENR, ils sont même tout simplement économiquement et techniquement incompatibles.

Et ce sera encore bien plus le cas avec 45 GW d'éolien en mer !

Dans la situation actuelle, les ENR sont inutiles au système électrique français : elles ne fournissent aucune puissance garantie pour le passage des pointes électriques et leurs excédents de production ne peuvent se substituer aux centrales thermiques dont la part dans la production électrique totale de 7% est techniquement quasi incompressible. Très flexibles et très réactives, les centrales thermiques servent toute l’année pour ajuster finement, à tout moment, la production à la consommation et, pour le reste, à fournir les derniers MWh lors des pointes hivernales. Au final, l’excès des ENR se substitue largement à la production nucléaire sans aucun bénéfice climatique ou économique, bien au contraire.

D’ailleurs, « du fait de l’interconnexion des réseaux européens, les énergies renouvelables produites en France viennent donc remplacer le plus souvent la production des centrales au charbon situées dans d’autres pays comme la Pologne ou l’Allemagne ».[1] Les éoliennes et leurs inconvénients sont en France, les bénéfices, lorsqu’ils existent, sont en Allemagne, laquelle mène une politique énergétique complètement irresponsable (arrêt du nucléaire, maintien du charbon, forte augmentation du gaz et des dépendances associées). Et encore cet “avantage” européen est-il destine à disparaître avec la poursuite du développement massif de l’éolien offshore en Europe du nord, où il est plus productif et plus éloigné des côtes.

Dans le futur, le développement massif des ENR, en particulier l’éolien offshore avec sa variabilité particulièrement importante, aura pour effet de rendre impossible et extrêmement ruineuse la modulation nucléaire. Le nucléaire est fait pour fournir une base, pas pour moduler comme un fou !

RTE, dans un groupe de travail sur les analyses de sécurité d'approvisionnement-(28 juin 2023) affirmait avec quelque cynisme : « EDF modulait ses réacteurs pour gérer son carburant, il modulera pour le suivi de charge des ENR ».

Sauf que les conséquences ne sont pas les mêmes, justes opposées. EDF modulant sa production nucléaire pour optimiser son carburant nucléaire, cela lui permettait notamment de mieux programmer les arrêts de tranche et d’assurer la sécurité d’alimentation en tenant compte aussi des contraintes et opportunités économiques ; EDF faisant du suivi de charge des ENR, c’est en fait les ENR qui imposent à EDF des externalités négatives alors que lesdites ENR ( plus exactement énergies variables intermittentes) sont incapables d’assurer une production de base relativement pilotable comme le nucléaire.

Ces aspects de modulation contrainte par les ENR ont été traitées extensivement par M. Jean-Jacques Nieuviaert, ancien Chef économiste de Union Française de l'Electricité[2] :

“Le développement accéléré et simultané des EnR non pilotables et du nucléaire va forcément entrainer un accroissement de la modulation, et dans certains cas (été, week-end) cela pourrait même conduire à exiger l’arrêt complet du parc nucléaire…

Cet accroissement risque de rendre inatteignable un objectif d’extension de la durée de vie des réacteurs à 80 ans du fait d’une usure prématurée, et il comporte donc le risque d’exposer le pays, non plus à un besoin de sobriété, mais carrément à une pénurie d’électricité…

Une modulation amplifiée est synonyme de hausse des coûts et de pertes massives de revenus pour EDF, ce qui est contradictoire avec les efforts attendus du groupe en termes de développement du nucléaire.”

L’article met aussi en avant une augmentation des « fortuits » de 25% en moyenne et des dégâts possibles sur la structure des cœurs (érosion, déséquilibre bore-lithium, fuite), le vieillissement du circuit primaire, notamment si le standard de deux mouvements par jour était dépassé...

La conclusion est que l’augmentation massive des ENR, avec notamment les 45GW d’éolien en mer, nécessitera, pour assurer la sécurité d’alimentation, un suivi de charge avec de telles variations que seules les centrales à gaz de dernière génération pourront l’accomplir. Ce back-up gaz important dégradera considérablement l’intérêt climatique et le bilan carbone de l’éolien (qui tournera autour de 300g CO2/KWh), dégradera aussi les aspects économiques et d’indépendance géostratégique du système électrique français. L’éolien, c’est du gazolien, et développer massivement l’éolien en mer est en fait l’assurance survie à long terme du gaz, ce pourquoi, comme le remarquait Jean-Marc Jancovici, il est si populaire chez les industriels du secteur. 

De manière générale, ces choix énergétiques qu’il nous faut faire engageront plusieurs centaines de milliards d’euros (plus d’un millier de milliards !)  et auront un impact majeur sur notre souveraineté électrique et aussi sur notre pouvoir d’achat futur et sur la viabilité de notre industrie. Ils nous concernent tous. Il est capital qu’ils soient faits non par idéologie ou par mimétisme, mais à l’examen de données factuelles et, en particulier, en tenant compte des enseignements que peuvent apporter la politique énergétique d’autres pays.  C’est ce que les Français doivent exiger de ces débats- et ce n’est pas ce qui se passe !



[1] RTE, bilan électrique 2019, p. 57

[2] La modulation nucléaire : un risque majeur, 09.02.2023, https://www.lemondedelenergie.com/[1] PNC France : un bilan prévisionnel 2035 de RTE préoccupant malgré la reconnaissance du rôle du nucléaire, 30 / 09 / 2023


[1] https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2021-na-99-approvisionnement-electricite-janvier.pdf


[1] https://www.lefigaro.fr/flash-eco/le-royaume-uni-annonce-la-construction-de-nouvelles-centrales-au-gaz-20240312