ÉCLAIRER L’AVENIR : L’ELECTRICITE AUX HORIZONS 2035 ET 2050 : rapport de la Commission Senatoriale Prix de l'Electricité
Extraits :
Europe et neutralité technologique : "Les textes européens qui vont l’encontre du principe de neutralité technologique sont contraires aux traités et doivent être révisés. Ainsi faut-il faire évoluer certaines législations adoptées dans le cadre du paquet « Fit for 55 ».
La commission d’enquête appelle à mettre fin à toute discrimination de l’énergie nucléaire au sein de l’UE. Cette énergie est la seule qui permette de décarboner massivement. Si le nucléaire n’est plus aussi tabou qu’auparavant à Bruxelles et si des progrès ont été faits depuis 2022 notamment dans le cadre de la réforme du marché européen de l’électricité, la neutralité technologique doit encore s’imposer dans certains domaines : les projets nucléaires doivent être éligibles aux programmes de financement de l’UE en matière d'énergie et bénéficier des prêts de la Banque européenne d’investissement. La création de projets importants d'intérêt commun européen (PIIEC) dans le domaine du nucléaire doit aussi se concrétiser rapidement."
Besoin d'une programmation énergétique : "La commission d’enquête réaffirme que la France a besoin d’une vision à long terme, fondée sur des bases scientifiques solides et non idéologiques, pour construire l’avenir de sa souveraineté énergétique et industrielle. L’énergie est un secteur où prévaut le temps long, la France doit donc se doter, dans les meilleurs délais, d’une programmation énergétique pluridécennale, qui pourrait ensuite être déclinée dans la PPE précisant objectifs et moyens sur 5 ans.
Réforme du marché européen : "Sur l’insistance d’un certain nombre d’États membres, en particulier la France, la Commission européenne a présenté, au début de l’année 2023, une réforme du marché européen de l’électricité, qui a été adoptée en décembre 2023. Cette réforme doit contribuer au développement d’un marché de long terme, favorable aux investissements dans la production d’électricité décarbonée et plus protecteur des consommateurs. Afin d’encourager la formation de signaux de prix de long terme sur les marchés, il est proposé aux États membres de déployer deux outils de financement, les Power Purchase Agreements (PPA), et les contrats pour différence bidirectionnels (CfD), lesquels peuvent couvrir l’ensemble des énergies bas-carbone, y compris le nucléaire."
Prévision de la consommation : devrait augmenter avec de fortes incertitudes : "Depuis les années 2000, la consommation électrique stagne et a même reculé ces dernières années, comme le souligne le graphique suivant. Cette tendance s’inscrit dans une demande globale d’énergie en berne, comme chez nos voisins européens."
Sans prétendre prédire l’avenir, mais après un examen rigoureux des différentes projections, la commission d’enquête estime que le scenario le plus raisonnable et plausible est celui d’un niveau de consommation électrique entre 580 et 615 TWh à l’horizon 2035 et environ 700 TWh à l’horizon 2050. Ce choix suppose néanmoins la nécessité d’un basculement massif des usages vers l’électricité...Ce scenario suppose aussi le renforcement des gains d’efficacité énergétique, dont le potentiel est de 100 TWH à l’horizon 2035, mais aussi des efforts de sobriété qui doit faire l’objet d’un plan national ambitieux
Cout des filières électriques : un rappel bienvenu : "Les méthodes utilisées pour comparer le coût des filières électriques souffre d’une lacune majeure. Elles ne prennent pas en compte les « coûts systèmes », c’est-à-dire les coûts supplémentaires induits par chacune des filières pour le système électrique dans son ensemble (réseaux, flexibilités, besoins de moyens de production de secours, etc.). En prenant en compte ces « coûts systèmes », plus les scénarios de mix électriques comportent une part significative d’éolien et de photovoltaïque, plus le coût de production moyen du système est élevé ... Les enjeux d’adaptation des réseaux d’acheminement sont trop souvent négligés. Or, Enedis et RTE prévoient 200 milliards d’euros d’investissements d’ici à 2040. S’ils sont en partie déterminés par les renouvellements liés au réseau de transport vieillissant, ces investissements sont également portés par l’électrification des usages et par le développement de nouvelles capacités de production éoliennes et photovoltaïques"
Une relance ambitieuse et durable de la filière nucléaire est incontournable : "la compétitivité économique des scénarios de relance ambitieuse de la production nucléaire est solidement étayée mais elle nécessite des modalités de financement adaptées permettant de réduire au maximum le coût de financement des projets."
"La prolongation du parc nucléaire en exploitation jusqu’à 60 ans est un enjeu crucial à l’horizon 2035. L’intérêt économique de cette prolongation ne fait aucun doute"
"à l’horizon 2035, le scénario de mix de production retenu par la commission, composé à 60 % par la filière nucléaire, permettrait de couvrir l’augmentation attendue de la consommation avec une marge suffisante susceptible de contribuer à la sécurité d’approvisionnement et de maintenir un solde exportateur"
"À l’horizon 2050, prolonger les centrales actuelles au-delà de 60 ans et construire 14 nouveaux réacteurs. Il est nécessaire de prolonger au-delà de 60 ans, dans le respect strict des normes de sûreté, un maximum de réacteurs du parc nucléaire actuel...
La commission d’enquête juge également incontournable la construction dans des conditions économiques optimisées d’un nouveau parc nucléaire de 14 réacteurs. Pour se prémunir des mésaventures passées, et alors que l’estimation du coût de construction des 6 premiers réacteurs a déjà été réévalué de 30 % au printemps 2024, aucun effort ne doit être ménagé pour assurer la maîtrise industrielle du projet...la commission d’enquête recommande de concevoir un modèle économique sécurisant permettant de réduire le prix de l’électricité qui sera délivrée par les nouveaux réacteurs. Ce modèle de financement impliquera une participation publique ainsi que des rémunérations garanties à EDF pendant les phases de construction et d’exploitation."
En fonction de différentes hypothèses liées, d’une part, au nombre de réacteurs qui pourront être prolongés au-delà de 60 ans1 et, d’autre part, au calendrier de déploiement du programme de nouveau nucléaire, le mix de production national résultant des scénarios étudiés par la commission d’enquête produirait entre 700 et 850 TWh en 2050. Entre 52 % à 61 % seraient assurés par des moyens nucléaires.
Garder des capacités gaz: "Pour garantir la sécurité d’approvisionnement nationale, la commission d’enquête estime indispensable de maintenir les capacités de production thermiques actuelles. Par ailleurs, compte-tenu de l’insuffisance maturité des filières thermiques décarbonées, et si la construction de nouvelles centrales fonctionnant au gaz naturel ne doit être qu’une solution de dernier recours en cas de risque avéré pesant sur notre sécurité d’approvisionnement, la commission d’enquête considère qu’il serait imprudent de se priver de cette possibilité."
Energies renouvelables et éolien en mer : "Un déploiement raisonnable et équilibré de ces énergies renouvelables doit ainsi guider la décision publique" "La commission d’enquête considère que l’éolien en mer constitue un pari risqué, compte tenu des coûts réels de ces technologies, de leurs difficultés d’acceptabilité et de la faible maturité technique de l’éolien flottant. Les objectifs très ambitieux qui ont été affichés par le discours de Belfort ne pourront du reste pas être tenus."
Hydraulique : "Le développement de l’énergie hydraulique, énergie maîtrisée, rentable et décarbonée dépend aujourd’hui de la résolution du conflit, qui dure depuis plus de quinze ans, avec la Commission européenne concernant le régime juridique des concessions hydroélectriques" "C’est pourquoi *la Commission demande la création d’une commission composée de représentants de l’État, de représentants d’EDF et autres concessionnaires et des acteurs de la filière, d’experts notamment en droit et de parlementaires afin d’étudier les solutions qui pourraient être présentées à la Commission européenne.
Une vraie régulation du prix de l'électricité : "La commission d’enquête constate que, malgré les enjeux considérables qu’il sous-tend pour l’ensemble du système électrique et en dépit des promesses gouvernementales, « l’accord » conclu entre l’État et EDF officialisé en novembre 2023 a été négocié dans la plus grande opacité, ne protège ni EDF ni les consommateurs et organise la décorrélation structurelle des coûts de production et des prix de l’électricité en exposant totalement ces derniers aux aléas des marchés de gros.
Simple feuille volante non signée, cet accord n’a aucune valeur juridique et l’affichage d’un prix moyen de 70 euros, souvent présenté comme un engagement, ne constitue en fait qu’un simple indicateur sans portée réelle, un pari risqué sur l’évolution des prix de marchés à termes. Un passé récent a pourtant montré à quel point il était imprudent de fonder le prix de l’électricité sur les fluctuations des marchés de gros. En exposant les consommateurs aux aléas du marché, en les privant de toute visibilité et en décorrélant de façon structurelle les prix des coûts de production, le dispositif retenu par le Gouvernement est tout sauf protecteur pour les consommateurs et compromet les perspectives de réindustrialisation du pays. Par ailleurs, puisqu’il ne prévoit aucune garantie de prix de vente, il expose dangereusement EDF à une situation de prix bas prolongés sur les marchés de gros
Diminuer la fiscalité pour réduire le prix de l'électricité : "Si elle exclut une baisse indifférenciée de la TVA, la commission d’enquête propose trois mesures visant à réduire sensiblement la fiscalité sur l’électricité : 1) Une accise sur l’électricité différenciée en fonction des volumes consommés ; 2) une réduction ciblée de la TVA appliquée à une consommation électrique de base. Le taux de TVA serait ainsi réduit à 5,5 % pour les volumes de consommation annuels situés sous les seuils de : 4,5 MWh pour un foyer qui n’est pas chauffé à l’électricité ; 6 MWh pour un foyer chauffé à l’électricité. 3) La substitution d’une dotation budgétaire à la contribution tarifaire d’acheminement (CTA) qui finance le Régime spécial des industries électriques et gazières (RSIEG), dont le financement n’a pas à reposer sur les consommateurs d’électricité
En prenant comme référence les tarifs d’électricité moyens observés en 2024 la conjonction de ces deux ensembles de dispositifs permettrait des baisses de prix structurelles équivalentes à près de 7 000 euros sur la facture annuelle d’un boulanger qui consomme en moyenne 99 MWh par an ; plus de 600 euros sur la facture annuelle d’un ménage qui consomme en moyenne 6 MWh par an.