La hiérarchie des normes
Il existe une multitude
de raison (presque autant que d’articles, mieux vaudrait supprimer tout le
projet) pour s’opposer au projet Valls El Khomri de réforme du code du travail.
L’un des plus flagrants, mais aussi me semble-t-il l‘un des moins discutés est
l’inversion de la hiérarchie des normes : auparavant, les accords collectifs prévalaient sur les accords d’entreprise
et un accord d’entreprise ne pouvait offrir que des conditions plus favorables
que celles de l’accord collectif ; demain si ce projet passe, par un
référendum d’entreprise, un accord d’entreprise pourra imposer, en termes de
salaires d’horaires ou conditions de travail, des conditions moins favorables
si elles sont acceptées par in référendum d’entreprise.
C’est assez désespérant,
mais cette primauté des accords collectifs sur les accords individuels fut un
combat syndical centenaire, pour une raison bien simple : s’il est
possible de déroger aux accords collectifs, alors c’est une compétition insane
au détriment des salariés qui se met en place ; l’entreprise la plus en
difficulté d’un secteur, sans doute parce que la plus mal gérée, imposera à ses
salariés des baisses de salaires ou augmentation de temps de travail assez facilement
par un chantage à l’emploi, et
progressivement les entreprises du secteur seront contraintes à s’aligner sur
elles.
On mesure facilement quel point cette inversion des normes est
dangereuses, et tout particulièrement en temps de crise économique et de chômage
fort. Extrêmement dangereuse pour les salariés, elle l’est aussi néfaste pour l’ensemble
de l’économie, en créant une spirale attirant l’ensemble d(‘une branche vers
des productions de faible valeur à faible coût, et de plus en plus dé
déqualification ; c’est une spirale infernale qui se met, en place, la
compétitivité par les coûts et non par la qualité et l‘innovation, l’inverse de
ce qu’il faut faire.
Le Cercle des Prolétaires
Positivistes : vive les conventions collectives
J’en reviens à ma doctrine favorite, la Positivisme. On l’ignore
généralement mais le Positivisme a généré en France un mouvement ouvrier non
négligeable, au début du XXème siècle, avec des figures comme Auguste Keufer, (1851-1924),
fondateur de la CGT du livre t et premier trésorier de la CGT. Voici donc la position du Cercle des Prolétaires
Positivistes, dont il fut le principal animateur lorsque, entre 1906 et 1908,
fut discuté la création du code du travail et la possibilité de signer des
accords collectifs d’entreprises (aujourd’hui accords de branche ) : « Le projet de loi sur le contrat de travail déposé le 2 juillet 1906 sur le
bureau de la Chambre des députés est l’un des plus ,importants de la présente
législature. Il invite le législateur à fixer légalement la définition, la
validité, les effets et les preuves juridiques, la formation et la rupture du
contrat individuel qui lie l’employeur et l’employé, ces deux derniers termes
embrassant le premier, tous les patrons, et le second, tous les salariés. Le
projet porte inévitablement sur les règlements d’atelier, les amendes, le
délai-congé et enfin sur la grève et
lock out. Il se propose en outre de donner une valeur légale et
juridique au contrat collectif de
travail vers lequel s’achemine l’industrie moderne, bon gré, mal gré sous la
pression des travailleurs syndiqués…
Examinant le contrat collectif, ou plus exactement la convention collective
relative aux conditions de travail, le
Cercle des Prolétaires Positivistes met en lumière ses trois principaux
avantages pour le bon ordre de la société économique.
Le contrat collectif est seul
propre à établir un certain équilibre entre l‘employeur qui fournit le travail,
et l’employé qui doit travailler pour
assurer son existence et celle des siens. Il peut largement moraliser la
concurrence entre employeurs, en c sens que, grâce à lui, cette concurrence ne
peut plus s’exercer avec autant d’intensité sur la salaire et sur l’ensemble
des conditions de travail, et qu’ainsi, le meilleur patron n’a plus à pâtir du
plus mauvais. Le contrat collectif enfin, les faits le prouvent, est surtout
propre à maintenir ou à rétablir l’accord entre employés et patrons.
Projet de Loi El Khomri : désordre et régression
Le Positivisme a la conviction qu’il
est possible de déterminer des lois de l’organisme social, comme il y a des
lois physiques et biologiques. Son slogan le plus connu est « Ordre et
Progrès ». Un Positiviste sait reconnaître
une mesure qui favorise le progrès et l’ordre social de son inverse, il dispose
de lois pour cela. Or, toute la connaissance positive et historique de l’ordre
social ne peut aboutir qu’à ceci : ce projet de loi, ce n’est pas ordre et
progrès, mais désordre et régression. Dans l’intérêt de tous, et aussi pour le
respect de la mémoire de tous ceux les travailleurs qui, positivistes on non,
ont lutté pour l’établissement du droit du travail, ce projet doit être
combattu aux côtés de tous les syndicats qui exigent son retrait.