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mardi 6 novembre 2018

Raisons de détester l’Eurokom-16 : la farce de l’Europe sociale


Europe et Eurokom

Dans un de mes précédents blogs, je m’enflammais sur les propos de Macron à Epinal sur « l’Europe qui nous a donné la Paix ». Face aux politiciens truqueurs qui sciemment mélangent l’Europe, réalité géographique, historique, culturelle et la Communauté européenne et ses institutions (notamment la Commission européenne), vouées uniquement à construire un grand marché selon le dogme d’une véritable secte libérale, je propose donc de différencier l’Europe réelle des peuples et des nations et l’Eurokom, les institutions de la Communauté Européenne

Une grande avancée : le socle européen des droits sociaux-Bullshit !

Dans l’article 3 de son traité, l’union a notamment pour but de promouvoir le bien-être de ses peuples tout comme une économie sociale de marché hautement compétitive qui tend entre autre au plein emploi et au progrès social. Dès son arrivée en 2015, le Président de la Commission Européenne, J.C Juncker avait proclamé sa volonté d’obtenir le triple A pour une Europe sociale. De fait, un socle Européen des droits sociaux a été proclamé au sommet social de Göteborg en novembre 2017.

Eh bien, le voici : obligation d'établir un contrat de travail écrit ;  limitation de la durée de travail hebdomadaire ; protection sociale de la maternité ; interdiction d'exposition aux radiations ; interdiction du travail des enfants de moins de 15 ans et réglementation du travail des 15-18 ans (durée de travail, travail de nuit, repos obligatoires, etc.) ; la protection contre les agents chimiques, physiques et biologiques ; encadrement du travail sur écran d'ordinateur ; encadrement des travaux exposant à l'amiante. Par ailleurs, La Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, adoptée en 1989, engage à garantir une protection sociale, un revenu minimum et une retraite.
Génial. ! Quel progrès. !

Face à une telle vacuité, la CGT a fait remarquer que parmi les instruments disponibles pour garantir que l’Europe soit sociale, le Conseil européen a choisi le moins contraignant et le moins ferme, à savoir la " proclamation ". En revanche, quand il s’agissait d’instaurer les politiques d’austérité, c’était  un traité ».  Force Ouvrière soulève le point que des questions aussi cruciales que le droit de grève et la liberté de négociation collective ne figurent pas dans le socle de droits sociaux européens ! En effet – et elles sont même remises en cause, voir plus lon. Et  le sujet de la négociation collective est d’autant plus sensible que plusieurs délégués ont tiré la sonnette d’alarme sur sa décentralisation en cours ou déjà effectuée dans leurs pays de façon à faire primer les accords d’entreprise sur les accords de branches, ce qui, comme dans la loi Macron, revient sur un siècle de conquêtes syndicales et met les entreprises en concurrence sur le moins-disant social à l’intérieur d’une même branche, y compris sur des éléments essentiels du contrat de travail !

Mais comment la Commission européenne pourrait-elle au nom des droits sociaux aller à l’encontre de ce qu’elle réclame au nom de son ultralibéralisme ?

En ce qui concerne la limitation du temps de travail hebdomadaire, banco ont dit le CGT, alliée à la très révolutionnaire CFE-CGC. Dans la dernière et 6ème ordonnance Macron, le gouvernement français a mis fin au volontariat pour les forfaits jours. C’est la première fois en droit français que le consentement du salarié n’est plus requis en cas d’application d’un régime dérogatoire au temps de travail. Donc, constatant que cette  réglementation issue de la loi « Travail » expose les salariés en « forfaits-jours » à des durées de travail déraisonnables et prive également ceux assujettis à des astreintes d’un véritable temps de repos, la CGT et la CFE-CGC font cause commune pour mieux encadrer le forfait en jours et permettre aux salariés soumis aux astreintes de bénéficier d’un vrai temps de repos. Suite à des réclamations antérieures , le Comité européen des droits sociaux a déjà demandé solennellement au gouvernement français de corriger la législation sur les « forfaits- jours » et les astreintes (décisions du 12 octobre 2004, du 8 décembre 2004 et du 23 juin 2010). Suite à la dernière ordonnance Macron, qui aggrave encore la situation, CGT et CFE-CGC ont à nouveau saisi la CEDS. Parions que, comme d ’habitude, il ne se passera rien. Quand elle pourrait être utile, l’Europe sociale n’intervient pas.

La réalité (selon FO, pourtant pas la plus allergique à l’Europe des centrales)  est que l’austérité reste la priorité et que la politique néo-libérale continue de détruire la vie des populations et des travailleurs ; le pacte de stabilité et de croissance est une camisole de force qui empêche beaucoup de pays d’investir dans les services publics, les emplois et la croissance ; et, par conséquent,  le pilier européen des droits sociaux est très en retard

Arrêt Vicking et Laval : remise en cause du droit de grève.

Pour certains spécialistes du droit du travail, enfin de ce qu’il en reste, ces deux décisions de le Cour européenne de justice ont créé une vraie sidération – et il y a de quoi !
Dans ces deux affaires, des syndicats avaient engagé une action collective pour lutter contre des pratiques de dumping social.

Dans l’arrêt Viking, les syndicats finlandais entendaient s’opposer à un changement de pavillon d’un navire dont le but était principalement de remettre en cause les conditions de travail existantes en passant de l’application d’une convention collective finlandaise à une convention collective estonienne.
Dans l’arrêt Laval, les syndicats suédois souhaitaient contraindre une entreprise lettone, ayant détaché des travailleurs lettons pour la réalisation d’un chantier en Suède, à respecter les conditions salariales définies par les conventions collectives suédoises.

Quelle fut la décision de la Cour Européenne de Justice ? Dans l’affaire Laval, la CEJ a considéré que dans le cadre de la directive travailleurs détachés directive 96/71, elle ne pouvait que  disqualifier l’action collective suédoise avec pour conséquence un amoindrissement de la protection des travailleurs détachés en Suède et de la capacité des organisations syndicales à agir dans ce domaine. L’arrêt Viking fut encore plus gratiné : il conduit à un encadrement restrictif du droit de grève, en instaurant un contrôle judiciaire sur les actions collectives lorsqu’elles ont pour objet ou pour conséquence de limiter une liberté garantie par l’Union européenne, notamment la liberté d’établissement. Sont concernées les actions collectives visant des opérations que l’on qualifiera de transnationales (délocalisations, établissement d’une filiale ou d’un établissement dans un Etat de l’Union européenne, réalisation de contrats de prestations de service, avec des salariés détachés, etc). Par ces arrêts, la Cour européenne engage même les juridictions nationales à opérer un contrôle des motifs du recours à la grève et de la proportionnalité de l’action. L’action collective ne devrait intervenir qu’en dernier recours.

Plus précisément la Cour Européenne de Justice a considéré que le droit de grève n’est licite que si «  l’atteinte qu’il porte à la liberté des échanges est justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général » !

Outre ce contrôle de l’opportunité même de déclencher un mouvement de grève, les juges nationaux devraient également contrôler si les revendications formulées sont légitimes. ( et notamment si elles ne sont pas contraires aux directives de la secte ultra libérale).

C’est à une remise en cause sans précédent du droit de grève qu’ a conduit l’ « Europe sociale » !

Travailleurs détachés, contrats zero heures, mini-jobs : nouvelles figures du dumping social

J’ai consacré le blog précédent au problème des travailleurs détachés et à la façon dont la directive européenne  a conduit à un véritable dumping social, à une mobilité massive et forcée, tirant profit des différences de niveau de vie à l’intérieur de la pseudo-Communauté et déstabilisant le marché du travail des pays d’accueil, créant une concurrence par le dumping social ?  Là où on aurait pu au contraire rêver à une mobilité volontaire, encouragée et enrichissante, accordant à chaque travailleur détaché le meilleur des conditions du pays d’accueil ou de départ, c’est au contraire l’exploitation sans frontières qui a été mise en œuvre par la secte libérale qui domine à la Commission européenne. Et les rodomontades de Macron n’y ont pas changé grand-chose.

Le contrat zéro heure (Zero-hour contract) est un type de contrat de travail. Il s'est développé dans l'Union européenne, comme au Royaume-Uni et même en France (contrat de vacation à l’Université, par exemple). Sa caractéristique principale est que l'employeur ne mentionne dans le contrat aucune indication d'horaires ou de durée minimum de travail. Le salarié est rémunéré uniquement pour les heures travaillées, il doit pouvoir se rendre disponible à n'importe quel moment de la journée. En 2015, au Royaume-Uni, on recense environ 1,5 million de contrats avec quelques heures par mois et 1,3 million de plus sans aucune heure travaillée2. Plus d'un employeur sur dix y a recours dans le pays. Dans ce contrat tous les avantages sont du côté de l'employeur. Il ne l'oblige pas à fixer un temps de travail minimal et un salaire minimum. L'employé lui doit s'engager à être disponible pour travailler selon les besoins de son employeur. Il n'est bien souvent averti du travail qu'il doit effectuer que quelques heures avant sa prise de service. Il pourrait théoriquement refuser les heures de travail proposées10. Seules les heures travaillées sont rémunérées.Le nombre d'heures rémunérées étant très variable, les travailleurs ne peuvent pas prévoir un budget mensuel précis ou organiser leur emploi du temps.

L’Europe sociale ne voit aucun inconvénient à ces contrats zero heures qui nous ramène plus de cent ans en arrière, avec le travail à la tâche. En 2016, le parlement de Nouvelle-Zélande  a voté à l'unanimité une interdiction des contrats zéro heure.

Ils sont plus de sept millions en Allemagne à avoir des minijobs. Ces contrats à temps très partiel (50 heures par mois au maximum pour un Smic à 8,84 euros de l’heure) sont sans cotisations obligatoires pour le salarié, tandis que l’employeur règle une cotisation forfaitaire variable selon le type d’emploi. Pas de points retraite, pas d’allocations chômage, pas  de sécurité sociale !

L’Europe sociale ne voit aucun inconvénient au mini jobs mini couverture sociale.

Les sociétés boites aux lettres et l’optimisation légale du moins disant fiscal- l’affaire Polbud

La Conférence européenne des Syndicats nourrit de vives inquiétudes à propos de l’arrêt rendu le 25 octobre 2017 dans l’affaire Polbud, la Cour de justice de l’Union européenne ayant jugé que transférer le siège social d’une entreprise dans un autre État membre dans le but de bénéficier d’une législation fiscale plus avantageuse n’est pas constitutif d’un abus. Ainsi, la CJUE a déclaré le tourisme fiscal acceptable tout comme la création de sociétés boîtes aux lettres et le contournement des règles relatives à la fiscalité et à la sécurité sociale et des droits des travailleurs. Un État membre ne peut empêcher une entreprise de transférer son siège même si ce transfert débouche sur la création d’une structure de type boîte aux lettres ou est motivé par des raisons fiscales ou de contournement des règles. Il n’y a aucune obligation de lier l’endroit du siège social à celui des activités économiques. La mobilité des capitaux semble être considérée comme bien supérieure aux droits sociaux fondamentaux ou à d’autres valeurs ancrées dans le traité.

Comment s’en étonner ?  « Le droit de l’Union accorde une place structurelle aux Etats membres ; mais il s’agit d’une place subordonnée dans la mesure où les Etats renoncent à leur souveraineté dans le domaine économique et monétaire ; et, en particulier, l’institution du marché européen conduit à envisager la fonction sociale des Etats comme une dérogation d’interprétation restrictive aux libertés économiques garanties aux personnes privées ». (Alain Supiot, Professeur au Collège de France, nouvelles figures de l’allégeance)

Il faut sortir de cet Eurokom là !



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