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jeudi 14 juillet 2011

Un « Small business act » pour la France

La faiblesse de la recherche privée en France

En 2000, l’Europe inquiète de sa désindustrialisation et de sa perte de compétitivité, a adopté l’Agenda de Lisbonne : devenir une Europe de la connaissance, investir davantage dans l’innovation, la recherche et le développement, et pour cela, faire passer la dépense intérieure  de recherche et développement (DIRD) à 3% du PIB.
En France, et plus généralement en Europe, nous en encore sommes loin (2%) et il est clair que cet Agenda de Lisbonne ne sera pas rempli et qu’il rejoint la grande cohorte des voeux pieux et incantations européennes. C’est dommage, car il est au plus haut point légitime et indispensable à notre futur.
En France, le pourcentage des dépenses de recherche et de développement dans le PIB est de 2.07% (2008)  (et il est plutôt en diminution si l’on juge sur dix ans ; il était de 2.33% en 1997…).
Il est à noter que cette faiblesse de l’investissement en recherche et développement est essentiellement dû  à l’anémie de la recherche privée. La part du public (0.76% du PIB) est dans la moyenne de l’OCDE, celle du privé est plus basse (1.3% contre 1.9 aux USA et 1.7 en Allemagne, 2.5 en Suède et au Japon par exemple).
En résumé, la recherche publique est en ligne avec l’objectif de Lisbonne de 3% du PIB, la recherche dans le privé est  largement en dessous. La France manque en particulier de « jeunes pousses » ayant poussé, de  PME ayant une activité de R et D importante dans des secteurs d’avenir.

Un financement inadapté des PME, une absence de politique

Cette situation dramatique, car l’innovation se produit maintenant beaucoup dans le PME, les grandes entreprises tendant à externaliser leur recherche, résulte :
- d’un financement inadapté et insuffisant de l’innovation dans les PME
- d’une absence de politique efficace de recherche
- de relation perverses entre PME et grand groupes : tant que les grands groupes traiteront les PME comme des sous-traitants corvéables à merci, tant que qu’ils concluront des alliances de partage risques/bénéfices où ils prennent l’essentiel des bénéfices et transfèrent l’essentiel des risques, il n’y aura aucun progrès, aucune croissance possible.
Le manque de financement adapté à la croissance des PME se traduit par une statistique simple : le taux de survie des PME en France au bout de quatre ans est de 51%, un des plus bas des pays industrialisés. Le taux de croissance de l’emploi dans les PME survivantes est  au bout de 4 ans de 115 aux USA, 32 en Allemagne,…5 en France.
Cet effet résulte d’une stratégie inadaptée et assez scandaleuse du capital-risque en France. Stratégie inadaptée : le capital-risque sait financer du développement, ne sait pas financer de l’amorçage (ce qui est amplement démontré par les expériences étrangères, notamment  américaines), et, comme l’amorçage de projet est mal financé en France, il se trouve financer du développement dans des sociétés qui n’ont pas connu une phase de maturation et d’amorçage suffisante. Stratégie scandaleuse : dans le meilleur des cas, la réussite d’un projet, les financiers impliqués dans le premier tour de table ne cherchent pas à financer la croissance de l’entreprise, mais à vendre le projet pour un bénéfice plus faible et plus rapide,…et à fermer la PME. Dans le domaine de la santé, cela s’est notamment produit pour Novexel et Endotis pharma en 2011.
En France, lorsque les PME échouent, elles disparaissent ; lorsqu’elles réussissent, elles disparaissent aussi, avortées par le capital-risque à la française. Comment s’étonner dans ces conditions, du manque de PME innovantes de tailles internationales ? Quasiment  seules, et c’est caractéristique, des entreprises familiales dépendant de façon minimale d’un investissement extérieur y parviennent…
Le système d’innovation américain s’est trouvé confronté au même problème (rôle de plus  en plus important des start-up dans l’innovation)  mais a réagi de façon très proactive par le Small busines act.

Un « small business act » à la française, et, si possible, à l’européenne

Le système d’innovation américain se caractérise par un soutien efficace et constant de l’administration- loin du libéralisme pur et dur ! – à travers essentiellement deux instruments : le Small Busines Act et les  Small Business Investment Company.
Leurs buts sont de faciliter le rapprochement université entreprises,  le soutien public à l’amorçage, l’incitation publique en faveur du capital risque, créer une demande publique pour les nouveaux produits, développer les clusters,assurer une  fonction complémentaire de celle des business angels.
L’impetus original a été donné en 1980, lorsque le gouvernement fédéral s’est aperçu qu’il
était à la tête de 30.000 brevets dont seulement 5% éteint commercialement exploités (Bay-Dole Act ).
La propriété intellectuelle des inventions qui résultent de fond gouvernementaux  a été donnée aux universités avec mission de faciliter les transferts technologiques entre universités et entreprises, surtout PME. En échange, les PME s’engagent à déposer des brevets, à partager les royalties avec l’inventeur, à favoriser l’enseignement et la recherche et à donner la préférence à l’industrie américaine pour la production des nouveaux produits issus de leur recherche –  ce serait taxé de protectionnisme en Europe !

Selon le Small Business Act :
- sont réservés aux PME  les marchés publics inférieurs à un montant de 100.000 dollars ou les marchés auxquels au moins deux PME peuvent répondre
 - tous les marchés inférieurs à 1 million de dollars doivent obligatoirement donner lieu à des plans de sous-traitance avec engagement d’en confier une partie aux PME
 - Les dix agences de recherche fédérale ont l’obligation d’externaliser une partie de leur recherche, 2.5% de leur budget étant réservé aux PME
 - Détail important : La PME bénéficiaire d’un contrat ne doit pas forcément exister avant d’avoir touché la première subvention,elle peut être créée ad hoc.


 le SBIR (Small business investment research) :

Le SBIR constitue un gigantesque programme public de capital amorçage. Aux USA, le capital risque se concentre sur le capital développement où les rendement sont maximaux . Il a été observé que lorsque le capital risque s’investit dans l’amorçage, les rendements sont décevants, voire négatifs. Constatant que ni les capital risque, ni les business angel ne sont adaptés à ce type de long développement, le SBIR répond à cette problématique
Le SBIR représente  globalement deux milliards de dollar et concerne 4000 entreprises. Il apermis d’immenses succès comme comme Amgen (médicaments, créé en 1980, 1400 employés aujourd’hui) , Quakcomm (téléphonie mobile, 1985, 9000 employés),  Genzyme ( test génétiques essentiellement 1981, 8000 employés.

Le financement moyen par entreprise est de  850.000 dolars, mais peut aller jusqu’à plusieurs millions
Le « grand emprunt » en France créé pour soutenir l’activité et l’innovation pendant la crise pouvait représenter uen amorce de SBIR ;mais les sommes consacrées à l’innovation et à la valorisation sont loin du compte, d’autant qu’une grande partie a été investie dans des activités traditionnelles, et l’effort doit être continu, et non un à coup sans lendement

Le nouveau système d’innovation américaine a constitué un réel succès : le MIT, par exemple, crée annuellement  20 entreprises par essaimage et  150 start-up  sont crées chaque année par des anciens de cet institut. A cela s’ajoutent  le développement à l’Université de la culture entrepreneuriale : cours sur la création d’entreprise, participation d’étudiants à l’analyse de projets d’investissements…

Relancer l’innovation passe maintenant forcément par les PME, et le succès américain montre comment faire - encore suffit-il de l’adapter au contexte français en tenant compte de l’existence des Grands établissements de recherche, qui, en France, assurent en grande partie le rôle de recherche ailleurs dévolu à l’Université. Avis aux candidats à l’élection présidentielle !

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