Viv(r)e la recherche se propose de rassembler des témoignages, réflexions et propositions sur la recherche, le développement, l'innovation et la culture



Rechercher dans ce blog

jeudi 11 avril 2013

L’innovation : recettes de succès et situation française vues par l’OCDE

(Résumé de la conférence de Dominique Guellec  (OCDE)- AJEF, 20 février 2013)

Favoriser l’innovation

L’innovation peut concerner de multiples domaines : technologique, des services, du marketing, de la finance
L’innovation peut être freinée par des lois ou réglementations inadéquates, non justifiées par un bien public mais favorisant des intérêts acquis (un cas pathologique célèbre est une loi anglaise du XIXème siècle imposant de faire précéder les automobiles (la nuit ?) par un marcheur portant une lanterne rouge). Un cas pathologique actuel à Paris est le monopole malthusien des taxis parisiens qui empêche le développement de nouveaux services au détriment des habitants. Repérer et supprimer ces freins réglementaires est un enjeu important.
L’innovation est freinée lorsqu’on entrave les processus de réallocation des ressources en maintenant artificiellement des activités déclinantes. Ainsi, l’Europe du Nord ne protège pas les entreprises ou les emplois existants, mais les employés en permettant et favorisant des formations et reconversion adéquates.
Des entreprises existantes peuvent être conduites à freiner l’innovation pour préserver leur business model. Souvent, à technologies nouvelles, entreprises nouvelles ; c’est le processus Schumpeterien de destruction créatrice.
L’innovation n’est clairement plus le monopole de l’Occident et d’un petit nombre de nations occidentalisées. Le rattrapage chinois, par son ampleur et sa vitesse, a un caractère unique dans l’histoire. Le monde est devenu multicentrique, et les migrations concernent pour la première fois de façon massive des personnes très qualifiées (chercheurs, ingénieurs, techniciens, médecins…). Ceux qui sauront le mieux organiser ces migrations (politique de retour des doctorants etc) pourront en tirer un avantage important.
Tout ce qui ne peut pas circuler par Internet et s’enracine dans un territoire et de la proximité prend une valeur plus importante et peut constituer une source précieuse d’innovations non délocalisables : ce sont les collectivités, les infrastructures, les savoir-faire, traditionnels ou spéciaux ; la construction et l’habitude des collaborations interdisciplinaires : ainsi, un chimistes en France peut facilement collaborer avec un chimiste en Inde, mais plus difficilement avec un biologiste. On délocalise moins facilement un binôme chimiste biologiste, et encore moins facilement des collaborations plus complexes, qui ne fonctionnent bien que dans la proximité géographique et culturelle. Créer ces réseaux de collaborations et de compétences représente donc un énorme avantage compétitif pour un pays.

Le contexte français

L’industrie française a énormément reculé dans les dernières dix années et la recherche selon l’OCDE se situe dans une honnête moyenne, sans plus. La recherche et développement représente 2.3 % du PIB, sans évolution sur les vingt dernières années, alors que l’agenda de Lisbonne pour l’Europe de la connaissance prévoyait 3% ; l’Allemagne est à 2.8 % et seuls les pays nordiques atteignent ces 3%.
La France se caractérise par quelques grands groupes planétaires très compétitifs et innovants (par exemple dans l’aéronautique, le nucléaire), mais a) ils sont trop peu nombreux ; b) ils ont tous plus de trente ans - la France n’a su créer aucun grands groupe, alors qu’aux USA, la plupart des grandes entreprises n’ existaient pas, ou à l’état embryonnaire il y a  quinze ans. En résumé, la France n’a ni grandes entreprises récentes comme les USA, ni un « mittlestand », réseau dense d’entreprises moyennes innovantes et exportatrices comme l’Allemagne.
La France sait créer des entreprises innovantes ; le statut fiscal des jeunes entreprises innovantes est une réussite, et la France crée autant d’entreprises que les USA et plus que l’Allemagne ; mais elle ne sait pas les faire grossir, ou même simplement réussir. La plupart n’ont pas même d’activité commerciale réelle ou vivotent, et les rares qui réussissent n’ont pas suffisamment accès à des capitaux pour se développer…et sont donc rachetées par des entreprises étrangères.
Une des raisons est un manque de culture managériale, et, plus généralement, une direction pathologique des entreprises. Le cas typique français du chercheur qui a passé plus de vingt ans à l’Université ou dans un grand organisme de recherche et  se lance dans la création d’entreprise sans vision du marché et avec une mise de fonds ridiculement insuffisante est catastrophique. Les Apple, Google, Microsoft n’ont pas été créées par des chercheurs, mais  par des managers visionnaires et charismatiques qui ont su s’entourer  de chercheurs bien plus compétents qu’eux, les écouter, les diriger… et les rétribuer.
Une autre raison est le syndrome « Tanguy » ; de fait, dans le contexte français du financement de l’innovation et des aides fiscales, les entreprises n’ont aucun intérêt à croître. Le financement et les aides à l’innovation profitent bien aux très petites entreprises et aux très grandes ; il est tragiquement inadapté à la croissance et à création de PME du type Mittelstand, en particulier le secteur du capital risque déficient.

NB : le diagnostic me semble pas mal vu, mais l’OCDE parait ne croire qu’aux modèles américains et allemands. Or, un modèle d’innovation de ruptures par grands projets impulsés par l’Etat - les PMII, (programmes mobilisateurs d’innovation industrielle) du rapport Beffa et de l’ex AII, avec des structures collaboratives entre PME, grand groupe,équipes publiques) est sans doute plus adapté au contexte français.
En tout état de cause, si’ l’on veut réussir – et c’est critique- la politique d’innovation, il faudrait que les ministères du redressement productif et de la recherche se parlent sérieusement.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Commentaires

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.