Connaître
l’Océan : l’océanographie opérationnelle ou la météo de l’Océan
La conférence globale sur le
climat COP 21, qui aura lieu en France en décembre 2015 doit être aussi
l’occasion de faire mieux connaitre la recherche française et ses réalisations
en ce domaine ; c’était déjà l’objet d’un de mes précédents blogs sur le
diplomatie scientifique de la France, un concept qui a un temps passionné
Laurent Fabius. En voici ici un exemple
impressionnant, utile, fascinant, fun , une vraie réussite :
Mercator.
Mercator est une initiative
française, un groupement d’intérêt public existant depuis 2002, et qui a
d’abord réussi l’exploit de faire travailler sur un projet commun cinq organismes : le CNRS (Centre
National de la Recherche Scientifique), l’ Ifremer (Institut Français de
Recherche pour l’Exploitation de la Mer), l’IRD (Institut de Recherche pour le
Développement), Météo-France et le SHOM (Service Hydrographique et Océanographique
de la Marine), le CNES (Centre National d’Etudes Spatiales y est fortement
associé, ne serait-ce que pour la fourniture des données satellitaires dont Mercator
est très gros utilisateur.
Que fait Mercator ? De
l’ « océanographie opérationnelle » ! C’est-à-dire ? Le terme, qui qualifie une discipline jeune
qui n’a pas vingt ans (il fallait un saut en termes de techniques, de données et d’ informatique)
n’est peut-être très heureux, mais
globalement, il s’agit d’« être capable de décrire l’océan en temps réel
et de le prévoir de façon opérationnelle dans toute son étendue en surface
comme en profondeur ».
Alors qu’il couvre près de 70%
de la surface du globe, l’océan occupe une place croissante dans le domaine
économique (alimentation, énergie, transports…), environnemental (changement
climatique, protection des espèces, qualité des eaux…) et sociétal (sécurité en
mer, éducation, emploi…) ; bref, le but de Mercator est décrire et prévoir l'océan de façon
opérationnelle, « comme la météo décrit l'atmosphère ». L’enjeu n’est
pas qu’économique et sociétal : mieux connaître et prévoir l’océan, c’est
mieux le protéger.
Pour une meilleure
compréhension, la fascination et le fun, se reporter au site internet et au
bulletin physique journalier grand public (http://bulletin.mercator-ocean.fr/fr/PSY4#2/71.7/-55.5). Une carte similaire à une carte météo y donne sur tout
le globe les courants, la température et la salinité, et ceci pour des
profondeurs de zéro , 30, 100, 300, 1000 et 3000 mètres ! Et également la hauteur de mer, la hauteur et la vitesse des glaces ! De quoi voir
venir le naufrage du Titanic et les catastrophes comme Xynthia à La Faute-sur-Mer !
Histoire d’un succès
Mercator est né le 26 juin
1995, à l'initiative de Michel Lefebvre et de Jean-François Minster ; une
trentaine d'océanographes rassemblent les pièces du puzzle : un océan sous
observation continue des satellites altimétriques Topex/Poseidon et ERS, des
équipes de recherche à la pointe en matière de modélisation et d'assimilation. Dès 1998, les cartes de la topographie des océans tracées par
Topex/Poséidon et ERS (projet Ssalto/Duacs) sont pour la première fois élaborées et
diffusées en temps réel : les grands courants océaniques s'animent en direct
sous nos yeux.
L'océan profond, qui ne peut s'observer qu'in
situ, prend le relais suivant avec le programme international Argo et sa composante française Coriolis. Le déploiement de 3000 flotteurs à travers l'océan
global est entrepris (près de 2500 sont déjà déployés fin avril 2006) pour
apporter aux modèles les indispensables mesures verticales de température et
salinité, entre 0 et 2000 m de profondeur.
En avril 2002, les six membres
historiques Cnes, CNRS, IRD, Ifremer, Météo-France et Shom créent le Groupement
d'Intérêt Public (GIP) Mercator Océan pour une durée de 4 ans. Le GIP a une
mission claire : développer la capacité de description en routine de l'océan
mondial à haute résolution, et préparer le futur Centre d'Océanographie
Opérationnelle.
C’est un succès et finalement,
en 2014, la Commission européenne a signé avec Mercator Océan un accord qui lui
confie la mise en place du futur Copernicus Marine Service à compter d’Avril
2015. Ce service a pour mission de fournir un accès libre et gratuit à une
information scientifiquement qualifiée et régulière sur l’état physique et
biogéochimique de tous les océans du globe, en surface comme en profondeur :
température, courants, salinité, hauteur de mer, glace de mer, couleur de
l’eau, chlorophylle. Le Contrat de délégation de la Commission Européenne porte
sur un montant de 144 Millions d’Euros entre 2014 et 2021.
Les données fournies par Mercator permettent
déjà une cartographie des courants, ce qui est important pour la sécurité et
l’économie du routage en haute mer, pour retracer le trajet d’objets échoués,
ou de nappes de pollution et identifier les pollueurs, d’assurer une meilleur
prévision et sécurité des côtes et de leur environnement, d’améliorer la
prédiction des événements climatiques où l’océan joue un rôle majeur, et
notamment une meilleur prévision des cyclones et autres événements extrêmes, un
meilleur suivi et une meilleure prédiction de l’évolution des ressources
halieutiques, etc et aident, les
climatologues à comprendre et modéliser l’évolution du climat,
Bonne chance et longue vie à ce projet
passionnant et beau, d’origine française, qui met en valeur plusieurs points de
la recherche en France (océanographie, mathématiques, modélisation, spatial,
météorologie). Le débat autour de la COP 21 et du climat est l’occasion de
mieux faire connaître internationalement de tels projets. Maintenant, un esprit
pragmatique (anglo-saxon ?) pourrait aussi
se demander si on peut en faire une activité rentable….