Comité d’Intelligence Stratégique pour la Souveraineté, Avril 2023
https://www.docdroid.net/y7NENZB/comment-lallemagne-finance-laffaiblissement-du-secteur-nucleaire-francais-pdf
Résumé : le paradigme antinucléaire, fortement diffusé au sein de la
société allemande, notamment au travers de la peur d’une potentielle catastrophe nucléaire, pousse Berlin à voir d’un mauvais œil le développement de l’atome dans un pays limitrophe.
Une raison culturelle : la peur bien entretenue de l’atome
Une raison économique : afin de sauver la compétitivité de l’industrie allemande mise en péril par la sortie précipitée du nucléaire en 2011, il est inconcevable, pour Berlin, de laisser un de ses principaux rivaux, l’industrie française, disposer d’une source d’énergie bien moins onéreuse et des avantages compétitifs en découlant.
Ainsi, l’Allemagne manœuvre afin de nuire à la filière nucléaire française. Au sein des instances européennes, elle agit afin de ralentir au maximum le développement de l’atome en France, notamment en œuvrant à prévenir tout soutien financier de la part de l’Union.
Cependant, Berlin
ne cantonne pas sa stratégie au ralentissement du secteur nucléaire français.
En effet, l’Allemagne œuvre à propager le paradigme antinucléaire en France.
Pour cela, elle s’appuie sur un de ses principaux outils en matière d’influence
à l’étranger, ses fondations politiques.
Les Fondations, un instrument d’influence de l’Allemagne
Il
existe actuellement 7 fondations, chacune proche d’un parti politique allemand :
Fondation Friedrich Ebert (SPD, 670 collaborateurs, 15 bureaux nationaux et plus de 100 représentations étrangères), Konrad Adenauer (CDU, 1 000 collaborateurs dans 100 bureaux à l’étranger , supervisant des projets dans plus de 120 pays.), Friedrich Naumann (FDP, présente dans plus de 60 pays avec plus de 500 collaborateurs), Hans Seidel (CSU, 90 projets de développement dans plus de 75 pays), Rosa Luxemburg (Die Linke, 300 collaborateurs, présente dans 25 bureaux nationaux et 46 bureaux à l’étranger), Heinrich Böll ( Verts, implantée dans 35 pays et soutient des projets dans plus de 60 pays dans le monde, Desiderius Erasmus (AfD, non soutenue par des subventions fédérales)
Les Fondations, instruments revendiqués de la politique extérieure de l’Etat Allemand
« L’État octroie à certaines organisations privées
allemandes dotées de différents profils politiques et
idéologiques, des fonds pour qu’elles puissent mettre en œuvre
des projets de formation et des mesures de conseils avec des partenaires dans
les pays e développement qui présentent aussi différentes opinions politiques
et idéologiques et qui poursuivent divers objectifs politiques dans leurs pays.
Ces projets de formation ont pour but d’influencer le développement de ces pays
à travers une orientation de leurs élites dans un sens sociopolitique déterminé »
Les fondations allemandes et le nucléaire français
Dans le cadre des opérations de propagation du paradigme antinucléaire, les principales Fondations mobilisées sont Heinrich Böll et Rosa Luxemburg. En effet, les 2 structures se sont vu attribuer, par les ministères de la Coopération et du Développement et celui des Affaires étrangères, des financements relatifs à des projets d’influences visant à induire une « transformation socio-écologique » sur les territoires ciblés.
Ainsi, en 2018, la fondation Heinrich Böll publiait « l’Atlas de l’énergie. Les auteurs s’alarment des « incertitudes sur la faisabilité technique et économique de la prolongation de la période d’exploitation des centrales », ils y déplorent également les 55 milliards d’euros investis dans la rénovation des réacteurs, montant qui, selon eux, aurait pu être « investis dans les énergies renouvelables
En 2020, la fondation Heinrich Böll participe à la production de l’étude « Rapport mondial sur les déchets nucléaires : Focus sur l’Europe. Le rapport cherche notamment à stigmatiser la France quant à sa production de déchets nucléaires. Le document remet également en cause la viabilité du système français en matière de traitement de ces déchets, insistant sur son coût actuel ainsi que sur sa potentielle augmentation.
En 2021, la Fondation Heinrich Böll collabore avec le journal Alternatives Economiques dans le cadre de la production d’un dossier à charge contre le nucléaire français. Intitulé « Nucléaire : la France à l’heure du choix », il brosse un portrait au vitriol du secteur. Titre des chapitres Réacteurs : une prolongation à haut risque ; Déchets nucléaires : quand les poubelles débordent ; Le nucléaire, une industrie sans grand avenir ; 100 % Renouvelable, c’est possible ; Nucléaire : la folle obstination d’EDF ; Sortir du charbon et du nucléaire : l’exemple allemand ; Pour faire avancer la transition, l’énergie citoyenne ; Nucléaire : « il faut que le débat ait lieu ».
Le
vendredi 10 mars 2023, suite à l’adoption du projet de loi « relatif à l’accélération des procédures liées à la
construction de nouvelles installations nucléaires », Jules Hébert, Vice-
président de la fondation en France, a été le premier des 5 intervenants à
s’exprimer au siège du parti Europe Ecologie Les Verts, face à un parterre de
journalistes, dans le cadre d’une conférence
constituant le début de la « contre-offensive culturelle » des écologistes face
au retour en grâce du nucléaire dans l’hexagone.
La fondation Heinrich Böll finance le Réseau Action Climat France, une fédération composée de 27 associations nationales et de 10 associations locales dont Greenpeace France, Les Amis de la Terre ou encore le réseau Sortir du Nucléaire. Il convient de préciser que, dans son rapport d’activité 2021, le Réseau Action Climat ne se présente plus comme financé par la fondation Heinrich Böll, mais directement par le ministère fédéral des Affaires économiques et de l’Action climatique
La Fondation Rosa Luxemburg mène des actions
parfois extrêmement virulentes contre l’industrie nucléaire française.
Ainsi, en janvier 2022, la structure publie, en collaboration avec le Réseau Sortir du nucléaire et la Nuclear Free Future Foundation, un document dont la production a été financée par le ministère fédéral de la Coopération économique et du Développement intitulé « Atlas de l’Uranium ». Traduction d’un document allemand issu d’une collaboration entre la Nuclear Free Future Foundation, Le Monde diplomatique, la Fondation Rosa Luxemburg et BUND (Les Amis de la Terre Allemagne), cette production de 56 pages est une compilation d’articles à charge contre divers acteurs impliqués dans l’exploitation de l’uranium.. Le document est particulièrement virulent à l’égard de la France qui se voit consacrée 3 articles entiers et citée dans plusieurs autres. En plus d’une hostilité générale envers l’Hexagone, l’Atlas cible particulièrement la relation de la France avec un de ses principaux fournisseurs : le Niger…. L’article cible également l’entreprise Orano, anciennement Areva, l’accusant d’être responsable d’une catastrophe écologique, de l’empoisonnement des mineurs locaux, mais également d’un « naufrage social » à venir.
Réel document militant, l’Atlas de l’uranium stigmatise la France, poussant les conditions d’une dégradation des relations commerciales entre Paris et un de ses principaux fournisseurs d’uranium. Ce faisant, la Fondation Rosa Luxemburg œuvre à perturber la chaîne d’approvisionnement de la filière nucléaire française. Le financement par l’État fédéral allemand d’un tel document, peu importe s’il partage ou non les opinions qui y sont énoncées, constitue indiscutablement une contribution de Berlin, consciente ou non, aux manœuvres d’affaiblissement de la filière nucléaire française ;
Rappel : En ce qui concerne les manœuvres et l’attitude de
Berlin quant au nucléaire français, il faut aussi rappeler que le rapport
franco-allemand AGORA IDDRI (« L‘Energiewende et la transition énergétique à
l'horizon 2030 ») indique que « […] si des capacités nucléaires sont retirées
du mix français, la compétitivité des centrales à charbon maintenues dans le
système en Allemagne est améliorée. »
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